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Evaluation du consentement à payer des consommateurs pour la
labellisation sociale, une application empirique
Quynh-Liên Duong
Doctorante en Marketing - Allocataire de recherche
Institut de Gestion de Rennes - Université de Rennes 1
Rattachée au Centre de Recherche en Economie et Gestion (CREM) UMR 6211
Institut de Recherche Européen sur les Instituts et les Marchés (IREIMAR) FR7 - CNRS
263, avenue du Général Leclerc
35042 RENNES Cedex
Email : duongquynhlie[email protected]
[email protected]-rennes1.fr
Philippe Robert-Demontrond
Professeur à l’Institut de Gestion de Rennes - Université de Rennes 1
Rattaché au Centre de Recherche en Economie et Gestion (CREM) UMR 6211
Directeur de l’Institut de Recherche Européen sur les Instituts et les Marchés (IREIMAR)
FR7 - CNRS
263, avenue du Général Leclerc
35042 RENNES Cedex
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Evaluation du consentement à payer des consommateurs pour la labellisation sociale , une
application empirique
Résumé : Cet article étudie la sensibilité des consommateurs à la labellisation sociale en se
focalisant sur le questionnement de prix. Dans cette perspective, des études empiriques ont
confirmé l’existence d’une demande et d’un consentement à payer plus cher pour les produits
labellisés. Des analyses sont développées pour décrire le segment des consommateurs dits
sensibles à la labellisation sociale.
Mots-clés : marketing, label social, comportement du consommateur, consentement à payer,
analyse conjointe.
Abstract: This paper examines the consumer’s sensibility to the social labelling. We chose a
price approach: the importance of a social label for the buying decision is studied, as well as
the willingness-to-pay for such a label. Furthermore, the size of the consumer segment willing
to buy “social guarantee” apparel and their characteristics are examined.
Key words: marketing, social label, consumer behaviour, willingness to pay, conjoint
analysis.
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Introduction
Longtemps, les consommateurs ne se sont attachés, dans leur processus d'évaluation des
produits offerts à leur choix, qu'aux caractéristiques intrinsèques de ces derniers - avec, en
terme d'orientation temporelle, une focalisation de l'attention sur les effets anticipés de la
consommation ou de l'utilisation des produits en question. Depuis quelques années à présent,
ce type de préoccupation s'étend, ou à tout le moins, en première instance, est prétendu
s'étendre, à une large classe de produits et à des franges constamment élargies de la
population. L'orientation temporelle, lors du choix, ne serait alors plus exclusivement tournée
vers le futur (anticipations des effets de la consommation) mais également vers le passé
(supputations sur les conditions de production), avec alors le souci des consommateurs
d'acheter des produits élaborés dans des conditions respectueuses de règles éthiques. Règles
largement sécularisées : ce n'est effectivement plus de contraintes religieuses dont il s'agit,
mais du respect des droits de l'homme - plus précisément, de droits sociaux fondamentaux.
Si elle s'avère effective, cette récente évolution des critères d'évaluation a pour effets
stratégiques immédiats : i) une exposition accrue des entreprises à des risques de
discrimination négative de leur offre commerciale, du fait d'une gestion de leur personnel ou
des salariés travaillant pour elles, dans des réseaux mondiaux de sous-traitants, en
contradiction avec les droits sociaux fondamentaux ; ii) une opportunité de construction
d'avantages concurrentiels par l'élaboration de codes de conduite permettant finalement une
labellisation sociale (une différenciation, donc) de leur offre commerciale. Ce que de plus en
plus d'entreprises intègrent à présent, qui s'engagent dans une logique dite "de commerce
éthique" par la responsabilisation sociale de leur activité - très explicitement pensée comme
source de profitabilité, et justifiée par cela même (Boatright, 2000).
Il s'agit ici d'engager une réflexion sur ce mouvement - en se focalisant sur le questionnement
de consentement à payer (CAP) des consommateurs pour les produits avec label social. Nous
essayerons de répondre aux questions suivantes : Quel est le degré d’importance que les
consommateurs accordent au label social, par rapport à d’autres attributs tels que le prix, la
qualité du produit, dans leur prise de décision d’achat ? Quel le CAP qu’ils accordent aux
produits labellisés ? Quelle est la taille de segment des consommateurs des produits
labellisés ? Sur quels points les consommateurs des produits labellisés se différencient des
non-consommateurs ?
La justification de la recherche et axée sur deux éléments majeurs, à savoir : l’importance de
ce sujet pour les producteurs et distributeurs, ce qui peut être mis en évidence par la nouvelle
tendance éthique, ainsi que le faible nombre de recherches académiques qui ont été
entreprises dans ce domaine. Cette recherche se fonde sur deux enjeux principaux d’ordre
managérial et théorique. L’enjeu managérial pour les entreprises s’inscrit dans un premier
temps dans une meilleure compréhension des éléments constitutifs du processus de décision
d’achat des produits labellisés, et dans un deuxième temps, dans un calcul de rentabilité des
investissements potentiels imposés par un programme de labellisation. Elles s’attachent ainsi
à connaître l’efficacité commerciale des labels. L’enjeu ordre théorique consiste à fournir un
cadre d’analyse pertinent pour appréhender la problématique de la signalisation de la
responsabilité sociale de l’entreprise dans les champs du marketing et du comportement du
consommateur. L’étude de l’influence des labels n’est pas très développée et le terme est
quasi-inexistant des ouvrages de marketing de référence.
Le plan du papier est constitué de trois parties. Dans un premier temps, nous explorons les
enjeux de la labellisation sociale. Nous essayerons ensuite d’esquisser la consommation
sensible à la labellisation sociale dans tous ses blocs : la sensibilité des consommateurs à la
RSE, leur comportement d’achat et leur consentement à payer pour des produits labellisés.
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L’exposition de ces questionnements nous amène ensuite à nous nous poser le
questionnement du consentement à payer des consommateurs pour les produits labellisés.
Nous construisons nos hypothèses de notre recherche en sous-ensembles différents : le
premier bloc traite les questionnements de l’importance relative du label social pour les
consommateurs et leur consentement à payer pour les produits labellisés, alors que le
deuxième comprend celles qui mettent en relation le CAP et les variables explicatives. En
termes d’implications managériales, ces hypothèses visent à (1) déterminer la valeur
économique de l’attribut label social en relation avec d’autres attributs tangibles du produit ;
(2) identifier les différents groupes à styles de consommation différents et dresser le portrait
typique du consommateur de produits de commerce éthique et (3) tester le lien entre
l’importance relative que le consommateur accorde au label social par les consommateurs et
les variables de valeurs. La vérification de ces relations permettrait aux entreprises de
construire une stratégie de marketing-mix efficace, surtout une communication bâtie autour
du thème éthique pour promouvoir les produits labellisés.
Nous résumons ensuite nos choix méthodologiques avant de mettre l’accent sur la discussion
des résultats ainsi que des apports théoriques et pratiques de notre recherche. Ainsi, dans le
cadre de la présente recherche, plusieurs techniques interviennent pour tester l’ensemble
d’hypothèses. L’analyse conjointe a été utilisée dans le but de révéler le poids économique de
l’attribut “labellisation sociale” et de déterminer le CAP des consommateurs pour les produits
du commerce éthique. A cela s’ajoute un ensemble de techniques pour tester l’influence des
déterminants sur le CAP : analyse en composantes principales, ANOVA et analyse
typologique. Le travail empirique se réalise sur un échantillon de 240 étudiants.
1. Enjeux de la labellisation sociale
Cette section vise à jeter les bases théoriques qui nous donnent quelques éclaircissements sur
la labellisation sociale. Nous commencerons par présenter l’historique du questionnement de
la labellisation sociale et expliquerons à quoi correspond la notion. Puis, nous clarifierons les
différents enjeux de la labellisation sociale ainsi que les programmes de labellisation en cours.
1.1. Concepts
Par labellisation, on entend l’ensemble des règles et des procédures à respecter dans le
développement, l’octroi, l’utilisation et le retrait d’un label certifiant la responsabilité sociale
de l’entreprise (RSE). Elle consiste à effectuer des audits des entreprises afin de vérifier les
conditions dans lesquelles sont fabriqués les produits. Les programmes de labellisation sociale
ont été créés pour favoriser le développement social et le respect des normes fondamentales
dans le commerce international. Ils permettent de promouvoir les normes fondamentales du
travail et d’améliorer la gouvernance sociale dans un contexte de la mondialisation et de la
globalisation. Ainsi, la labellisation sociale est aussi un effort de communication et
d’information à destination du grand public sur la RSE.
Les labels sont des instruments souvent utilisés dans l’économie de marché, qui sont
susceptibles d’orienter dans une direction donnée la politique d’achat des consommateurs. Les
labels sociaux désignent généralement des produits fabriqués par des travailleurs bénéficiant
de conditions de travail et de salaire améliorées, ou dont une partie du prix d’achat/vente sert
à financer des programmes sociaux. Le terme social décrit l’impact du produit sur une
population autre que le public cible. Donc, les labels qui informent le consommateur qu’un
produit aura un effet bénéfique sur sa santé n’entrent pas sans cette catégorie. Par exemple, les
labels "produits sains" sur les dentées alimentaires ou les marques de sécurité sur les jouets ne
sont pas les labels sociaux, tandis que les labels favorisant le commerce équitable et la lutte
contre le travail des enfants, qui transmettent aux consommateurs un message sur les aspects
humains des processus de fabrication, sont des labels sociaux. Les labels sociaux se
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différencient également des codes de conduite - "engagements pris par les entreprises en vue
de respecter les normes fondamentales du travail" - en ce qu’ils sont conçus par des
organismes indépendants - offrant ainsi la garantie que les produits les arborant ont été
fabriqués en respectant ces normes. C’est ainsi que la Commission des Communautés
européennes définit le label social - dans son Livre Vert visant à "Promouvoir un cadre
européen pour la responsabilité sociale des entreprises"-, comme des "mots ou symboles
apposés sur un produit dont le but est d’influencer la décision d’achat des consommateurs en
apportant une garantie sur l’impact social et éthique d’un processus commercial sur les autres
parties prenantes concernées".
La labellisation sociale relève des principes du commerce éthique ou du commerce équitable.
Si les labels du commerce équitable s’est traditionnellement préoccupés des petits producteurs
et a pour l’objectif de renforcer leur position économique, le commerce éthique veille à ce que
les conditions de travail au sein des principales filières de production soient conformes aux
normes minimales fondamentales et vise à supprimer les formes d’exploitation les plus
extrêmes.
1.2. Postulats de la labellisation sociale
Dans la perspective du commerce éthique qui encadre notre recherche, la labellisation sociale
s’appuie ainsi sur des principes de protection des droits humains fondamentaux, reposés sur
de nombreux textes de lois et déclarations à portée universelle, servant de référentiels : la
Déclaration de la Philadelphie de 1940 qui affirme la primauté des objectifs sociaux dans la
politique internationale et demande explicitement aux membres de l’OIT de pratiquer entre
eux une concurrence loyale, fondée sur le respect de normes sociales ; la Déclaration
Universelle des Droits de l’Homme (DUDH) de 1948 ; les Pactes de 1966 sur les droits civils
et politiques et les droits économiques, sociaux et culturels ; les 182 Conventions
internationales du travail adoptées par l’OIT s’articulant autour de quatre thèmes : i) la liberté
d’association et de négociation collective (conventions n°87 de 1948 et n°98 de 1949) ; ii) le
travail forcé ou obligatoire (conventions n°29 de 1930 et n° 105 de 1957) ; iii) l’égalité
(conventions n°111 de 1958 et n°100 de 1951) ; iv) le travail des enfants à travers les
conventions n° 138 de 1973 visant à abolir le travail des enfants en réglementant l’âge
minimal d’admission à l’emploi, qui est celui de la fin de la scolarité obligatoire et n° 182 de
1999 visant à interdire et à éliminer les pires formes de travail des enfants : esclavage,
utilisation d’un enfant aux fins d’activités illicites ou mettant leur santé et leur sécurité en
danger ; la Convention des Nations Unies sur la suppression de toutes les formes de
discrimination envers les femmes et la Convention des Nations Unies sur les droits de
l’enfant ; la Déclaration du Sommet de Copenhague de 1995 pour la promotion des besoins
sociaux et des droits fondamentaux ; et le Global Compact, série de neuf propositions
destinées à servir de règles d’éthique dans les relations commerciales, émise en 1999 par le
Secrétaire Général des Nations Unies, Kofi Annan, lors du forum de Davos.
Ces textes, visant l’uniformisation des règles du jeu concurrentiel, ont tous pour fondement
principal l’acceptabilité universelle des droits de l’homme. Toutefois, les critères de
labellisation ne coïncident pas toujours avec les normes sociales convenues au plan
international. Les labels sont souvent spécifiquement fonction d’un problème qu’il est
possible de médiatiser, comme le travail des enfants ou les salaires correctes. Seul un tiers à
peu près des labels se réfère aux normes internationales.
2. Consommation sensible à la labellisation sociale une revue de littérature
Nous identifierons dans cette partie les différentes définitions conceptuelles liées à la
consommation sensible à la labellisation sociale et les différences dimensions du concept.
Nous précisons rapidement quelques nuances entre la consommation sensible à la labellisation
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