Cours rédigé par Christian Jallut, Professeur de Génie des Procédés à l’Université Lyon I
Chapitre 1
Généralisation de la notion d’énergie à partir de sa
définition en mécanique du point.
Mise en évidence de la notion d'énergie interne
Introduction
L’objectif de ce premier chapitre est de mettre en évidence la notion d’énergie interne
telle qu’elle est définie et utilisée en Thermodynamique. Pour cela, il est nécessaire de revenir
sur la notion de travail et de puissance telles qu'elles sont définies en Mécanique du point. On va
ensuite montrer, à l'aide de quelques exemples, la nécessité d'étendre la notion d'énergie pour
représenter un certain nombre de situations la matière joue un rôle fondamental. Ces
situations peuvent être très complexes et présenter une grande variabilité. C’est le mérite de la
Thermodynamique de pouvoir unifier la représentation de ces divers phénomènes au travers
d’une notion très générale qu’est l’énergie dont l’énergie interne devient un cas particulier.
1. Les notions de travail et de puissance en mécanique
1.1. Equation fondamentale de la dynamique du point matériel
Des célèbres travaux de Newton ont découlé une relation unique sous forme d’une
équation différentielle dont la solution permet le calcul des trajectoires de corps soumis à
l’action d’autres corps ou forces. Si un corps de masse M animé à l’instant t d’une vitesse
r
v
est soumis à l’action d’un ensemble de forces dont la résultante est
r
F
, alors :
Mdr
v
dt =
r
F (Newton, N)
(1.1)
Les grandeurs qui interviennent dans cette équation ainsi que les trajectoires qui en sont
solutions nécessitent l’adoption d’un système de coordonnées spatiales ou référentiel. Un
référentiel particulier est le référentiel Galiléen pour lequel l’ensemble des forces dont la
résultante est
r
F
ne sont dues qu’à l’influence d’autres corps. Dans un tel référentiel, la seule
cause de variation de la vitesse est alors l’existence de ces forces : cela signifie qu’un corps qui
n’est soumis à aucune action extérieure se déplace selon une trajectoire rectiligne et uniforme.
Un référentiel Galiléen est d’ailleurs lui-même en mouvement rectiligne et uniforme, c’est-à-dire
à accélération nulle, par rapport à un repère fixe.
Remarque : si le référentiel utilisé n’est pas Galiléen, on doit tenir compte dans le vecteur
r
F
des forces d’inertie dues à l’accélération du référentiel lui-même c’est-à-dire les forces d’inertie
de translation du référentiel et celles dues à la rotation de ce dernier, les forces centrifuges et de
Coriolis. On peut en première approximation considérer qu’un repère lié à la terre est Galiléen.
1.2. Travail et puissance d’une force. Notion d'énergie cinétique
On dit qu’une force fournit un travail si elle se déplace, à condition que ce déplacement
ne soit pas perpendiculaire à la force. Ceci se traduit par la relation bien connue que le travail
élémentaire
d
W
(en Joule dans le système international) développé par la force
r
F
pendant le
déplacement
dr
r
est le produit scalaire :
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2
dW=
r
F dr
r (Joule, J)
(1.2)
Le travail développé par unité de temps (en Watt dans le système international) ou puissance est
alors :
˙
W =
r
F r
v (Watt, W)
(1.3)
Considérons maintenant simultanément les relations (1.1) et (1.2). Le travail élémentaire
s’exprime alors comme suit :
En intégrant le long de la trajectoire du point entre deux positions 1 et 2, on trouve!:
W
12 =
r
F dr
r
1
2
Ú=Mv2
2
2-M1
2
v
2 (Joule, J)
Le travail de la force est donc transformé en la variation de la grandeur
Ec=M
2
v
2
appelée
énergie cinétique :
W
12 =Ec2 -Ec1
(1.4)
v
est le module du vecteur vitesse. On voit apparaître une notion qui est fondamentale en
Thermodynamique, c’est la notion d’énergie.
1.3. Travail des forces conservatives : exemple des forces de gravitation. Notion
d'énergie potentielle de gravitation
Examinons l'expression du travail
W
12 =
r
F dr
r
1
2
Ú
dans le cas de la pesanteur. La masse
M est soumise à une force de module Mg constante dirigée vers le bas (figure 1.1).
Figure 1.1 : Objet de masse M soumis à l’action de la pesanteur.
Le travail de la force de pesanteur sur la masse M est alors donné par :
W12 =-Mgdz
1
2
Ú=Mg(z1-z2) (Joule, J)
(1.5)
où z est l’altitude à laquelle se situe l’objet. On constate que le travail des forces de pesanteur ne
dépend pas de la trajectoire entre les deux positions considérées mais seulement de ces positions
z
Mr
g
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elles-mêmes. On peut alors mettre en évidence la notion d’énergie potentielle de gravitation
Ep=Mgz
de telle façon que les travaux des forces de gravitation correspondent à une variation
de cette énergie potentielle :
W12 =Ep1 -Ep2 (Joule, J)
(1.6)
Compte tenu de la relation (1.4), on constate que, le mouvement de l’objet considéré se traduit
simplement par une transformation d’une forme d’énergie en une autre de telle façon qu’une
grandeur appelée énergie totale
E=Ep+Ec
reste constante ou se conserve :
E=Ec1 +Ep1 =Ec2 +Ep2 (Joule, J)
(1.7)
Remarque : d'autres forces possèdent ce type propriété. On dit qu’elles dérivent d’un potentiel,
et on les appelle forces conservatives. Les énergies potentielles d’interaction associées ne sont
connues qu’à une constante près :
énergie potentielle de gravitation :
Ep=Mgz +cte
;
énergie potentielle dans un champ électrostatique :
Ep=eV +cte
;
énergie potentielle de type attraction universelle ou électrostatique :
Ep = a
r + cte
.
La valeur de la constante est indifférente car les calculs ne font en général intervenir que des
différences. Une propriété importante de ces fonctions est que leur variation entre deux points
donnés ne dépend pas du chemin suivi pour relier ces deux points :
la variation d’énergie potentielle de gravitation ne dépend que des différences
d’altitude!;
la variation d’énergie cinétique ne dépend que des différences de vitesse au carré ;
etc .
L’intérêt de ce type de formulation dans le cas des forces conservatives est que, pour résoudre
certains problèmes, il n’est pas nécessaire de connaître la trajectoire de l’objet considéré. Notons
de plus que si ce dernier est soumis à l’action de plusieurs forces conservatives, son énergie
potentielle est la somme des énergies potentielles correspondantes à chacune de ces forces.
1.4. Cas des forces non conservatives ou dissipatives : exemple du frottement subi par
une masse en mouvement dans l'air
Considérons la force de frottement occasionnée par l’air lors de la chute d’un objet de
masse M dans le champ de pesanteur. On peut en première approximation considérer que cette
force est proportionnelle à la vitesse relative de l’objet par rapport à l’air ambiant. Si ce dernier
est immobile, la vitesse relative est simplement la vitesse de chute
r
v
et
r
F =-k r
v
(figure 1.2). En
fait, on constate que l’énergie totale de la masse M associée à son mouvement d'ensemble,
E=Mgz +1
2Mv2
, ne se conserve pas à cause des phénomènes de frottement. Déterminons
l’évolution de cette énergie totale E au cours de la chute de la masse M. Au cours d’un
déplacement
dr
z
, son énergie totale E varie de dE suite au travail exercé par les forces de
frottements suivant l’équation
dE =-kr
v dr
z
, soit pour un parcours entre z1 et z2 :
E2-E1= -kvzdz
1
2
Ú<0
(1.8)
vz
est la projection de
r
v
sur l'axe z.
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Figure 1.2 : Chute d’un objet dans l’air et soumis au champ de pesanteur.
La vitesse dépendant de z, on ne peut pas mettre en évidence une énergie potentielle d’interaction
correspondant au travail des forces de frottement. Par ailleurs, quel que soit le sens du
mouvement, le travail des forces de frottement se traduit toujours par une diminution définitive et
irréversible de l’énergie totale E. On n’observe plus l’effet de compensation entre énergie
potentielle et énergie cinétique, compensation pouvant se produire dans les deux sens. Par
exemple, lorsqu’une balle rebondit à partir du sol, son énergie cinétique décroît au profit de son
énergie potentielle tandis que lorsqu’elle redescend, c’est l’inverse. Les frottements agissent
quant à eux toujours dans le sens de la perte d’énergie totale ce qui fait qu’au bout d’un temps
suffisamment long, la balle finira par s’immobiliser au sol. Son énergie totale sera devenue nulle
à partir d’un état initial où elle ne l’était pas (figure 1.3).
Figure 1.3 : Rebonds successifs d’une balle à partir d’une position initiale d’altitude z1.
On dit que la force de frottement est dissipative ou non conservative en ce sens que l'énergie E
associée au mouvement d'ensemble ne se conserve pas.
1.5. Exercice
On considère une voiture de 800 kg lancée à la vitesse initiale de 60 km.h-1 sur une route de
montagne à l’altitude initiale de 600 m. Un incident mécanique nécessite de ramener la vitesse du
véhicule à 0 km.h-1 en utilisant les freins du véhicule. L’ensemble des 4 freins représentent une
masse équivalente d’acier de 16 kg et on suppose que l’effet des frottements n’est sensible qu’au
niveau des freins!: on constate que ces derniers s’échauffent.
a) Calculer en Joule la variation d’énergie interne des freins lorsque le véhicule est finalement
immobilisé à l’altitude de 300 m.
b) Calculer la variation d’énergie interne des freins par kg.
c) Pour ramener la température des freins à sa valeur initiale, on les laisse se refroidir!: c’est
l’échange de chaleur. Quelle est la quantité de chaleur à évacuer lors de cette opération!?
z
vz
F
z
z1
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2. Généralisation de la notion d'énergie comme grandeur conservative :
nécessité de définir l'énergie interne
2.1. Mise en évidence de l'énergie interne
Si on considère à nouveau l’énergie totale de la balle en mouvement (figure 1.3), il est
apparu clairement qu’il s’agit d’une grandeur décroissante et donc non conservative du fait des
frottements. On peut toutefois se demander si la mise en évidence d’une notion d’énergie plus
étendue et qui serait conservative n’est pas possible. La vision de la balle comme un point de
masse M est en fait trop réductrice. Cette balle, l'air qu'elle traverse ainsi que le sol sur lequel elle
rebondit sont en fait de la matière susceptible de contenir de l'énergie : cette énergie de la matière
est l'énergie interne par définition. Ce qui pouvait apparaître a priori comme une disparition
d’énergie totale est bien le résultat d’un processus de transformation en une autre forme
d’énergie :
pour une part, augmentation de l’énergie interne de la balle ;
pour une autre part, augmentation de l’énergie interne de l’air qui a été traversé ;
finalement, augmentation de l’énergie interne du sol lors des chocs occasionnés par
les rebonds.
Appelons U la somme de ces énergies interne et
DU = U2- U1
la variation de cette quantité entre
le début et la fin du déplacement de la balle. A partir de la relation (1.8), on peut écrire
E2-E1=-kvdz
1
2
Ú=-DU
soit :
E1+U1=E2+U2 (Joule, J)
(1.9)
Il y a bien perte d’énergie au niveau du mouvement global de la balle mais il y a conservation de
l’énergie en un sens élargi à savoir : l’énergie totale liée au mouvement d’ensemble de la balle
additionnée de l’énergie contenue dans la matière concernée par le phénomène.
2.2. Autres exemples de transformations mutuelles des énergies interne et mécanique
L'exemple de la balle qui rebondit nous a permis de mettre en évidence la notion d'énergie
interne en faisant un lien avec les notions d'énergie telles qu'elles sont manipulées en mécanique.
On a en particulier mis en évidence le fait que l'énergie totale de la balle en mouvement se
transforme en énergie interne par le phénomène de frottement. Il existe bien d'autres situations
beaucoup plus importantes en pratique de telles transformations se produisent. Les
dispositifs décrits ci-dessous en sont des exemples qui ont joué un rôle fondamental dans la
genèse de la Thermodynamique.
2.1.1. L’expérience de Joule
Au cours de cette expérience, une quantité donnée de liquide enfermé dans une cuve est
agitée (figure 1.4). Sa température initiale est par exemple la température ambiante. Lorsque
après une période d’agitation au cours de laquelle on a cédé au liquide une quantité donnée
d’énergie mécanique, celui-ci est à nouveau au repos, on constate une élévation de sa
température. Dans ce cas, il y a clairement une capacité de l’énergie mécanique à produire un
effet thermique et à augmenter l’énergie interne du liquide si on admet que cette dernière est
reliée à la température.
Ce phénomène est bien sûr de même nature que la décroissance de l’énergie totale de la balle en
mouvement (figure 1.3) due aux frottements.
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