Session 2 -
Introduction
Longtemps, les consommateurs ne se sont attachés, dans leur processus d'évaluation des
produits offerts à leur choix, qu'aux caractéristiques intrinsèques de ces derniers - avec, en
terme d'orientation temporelle, une focalisation de l'attention sur les effets anticipés de la
consommation ou de l'utilisation des produits en question. Depuis quelques années à présent,
ce type de préoccupation s'étend, ou à tout le moins, en première instance, est prétendu
s'étendre, à une large classe de produits et à des franges constamment élargies de la
population. L'orientation temporelle, lors du choix, ne serait alors plus exclusivement tournée
vers le futur (anticipations des effets de la consommation) mais également vers le passé
(supputations sur les conditions de production), avec alors le souci des consommateurs
d'acheter des produits élaborés dans des conditions respectueuses de règles éthiques. Règles
largement sécularisées : ce n'est effectivement plus de contraintes religieuses dont il s'agit,
mais du respect des droits de l'homme - plus précisément, de droits sociaux fondamentaux.
Si elle s'avère effective, cette récente évolution des critères d'évaluation a pour effets
stratégiques immédiats : i) une exposition accrue des entreprises à des risques de
discrimination négative de leur offre commerciale, du fait d'une gestion de leur personnel ou
des salariés travaillant pour elles, dans des réseaux mondiaux de sous-traitants, en
contradiction avec les droits sociaux fondamentaux ; ii) une opportunité de construction
d'avantages concurrentiels par l'élaboration de codes de conduite permettant finalement une
labellisation sociale (une différenciation, donc) de leur offre commerciale. Ce que de plus en
plus d'entreprises intègrent à présent, qui s'engagent dans une logique dite "de commerce
éthique" par la responsabilisation sociale de leur activité - très explicitement pensée comme
source de profitabilité, et justifiée par cela même (Boatright, 2000).
Il s'agit ici d'engager une réflexion sur ce mouvement - en se focalisant sur le questionnement
de consentement à payer (CAP) des consommateurs pour les produits avec label social. Nous
essayerons de répondre aux questions suivantes : Quel est le degré d’importance que les
consommateurs accordent au label social, par rapport à d’autres attributs tels que le prix, la
qualité du produit, dans leur prise de décision d’achat ? Quel le CAP qu’ils accordent aux
produits labellisés ? Quelle est la taille de segment des consommateurs des produits
labellisés ? Sur quels points les consommateurs des produits labellisés se différencient des
non-consommateurs ?
La justification de la recherche et axée sur deux éléments majeurs, à savoir : l’importance de
ce sujet pour les producteurs et distributeurs, ce qui peut être mis en évidence par la nouvelle
tendance éthique, ainsi que le faible nombre de recherches académiques qui ont été
entreprises dans ce domaine. Cette recherche se fonde sur deux enjeux principaux d’ordre
managérial et théorique. L’enjeu managérial pour les entreprises s’inscrit dans un premier
temps dans une meilleure compréhension des éléments constitutifs du processus de décision
d’achat des produits labellisés, et dans un deuxième temps, dans un calcul de rentabilité des
investissements potentiels imposés par un programme de labellisation. Elles s’attachent ainsi
à connaître l’efficacité commerciale des labels. L’enjeu ordre théorique consiste à fournir un
cadre d’analyse pertinent pour appréhender la problématique de la signalisation de la
responsabilité sociale de l’entreprise dans les champs du marketing et du comportement du
consommateur. L’étude de l’influence des labels n’est pas très développée et le terme est
quasi-inexistant des ouvrages de marketing de référence.
Le plan du papier est constitué de trois parties. Dans un premier temps, nous explorons les
enjeux de la labellisation sociale. Nous essayerons ensuite d’esquisser la consommation
sensible à la labellisation sociale dans tous ses blocs : la sensibilité des consommateurs à la
RSE, leur comportement d’achat et leur consentement à payer pour des produits labellisés.