!
http://www.fmd.asso.fr/updir/37/memoire_vivante50.pdf!
!
La Re
´daction de Me
´
moire Vivante pre
´sente ses excuses a
`ses lecteurs et abonne
´s pour
l’interruption de publication intervenue depuis de
´but 2006, en raison de de
´lais administratifs de
renouvellement des autorisations de paraı
ˆtre et inscription a
`la Commission paritaire des
publications de presse.
La se
´rie des quatre nume
´ros de l’anne
´e 2006 sera diffuse
´e entre les derniers mois de 2006 et
de
´but 2007.
Elle comporte :
– le nume
´ro 49 consacre
´au dossier du concours national de la Re
´sistance et de la De
´portation
2006-2007 : « Le travail dans l’univers concentrationnaire nazi »,
– le nume
´ro 50 consacre
´au camp d’Aurigny-Alderney,
– le nume
´ro 51 consacre
´au camp de repre
´
sailles de Rawa-Ruska,
– le nume
´ro 52 consacre
´a
`la de
´
portation dans les camps japonais.
Bulletin de la Fondation pour la Me
´moire de la De
´portation
Trimestriel N
o
50 De
´cembre 2006 2,50 e
(Ce nume
´ro aurait du
ˆparaı
ˆtre en mars 2006)
E
Ł
TABLISSEMENT RECONNU D’UTILITE
Ł
PUBLIQUE (DE
Ł
CRET DU 17 OCTOBRE 1990)
PLACE
Ł
SOUS LE HAUT PATRONAGE DU PRE
Ł
SIDENT DE LA RE
Ł
PUBLIQUE
30, boulevard des Invalides ^ 75007 Paris ^ Te
¤l. 01 47 05 81 50 ^ Te
¤le
¤copie 01 47 05 89 50
INTERNET : http ://www.fmd.asso.fr ^ Email : contactfmd@fmd.asso.fr
SOMMAIRE
Hommage a
`Pierre Saint-Macary ..................... 2
Dossier Aurigny-Alderney .......................... 3
E
´ve
´
nements passe
´
s : Remise des prix du Concours national
de la Re
´
sistance et de la De
´
portation . .................... 9
Avis et communications diverses ..................... 11
Appel lance
´par l’Amicale de Flossenbu
¨rg. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 11
Prix Marcel Paul....................................... 11
Publication nouvelle . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 12
Re
´capitulatif des dossiers de camps publie
´s
dans Me
´
moire Vivante. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 12
memoire-vivante50 - 18.12.06 - page 1
!
DOSSIER AURIGNY-ALDERNEY
Le cadre ge
¤ne
¤ral
L’ı
ˆle d’Aurigny (pour les Franc¸ais) – Alderney (pour les
Anglais) – fait partie des ı
ˆles anglo-normandes situe
´es au
large de la Bretagne et de la presqu’ı
ˆle du Cotentin, a
`la
jonction entre la Manche Ouest et la Manche Est. A
quelques encablures du cap de la Hague, Aurigny,
pratiquement inde
´fendable en 1940 apre
`s l’occupation de
la France, devient une proie facile pour le Reich. Le
Royaume-Uni de
´cide en conse
´quence de l’abandonner
militairement et rapatrie les quelques maigres effectifs de
la garnison. La Kriegsmarine
1
et la Luftwaffe
2
y prennent
biento
ˆt position, suivies par l’Organisation Todt
3
, d’autant
que ces ı
ˆles reve
ˆtent un caracte
`re strate
´gique non
ne
´gligeable face aux co
ˆtes britanniques entre Manche Est
et Manche Ouest. Avec l’arrive
´e des SS en 1943 et leur
mainmise sur les rouages du commandement, l’occupation
de l’ı
ˆle connaı
ˆt une mutation qui la transforme partielle-
ment en site concentrationnaire.
Avant la guerre,
une histoire me
¤connue et singulie
're
L’archipel, compose
´d’une ı
ˆle principale (Aurigny ou
Alderney) et des ı
ˆlots des Casquets et du Burhou, est une
ancienne de
´pendance du duche
´de Normandie, reste
´e sans
statut lors de la se
´paration des biens entre l’Angleterre et la
Normandie, et que curieusement la France a oublie
´de
re
´clamer. Il en re
´sulte une situation ambigue
¨qui fait de ces
ı
ˆles des possessions de la Couronne sans pour autant
qu’elles soient inte
´gre
´es au territoire britannique. Les actes
officiels y sont toujours exprime
´s en franco-normand, me
ˆme
si la population s’est anglicise
´e, notamment sous l’e
`re
victorienne. Par la suite, en l’absence de revendication
franc¸aise et donc de menace de ce co
ˆte
´, la pre
´sence
militaire britannique deviendra purement symbolique.
Le bourg principal de Sainte-Anne, le port qui le dessert
et les fermes re
´parties alentour forment un ensemble ou
`
une vie rurale s’est organise
´e. En 1939, la population ne
de
´passe pas 1500 habitants. Depuis le retrait de la
garnison intervenu dans les anne
´es 1930 par contrecoup
de la grande crise e
´conomique, l’archipel s’efforce de
rede
´ployer son activite
´et son e
´conomie vers l’agriculture
(pommes de terre, fleurs a
`bulbes, e
´levage) et vers le
tourisme. Mais la principale activite
´demeure l’extraction
du granite, ne
´cessaire entre autres a
`l’entretien de la digue
du port et de la baie.
Par rapport a
`Guernesey et Jersey, l’ı
ˆle d’Aurigny peut
apparaı
ˆtre comme une sorte de « parent pauvre », en raison
de son passe
´militaire, de ses forts et de ses murailles
auste
`res, de son aspect sauvage et de ses carrie
`res.
L’administration y est confie
´e en 1939 au juge F.G.
French, responsable des States of Alderney, terme qui
de
´signe depuis sept sie
`cles l’ensemble constitue
´par un
parlement et une cour de justice.
Ses faibles ressources en eau potable et en e
´nergie
imposent un contro
ˆle rigoureux des consommations, des
importations et des stocks.
Le 3 septembre 1939, lorsque la guerre e
´clate, Aurigny
ne posse
`de plus d’unite
´combattante. La population, assez
a
ˆge
´e, est donc a
`la merci de l’envahisseur. Il reste en tout et
pour tout un centre d’entraı
ˆnement au maniement des
armes qui compte une centaine de personnes, compose
´es
de responsables locaux et de re
´servistes de l’arme
´e, le
Machine Gun Training Center.
Vers le milieu du mois de juin 1940, lorsque les
Allemands arrivent aux environs du Cotentin, les habitants
de l’ı
ˆle savent qu’ils ne peuvent se de
´fendre seuls, d’autant
que, le 15 juin, les autorite
´s britanniques ont envoye
´le
Machine Gun Training Center, de
´fendre les ae
´roports de
Jersey et Guernesey. La population d’Aurigny, convoque
´e
par le juge French, de
´cide alors d’abandonner l’ı
ˆle et tous
ses biens, et embarque le 22 juin pour l’Angleterre sur le
Les ı
ˆles anglo-normandes. FNDIRP.
1. Marine de guerre allemande.
2. Arme
´e de l’air allemande.
3. Fritz Todt, nomme
´par Hitler ministre de l’Armement le 17 mars 1940,
cre
´e l’organisation qui porte son nom ou « Organisation Todt », formation
paramilitaire charge
´e de l’exe
´cution de travaux d’e
´quipement et de
fortification en Allemagne (re
´seau d’autoroute), puis des fortifications du
Westwall (ligne Siegfried en France), face a
`la ligne Maginot, enfin de la
cre
´ation du mur de l’Atlantique. C’est a
`ce titre, et lorsque Hitler de
´cide de
prolonger le mur de l’Atlantique sur les ı
ˆles anglo-normandes, que
l’organisation investit Alderney. Todt lui-me
ˆme se tue dans un accident
d’avion le 8 fe
´vrier 1942 et Albert Speer lui succe
`de. Toutefois, son nom
reste attache
´jusqu’au bout a
`l’organisation qu’il a mise sur pied et qui
comptera de tre
`s nombreux travailleurs e
´trangers de toutes origines (Europe,
Afrique) et prisonniers de guerre, en particulier russes.
memoire-vivante50 - 18.12.06 - page 3
ME
´MOIRE VIVANTE – NUME
´RO 50 3
!
navire Vestal,nelaissantsurplacequequelques
irre
´ductibles pre
´fe
´rant demeurer sur place quoiqu’il arrive.
Ainsi abandonne
´ea
`son sort, l’ı
ˆle devient une proie
facile que les Allemands vont rapidement investir. Elle
pre
´sente en effet pour eux un double avantage militaire et
psychologique : d’abord, sa position ge
´ographique permet
de contro
ˆler tout le trafic maritime et de verrouiller la passe
entre la Manch Est et la Manche Ouest, par ailleurs, Hitler
peut exploiter la situation a
`des fins de propagande et
proclamer haut et fort que « l’Allemagne s’est empare
´e
d’une partie du territoire de l’Angleterre ».
L’occupation
Dans l’ensemble, l’occupation par les nazis des ı
ˆles
anglo-normandes est une occupation ordinaire pluto
ˆt moins
brutale qu’ailleurs, avec marche
´noir, de
´nonciations,
collabos, arrestations et de
´portations. Aurigny, toutefois
fait exception : presque totalement vide
´e de sa population
l’ı
ˆle est utilise
´e comme lieu d’internement dont une partie
est soumise au re
´gime concentrationnaire.
En 1940, beaucoup d’Allemands pensent qu’ils ont
gagne
´la guerre. L’invasion de la Grande-Bretagne, seul
territoire ennemi a
`l’ouest a
`n’e
ˆtre pas encore conquis,
paraı
ˆt imminente. La prise des ı
ˆles anglo-normandes se
pre
´sente en quelque sorte comme un harpon lance
´en
direction des ı
ˆles britanniques. Elle est confie
´ea
`la
Kriegsmarine et pre
´voit un effectif total de six bataillons
d’infanterie dont l’un occupera Alderney.
Dans les premiers jours de juillet, des avions allemands
de transport de troupes venant de Guernesey (de
´ja
`
occupe
´e) s’approchent d’Alderney, mais ne peuvent se
poser sur la piste trop courte et encombre
´e d’obstacles de
toute sorte, dispose
´s par la population avant son de
´part. La
piste toutefois demeure intacte, aucun fosse
´n’ayant e
´te
´
creuse
´. La Luftwaffe envoie alors deux appareils (Fieseler
Storch) plus le
´gers qui re
´ussissent a
`se poser et dont les
e
´quipages entreprennent aussito
ˆt le nettoyage de la piste
pour permettre l’atterrissage de plus gros porteurs.
De
´but aou
ˆt, un de
´tachement d’agents de signalisation de
la Luftwaffe compose
´d’une douzaine d’hommes comman-
de
´s par un caporal, s’installe au Fort Albert, a
`l’entre
´e du
port, au nord de l’ı
ˆle, avec mission de pre
´parer l’arrive
´e du
gros des troupes. Il est suivi d’une avant-garde de quatre-
vingts hommes, qui arrive en aou
ˆt de Querqueville a
`bord
de Junkers JU5.
Ne disposant que de maigres provisions, tout ce monde
ne tarde pas a
`se re
´pandre a
`travers l’ı
ˆle en que
ˆte de
ravitaillement, pillant les maisons et fermes abandonne
´es
et tentant de vivre sur le dos des derniers occupants. L’eau
potable surtout reste tre
`s contingente
´e.
L’occupation de l’ı
ˆle, dont la proximite
´des co
ˆtes
franc¸aises et du port de Cherbourg fait une premie
`re
e
´tape naturelle sur la route des autres ı
ˆles, se poursuit de
fac¸on plus empirique qu’organise
´e. Trois entite
´sse
partagent le territoire : la Kriegsmarine, qui occupe la
zone portuaire, la Luftwaffe et la de
´fense antiae
´rienne (ou
Flak) qui investissent le plateau et les points hauts -le
Grand Ho
ˆtel leur tient lieu de quartier ge
´ne
´ral- et, enfin,
l’organisation Todt, charge
´e de toute sorte de travaux de
fortification et d’infrastructure, qui occupe le reste de l’ı
ˆle
aux co
ˆte
´s de la Wehrmacht.
L’organisation des de
´fenses doit permettre de s’opposer a
`
de possibles raids co
ˆtiers, de
´ja
`fre
´quents, exe
´cute
´s par des
commandos britanniques et contre toute tentative en force
du Royaume-Uni de remettre la main sur ses anciennes
possessions. Les travaux sont entrepris de
`s le printemps
1941 et place
´s sous l’autorite
´du Sonderfu
¨hrer
1
Herzog. Ils
ont pour but de restaurer le brise-lame de Braye Harbour et
de construire une extension de la jete
´e, pour permettre le
de
´chargement des barges transportant les mate
´riaux
indispensables aux travaux.
La de
´cision de renforcer les de
´fenses pre
´ce
`de de
quelques mois celle de construire le mur de l’Atlantique,
ce gigantesque bouclier cense
´mettre les co
ˆtes ouest de
l’Europe, entre la Norve
`ge et l’Espagne, a
`l’abri de toute
tentative de de
´barquement. Initialement, Hitler semble
avoir envisage
´le de
´tachement d’Alderney (Aurigny) du
reste des ı
ˆles anglo-normandes et son rattachement a
`la
France apre
`s la guerre, mais il abandonne assez vite cette
ide
´e et fait connaı
ˆtre, en octobre, un ensemble de mesures
secre
`tes dans un document portant le titre de « Fortification
et de
´fense des ı
ˆles anglo-normandes ». Il y est question,
entre autres, de faire d’Alderney conside
´re
´e comme le
« Gibraltar de la Manche », une ve
´ritable forteresse,
baptise
´e du nom de code « I
ˆle Adolf ».
Les forces d’occupation
De
´but juillet 1941, les diffe
´rentes composantes militai-
res sont re
´parties en secteurs de de
´fense, l’ensemble e
´tant
subordonne
´a
`la 319
e
division d’infanterie. La garnison
d’Alderney, qui comporte quelque 450 hommes en juin,
rec¸oit en juillet le renfort d’un de
´tachement de 280
hommes commande
´s par le capitaine Carl Hoffmann,
nomme
´pour la circonstance commandant de l’ı
ˆle. Il e
´tablit
son quartier ge
´ne
´ral dans le plus grand ho
ˆtel d’Alderney,
aujourd’hui appele
´«the Connaught Hotel ». En novembre
1941, l’effectif atteint 2500 hommes environ, parmi
lesquels 1100 appartiennent a
`l’arme
´e de terre, 200 a
`la
marine et 250 a
`l’arme
´e de l’air.
Les nouvelles directives d’Hitler entraı
ˆnent un rema-
niement du commandement qui passe aux mains du
lieutenant-colonel Gleden, fin 1941. Hoffmann, promu
commandant, reste cependant quelques mois sur l’ı
ˆle
comme expert avant de prendre le commandement d’un
bataillon de Grenadiers a
`Jersey. En janvier 1942, le
commandement est confie
´temporairement au lieutenant
colonel Rohde (319
e
division d’infanterie), auquel succe
`de,
en fe
´vrier 1942, le commandant Zuske, remplace
´a
`son
tour, en novembre 1943, par le commandant (plus tard le
lieutenant-colonel) Schwalm, qui demeure en poste jusqu’a
`
la fin de la guerre.
Tous les commandants de l’ı
ˆle appartiennent a
`l’arme
´e
de terre.
Les unite
´s de l’arme
´e de terre en garnison a
`Alderney
sont les 9
e
, 10
e
et 11
e
compagnies du 582
e
re
´giment de
Grenadiers, lui-me
ˆme rattache
´a
`la 319
e
division d’infan-
terie. La 9
e
compagnie est stationne
´e dans le centre de l’ı
ˆle,
la 10
e
a
`l’ouest et la 11
e
a
`l’est, tandis qu’une petite re
´serve
est constitue
´ea
`Essex Castle.
1. Responsable en charge de la direction d’un projet ou d’une ope
´ration
particulie
`re.
memoire-vivante50 - 18.12.06 - page 4
ME
´MOIRE VIVANTE – NUME
´RO 504
!
Toutes les de
´fenses sont battues par des plans de feu
d’armes automatiques et anti-chars.
Enfin, ce panorama serait incomplet si l’on n’y ajoutait
pas les « forces blinde
´es allemandes » d’Aurigny-Alder-
ney : une douzaine de chars le
´gers Renault pris aux
Franc¸ais, re
´partis en divers points pour faciliter leur
engagement, pre
`s de Rose Farm Road, a
`Saint Martins et
dans des hangars pre
`s de Longis House.
L’accroissement paralle
`le des effectifs de la garnison et
de la main-d’œuvre, de
`s fin 1941, a pour effet de grossir
les services administratifs et de soutien et, par voie de
conse
´quence, de multiplier les quartiers ge
´ne
´raux et les
organismes logistiques.
Le quartier ge
´ne
´ral du commandant de l’ı
ˆle (Inselkom-
mandantur, qui devient plus tard Festungskommandantur)
s’installe a
`Seymour House, a
`Connaught Square. C’est le
PC de l’ı
ˆle. Le personnel correspondant est cantonne
´rue
Victoria et rue Neuve, et utilise pour son alimentation la
cantine communale de la Grande Rue.
Le commandant de l’ı
ˆle dispose en outre d’un PC
ope
´rationnel (Gefechtsstand) d’ou
`il commande les exerci-
ces d’entraı
ˆnement. Ce PC ope
´rationnel est implante
´dans
les environs de Sainte-Anne. Il est connu sous le nom
abre
´ge
´de Ho-ho
¨he, en souvenir du capitaine Karl
Hoffmann, le premier commandant de l’ı
ˆle.
Le commandement ope
´rationnel des unite
´s de la marine
est implante
´dans un ba
ˆtiment en bois, e
´rige
´au sud de
Brecque Philippe, et dispose de services administratifs
distincts installe
´s dans les bureaux du commandement du
port.
L’arme
´edelairestrepre
´sente
´e par des unite
´s
d’artillerie anti-ae
´rienne, a
`de
´faut de base ae
´rienne
proprement dite. Le QG antiae
´rien est situe
´au Grand
Ho
ˆtel et abrite deux services et une partie du personnel, le
reste e
´tant cantonne
´dans les maisons voisines.
L’administration civile dispose de ses propres bureaux
dans le ba
ˆtiment de la banque Lloyds rue Victoria. Le
Sonderfu
¨hrer Herzog, remplace
´en avril 1942 par le
Milita
¨rverwaltungoberinspektor Hans Spann, puis en
mars 1944, par le Sonderfu
¨hrer
Wilhelm Richter, assume la
direction de cette administration.
En aou
ˆt1942,unofcierde
garnison (Garnisonsoffizier)est
nomme
´et se trouve en charge de
ge
´rer les logements, l’e
´lectricite
´,
l’eau et la proprete
´.
Le syste
`me de liaison et de
commandement entre les diverses
composantes militaires et civiles
de l’ı
ˆle est d’une grande comple-
xite
´, en raison de l’he
´te
´roge
´ne
´ite
´
des mate
´riels en place et de leur
absence de compatibilite
´. Chaque
subdivision d’arme
´e (terre, air,
mer) dispose de ses moyens
spe
´cifiques et reste cloisonne
´e
dans sa sphe
`re, ignorant les
autres. Pour y reme
´dier, il arrive
que les trois re
´seaux soient juxta-
pose
´s en un me
ˆme lieu ge
´ogra-
phique comme a
`Fort-Albert.
Les transmissions desservant les unite
´s de la marine sont
installe
´es dans la cave du bureau du commandant de port,
un central te
´le
´phonique desservant le poste de comman-
dement tactique. Celles de l’Arme
´e de l’Air comportent un
central te
´le
´phonique, sur la route de Longis, vis-a
`-vis du
QG tactique du commandant d’ı
ˆle (le Ho-ho
¨he) et une
station radio au-dessus du Trigale, co
ˆte
´nord.
Les camps
L’une des spe
´cificite
´s de l’ı
ˆle est la coexistence de
plusieurs syste
`mes, ou re
´gimes de de
´tention. En matie
`re de
logement, les ba
ˆtiments et maisons laisse
´s vacants par les
habitants sont re
´quisitionne
´s pour les principaux responsa-
bles et les grade
´s, ainsi que par les diffe
´rents e
´tats-majors.
La construction des camps, assure
´e initialement par des
Franc¸ais, est permanente et progressive. Les mate
´riaux
proviennent d’anciennes baraques pre
´leve
´es dans les
camps d’internement franc¸ais et arrivent en pie
`ces
de
´tache
´es par Cherbourg. La construction d’une baraque
ne ne
´cessite que quelques heures, mais ce montage a
`la va-
vite, sur des emplacements insuffisamment pre
´pare
´s, rend
la structure vulne
´rable aux intempe
´ries fre
´quentes et aux
vents violents sur ces ı
ˆles.
La premie
`re anne
´e, les baraques abritent indiffe
´remment
les soldat allemands, les travailleurs volontaires de
l’organisation Todt, les prisonniers de guerre ou les
« volontaires de
´signe
´s » (en re
´alite
´astreints au travail
force
´). Il n’y a initialement pas de diffe
´rence notable entre
prisonniers, gardiens, volontaires et soldats. Tous sont dans
des baraques de quatre-vingts personnes, avec lits
superpose
´s et paillasses tre
`s vite grouillantes de vermine.
Des diffe
´rences vont toutefois rapidement apparaı
ˆtre et les
se
´parations entre groupes se renforcer selon des crite
`res
arbitraires et racistes.
Quatre camps de de
´tention sont construits, de
´signe
´s
chacun par un nom de code emprunte
´aux ı
ˆles allemandes
de la mer du nord : Borkum, Helgoland, Norderney et Sylt.
Carte du camp d’Aurigny. FNDIRP.
memoire-vivante50 - 18.12.06 - page 6
ME
´MOIRE VIVANTE – NUME
´RO 506
!
Co
ˆte
´nord, a
`l’ouest du port, Helgoland, d’une capacite
´
de 1500 hommes, rec¸oit surtout des « Russes », terme
ge
´ne
´rique de
´signant toutes sortes de nationalite
´s des pays
de l’Est et a
`l’Est du port, Norderney, pre
´vu pour un
effectif de 1500 travailleurs, rec¸oit encore des « Russes »,
mais aussi des Franc¸ais (en particulier, des Juifs conjoints
d’aryennes en provenance de Drancy, des Normands
sanctionne
´s ou condamne
´s, quelques Maghre
´bins rafle
´s
notamment a
`Marseille), des Tche
`ques, des Hollandais et
des Re
´publicains espagnols issus des camps d’internement
franc¸ais et abandonne
´s par le re
´gime de Vichy.
Borkum, co
ˆte
´sud, d’une capacite
´de 500 a
`1 000 per-
sonnes, rec¸oit surtout des ouvriers spe
´cialistes, des
travailleurs allemands et des volontaires. Il connaı
ˆt
plusieurs implantations et agrandissements successifs,
avant de se fixer sur la partie haute de l’ı
ˆle pre
`s de
Longis House. Sylt, enfin, a
`la pointe sud-ouest de l’ı
ˆle, est
construit pre
`s d’une piste d’aviation. Affecte
´a
`l’organisa-
tion Todt jusqu’en janvier 1943, il passe a
`la Brigade SS de
construction n
o
1(SS-Baubrigade 1), constitue
´e de de
´tenus
du camp de Sachsenhausen. Un peu a
`part, Sylt est un
camp disciplinaire.
Le camp de Norderney est dirige
´a
`partir de 1943 par
deux SS (le de
´tachement SS vient de Neuengamme) : Adam
Adler, ancien chauffeur de poids lourd qui commande le
camp, et Heinrich Evers, ancien couvreur, adjoint au
pre
´ce
´dent, caracte
´riel et raciste. Les deux hommes
1
restent
jusqu’au 4 juin 1944, date de la dissolution du camp.
Heinrich Evers exerce en particulier la fonction de chef du
camp (Lagerfu
¨hrer) englobant la partie re
´serve
´e aux Juifs
arrive
´s de France. Le camp est en effet coupe
´en deux par
des barbele
´s. Les de
´tenus rele
`vent de la SS qui, sur
demande des autres organismes (Kriegsmarine,Luftwaffe
ou organisation Todt), re
´partit la main-d’œuvre entre les
Kommandos. A l’origine, ce sont les responsables des
travaux qui viennent chercher eux-me
ˆmes les de
´tenus puis,
apre
`s l’arrive
´e des SS, des Kapos prennent le relais.
Aurigny n’est pas un camp d’extermination et le nombre
de morts officiels recense
´s par une commission britannique
apre
`s la guerre (389 de
´tenus) reste limite
´et infe
´rieur a
`celui
des autres camps de concentration. Il est cependant difficile
d’e
´valuer avec exactitude le nombre re
´el de victimes, la mer
ayant servi a
`en faire disparaı
ˆtre discre
`tement un nombre
sans doute non ne
´gligeable d’entre elles. Comme ailleurs,
on note une surpopulation et un approvisionnement
de
´ficient, surtout en eau potable, qui aura des conse
´quences
graves pour les de
´tenus. Malnutrition, absence de soins et
mauvais traitements sont a
`l’origine de la plupart des morts.
Dans les organismes affaiblis, les maladies se propagent
vite mais elles sont toutefois insuffisantes a
`e
´liminer « les
bouches inutiles » et des exe
´cutions sommaires se produi-
sent, sans pour autant reve
ˆtir un caracte
`re syste
´matique, les
de
´cisions de
´pendant de l’humeur des gardiens et des chefs
de camp. Parmi les mesures spe
´ciales, il faut citer une vaste
ope
´ration de de
´pistage du typhus, maladie particulie
`rement
redoute
´e par les nazis, qui a en janvier 1943 marque
´les
esprits. De nombreux malades, cense
´se
ˆtre atteints du
typhus, sont en effet, a
`la suite d’un tri plus que sommaire,
embarque
´sa
`bord d’un navire pour une « e
´vacuation
sanitaire » qui se termine de fac¸on tragique par le naufrage
du navire peu apre
`s qu’il ait gagne
´le large. Officiellement
la cause du naufrage est impute
´e au mauvais temps, mais
certains te
´moins affirment que les cales ont e
´te
´de
´libe
´re
´-
ment ouvertes.
La population
Le contingent le plus important est constitue
´par les
« Russes ». Il ne s’agit pas seulement de prisonniers de
guerre, donc de combattants, mais e
´galement de personnes
rafle
´es au cours de l’offensive allemande contre l’URSS,
originaires de Russie et d’autres re
´publiques sovie
´tiques. Le
statut de ces prisonniers est ba
ˆtard : parmi eux, des
ressortissants de pays annexe
´s ou occupe
´s, mais aussi
d’autres issus de pays raye
´s de la carte, qui n’ont plus ni
uniformes ni patrie et tentent de s’en sortir en acceptant de se
conformer a
`des re
`gles du jeu truque
´es. Certains e
´le
´ments
pactisent ainsi avec l’ennemi et se transforment en bourreaux.
Un secteur spe
´cial est re
´serve
´aux « Te
´moins de
Je
´hovah », identifie
´s par leur triangle violet.
La pre
´sence de ressortissants franc¸ais remonte bien avant
1943 et l’arrive
´e des « demi-juifs » de Drancy. Outre les
collaborateurs convaincus et les volontaires qui ont signe
´
pour l’organisation Todt, il existe une cate
´gorie plus floue
dite des « volontaires » de
´signe
´s, ramasse
´s pour raisons
futiles ou rafle
´s et de
´signe
´sa
`tort comme « volontaires »,
soupc¸onne
´s de complicite
´alors qu’ils n’ont jamais signe
´le
moindre contrat ni souscrit une quelconque adhe
´sion au
syste
`me nazi. Parfois ramasse
´s comme des chiens par la
fourrie
`re, ils ont e
´te
´berne
´s par la propagande qui leur a fait
miroiter des perspectives de conditions de vie meilleures.
Parmi eux, des Marocains arre
ˆte
´s sur le Vieux Port a
`
Marseille, d’anciens membres des Brigades internationales
interne
´s par Vichy (comme ceux du camp du Vernet, qui ont
e
´te
´ce
´de
´sa
`l’occupant par les autorite
´s franc¸aises).
Ces individus sont victimes de de
´nonciations, re
´quisi-
tions, condamnations, enle
`vements sur la voie publique. Ni
les autorite
´s allemandes, ni celles de Vichy ne les
reconnaissent comme prisonniers de guerre pas plus que
comme prisonniers civils. Ils sont en conse
´quence
assimile
´sa
`des clochards asociaux ou a
`des volontaires,
la honte s’ajoutant au me
´pris qui les frappe.
Les SS Adam Adler (assis) et Heinrich Evers (debout).
Amicale des de
´porte
´s d’Aurigny.
1. Le proce
`s de ces deux hommes, retrouve
´s et arre
ˆte
´s apre
`s la fin de la
guerre, a lieu a
`Paris en novembre 1949. Adler est condamne
´a
`10 ans de
re
´clusion criminelle et Evers a
`7 ans par le Tribunal militaire de Paris.
memoire-vivante50 - 18.12.06 - page 7
ME
´MOIRE VIVANTE – NUME
´RO 50 7
1 / 6 100%
La catégorie de ce document est-elle correcte?
Merci pour votre participation!

Faire une suggestion

Avez-vous trouvé des erreurs dans linterface ou les textes ? Ou savez-vous comment améliorer linterface utilisateur de StudyLib ? Nhésitez pas à envoyer vos suggestions. Cest très important pour nous !