Tribune libre LA PRESBYACOUSIE

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LA PRESBYACOUSIE : UN PHENOMENE INELUCTABLE ?
La presbyacousie est un phénomène naturel d’altération des capacités auditives au-delà
d’un certain âge, estimé habituellement à 50-55 ans. Altération variable dans son
intensité et dans sa précocité, mais altération obligatoire ! Signe de vieillissement d’un
organe neuro-sensoriel parmi d’autres, cette perte d’audition est très généralement mal
vécue parce qu’elle symbolise une dégradation des fonctions physiologiques chez
l’homme. Elle diffère en plusieurs points de la perte de la vision et notamment dans son
acceptation sociétale. Mal voir, certes, mal entendre, sûrement pas !!! Les lunettes sont
devenues un objet de mode tandis que la correction auditive reste un motif
d’écartement social et de dévalorisation de sa propre image… Est-il possible de changer
cette approche ?
Comment se manifeste cette presbyacousie ?
Le premier signe est sans doute la perte de la discrimination, c’est à dire la capacité de
l’oreille à distinguer un bruit ou un son parmi d’autres. Très concrètement, il s’agit de
cette difficulté à comprendre ce que l’on vous raconte dans une salle de restaurant ou
dans une réunion quelconque, dès lors qu’un bruit ambiant masque les propos de
l’interlocuteur. La réaction première est d’accuser cet interlocuteur de mal articuler ! En
fait, pour diverses raisons que nous allons passer en revue, l’oreille perd peu à peu cette
capacité.
Le deuxième signe est le besoin de faire répéter son entourage. Selon votre patience et
surtout celle de ceux qui s’adressent à vous, le dialogue devient épineux voire parfois
impossible. Dialogues de sourd ?
Le troisième signe est la nécessaire obligation de hausser ou de faire hausser le niveau
sonore de l’entourage. La télévision est bien sûr l’élément de référence. La famille et les
voisins sont souvent les premiers témoins de votre dégradation auditive, plus ou moins
complaisants en regard de ce qui est souvent un facteur de discorde ou d’exaspération …
Les manifestations que nous venons d’évoquer vont entraîner un isolement social
progressif, responsable parfois d’un véritable syndrôme dépressif, d’autant plus
complexe que le repli sur soi va générer un défaut de communication avec les autres,
donc un manque de stimulation auditive et une accentuation insidieuse des troubles de
la communication. La boucle est vite bouclée …
La perte de l’audition entrant dans le cadre de la presbyacousie relève de plusieurs
causes. C’est toute la partie noble de l’organe auditif qui est touchée : les cellules de
l’oreille interne, les fibres du nerf de l’audition et les centres cérébraux d’intégration du
message auditif. Ces notions sont connues depuis de nombreuses années, mais des
découvertes récentes permettent aux thérapeutes d’aborder aujourd’hui cette
diminution naturelle de l’audition avec un nouveau regard.
Concernant le nerf de l’audition, il est rassurant de savoir que le fonctionnement de cinq
pour cent des fibres constitutives de ce nerf suffit pour permettre la transmission de
l’information auditive ! Ceci revient à affirmer que ce câblage électrique n’est que très
peu responsable de la presbyacousie .Le vieillissement de l’audition n’est donc pas lié à
cette modification nerveuse, sauf cas particuliers.
Les centres cérébraux de l’audition subissent les méfaits du temps au même titre que
toutes les fonctions du cerveau. Plusieurs études scientifiques ont montré que la
stimulation auditive permettait de maintenir en activité les zones du cerveau chargées
d’analyser et d’intégrer les messages auditifs. A ce titre, la fonction auditive dans sa
globalité est assimilable à une fonction cognitive générale et le fait de continuer à
écouter et à entendre permet sans doute de maintenir une activité cérébrale totale. En
termes plus simples, permettre d’entendre est une garantie d’un « mieux vieillir »!
Les connaissances les plus récentes et les plus importantes se rapportent aux cellules
de l’oreille interne. Ces cellules, au nombre de quinze mille environ à la naissance dans
chaque oreille, sont de deux types : trois mille cellules ciliées internes et douze mille
cellules ciliées externes. Les premières, véritables cellules reines et actrices majeures du
fonctionnement auditif, vieilliront moins vite que les secondes, cellules ouvrières,
chargées d’une mission de premier décodage du message auditif livré aux cellules
ciliées internes.
La presbyacousie est d’abord une atteinte de cette famille cellulaire externe. Le travail
de préparation et de décodage étant moins performant, le message sera moins précis. La
gêne apparaît alors sans manifestation clinique ou audiométrique particulière. C’est ici
où les choses ont radicalement changé depuis quelques années : ce trouble auditif
naissant ne se traduisant par aucune anomalie au test audiométrique classique a été
longtemps considéré comme un trouble de l’attention ou de la concentration ! Il n’en est
rien. C’est réellement par un processus de dégradation cellulaire ciblée que la
presbyacousie démarre. La plus grande concentration de l’individu n’y pourra rien. La
personne touchée sera soumise à toutes les difficultés énoncées plus haut et les
problèmes de lien social s’installent.
Faut-il se résigner à une perte inexorable de l’audition?
Non !
Plusieurs études cliniques ont montré que le délai entre le début de la presbyacousie
clinique et sa traduction audiométrique pouvait atteindre plus de dix ans ! Ceci veut dire
que la prise en charge par une prothèse auditive classique, étalonnée et réglée en
fonction d’une perte d’audition mesurée, est inadaptée. La perte de l’audition dans ce
cas traduit déjà une altération profonde du mécanisme auditif . Il faut agir bien en amont
et ne pas attendre un déficit de trente décibels de l’audition en moyenne pour proposer
au patient une solution adaptée.
C’est ici qu’un assistant d’écoute, plutôt qu’une prothèse auditive, peut se justifier.
Il ne s’agit pas d’une prothèse auditive mais d’un appareil d’amplification numérique
destiné à ces presbyacousies débutantes sans ou avec peu de perte audiométrique. Non
réglable, l’assistant d’écoute constitue une vraie nouveauté dans la prise en charge d’une
baisse d’audition naissante. Simple d’utilisation, il permet de retrouver dans les
circonstances abordées en préambule un confort d’écoute. C’est un premier pas dans
l’acceptation d’une aide auditive et il représente un véritable outil pour l’oreille
vieillissante de maintenir un niveau d’activité et de stimulation.
Considéré par beaucoup comme l’équivalent de la lunette-loupe pour l’œil, cet assistant
d’écoute est sans doute appelé à jouer un rôle premier dans le « mieux vivre
ensemble ». C’est bien sûr au contact de votre médecin spécialiste ORL que l’approche
de votre difficulté auditive sera explorée et qu’une réponse adaptée vous sera proposée.
Patrick PETIT, ORL
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