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ŒKONOMIA
Analyse du 1er février 2011
La Petite et la Grande
Alternance
Le mois de janvier 2011 a surpris de nombreux
investisseurs par une brutale et rigoureuse
inversion de perspectives – que nous appelons ici, «
la petite alternance ». Toutefois « la grande
alternance », c’est-à-dire le transfert du centre de
la croissance mondiale, des pays développés vers
les nouveaux pays émergents, reste plus que
jamais d’actualité.
LA PETITE ALTERNANCE Europe versus USA et Emergents
Christophe Brochard
Conseil en investissements financiers agréé
Conseil en gestion de patrimoine certifié CGPC
14 rue Silbermann
67000 Strasbourg
+33 (0) 3 88 15 96 60
[email protected]
Analyse extraite du site
www.brochardfinance.fr
Durant toute l’année 2010, l’Europe était au cœur de toutes les
préoccupations, du fait du différentiel de croissance entre ses Etats
(croissance très forte en Allemagne d’un coté, et récession des pays
périphériques de l’autre), et des risques d’insolvabilité de certains Etats
périphériques en particulier.
Or, durant la seconde semaine de janvier, le Portugal, puis l’Espagne ont
réussi à placer de petites émissions obligataires, moyennant des taux
d’emprunts en forte hausse (6.70% pour un emprunt à 10 ans pour l’Etat
portugais...)...suscitant l’étonnement général, semble-t-il.
Dès ce moment, les craintes structurelles sur les dettes d’Etats
européens semblent s’être subitement volatilisées... Et le reste découle
de cette « sérénité retrouvée ».
En chaque début d’année, les investisseurs institutionnels doivent
réallouer leurs portefeuilles et, traditionnellement, se re- concentrent
sur ce qui n’a pas dégagé de performance l’année précédente, en
délaissant ce qui a bien fonctionné. Cette année 2011, cette
traditionnelle rotation de portefeuille a été particulièrement brutale.
Ainsi, nous avons assisté à d’importants dégagements des pays
émergents, à des surventes d’or et de métaux précieux, à des surventes
de dollars US...et, corrélativement, nous avons vu des achats massifs
de....banques européennes en particulier ! Et le secteur financier
(banques et assurances européennes), composante particulièrement
importante du CAC 40, a gagné près de 20% en quinze jours, faisant
grimper l’indice de la bourse parisienne de plus de 7% sur le mois de
janvier !
Et, puisque tout à coup, les craintes sur la solvabilité des Etats
européens se sont envolées, le président de la BCE a fait mine
d’augmenter bientôt les taux d’intérêt, si l’inflation européenne
continuait de croître. Ceci a provoqué un afflux encore plus massif de
capitaux vers l’euro, en recherche de rendements monétaires plus
importants, faisant augmenter l’euro de près de 7% par rapport au
dollar, comme mentionné plus haut.
Imaginez donc, qu’à l’instar des grandes banques américaines, vous
soyez un investisseur en dollar. Vous avez acheté de l’euro en suivant
ce grand mouvement, pour investir dans les banques
européennes...Vous avez gagné près de 20% au titre des plus values sur
vos titres en euro, sur lesquels il faut encore imputer 7% de hausse de
l’euro par rapport au dollar, votre monnaie de référence...soit près de
29% de gains en un mois sur de grandes valeurs européennes... A bon
entendeur !
Mais à l’inverse, si vous êtes investisseur en euros, et que vous
investissez à l’international ...la hausse de votre devise a été si brutale
et si maladroitement amplifiée par la BCE, que les seules bourses au
monde ayant enregistré une performance positive en euro sont...la
bourse de T aipei et celle de Moscou... ! (où nous sommes investis par
ailleurs...)
Notre analyse sur l’Europe :
Comme on le sait, la Fed imprime depuis le mois de décembre 2010 un
peu plus de 100 Mds de dollars par...mois. Ces fonds sont destinés à
être prêtés à l’Etat américain (qui commence à peiner à trouver des
prêteurs...), ou à racheter des portefeuilles d’obligations pourries
détenus par les banques. A notre sens, l’explication véritable de cet
afflux de capitaux vers les actions USA et Européennes en particulier se
trouve là : les rendements obligataires étant déjà terriblement bas, ces
fonds se déversent littéralement sur les marchés actions réputés «
solides » (USA, Europe), sans considération des sous- jacents
économiques. Dans un monde en situation de surliquidité, les
mouvements peuvent être rapides et importants, dans un sens comme
dans l’autre. Nous le constatons actuellement. Notre gestion, qui vise à
une préservation du patrimoine dans la durée et une bonne gestion des
risques, nous incite à nous concentrer sur les fondamentaux
économiques réels.
Nous surveillons de très près l’hypothèse d’une amélioration de la
situation financière réelle des Etats européens, et a fortiori celle des
banques européennes, principaux détenteurs d’emprunts d’Etats. La
confirmation d’une telle amélioration modifierait notre scénario macroéconomique sur l’Europe, et nous amènerait à augmenter notre
exposition, quasi-nulle à ce jour, aux actions et obligations européennes.
Nous avons pris des contacts et avons d’ores et déjà identifié les
sociétés de gestion nous permettant d’accroître notre exposition, sans
nous exposer de trop à la très forte remontée des taux d’emprunts des
Etats européens aussi bien qu’américains, remontée des taux que nous
constatons en ce moment. Et qui est particulièrement explosive pour les
Etats fragiles européens en particuliers...
Mais nous n’avons pour l’instant par déplacé, ne serait-ce qu’un peu de
nos avoirs sous gestion, vers les institutions financières européennes, ni
vers l’Europe... Nous ne croyons pas que la crise de la dette des Etats de
pays développés soit derrière nous :
En effet, les taux d’emprunts européens, mais aussi américains...,
augmentent fortement en ce mois de janvier – ce qui provient en même
temps du sentiment de court terme d’une amélioration de la situation
sur le front des actions, et d’une aggravation des inquiétudes sur la
solvabilité des Etats... Le ratio endettement/croissance européen est
encore aujourd’hui de 7 (c’est-à-dire que 7 euros empruntés génèrent 1
euros de gain de PIB...) La volonté, salutaire souhaitons-le, d’Angela
Merkel et de Nicolas Sarkozy d’imposer un nouveau « pacte de
croissance » en Europe n’apporte pour le moment pas le début d’une
solution.
La situation des banques est tellement bonne qu’un nouveau stress test
des banques européennes a été annoncé pour cet été, afin de mesurer
leur résistance au dégonflement en cours de la bulle obligataire (sur les
emprunts d’Etats en particulier). Les modalités de ces tests sont en
cours de négociations. Nous savons déjà que, concernant les banques
espagnoles, il ne sera pas tenu compte d’une quelconque dévaluation
de l’immobilier espagnol dans ces simulations...(sic !) L’Etat espagnol
est par ailleurs par avance en train de privatiser les caisses d’épargnes
espagnoles, parce qu’il ne dispose ni des fonds ni de la capacité
d’emprunt pour les recapitaliser. Pour information, vers la fin du mois de
janvier, pendant l’euphorie des marchés sur l’amélioration supposée de
la situation européenne, l’Etat espagnol a finalement renoncé à proposer
au marché un petit emprunt, et a fait appel directement à un syndicat
de banques européennes...et à l’Etat chinois ( !), pour lever un emprunt
dont le taux est...inconnu !
Pour mémoire de la fiabilité des stress test européens, l’Anglo Irish
Bank, la plus importante banque irlandaise, avait réussi les stress test
réalisés en juillet 2010...avant de faire faillite en septembre la même
année et d’être nationalisée pour être démantelée...provoquant un
déficit budgétaire de plus 30% du PIB pour l’Etat irlandais...qui fut
contraint, lui, d’accepter un plan de sauvetage international de 85
milliards d’euros... C’était il y a trois mois...Et cette même banque, dont
le démantèlement est en cours, vient d’annoncer début février 2011,
une nouvelle perte record pour son exercice 2010, due à son portefeuille
d’actifs toxiques en obligations européennes...
En outre, nous savons que le principal opposant au président irlandais,
qui devrait remporter sans surprise les élections du 25 février 2011, a
réalisé un certain nombre de démarches auprès de la BCE et du FSFE
pour tenter de renégocier la dette de l’Etat irlandais souscrite pendant
son sauvetage auprès de ses partenaires européens, dette qu’elle ne
peut, déjà aujourd’hui, que difficilement honorer ; que la Grèce ne peut,
elle non plus, échapper à une telle restructuration, qui aurait des
conséquence sur l’ensemble des emprunteurs de la zone.
Jean Claude Trichet, président de la BCE, a fait une déclaration hier,
témoignant de son ferme refus d’une telle restructuration de ces deux
dettes...Jean Claude Juncker, président de l’Eurogroupe, a déclaré quant
à lui, quelques heures plus tard en Grèce, que le FMI et l’UE devraient
répondre favorablement à une telle demande aux conséquences
imprévisibles.
Enfin, d’un coté, la très forte croissance de l’économie allemande
justifierait à elle seule une hausse de taux d’intérêt de la BCE afin
d’éviter un retour plus marqué de l’inflation ; de l’autre, une telle hausse
des taux directeurs serait dévastatrice pour les pays fragiles de la zone
euro. Et seule la valeur de l’euro sert de variable d’ajustement à cette
politique monétaire impossible que Monsieur Trichet cherche à mener
en Europe.
Il semble que, sur le fond, l’Europe ne sache avancer autrement que
dans l’extrême urgence, en pleine crise...
Non, nous ne cédons pas à ces sirènes court-termistes, et maintenons
pour le moment l’essentiel de nos positions, malgré « ce vent d’espoir
intéressé » qui souffle depuis le monde entier sur nos terres
européennes. Nous restons néanmoins vigilants sur les évènements qui
pourraient modifier notre scénario macro-économique sur ce continent.
LA GRANDE ALTERNANCE
Du coté des pays émergents, nous sommes tout à l’inverse : en ce mois
de janvier, ce sont les trop bons chiffres de la croissance économique
chinoise qui ont provoqué une certaine sanction des marchés, les
investisseurs recommencent à craindre un sursaut d’inflation dans cette
économie où tous les rouages sont en état de fonctionnement.
Ces bons chiffres économiques, couplés à une hausse brutale du prix de
certaines matières premières, ont en effet fait craindre que la Banque
Centrale de Chine ne relève une nouvelle fois ses taux d’intérêts pour
endiguer cette très forte activité économique – ce qu’elle a déjà fait 6
fois courant 2010...et qu’elle vient d’annoncer ce jour.
Un tel relèvement de taux fait toujours anticiper aux investisseurs un
ralentissement de la croissance économique à court terme – c’est
pourquoi les marchés asiatiques ont corrigé sensiblement dans leurs
devises en janvier, et plus encore si, comme nous, nous mesurons nos
performances en euro...
Nous avons déjà été confrontés à plusieurs reprises à cette situation :
nous continuons de considérer qu’un relèvement de taux d’intérêt, s’il
est susceptible de ralentir la croissance économique à court terme, est
plus encore garant de la pérennité de la croissance économique de ces
pays. Nous continuons de considérer cela comme un gage de crédibilité
de la politique du gouvernement chinois en particulier, et utilisons plutôt
ces moments passagers pour augmenter notre exposition sur ces
marchés...
Mais cette fois-ci, qu’en est-il ? En effet, l’inflation assez importante en
Chine, pour ne parler que d’elle, provient cette fois également de la
hausse toute aussi brutale des matières premières et des matières
agricoles constatée en janvier 2011. La Chine est-elle en risque d’hyperinflation ?
Nous ne le croyons pas. D’une part, l’Etat chinois n’hésite pas à prendre
des mesures drastiques pour intervenir dans les marchés en surchauffe.
En mai dernier, il a interdit, par exemple, à tout ménage chinois de
posséder plus de deux appartements...et dans le cas où un ménage
souhaitait en acquérir un second, ce ménage devait financer 50% de
l’appartement sans crédit. Entre autres mesures récentes, ce taux a été
ramené à 60% au courant du mois de janvier 2011...
D’autre part, la très forte politique d’investissement en infrastructure de
l’Etat chinois permet à cette économie de bénéficier de relativement
importantes capacités non-utilisées. Si de nombreux économistes
critiquaient cette politique, dite de « sur-investissement » depuis deux
ans, il faut bien comprendre que cet équipement très important en
infrastructures permet aujourd’hui à l’Etat chinois de produire plus pour
accompagner sa croissance, sans qu’il n’y ait de goulot d’étranglement
et de hausse non-souhaitée des prix, donc de l’inflation... Les chinois
pensent toujours à long terme, en n’hésitant pas à aller contre les
grandes théories économiques occidentales !
Par contre, ces risques liés au sous-investissement en infrastructure, et
à la hausse des matières premières (hausse que nous pensons
provisoire...parce que due pour une part importante à l’impression
monétaire américaine, qui doit cesser en juillet 2011, et aussi à des
facteurs climatiques exceptionnels), ces risques sont bien présent dans
ceux des Etats émergents ne bénéficiant pas de ce contrôle et de ces
investissements en infrastructure. En particulier, l’Inde et l’Indonésie
peuvent être des sujets inflationnistes à risque.
S’il convient, à l’avenir, de distinguer parmi les pays émergents, ceux
qui parviennent à gérer leur inflation et les autres, nous pensons plutôt
aujourd’hui que nous sommes a un bon point d’entrée sur ces
marchés...en particulier sur la Chine...
LA GRANDE ALTERNANCE Suite – l’Afrique
La hausse brutale des matières premières, en particulier alimentaires, a
été le déclencheur d’émeutes, qui ont pris un caractère de révolution
politique, dans certains pays d’Afrique. La Tunisie, l’Egypte, en
particulier, sont en train de réaliser leur dangereuse transition vers de la
démocratie. En entraînant une nouvelle recomposition politique de la
région du moyen orient : le Soudan Sud est en train de faire sécession ;
le Maroc connaît également certains mouvements, quoique à caractère
non- politiques, etc... la Turquie cherche à renforcer ses relations
commerciales avec certains Etats à risque du Moyen Orient (l’Iran en
particulier).... Cela fait quelques temps que nous avons pris de légères
positions ciblées sur certains Etats africains, dont nous pensons qu’ils
deviendront les futurs dragons de la nouvelle économie mondiale, le
Nigéria en tête. Nous avons maintenu ces positions pendant la crise
égyptienne, avec une grande vigilance. Ces positions se sont
étonnamment bien comportées pendant ces évènements. Et
réfléchissons à les accroître lorsque l’incertitude géopolitique se sera un
peu levée. Mais il s’agit d’un grand mouvement de fond...
Plus qu’hier, et hier plus qu’avant-hier, la nouvelle donne de l’économie
mondiale se construit.
NOS PORTEFEUILLES
Nous conservons globalement le cœur de nos convictions, malgré les
mouvements financiers du mois de janvier.
Nous attendons un peu plus de visibilité pour nous concentrer sur les
moins chers des pays émergents, en particulier la Russie et les marchés
frontières – tout en conservant une exposition relativement marginale à
ces marchés.
Enfin, en Mandat Spécial n°1, nos indicateurs avancés nous
préconisaient de vendre les compartiments confiés à Carmignac
Gestion, ainsi qu’à Templeton, le 28 janvier 2011.
Considérant les raisons de la baisse de ces marchés, dont la hausse de
l’euro, extrinsèque à ces marchés, est en grande partie responsable,
nous avons décidé de rester investis, à raison jusqu’à présent. Nous
conserverons une extrême vigilance sur ces positions, et les
sécuriserons sans préavis si les évolutions de la situation économique
nous y amènent.
En vous remerciant de votre confiance,
Christophe Brochard
Conseil en investissements financiers agréé
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