La Mémoire Sociale

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Stéphane Laurens et Nicolas Roussiau
PRÉSENTATION
Cet ouvrage se propose de faire un état des lieux de la notion de
mémoire sociale en psychologie sociale. Au confluent, notamment des théories des représentations sociales et de l’identité sociale, la mémoire sociale
se présente indéniablement comme un espace conceptuel propice à la réalisation de nombreuses études, mais cet espace reste encore à défricher. À titre
anecdotique, on ne trouve aucune entrée « mémoire sociale » dans le Grand
Dictionnaire de Psychologie (Larousse, 1999). En France, quelques remarquables travaux, trop rares, comme ceux de Denise Jodelet (1992) ou de
Valérie Haas (1999), ont permis de baliser ce champ théorique et de lui
redonner une place en psychologie sociale. Pourtant un réel travail de clarification de la notion reste à faire et si cet ouvrage n’a pas la prétention d’y
remédier, il peut constituer un jalon, dans la construction d’un échafaudage
conceptuel plus complet. Car force est de constater qu’en l’état actuel, les
définitions et les conceptions de la (ou des) théorie(s) sont composites. Si
pour certains, cela traduit avant tout la richesse d’un concept, pour d’autres,
il s’agit d’une notion « fourre-tout ». L’intérêt d’un ouvrage sur cette thématique est justement de présenter sous un angle disciplinaire précis — celui de
la psychologie sociale — une lecture variée et d’actualité. L’idée générale
étant d’avoir un point de vue, le plus large possible, des différentes acceptions
des termes « mémoire sociale ». C’est aussi le choix d’un ouvrage où se
côtoient des chercheurs d’horizons géographiques et culturels divers
(Autriche, Brésil, Canada, États-Unis, Espagne, France, Hongrie, Italie, Russie
et Suisse).
La première partie de l’ouvrage traite de la mémoire sociale et de ses
principales perspectives théoriques. On y trouve des éclaircissements
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conceptuels, mais aussi une analyse des liens privilégiés qu’entretient cette
théorie avec d’autres, comme les représentations sociales ou l’identité
sociale. Jean Viaud (Université de Brest) aborde, dans le chapitre 1, le problème de la définition de la mémoire collective en insistant sur deux de ses
formes — la mémoire d’origine et la mémoire exemplaire — tout en inscrivant ses réflexions dans l’optique de la psychologie sociale au travers notamment des relations inter-groupes. Dans le chapitre 2, Nicolas Roussiau
(Université de Rennes 2) et Christine Bonardi (Université de Nice) s’interrogent sur la place qu’occupe la mémoire sociale dans le champ théorique des
représentations sociales, notamment dans des perspectives conceptuelles
récentes comme celles du noyau central ou encore des principes organisateurs. La dernière partie du chapitre insiste sur un aspect plus méconnu,
l’impact du contexte et des institutions dans le « modelage » à la fois des
représentations et de la mémoire sociale. Dans le chapitre 3, Alain Clémence
(Université de Lausanne) propose, toujours dans une perspective d’intégration — représentation sociale/mémoire sociale — des éléments de réflexion
sur la transformation d’un savoir expert en un savoir ordinaire en insistant
sur l’apport de deux processus classiques des représentations sociales :
l’objectivation et l’ancrage. Frédéric Le Paumier et Marisa Zavalloni
(Université de Montréal) présentent, dans le chapitre 4, une lecture de la
mémoire sociale au travers du paradigme théorique de l’identité et plus précisément du modèle de l’ego-écologie. Dans une perspective plus philosophique Toshiaki Kozakaï (Université de Lille) interroge, dans le chapitre 5,
le statut ontologique du phénomène collectif lui aussi sous l’angle identitaire.
Enfin le chapitre 6, écrit par Wolfgang Wagner et Nicole Kronberger
(Université de Linz), aborde d’une manière originale les mythes comme
expressions de la mémoire sociale.
La seconde partie de l’ouvrage traite de la mémoire sociale des groupes
et plus précisément de la manière dont les groupes sociaux se remémorent
différemment un événement. Dans le chapitre 7, Patrick Rateau (Université
de Montpellier 3) et Michel-Louis Rouquette (Université de Paris 8), abordent deux exemples d’actualisation des souvenirs à partir de deux faits
divers dramatiques : le massacre des Italiens d’Aigues-Mortes à la fin du
XIX e siècle et la profanation du cimetière juif de Carpentras à la fin du
XX e siècle remémorés par des groupes d’âges différents. Dans le chapitre 8,
Celso Pereira de Sa et Cristina de Oliveira (Université de l’État de Rio de
Janeiro) analysent le contenu contemporain de la mémoire sociale de la
découverte du Brésil, sous l’angle théorique des représentations sociales,
dans deux populations : Portugais et Brésiliens. Dans le chapitre 9,
Annamaria Di Rosa et Claudia Mormino (Université de Rome) examinent
quant à elles, dans une perspective pluri-théorique — identités, représentations et mémoires sociales — les associations que des jeunes européens réalisent à partir des termes « Union Européenne » et « nation ». Tatiana
Emelyanova (Université de Tver), dans le chapitre 10, étudie chez des
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russes, jeunes et âgés — en France et en Russie — le souvenir d’événements
historiques liés à la Deuxième Guerre mondiale. Enfin dans le chapitre 11,
Magdalini Dargentas (École des Hautes Études en Sciences Sociales) propose une analyse de la mémoire sociale et des enjeux identitaires à propos
de la représentation sociale de la pratique d’incinération en Grèce chez des
orthodoxes et des catholiques.
La troisième partie de l’ouvrage concerne plus précisément l’élaboration par la mémoire du souvenir d’un ou de plusieurs événements pour un
groupe social donné. Dans cette perspective Nadège Soubiale (Université de
Reims) présente dans le chapitre 12 un ensemble de réflexions sur la
mémoire collective de la classe ouvrière — notamment sur les phénomènes
de transmission et de transformations de la mémoire. Dans le chapitre 13,
Yoann Bonnec (Université de Rennes 2) analyse chez des Bretons, le statut
de la mémoire sociale au sein des représentations sociales, au sujet de la
Bretagne, de la France et de l’Union Européenne. Pour terminer, Janos
Laszlo, Bea Ehmann et Orsolya Imre (Université de Pécs), dans le chapitre
14, proposent en utilisant les représentations sociales de l’histoire une analyse de la narration populaire en lien avec l’identité nationale.
La quatrième partie aborde les rapports de la mémoire aux lieux. Dans
cette optique Mohamed Doraï (Université de Rennes 2) et Kamel Doraï
(Université de Poitiers), chapitre 15, présentent au travers de l’exemple de
la diaspora palestinienne la manière dont sont reconstruits des lieux, notamment dans le cas du village d’origine. Marcel Calvez (Université de
Rennes 2), propose quant à lui, dans le chapitre 16, l’analyse de la réappropriation historique d’un lieu mythique : « l’antique forêt bretonne de
Brocéliande » basée notamment sur l’invention d’une topographie légendaire. Le chapitre 17, écrit par Christine Bonardi (Université de Nice) et
Charlie Galibert (Université de la Réunion) aborde un ensemble de
réflexions transdisciplinaire sur les interactions possibles entre lieux et
mémoire. Enfin dans le chapitre 18, Martha De Alba (Université de Brest)
analyse la sémiologie urbaine et la mémoire collective des monuments historiques de Mexico.
La dernière partie de l’ouvrage concerne les rapports de la mémoire et
du temps. Dans le chapitre 19, Jean Claude Deschamps (Université de
Lausanne), Dario Paez (Université du pays Basque) et James Pennebaker
(Université du Texas) analysent le phénomène de la mémoire sociale au travers de différents faits historiques à la fin du second millénaire, notamment
dans le cadre d’une étude réalisée en Suisse Romande sur le souvenir d’événements socio-politiques et culturels. Stéphane Laurens (Université de
Rennes 2), dans le chapitre 20, aborde quant à lui le problème de la nostalgie dans l’élaboration des souvenirs. Dans le chapitre 21, Stéphane Laurens
et Arpad Ajtony (Université de Saint-Quentin-en-Yvelines) analyse le mécanisme du dédoublement du système de représentations dans l’optique de la
mémoire sociale à partir des phénomènes de déracinement et d’immigra-
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tion. Enfin, dans le chapitre 22, Estelle Masson (École des Hautes Études en
Sciences Sociales) traite de la nourriture comme d’un phénomène identitaire
en lien avec la mémoire sociale.
Grâce à la diversité des objets et des situations dans lesquels la
mémoire sociale est appréhendée (mémoire des lieux, mémoire des
groupes, mémoire de génération, conflit de mémoire…), les études réunies
ici illustrent son fonctionnement dans ses rapports privilégiés avec deux
autres concepts centraux en psychologie sociale : l’identité et les représentations sociales.
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