Les dispositifs d'inhalation : quoi de neuf ? Jean-Christophe Dubus, Unité de Médecine Infantile & EA3287 / IFR125, CHU TimoneEnfants, 13385 Marseille Cedex 5 Introduction Les avantages possibles de la délivrance par inhalation d'un médicament aux poumons sont maintenant bien connus des scientifiques, médecins et patients. Pour les médicaments dont l'action s'exerce au niveau pulmonaire, on retient la rapidité d'action, la diminution de la quantité de médicament utile et une réduction des effets secondaires en comparaison avec le même médicament pris per os. Les corticoïdes inhalés qui sont la base du traitement prophylactique de l'asthme entraînent moins d'effets à type de suppression adrénergique, modification de la balance électrolytique, ou de faiblesse musculaire que les corticoïdes oraux. Les beta2-agonistes inhalés sont des bronchodilatateurs efficaces pour environ 1/20e de la dose orale et induisent moins de tachycardie qui souvent limite leur utilisation. Malheureusement, peu de patients réalisent pleinement les avantages d'un traitement inhalé et beaucoup inhalent leur médicament sans en obtenir une efficacité maximale en raison d'une prise médicamenteuse défectueuse ne permettant pas l'obtention d'une déposition pulmonaire optimale. De 1955, date de conception du premier dispositif d'inhalation par George Maison pour sa fille asthmatique Susie, jusqu'à la fin des années 80 peu de modifications y ont été apportées car l'aérosol doseur était considéré comme particulièrement efficace pour délivrer un médicament aux poumons [1]. C'est en 1975 que Donald Davis [2] a le premier montré qu'au moins 80% de l'aérosol supposé inhalé était en réalité dégluti. Depuis bien d'autres travaux, notamment scintigraphiques, ont confirmé ces données. La première cause, et longtemps la seule, avancée pour expliquer une telle perte médicamenteuse était la mauvaise technique d'inhalation des patients. En réalité, le succès d'un traitement inhalé découle de 4 étapes : identification d'un médicament efficace et sûr; intégration de ce médicament à une formulation ou à un système de transport; fabrication d'un système d'inhalation pour la formulation; utilisation correcte et réelle du système d'inhalation par le patient. Après avoir d'abord progressé sur les molécules et les modifications induites par le changement de gaz propulseur dans les aérosols doseurs, ce sont actuellement les systèmes d'inhalation qui font l'objet d'un extraordinaire essor. Les aérosols doseurs : quoi de neuf ? Actuellement, 2 types d'aérosols doseurs coexistent en officine, ceux propulsés par les CFC et ceux propulsés par l'hydrofluoroalkane-134a (HFA), avec à terme utilisation exclusive de ces derniers. Les modifications liées au changement de gaz propulseur ont été soit le remplacement à l'identique de l'ancien médicament par sa forme HFA (Ventoline®, Becotide®, Beclojet®), soit l'apparition de "nouveaux" médicaments plus performants (QVAR®, Nexxair®), soit la disparition de certains produits (Bricanyl®). Actuellement, les beta2-agonistes d'action retardée et les combinaisons sont encore "CFC". En pédiatrie, l'utilisation d'un aérosol doseur ne se conçoit, en dehors de l'aérosol doseur autodéclenché (Autohaler®), qu'avec une chambre d'inhalation [3]. C'est alors le couple aérosol doseur et chambre d'inhalation qui devient le médicament en tant que tel. Théoriquement tout nouvel aérosol doseur HFA devrait donc être testé avec les différentes chambres d'inhalation avant d'en recommander l'emploi. Force est de constater que ceci est rarement respecté et que tous les ans de nouvelles chambres sont commercialisées sans qu'aucun contrôle ne soit réalisé, en particulier par des laboratoires indépendants des firmes pharmaceutiques. Les avancées technologiques les plus récentes pour les chambres d'inhalation concernent les masques faciaux pour limiter les fuites lors d'application sur le visage, le matériau avec lequel la chambre est conçue (aluminium), ou encore la forme même de la chambre (verticale au lieu de horizontale) [4]. Pour le praticien, 3 informations essentielles sont à retenir quant à l'utilisation des chambres d'inhalation : la recommandation de leur emploi en première intention dans le traitement de la crise d'asthme simple à modérée de l'enfant [5]; une possible délivrance du médicament chez l'enfant endormi [6]; la possible contamination microbienne lors d'emploi régulier 2 fois par jour, sans influence du nettoyage ou du médicament délivré, mais sans non plus de retentissement clinique (24 chambres sur 64 testées, mais 1 seule avec un germe pathogène) [7] . D'autres systèmes d'inhalation à base de liquide, probablement à d'autres fins que le traitement de l'asthme, sont prometteurs [8]. Ce sont les systèmes mécaniques, qui peuvent libérer un aérosol grâce à l'énergie générée par un piston ou un ressort mis en tension lors de la mise en route du système (Respimat®, AERx®), et les systèmes électrostatiques, qui utilisent l'aérosolisation électrohydrodynamique pour transformer un liquide en un spray de fines particules, presque toutes de même taille, grâce à un champ électrique ((Mystic®). Le dépôt pulmonaire obtenu avec ces nouveaux inhalateurs peut avoisiner les 80% de la dose délivrée. Les inhalateurs de poudre sèche : quoi de neuf ? La délivrance d'un médicament par un inhalateur de poudre sèche dépend de la force inspiratoire du patient et surtout de sa vitesse d'inspiration. Ce sont ces 2 éléments qui vont permettre une désagrégation du médicament et de son vecteur pour un dépôt pulmonaire optimal. Le but des recherches menées sur les inhalateurs de poudre est d'obtenir une taille de particules médicamenteuses la plus "respirable" et stable possibles et de s'affranchir de l'effort inspiratoire du patient. Les nouveautés se situent aux différents niveaux de conception de l'inhalateur [9]: techniques de production du médicament en poudre (transformation d'un aérosol en poudre sèche par air chaud ou froid, précipitation du solvant par sonocristallisation, etc.), formulation de l'aérosol de poudre (choix de vecteur non amorphe, d'excipients lubrifiants et anti-adhérents, de particules dont morphologie, surface et nature chimique peuvent être travaillées pour modifier l'hygroscopie et la force de cohésion inter-particulaire), création de nouveaux dispositifs d'inhalation dans lesquels la poudre se désagrège directement, soit avec un effort inspiratoire minime (FlowCaps®, Spiros), soit sans effort inspiratoire (Nektar®). En France, signalons la mise sur le marché d'un nouveau dispositif pour poudre sèche, le Novolizer®, qui permet un contrôle auditif, visuel et gustatif de la prise médicamenteuse. Les nébuliseurs : quoi de neuf ? C'est sûrement pour ces dispositifs que les avancées ont été les plus remarquables avec apparition de nouveaux nébuliseurs ultrasoniques fonctionnant par vibration [1,8]. L'aérosol peut être généré par vibration d'un réservoir de médicament liquide (Premaire®). De façon plus intéressante l'aérosol peut être généré par vibration d'une membrane perforée de multiples petits opercules, au contact immédiat du liquide à nébuliser, selon le principe du tamis. Des systèmes comme TouchSpray®, e-Flow® ou AeroDose® sont basés sur ce mode de fonctionnement, le diamètre des trous de la membrane, la fréquence des vibrations et les propriétés physicochimiques du produit de nébulisation faisant varier la taille des particules obtenues. Le temps de nébulisation est raccourci considérablement (entre 3 et 6 minutes en moyenne), la vitesse de l'aérosol avoisine 1 m/sec, le volume à nébuliser est petit et le volume résiduel est nul. Ces dispositifs sont petits, peuvent tenir dans la main, ne font pas de bruit. Le dépôt pulmonaire obtenu peut aller jusque 80% selon le produit nébulisé. En mars 2005, en France, seul l'Atomisor Pocket®, est disponible. Il coûte près de 400 euros et n'est pas remboursé. En attendant que ces nouveautés soient utilisables par le plus grand nombre, les "vieux" nébuliseurs pneumatiques peuvent encore être proposés, en particulier en situation d'urgence chez le nourrisson. Dans de telles circonstances, l'application d'un masque facial est souvent mal tolérée et cris ou pleurs peuvent diminuer un dépôt pulmonaire déjà très faible à ces âges. L'administration d'une nébulisation sous une large enceinte de Hood permet d'améliorer le confort de l'enfant et de délivrer en moyenne 2,3% de la dose administrée aux poumons, ce qui est autant qu'une nébulisation (ou qu'une chambre d'inhalation …) avec masque facial réalisée sans larmes … [10] Références 1. Dalby R, Suman J. Inhalation therapy : technological milestones in asthma treatment. Advanced Drug Delivery Reviews 2003; 55: 779-91. 2. Davis DS. Scand J Respir Dis 1975; 103 (suppl): 44-9. 3. Dubus JC. Délivrance des traitements inhalés en pédiatrie. Arch Pédiatr 2003; 10: 1083-8 4. Amirav I, Mansour Y, Mandelberg A, Bar-Ilan I, Newhouse MT. Redesigned face mask improves "real life" aerosol delivery for Nebuchamber. Pediatr Pulmonol 2004; 37: 172-7. 5. www.ginasthma.com 6. Janssens HM, van der Wiel EC, Verbraak AF, de Jongste JC, Merkus PJ, Tiddens HA. Aerosol therapy and the fighting toddler: is administration during sleep an alternative? J Aerosol Med. 2003; 16 :395-400. 7. De Vries TW, Rienstra SR, Van der Vorm ER. Bacterial contamination of inhalation chambers : results of a pilot study. J Aerosol Med 2004; 17: 354-6. 8. Dubus JC, Luc C. Inhalation chez l'enfant : quoi de neuf ? Rev Fr Allergol Immunol Clin 2003; 43: 446-9. 9. Chan HK, Chew NYK. Novel alternative methods for the delivery of drugs for the treatment of asthma. Advanced Drug Delivery Reviews 2003; 55: 793-805. 10. Amirav I, Balanov I, Gorenberg M, Groshar D, Luder AS. Nebuliser hood compared to mask in wheezy infants: aerosol therapy without tears! Arch Dis Child 2003; 88: 719-23.