Présence des sentiments dans la fonction des soignants1 En tant que soignant, oser se questionner sur ses propres sentiments lors de nos interventions nous permet de donner sens à certaines de nos réactions mais aussi à celles du patient. « Aider les autres, c’est aussi avoir la capacité à demander de l’aide. Demander un soutien ou simplement un conseil aiderait bon nombre de soignants que la volonté, les préjugés ou un sentiment de supériorité poussent à se croire infatigables, voire infaillibles (p.46) ». Cette attitude ne devrait pas être prise comme une marque de faiblesse mais davantage comme une marque de bonne santé psychique. Définition du sentiment : « Disposition affective spécifique éprouvée par un sujet pour un objet particulier, ceci pouvant se vivre sur le registre du plaisir ou du déplaisir » (p.42) Différents sentiments : sentiment de supériorité, sentiment d’impuissance, sentiment de responsabilité, sentiment de découragement, sentiment de satisfaction 1. Sentiment de supériorité Cette supériorité vient de notre position au côté du patient : - debout près du lit, utilisation d’un modèle de communication ping-pong, notre vêtement qui marque notre fonction de kiné, l’autorité professionnelle que confère le rôle de soignant exécution de nos gestes techniques Ce sentiment donne au soignant la confiance en soi indispensable pour l’exécution de son soin : Versant positif de cette attitude : est indispensable à la relation de soins car le kiné doit montrer un patient qu’il a la maîtrise de ce qu’il propose comme traitement et des tâches qui en découlent Versant négatif de cette attitude : j’abuse de ce sentiment et j’installe une relation de soumission avec le patient. Dans certains cas, le patient prend et se sent à l’aise dans cette position car il se sent protégé. Ce sentiment permet au sujet de se sentir dans de bonnes mains mais ce soin demande aussi un certain partage de connaissances sur la maladie et l’établissement d’une collaboration active dans la démarche de soins. 2. Sentiment d’impuissance Ce sentiment est surtout présent face à certaines pathologies incurables non évolutives ou mortelles (ex. patient en phase terminale, personnes âgées, …) 1 Manoukian A., Massebeuf A., La relation soignant-soigné, Ed. Lamarre, Pratiquer…, Vélisy, 1995, pp.42-46 Ce sentiment s’associe à un sentiment d’infériorité car on ne peut répondre comme on le voudrait au patient et cela peut engendrer une certaine tristesse ou colère. Conséquences de ce sentiment : le soignant ressent une certaine lassitude, un état de désespoir dans certains cas qui ne peuvent s’atténuer que s’il rencontre un soutien dans sa propre équipe et qu’il peut l’évoquer en réunion. Pour l’équipe et le soignant en particulier, important de travailler avec l’idée « qu’on ne peut rien faire » au niveau de la récupération mais que nous pouvons redéfinir nos objectifs de soins dans cette équipe et sa philosophie de travail. Une autre attitude du soignant est de vouloir trop-en-faire pour éviter la souffrance que ce sentiment entraîne. Il se met alors dans une attitude hyperactive où il veut sans cesse convaincre le patient de l’utilité de son soin mais ne peut se faire à la réalité et entendre le désir du patient. 3. Sentiment de responsabilité Ce sentiment peut dépasser le contexte du simple rôle social surtout quand le soignant « prend trop à cœur » la situation du malade. Son implication personnelle va plus loin que le demande sa conscience corporelle Il est important de « faire avec », de profiter de l’équipe pour contenir ce qui ne peut l’être individuellement plutôt que nier ce qui arrive. Ce sentiment s’accompagne de nombreuses émotions : sympathie, inquiétude, peur, attachement mais aussi colère et tristesse quand le soignant se sent bloqué à cause des contraintes matérielles, les horaires, l’ambiance de travail. Quand le soignant ne se sent pas reconnu ou considéré positivement par l’équipe, il éprouve un certain découragement. 4. Sentiment de découragement Le soignant peut ressentir ce sentiment quand il se trouve confronté à des pathologies lourdes où l’issue peut être fatale ou l’évolution très lente, à une surcharge de travail, à l’association douloureuse de coups durs, à l’absence de gratification et de reconnaissance de son travail associés à des problèmes personnels. Ce sentiment s’il perdure peut amener à un état de burnout. 5. Sentiment de satisfaction Ce sentiment peut être présent à de nombreux moments où le soignant se sent à l’aise dans son travail et en phase avec les attentes des patients.