Marianne Massin LA PENSÉE VIVE. Essai sur l`inspiration

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espérer, dont on peut travailler à faire
en sorte qu’il parvienne à être « suffi-
samment bon », pour dire les choses à
la manière de Winnicott.
Sabine Prokhoris
Marianne Massin
LA PENSÉE VIVE.
Essai sur l’inspiration philosophique
Paris, Armand Colin, 2007, 228 p.,
22,50
En quoi le style philosophique
consiste-t-il pour nous aujourd’hui ? Si
peu que nous pensions au rôle de la
mania dans le Banquet ou le Phèdre de
Platon ou au daïmon de Socrate, nous
savons aussitôt que l’amour de la
sagesse a été animé dès son début par
l’inspiration. Mais quand nous peinons
sur une page de Kant ou d’Hegel, il
nous arrive de rêver aux surprenants
changements de style qui se sont pro-
duits en elle au cours des âges jusqu’à
aujourd’hui et de nous demander quel
style d’inspiration a donné lieu à ces
œuvres plus récentes. Ne vaut-il pas la
peine de réfléchir un moment sur la
façon dont s’organisent nos pensées,
nos exposés, les textes que nous lisons
ou que nous écrivons ? Notre style phi-
losophique porte la marque d’événe-
ments ; parmi ceux-ci ne faut-il pas
compter un refoulement conscient de
la notion d’inspiration ?
Marianne Massin, qui s’est fait
connaître en 2001 par un bel ouvrage
les Figures du ravissement. Enjeux phi-
losophiques et esthétiques1qui compor-
tait déjà une étude approfondie de Pla-
ton, ne pouvait échapper à ces ques-
tions. Comment l’inspiration a-t-elle
été refoulée en philosophie ? Comment
la réhabiliter ?
Il lui faut d’abord établir les raisons
légitimes pour lesquelles cette inspi-
ration – le mot et la chose – a été ban-
nie dès avant le XVIIIesiècle. La
féconde ambiguïté d’un double héritage
n’est plus tolérée : l’inspiration devient
alors strictement cantonnée au
domaine religieux ou poétique – peut-
être les religieux commencent-ils à se
la garder pour eux ! –, elle se trouve
résolument écartée, par Kant entre
autres, du domaine philosophique qui
devient celui de la pure raison. Les
révélations privées, les illuminations
sont rejetées. Le combat contre le fana-
tisme et la superstition (Locke,
Hobbes) aiguise cette méfiance. L’en-
thousiasme en philosophie est assimilé
au fanatisme, voire à la maladie, et
l’inspiration, qu’on laisse aux religieux,
aux poètes, aux femmes, est finalement
discréditée. Aujourd’hui encore nous
voyons clairement des enthousiastes
faire preuve d’un étonnant manque de
jugement, tandis qu’à l’inverse l’abs-
traction et l’assèchement marquent
souvent le style philosophique.
Quelle définition d’elle-même la philo-
sophie construit-elle ainsi ? À tenir à
distance toute réflexion sur la possibi-
lité, la place et la fonction d’une inspi-
ration philosophique, on peut craindre
que la philosophie ne s’emmure en elle-
même dans un idéal d’auto-fondation et
de transparence insoutenable (p. 13-14).
Comment laisser venir l’inspiration et
la révélation quand elles ne sont plus
religieuses ?
Des philosophes comme Merleau-
Ponty, Ricœur, Deleuze ont su tourner
la question en puisant dans la littéra-
ture et en se laissant inspirer par les
récits, mais il n’empêche que la ques-
tion essentielle demeure : quel est le
rôle en philosophie, dans le fonction-
nement de l’esprit, du moins de cer-
tains esprits, de ce qui vient de l’exté-
1. Marianne Massin, les Figures du ravisse-
ment. Enjeux philosophiques et esthétiques, Paris,
Grasset/Le Monde de l’éducation, 2001.
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