trois mois. Le changement le plus marquant est l’abolition
de la distinction entre insomnie primaire et insomnie
secondaire. On parle maintenant plutôt d’insomnie avec ou
sans maladie concomitante. Ce changement de concep-
tualisation reflète plus fidèlement ce qu’on voit en clinique,
car la majorité des patients atteints d’insomnie chronique
souffrent également d'un autre trouble, notamment d'un
trouble anxieux, d'une dépression, de douleurs chroniques
ou d'une autre maladie physique7,8. Lorsqu’un patient
signale des difficultés de sommeil en présence d’une mala-
die concomitante, il est souvent difficile de déterminer
avec exactitude si c’est l’insomnie ou l’autre maladie qui
est arrivée en premier. Dans le passé, on a eu tendance à
attribuer un rôle secondaire à l’insomnie et à présumer
qu’il s’agissait d’un symptôme lié à un autre trouble. Par
contre, les récentes données scientifiques sur le sujet
indiquent que même lorsqu’on s’occupe du problème en
apparence primaire (ex. : dépression), l’insomnie persiste
régulièrement si elle n’est pas ciblée directement1,2. Il
semble donc préférable de soigner l’insomnie et la maladie
concomitante simultanément. Par conséquent, l’approche
thérapeutique sera modifiée. C’est ce qui produira le plus
de changement dans notre pratique.
En cas de dépression accompagnée d’insomnie, nous
avons avantage à traiter les deux problèmes en même
temps. Des études9,10 ont révélé que nous améliorons ainsi
le pronostic de guérison et que nous réduisons les risques
de récidive dans les deux cas. Souvent, l’insomnie se main-
tient en dépit d’une amélioration marquée de l’humeur et
une atténuation des autres symptômes dépressifs. Il est
alors important d’en poursuivre le traitement afin de pré-
venir un nouvel épisode dépressif. De même, chez une
personne souffrant de douleur chronique et d’insomnie, il
est préférable de traiter les deux problèmes. On sait qu’un
manque de sommeil diminue le seuil de la douleur et que
cette dernière contribue à l’insomnie. Nous sommes donc
dans un cercle vicieux qu’il faut briser.
Il est peu probable que les nouveaux critères du DSM-5
augmentent l’incidence du diagnostic de l’insomnie. Ce-
pendant, une meilleure compréhension devrait inciter les
cliniciens à entreprendre un traitement plus rapidement.
LES APPROCHES COMPORTEMENTALES :
COMMENT PROCÉDER ?
Ce sujet a déjà été discuté de façon détaillée dans deux articles
publiés précédemment dans Le Médecin du Québec11,12.
Dans un contexte d’insomnie aiguë, il faut d’abord cibler
les facteurs déclenchant les difficultés de sommeil. En
cas d’insomnie chronique, il faut plutôt se concentrer sur
les facteurs qui entretiennent ces difficultés, comme les
horaires irréguliers ainsi que les mauvaises habitudes et
attitudes du patient. Même si les conseils d’hygiène du
sommeil suffisent rarement à eux seuls, il importe tout de
même de faire les recommandations usuelles : éviter la
caféine de quatre à six heures avant le coucher, limiter
la consommation d’alcool à deux verres à l’heure du souper, ne
pas fumer en soirée ni la nuit, s’abstenir de tout exercice
vigoureux deux heures avant d’aller au lit et surveiller la
température ambiante dans la chambre, le bruit ainsi que
la luminosité.
Les techniques de relaxation sont aimées des patients,
mais, pour fonctionner, elles doivent être pratiquées sur
une base régulière.
L’application de quelques consignes comportementales
peut s’avérer d’une grande efficacité. Dans la restric-
tion du temps au lit, on recommande une diminution de
la fenêtre de sommeil. Ainsi, le patient doit se coucher
un peu plus tard et se lever un peu plus tôt pour que sa
fenêtre se rapproche le plus possible de la durée réelle
de son sommeil. Par exemple, si un patient dit dormir six
heures par nuit, mais passe huit heures au lit, on visera
une fenêtre de sommeil d’environ six heures. On l’ajuste
ensuite graduellement à la hausse ou à la baisse selon l’ef-
ficacité du sommeil du patient (proportion de temps dormi
par rapport au temps passé au lit). On ne devrait jamais
réduire la fenêtre de sommeil à moins de cinq heures par
nuit afin d’éviter les risques de somnolence excessive
le jour. Quelques recommandations additionnelles sont
aussi indiquées : a) cesser toute activité stimulante au
moins une heure avant d’aller au lit ; b) se coucher uni-
quement lorsque la somnolence est présente ; c) réserver
la chambre pour le sommeil (pas de télévision, ni d’ordi-
nateur, ni de résolution de problème au lit) ; d) se lever à
heure fixe, peu importe le nombre d’heures dormies et
e) ne pas faire de sieste le jour. Si la personne éprouve
de la somnolence en soirée, on lui demande de ne pas se
coucher avant 23 h, par exemple, heure où elle tombera
littéralement de sommeil. Si elle ne dort pas après vingt
minutes, on lui recommande de se lever et de faire une
activité mo no tone jusqu’au retour de la somnolence. Voilà
TABLEAU II LES QUESTIONS QUI AIDENT
À DIAGNOSTIQUER L'INSOMNIE3
h Sourez-vous d’insomnie à l’endormissement,
durant la nuit ou tôt le matin ?
h Combien de fois par semaine ?
h Depuis combien de semaines ?
h Quelles sont les conséquences le jour ?
h Quelles évaluations et quels traitements avez-vous
déjà subis ?
h L’apparition de l’insomnie correspond-elle à un
événement en particulier (modification d’un traitement
médicamenteux, stress, douleur, etc.) ?
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Le Médecin du Québec, volume 49, numéro 9, septembre 2014