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RFAS 4 2010
l’insatisfaction des médecins au travail. Cette recherche 1 fait suite à un tra-
vail similaire conduit au niveau européen auprès de 39 898 paramédicaux
(enquête PRESST-NEXT: Estryn-Behar, 2008).
L’hôpital est confronté à des évolutions majeures conduisant à une trans-
formation des rapports sociaux dans les équipes de travail (notamment la
répartition sexuée du travail) et des changements dans le contenu et l’orga-
nisation du travail (Picot, 2005 ; Acker, 2005). Les politiques publiques de
santé interviennent directement dans ces évolutions, impulsant une réorga-
nisation des établissements de santé publics. Son impact sur le contenu du
travail a pu être sous-estimé, tant les changements de l’organisation du tra-
vail inrmier et médical (Picot, 2005 ; Cordier, 2008) que l’augmentation
des tâches administratives (Estryn-Behar, 2008), la fonctionnalité des sys-
tèmes choisis (Estryn-Behar, 1996 ; Estryn-Behar, 2009a) ainsi que les exi-
gences et les attentes des patients pour l’amélioration de l’information et de
la qualité des prises en charge.
« L’accréditation » impulse la mise en place de protocoles, d’outils de traça-
bilité et de contrôle centrée sur les résultats. Or cette conception est en déca-
lage par rapport à celle de la qualité des soins dénie en termes de prise en
charge globale des patients, présente parmi les soignants. Pour les salariés,
« les normes de qualité se traduisent par une surveillance accrue de la hié-
rarchie » et un accroissement des contraintes de travail (Le Lan et Baubeau,
2004), ce qui rejoint les constats d’autres auteurs (Bué et Rougerie, 1999 ;
Estryn-Behar et al., 2001). Ces résultats convergent avec ceux de l’enquête
PRESST-NEXT qui a montré le lien entre l’insatisfaction de la qualité des
soins, l’insufsance de qualité du travail d’équipe, l’épuisement profession-
nel et l’intention d’abandonner la profession (Estryn-Behar, 2008 ; Estryn-
Behar et Muster, 2007).
La densication des activités, liée en particulier à la diminution de la durée
de séjour des malades et des moyens humains – jugés insufsants –, entraîne
en particulier une mutualisation des moyens (Gheorghiu et al., 2007). Or
cette mutualisation, conduisant à des changements très fréquents de poste
de travail, rompt les « collectifs de travail » qui ont, de tout temps, joué un
rôle majeur (Estryn-Behar, 1996).
La nouvelle gouvernance, qui a pour effet de redistribuer les pouvoirs au
sein des établissements, a fait l’objet d’une alarme lancée par l’ensemble des
dirigeants médicaux de l’Assistance publique, soulignant le risque d’abou-
tir à « un découragement de l’ensemble des personnels » (Cordier, 2008 ;
Lettre des présidents CCM, 2008).
1. Remerciements: enquête initiée et mise en œuvre par l’unité PRESST-NEXT-SESMAT
de la Coordination centrale de la médecine du travail de l’AP-HP (Estryn-Behar) et par un
comité de pilotage associant les représentants des syndicats de médecins et de pharmaciens
INPH, CPH, SYNPREF ainsi que de l’Association nationale de médecine du travail et d’ergo-
nomie du personnel hospitalier (ANMTEPH) et du réseau de soins palliatifs. Il nous faut par-
ticulièrement remercier les médecins et pharmaciens qui ont pris sur leur temps de répondre
à ce questionnaire, en particulier pour la richesse et l’abondance de leurs réponses aux ques-
tions ouvertes, souvent traversées par la passion…