Communication entre soignant et soigné : historique, définitions et

SYNTHÈSE / REVIEW ARTICLE
Communication entre soignant et soigné : historique, définitions
et mesures
Communication between patients and healthcare providers: history, definitions and measurement
J.G. Trudel · N. Leduc · S. Dumont
Reçu le 22 février 2012 ; accepté le 15 avril 2013
© Springer-Verlag France 2013
Résumé Cet article retrace lhistorique dun concept primor-
dial dans les soins en oncologie, la communication entre soi-
gnant et soigné. Premièrement, un historique du concept de
communication en oncologie est décrit. Deuxièmement, les
caractéristiques reliées à ce concept, ainsi que les différentes
approches pour évaluer la communication entre soignant et
soigné sont présentées. Larticle démontre quune relation de
type paternaliste entre soignant et soigné est de moins en
moins populaire auprès des patients et quune approche cen-
trée sur le patient est une approche à privilégier par les pro-
fessionnels de la santé en oncologie avec leurs patients.
Larticle indique également que les approches observation-
nelles et perceptuelles ne répondent pas aux mêmes finalités,
car elles évaluent différentes perspectives de communication
entre les patients et les professionnels de la santé.
Mots clés Communication entre soignant et soigné ·
Historique · Approches de communication · Oncologie
Abstract This article traces the history of a key concept in
cancer care, communication between patients and healthcare
providers. First, a history of the concept of communication
in oncology is described. Second, the definitions related to
this concept and the different approaches to assess commu-
nication between patients and healthcare providers are pre-
sented. The article demonstrates that a paternalistic relations-
hip between patients and healthcare providers is becoming
less popular among patients and a patient-centered approach
is an approach to be privileged by the healthcare providers in
oncology with their patients. The article also indicates that
the observational and perceptual approaches to communica-
tion do not have the same goals. They evaluate different per-
spectives of communication between patients and healthcare
providers.
Keywords Communication between patients and healthcare
providers · History · Communication approaches ·
Oncology
Introduction
La communication entre patients et professionnels de la
santé est considérée comme un des aspects les plus impor-
tants des soins apportés aux patients [29,44]. Une communi-
cation efficace entre soignant et soigné durant un entretien
est associée à une meilleure appréciation des soins de la part
des patients. Ces derniers sont davantage satisfaits des soins
qui leur sont prodigués lorsque les médecins les tiennent
davantage au courant et leur donnent plus dinformations
sur leur état de santé et les soins. De plus, les patients
mentionnent que des médecins plus sensibles à leurs préoc-
cupations et qui leur apportent du réconfort et du soutien
augmentent leur niveau de satisfaction. Une bonne dyna-
mique entre soignant et soigné durant une consultation médi-
cale offre aussi plusieurs avantages pour les patients. Ceux-
ci peuvent plus facilement leur faire part de leurs sentiments,
reprendre le contrôle de leur vie, se souvenir des recomman-
dations des médecins et les suivre, ainsi quaméliorer leur
état de santé psychologique (moins anxiété) et physique
(diminution de la pression artérielle et contrôle du diabète)
J.G. Trudel (*)
Chercheuse post-doctoral,
University Health Network (Behavioural Sciences and Health
Research Division, Toronto General Hospital)
et Lawrence S. Bloomberg, Faculty of Nursing,
University of Toronto, Toronto, Ontario, Canada, M5T 1P8
N. Leduc
Département dAdministration de la santé, Faculté de médecine,
Université de Montréal, CP 6128, Succursale « centre-ville »,
Montréal, Québec, H3C 3J7, Canada
S. Dumont
École de service social, Pavillon Charles-De-Koninck,
Université de Laval, Québec, G1V 0A6, Canada
Psycho-Oncol. (2013) 7:130-136
DOI 10.1007/s11839-013-0423-5
[1,7,12,13,17,29,30,32,3739,42,45,48]. La qualité dune
communication entre soignant et soigné a donc un impact
sur la qualité de vie des patients.
Peu de chercheurs ont décrit lévolution de la commu-
nication entre soignant et soigné dans le domaine de
loncologie. Dans ces temps modernes, quel est le type
de relation que les patients atteints de cancer privilégient
avec le personnel soignant ? Est-il nettement différent de
celui utilisé au début du siècle ? Or, cet article analyse la
façon dont cette relation sest transformée au cours des
années en passant par le paternalisme jusquà aujourdhui.
Une telle information aidera à mieux comprendre la rela-
tion qui existe entre les patients atteints de cancer et leurs
professionnels de la santé et aussi elle donnera un aperçu
de ce que la communication entre patients et profession-
nels de la santé sera dans lavenir. De plus, larticle définit
les deux principales caractéristiques dune communication
entre soigné et soignant, et il décrit deux approches dispo-
nibles pour évaluer la communication entre soignant et
soigné, chacune dentre elles comportant des avantages
et des inconvénients.
Historique du concept de communication
Avant le XX
e
siècle, un diagnostic de cancer était perçu
comme une sentence de mort. Révéler un diagnostic de
cancer à un patient était considéré comme cruel et inhu-
main, car on appréhendait que le patient y abandonne tout
espoir de survie. Cest pourquoi on lui cachait le diagnos-
tic. Seuls les membres de sa famille connaissaient le pro-
nostic défavorable. Une conspiration du silence régnait
entre la famille du patient et le médecin. La majorité des
patients étaient pris en charge par leur famille. Avec la pro-
gression de la maladie, la communication entre le patient et
sa famille samenuisait. De plus, les membres de la famille
ne révélaient pas le diagnostic à leur entourage à cause de la
honte, dun sentiment de culpabilité et de peur que la mala-
die soit contagieuse. Ainsi, les patients atteints de cancer et
les membres de leur famille étaient stigmatisés et vivaient
isolés des autres [20,21,2325].
En 1950, les médecins ne dévoilaient toujours pas le diag-
nostic aux patients. Ce nest que dans les années 1960 quun
changement dans ces pratiques est observé, encouragé par
un groupe de psychiatres et doncologues qui soutenaient
que cacher la vérité aux patients était susceptible de causer
plus de tort que de bien [20,21,23,25]. Ce nouveau discours
a été largement supporté par des pionniers dans le domaine
des soins palliatifs comme Élizabeth Kübler-Ross, Cicely
Saunders et Balfour Mount durant les années 1970. Néan-
moins, lapproche privilégiée du médecin est demeurée
empreinte dun paternalisme et autoritaire jusquà la fin des
années 1960 [35]. La communication entre patient et méde-
cin était axée sur la maladie (approche biomédicale). Le
médecin détenait le pouvoir et les connaissances médicales
pour diagnostiquer la maladie, et il cherchait à obtenir une
réponse précise au problème en posant au patient plusieurs
questions sur ses symptômes et ses antécédents médicaux
[47]. Une fois le diagnostic posé, le médecin identifiait les
meilleurs moyens pour enrayer la maladie. Toutefois, cette
approche traditionnelle de la maladie laissait peu de place
aux aspects sociaux et fonctionnels de la maladie et, surtout,
elle ne tenait pas compte de lexpérience vécue par le patient.
On privilégiait le curing (guérison) et les traitements au
détriment des soins et du caring (attention bienveillante)
[10,11,27,28].
Alors que les droits civils des années 1960 avaient pour
objectif denrayer linégalité dans les domaines politique,
juridique et social [36], les militants pour la santé des fem-
mes, eux, critiquaient les comportements des professionnels
de la santé dont la majorité étaient des hommes. Les mili-
tants sopposaient à ce que les professionnels de la santé
dictent des actions aux patients, surtout aux femmes, sans
leur donner la permission de poser des questions et de parti-
ciper aux décisions concernant leur santé [19,46]. La mis-
sion première des militants consistait à sopposer au paterna-
lisme dans les soins de santé [1]. Avant les années 1960, la
quantité et le type dinformations fournies au patient étaient
laissés à la discrétion des médecins [26]. Dans la foulée du
mouvement de la défense des droits civils aux États-Unis, les
patients ont été encouragés à exiger dêtre informés des
risques associés aux traitements qui leur étaient proposés.
Plus spécifiquement, ils ont obtenu le droit de connaître les
effets néfastes des traitements grâce aux décisions de la
cour concernant un consentement mieux informé à propos
dintervention médicale et de recherche [1]. De même, les
bioéthiciens ont souligné que les patients connaissent suffi-
samment leur condition médicale pour aider à trouver des
solutions médicales en dépit du fait que les médecins possè-
dent des connaissances techniques, ainsi que les connaissan-
ces nécessaires pour prévenir, détecter et guérir la maladie
[4,15]. Tous ces événements ont mené à de nouvelles atten-
tes face aux interactions entre le médecin et le patient. Ces
attentes font référence davantage au respect et à un échange
plus ouvert entre les deux parties sur la transmission dinfor-
mations médicales [1].
De plus, les progrès en matière de diagnostic et de traite-
ment survenus lors de la seconde moitié du XX
e
siècle influen-
cent la relation entre le médecin et le patient atteint de cancer.
Les cas de patients atteints de cancer maintenus dans ligno-
rance de leur diagnostic et de ses conséquences sont devenus
rares. Aux États-Unis, en 1977, 97 % des médecins divul-
guaient le diagnostic à leurs patients. Par contre, cette attitude
nest pas observée dans toutes les régions du monde, notam-
ment dans certains pays dAsie où la divulgation du diagnos-
tic nest pas une pratique courante [22,24].
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Aux États-Unis, dans les années 1970, le mouvement
de thanatologie dÉlizabeth Kübler-Ross mène à une plus
grande humanisation des soins pour les patients en phase
terminale. Ce mouvement favorise une meilleure commu-
nication entre les professionnels de la santé et les patients
en soins palliatifs. De plus, le travail de Kübler-Ross
amène les chercheurs en oncologie à trouver de meilleures
façons de révéler le diagnostic aux patients et à discuter
des questions liées à la progression de la maladie et aux
soins palliatifs. Ainsi, sensibilisés par différents résultats
probants sur ce sujet, les médecins se montrent plus
humains et empathiques envers leurs patients, lors de
lannonce du diagnostic et lors des rencontres de suivi
[20,21,2325].
À la fin des années 1980, léquipe de médecine familiale
de lUniversité de Western Ontario au Canada met de
lavant un nouveau modèle de communication entre le
patient et le professionnel de la santé. Lapproche centrée
sur le patient devient un modèle courant dentrevue entre le
médecin et le patient. Les origines de cette approche pro-
viennent des travaux de Balint et de Rogers [16]. Il y a une
trentaine dannées, lexpression médecine centrée sur le
patient fut présentée par le psychanalyste britannique
Balint et ses collaborateurs. Il démontre que le médecin
doit se centrer aussi sur la personne malade sil veut établir
un diagnostic plus global et non se centrer uniquement sur
la maladie [9]. En 1957, Rogers utilise lexpression centrée
sur la personne pour désigner cette approche non directive
dentretien. Daprès Rogers, le praticien ne doit pas seule-
ment poser des diagnostics, mais créer un climat chaleu-
reux dans lequel le patient peut se sentir à laise et progres-
ser vers un changement souhaité. Lapproche Rogérienne
se caractérise par des aspects spécifiques aux relations
thérapeutiques, soit les valeurs, les principes éthiques et
lempathie. La présence de ces aspects est pertinente autant
en médecine quen psychothérapie [16].
Lapproche paternaliste ou biomédicale qui dominait
jadis les interactions entre les médecins et les patients
cède progressivement le pas à lapproche centrée sur le
patient qui sinscrit dans un rapport égalitaire. Le médecin
permet au patient dexprimer les raisons de sa visite, y
compris ses symptômes, ses sentiments et ses attentes.
Le but de cette approche est de comprendre les expérien-
ces du patient en fonction de ses inquiétudes, de son point
de vue et de ses besoins [47]. Ainsi, cette approche recon-
naît la prééminence du patient et permet aux médecins de
prodiguer des soins plus humains [39]. Contrairement à
lapproche centrée sur la maladie, lapproche centrée sur
le patient privilégie lexpérience vécue par le patient et
constitue un style dinteraction moins directif, plus souple
et plus ouvert. De plus, lapproche centrée sur le patient
permet au professionnel de la santé de prendre en charge le
patient, car elle permet de tenir compte de la perspective
du patient et détablir avec lui une relation interperson-
nelle et de lentretenir [16].
Au XXI
e
siècle, le rôle du professionnel de la santé envers
les patients atteints de cancer se transforme. Alors quil
consistait presque exclusivement à prodiguer des soins
(comportements ralentissant la progression de la maladie,
diminuant les symptômes et prévenant les complications),
ce rôle inclut aujourdhui la promotion des comportements
de santé axés sur la diminution des risques et la responsa-
bilisation des patients à limportancedesemainteniren
bonne santé. De nos jours, le rôle du médecin dans une
relation entre soignant et soigné consiste à transmettre de
linformation au patient et à le sensibiliser. La réciprocité
dans la relation entre soignant et soigné a remplacé pro-
gressivement le paternalisme des années 1950 et 1960
[35]. De plus, les mouvements sociaux des années 1960
qui contestaient lautonomie professionnelle des médecins
et revendiquaient le droit des patients de participer aux
décisions sur les traitements ont contribué à modifier les
rapports entre les médecins et les patients [1] encourageant
les processus de décisions partagées. Ainsi, cette nouvelle
ère est celle dune société de prises de décisions partagées.
Le patient est plus actif, mieux informé, notamment grâce
aux nombreuses sources dinformations accessibles sur
Internet, et il participe aux décisions concernant ses traite-
ments [44]. Il ne se fie plus entièrement aux médecins
ou aux autres professionnels de la santé pour obtenir de
linformation sur sa maladie.
Définition de la communication
Deux principales caractéristiques dune communication
de qualité
Les deux principales caractéristiques dune communication
de qualité entre les patients et les professionnels de la santé
consistent :
à établir une relation interpersonnelle de qualité ;
à faciliter léchange dinformation.
La première se caractérise par laspect socioaffectif de la
relation. Lemploi de mots encourageants, la gentillesse et
lempathie de la part du professionnel de la santé sont des
moyens spécifiques pour latteindre. La seconde se définit
par des comportements de type instrumental, tels que don-
ner de linformation, poser des questions, vérifier linfor-
mation reçue et discuter des effets secondaires des tests et
des traitements. Les mots utilisés, la façon de sexprimer
et linformation obtenue au cours de la conversation ont
également leur importance, sans oublier lensemble de la
communication non verbale entre locuteurs, traduite par
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les expressions faciales, lexpression des yeux et le toucher
[2,5,7,3032,43].
Mesure de la communication
Approche observationnelle et approche perceptuelle
Il existe deux approches pour évaluer la communication entre
les professionnels de la santé et leurs patients : lapproche
behavioriste/observationnelle et lapproche perceptuelle [2].
La première approche consiste à enregistrer, par observation
standardisée, audiocassette ou vidéocassette, les rencontres
entre les médecins et leurs patients. Par la suite, les compor-
tements des deux locuteurs sont codés en utilisant un système
danalyse dinteraction (Interaction Analysis System [IAS]).
Parmi les systèmes connus, on note le BalesProcess Analysis
System [3], le Roters Interaction Analysis System (RIAS),
une adaptation du système de Bales [34], le StilesVerbal
Response Mode [40] et, plus récemment, le Medical Informa-
tion Processing System [14]. Un des systèmes les plus utilisés
est le Roters Interaction Analysis System (RIAS) [34]. Le
RIAS est un système de classification qui attribue à chaque
énoncé verbal une catégorie mutuellement exclusive et
exhaustive reflétant la forme et le contenu dune interaction
médicale. Un énoncé verbal est défini comme étant la plus
petite unité dexpression verbale et se caractérise par un seul
mot ou une longue phrase [33,34]. Par la suite, les catégories
sont combinées en groupes particuliers, tels que questions
ouvertes et fermées, informations transmises de type bio-
dical et psychosocial ou partenariat entre patient et médecin.
La fréquence observée pour chaque groupe est alors calculée
[2,34]. Par exemple, les informations biomédicales transmises
par le médecin traitant incluent les informations liées aux
résultats de tests et les procédures à suivre, ainsi que les infor-
mations concernant lexamen physique et léducation aux
patients. On distingue 34 catégories pour classer la communi-
cation des médecins et 28 pour celle entre les médecins et les
patients [33]. Le RIAS évalue aussi les qualités tonales de la
communication (ton de la voix) et le contexte socioaffectif de
lentretien. Outre le codage des mots, les sentiments démon-
trés par les médecins et les patients sont cotés à partir de cinq
échelles de six points. Ces échelles évaluent les sentiments
suivants : colère/irritation, anxié/nervosité, domination/
affirmation de soi, intérêt/engagement et convivialité/chaleur
humaine [33].
Lapproche perceptuelle se réfère à la façon dont les
patients perçoivent leur communication avec les profession-
nels de la santé. Les perceptions des patients sévaluent par
des questionnaires ; on leur demande soit de coter sur une
échelle de type « Likert » les divers éléments se rapportant à
leur communication avec le professionnel de la santé, soit
den indiquer la présence ou labsence [2].
Avantages et limites des mesures
observationnelles et perceptuelles
Mesures observationnelles
Les mesures observationnelles sont de nature plus objective,
car elles évaluent les interactions réelles entre les patients et
les professionnels de la santé. Elles permettent de coter les
divers éléments caractérisant la communication entre les
patients et les professionnels de la santé en termes de quan-
tités tels que la fréquence et la durée. Toutefois, ces mesures
peuvent être inadéquates pour cerner lopinion des patients
sur la communication quils entretiennent avec leur profes-
sionnel de la santé [2].
Ainsi, avec les mesures observationnelles, la communica-
tion entre un professionnel de la santé et un patient se fait à
partir dune grille dobservation standardisée et validée, ce
qui lui confère un critère dobjectivité. Précisément, les
comportements de chacun sont classés, et une valeur leur
est attribuée. De plus, avec de telles mesures, un jugement
est fait concernant les comportements des professionnels
de la santé. Ce nest pas la même réalité pour les mesures
perceptuelles. En somme, les mesures observationnelles
ont des critères explicites de ce quune bonne communica-
tion devrait être entre les deux parties.
Mesures perceptuelles
Les mesures perceptuelles de la communication évaluent
une réalité subjective des patients. Les perceptions consti-
tuent la façon dont les individus vivent une situation et la
manière dont ils vont agir en conséquence. Les patients ont
leurs propres critères pour évaluer la communication qui a eu
lieu entre eux et les professionnels de la santé. En fait, la
communication perceptuelle est un phénomène implicite,
car les patients donnent leurs opinions sur ce quils ont vécu
et perçu lors de léchange avec les professionnels de la santé.
De ce fait, les mesures perceptuelles sont plus subjectives
et susceptibles dêtre influencées par dautres facteurs,
comme létat psychologique des patients [2,18]. Il est parfois
possible que lévaluation de la communication entre les
patients et les professionnels de la santé à laide de mesures
perceptuelles ne reflète pas la réalité. Par contre, les cher-
cheurs favorables à cette approche dévaluation notent que
les états dâme des patients après leur rencontre avec leur
professionnel de la santé vont dépendre très probablement
de la manière dont ils perçoivent et interprètent ce qui sest
passé durant leurs visites médicales. Réciproquement, les
perceptions des patients peuvent avoir une plus grande
influence sur leur état de santé que les comportements réels
des professionnels de la santé [2,8,41].
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Mesures observationnelles et perceptuelles
Les études qui emploient simultanément les deux approches,
observationnelle et perceptuelle, sont peu nombreuses. Tou-
tefois, celles qui existent nous donnent des résultats intéres-
sants [2]. Létude menée par Blanchard et al. [6] repose sur
les interactions entre des patients atteints de cancer hospita-
lisés et leurs oncologues. Ces chercheurs ont utilisé des
observateurs dexpérience pour coter à laide dune grille la
présence et labsence de plusieurs comportements de méde-
cins. Léquipe de chercheurs a aussi évalué à laide de ques-
tionnaires les perceptions que les patients ont eues de la
communication avec leurs oncologues. Les comportements
des médecins ont été évalués à laide du Physician Behavior
CheckList (PBCL). Trente-quatre comportements ont été
cotés. Les comportements observés incluaient ceux reliés
aux aspects de la performance (rôle) ou comportements tech-
niques des médecins tels que « discuter les résultats des tests
ou un traitement avec le patient ». Les comportements affec-
tifs, tels que « fournir un soutien verbal » a également été
coté. Le PBCL comportait aussi une question qui évaluait
latmosphère de la rencontre, à savoir si le médecin avait
transmis de bonnes nouvelles aux patients, aucune nouvelle,
ou encore de mauvaises nouvelles. En ce qui a trait aux per-
ceptions des patients au sujet des comportements des méde-
cins, les patients devaient indiquer si chacun des 17 compor-
tements avaient eu lieu. Les comportements sélectionnés
représentaient chacune des grandes catégories mesurées par
le PBCL : mots daccueil, salutations, provision dinforma-
tions, possibilité de poser des questions, élaboration dun
plan de traitement, prise en considération de la famille dans
les soins et la provision dun soutien émotionnel [6]. Les
résultats de létude de Blanchard et al. [6] démontrent que
les comportements observés et cotés ne sont pas associés à
ceux perçus par les patients. De plus, les perceptions des
patients expliquent une plus grande variation de leur satis-
faction générale des soins que les comportements observés
des médecins.
Des résultats similaires ont été obtenus par Street [41]
dans une étude qui portait sur des consultations pédiatriques
dans lesquelles on cotait les interactions entre les médecins
et les parents denfants à partir de cassettes audio et on éva-
luait la perception des parents au sujet des comportements
des médecins face aux soins prodigués à leurs enfants. Les
données de létude de Street [41] démontrent que les percep-
tions des parents au sujet de leur communication avec les
médecins sont dexcellents indices pour déterminer leur
satisfaction générale des soins donnés à leurs enfants. Les
énoncés des médecins ont été cotés à partir de trois catégo-
ries : informations fournies, directives données et mots cen-
trés sur le patient. Les informations fournies aux parents
incluaient les informations concernant le diagnostic de leur
enfant, les tests de laboratoire, le traitement ou la santé géné-
rale de leur enfant. Les directives représentaient les recom-
mandations et ordres de type « Fait-le » ou « Ne fait pas X »
et les instructions sous la forme de « Comment faire X ». Les
mots centrés sur le patient consistaient en des énoncés de
réconfort, de soutien, dempathie et dautres formes de sen-
sibilité interpersonnelle. Les énoncés sollicitant ou encoura-
geant le parent à poser des questions, formuler des opinions
et à exprimer leurs sentiments étaient aussi inclus. La per-
ception des parents au sujet des comportements des méde-
cins face à leurs enfants a été évaluée par des échelles de
Likert. Les dimensions évaluées par ces échelles étaient les
suivantes : caractère informatif, sensibilité interpersonnelle
et présence de partenariat entre les médecins et les parents.
Le caractère informatif de lentretien était présent lorsque le
médecin discutait pleinement du problème de lenfant, le
message transmis était instructif, clair et facile à comprendre.
La sensibilité interpersonnelle se caractérisait par les com-
portements suivants des médecins : le médecin mettait le
parent à laise lors de la consultation et semblait se soucier
des sentiments du parent et de lenfant. Enfin, le partenariat
entre le médecin et le parent était présent si le médecin len-
courageait à exprimer ses préoccupations et inquiétudes, lui
demandait son avis à propos de la santé de son enfant, éva-
luait ses connaissances acquises au sujet de la santé de son
enfant et sur les façons daméliorer sa santé après la consul-
tation [41].
Donc, les études de Blanchard et al. [6] et de Street [41]
indiquent que les mesures perceptuelles ne sont pas toujours
corrélées avec les mesures observationnelles et que la per-
ception des patients au sujet de leur communication avec les
médecins peuvent être un meilleur indice des soins reçus.
Ces études démontrent bien que les deux types de mesures
évaluent deux aspects différents de la communication. Il
nest pas étonnant que la perception des patients au sujet
de leur communication avec les médecins soit davantage
corrélée avec les soins reçus, car dans les deux cas la percep-
tion des patients est tenue en compte.
En résumé, la communication entre patients et profession-
nels de la santé est un phénomène qui peut être évalué
sous deux divers angles. Chacune des deux approches de
la communication, observationnelle et perceptuelle, apporte
des informations partielles et complémentaires du même
phénomène. Il nexiste donc pas une meilleure approche
pour évaluer la communication entre patients et profession-
nels de la santé. Le choix de lapproche dépendra de la pers-
pective de communication à étudier, car les deux approches
ne répondent pas aux mêmes finalités.
Conclusion
La communication entre soignant et soigné dans le domaine de
loncologie sest modifiée pour le mieux au cours des années.
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