Caractère confidentiel des renseignements personnels

CARACTÈRE CONFIDENTIEL DES
RENSEIGNEMENTS PERSONNELS
SUR LA SANTÉ : UN DÉFI POUR
L’INFIRMIÈRE ET SA PROFESSION
NOVEMBRE 2003 NUMÉRO ISSN 1480-9990
La sœur d’un patient aux soins intensifs s’enquiert auprès d’une infirmière* de l’état de son
frère. Celui-ci n’avait pas dit avoir une sœur. L’infirmière devrait-elle renseigner l’intéressée?
• Une infirmière en santé communautaire veut étudier la corrélation entre le revenu moyen
(selon des données à grande diffusion fondées sur les codes postaux) et l’utilisation des ser-
vices de santé dans la collectivité. Lui faut-il un consentement individuel en vue de cette
recherche par observation?
• Une régie régionale de la santé demande à une infirmière spécialisée en informatique de l’aider à
élaborer la politique d’un nouveau système d’information sur la santé. Il est prévu de faire une
vaste collecte de données cliniques à des fins d’assurance de la qualité, de planification des res-
sources et de reddition de comptes. L’infirmière prévient qu’il faut le consentement des gens à de
telles fins, mais on lui dit que cela est impossible pour des raisons pratiques.
Un hôpital met en place un nouveau système d’information sur la santé auquel les pro-
fessionnels accèdent selon leur fonction. Une des infirmières de l’équipe fait valoir que le
système devrait permettre aux patients de restreindre la circulation de l’information et que
certains renseignements devraient être isolés dans des « coffres-forts électroniques ».
Une infirmière en santé communautaire apporte son aide à une famille ayant un enfant
déficient. Les parents veulent un autre enfant et songent à subir un examen génétique, mais
le père craint que les données de cet examen fassent aussi connaître des données sur l’état
génétique de ses frères et sœurs et demande à l’infirmière s’il ne devrait pas obtenir le
consentement de ces derniers avant de se prêter à l’examen envisagé.
• Les anciens d’une collectivité des Premières nations sollicitent les conseils d’une infirmière qui tra-
vaille chez eux depuis déjà plusieurs années. Les gens s’inquiètent d’une nouvelle formule de
consentement relative à des prestations non assurées qui autoriserait une large communication, à
l’extérieur de cette communauté, des renseignements fournis sur leur santé. Ils craignent que, s’ils
ne signent pas la formule, ils aient à payer eux-mêmes les médicaments d’ordonnance et d’autres
prestations. Cette formule n’a rien à voir avec les services professionnels assurés par l’infirmière, mais
ils lui ont soumis la question parce qu’ils ont confiance en elle et la respectent. Pour sa part, celle-
ci trouve que la formule prête à confusion. Elle est en fait incapable de comprendre précisément ce
que la formule autorise à communiquer, ni à qui les renseignements peuvent être divulgués.
• En visite au domicile d’une nouvelle mère, une infirmière observe des signes de détresse chez
son bébé. Le père et la mère fument près de l’enfant et l’appartement est infesté de cafards. La
couche du bébé n’a pas été changée et celui-ci a une éruption cutanée, ce qui cause probable-
« Ces dernières
années, la protection
des renseignements
personnels est de plus
en plus devenue un
sujet d’inquiétude et de
débat dans le système
de santé, en raison de
la multiplication des
systèmes informatiques
sur la santé, des fiches
électroniques de soins,
des bases de données
et des registres d’infor-
mation, ainsi qu’en rai-
son des progrès dans
des domaines à forte
utilisation d’informa-
tion comme celui de
la génétique…
Comment les infir-
mières devraient-elles
aborder ces questions,
individuellement et
collectivement? »
pour infirmières
et infirmiers
pratique
Déontologie
* NdeT : Pour des raisons de clarté et de concision, dans ce document la forme féminine infirmière englobe la
forme masculine, et vice-versa, si le contexte s’y prête.
2
ment sa détresse. Mis devant les faits, les parents avertissent
l’infirmière qu’elle n’a pas à se mêler de leur vie privée.
L’infirmière croit que le bébé est un cas à risque.
• Une infirmière apprend que son organisme de réglemen-
tation communique les renseignements figurant sur sa
fiche d’inscription professionnelle (poste qu’elle occupe,
employeur, études, etc.) à l’Institut canadien d’informa-
tion sur la santé (ICIS), qui exploite et communique cette
information à des fins de recherche et de statistiques. Elle
appuie l’utilisation de renseignements personnels à des
fins de recherche et sait que, dans certains secteurs de
compétence, il existe des lois sur la protection des rensei-
gnements personnels et des lignes directrices sur la divul-
gation de l’information. Elle se demande toutefois si elle
a un droit de regard sur ce qui est communiqué à ces fins.
INTRODUCTION
La protection des renseignements personnels est une valeur
fondamentale qui se situe au cœur même de l’histoire et des
traditions de la profession infirmière. Le respect de la vie pri-
vée est synonyme de respect de l’autre, de sa dignité et de son
autonomie. Il est aussi primordial pour instaurer le climat de
confiance propre aux relations professionnelles. Les patients
doivent se sentir libres de communiquer des renseignements
personnels aux infirmières et aux autres professionnels de la
santé. Sans cette confiance, ils pourraient taire ou fausser des
renseignements importants pour les soins à donner.
Ces dernières années, la protection des renseignements per-
sonnels est de plus en plus devenue un sujet d’inquiétude et
de débat dans le système de santé, en raison de la multiplica-
tion des systèmes informatiques sur la santé, des fiches élec-
troniques de soins, des bases de données et des registres d’in-
formation, ainsi qu’en raison des progrès dans des domaines à
forte utilisation d’information comme celui de la génétique.
La circulation de l’information devient de plus en plus com-
plexe et une diversité d’utilisateurs demandent de plus en plus
de renseignements sur la santé à des fins diverses.
La progression de l’informatique infirmière témoigne de la
bonne volonté, voire de l’enthousiasme de la profession face à la
possibilité d’utiliser l’information sur la santé et la technologie de
l’information pour améliorer la santé et les soins. Toutefois, à
mesure que se propagent cette technologie et ces bases de don-
nées, le défi devient de plus en plus grand, pour les profession-
nels de protéger cette information et pour les patients, de rester
maîtres des renseignements sur leur propre santé ou à tout le
moins de savoir ce qu’il advient de cette information.
Comment les infirmières devraient-elles aborder ces ques-
tions, individuellement et collectivement? Quels sont les
enjeux pour le personnel infirmier, les patients et le public?
Dans un réseau d’information sur la santé de plus en plus
marqué par l’interconnexion, à quoi la population peut-elle
s’attendre des infirmières en matière de protection des ren-
seignements personnels? Que peuvent-elles promettre à
coup sûr et en toute responsabilité en matière de confiden-
tialité? Que devraient-elle pouvoir promettre?
Les exemples qui précèdent illustrent la grande diversité des
questions de protection de l’information qui peuvent se poser
aux infirmières. Certaines de ces questions doivent être réglées
immédiatement dans la pratique, à l’aide de principes déjà plus
ou moins arrêtés, même s’il reste un certain flou quant à leur
application. D’autres touchent au domaine plus vaste de la poli-
tique publique. Ces dernières questions concernent des prin-
cipes moins établis et appellent une éducation populaire et une
accentuation du dialogue et du débat au sein de la population.
L’Association des infirmières et infirmiers du Canada (AIIC)
a exposé simplement cette question très importante dans son
énoncé de position intitulé Caractère confidentiel des rensei-
gnements personnels sur la santé (2001) : « L’Association des
infirmières et infirmiers du Canada (AIIC) est d’avis que la
personne a le droit à la vie privée en ce qui concerne ses ren-
seignements personnels sur la santé. L’AIIC reconnaît toute-
fois la nécessité des renseignements sur la santé pour amélio-
rer l’état de santé de la population, ainsi que l’efficacité et l’ef-
ficience du système de santé » (p. 1). Après avoir clarifié cette
divergence d’intérêts et d’obligations, le document accorde la
priorité au droit à la vie privée et dit : « L’AIIC est en outre
d’avis que le droit de la personne à la protection de ses ren-
seignements personnels sur la santé est primordial » (p. 1).
Le Code de déontologie des infirmières et infirmiers de l’AIIC
est un point de départ important pour toute réflexion visant
à résoudre ces deux types de questions. Toutefois, celles qui
concernent les enjeux de politique plus générale doivent être
réglées au sein non seulement de la profession, mais aussi de
TABLE DES MATIÈRES
Introduction. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 2
Définitions. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 3
Principes du Code type sur la protection des renseignements
personnels de l’Association canadienne de normalisation . . . . . 3
Jalons et principes fondamentaux de la politique publique
de protection des renseignements personnels . . . . . . . . . . . . . . . 4
La question du consentement au centre du débat sur la
protection des renseignements personnels . . . . . . . . . . . . . . . 5
Certains enjeux primordiaux . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 6
Renseignements sur les fournisseurs de soins de santé . . . . . . . . . 9
Technologies renforçant la protection des renseignements
personnels . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 10
Transparence, ouverture et responsabilisation . . . . . . . . . . . . 10
Études d’impact sur la protection des renseignements personnels . 11
Code de déontologie de l’AIIC : Confidentialité. . . . . . . . . . 11
Personnel infirmier et politique publique de protection
des renseignements person. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 12
3
la société, dans le contexte d’un dialogue et d’un débat
publics éclairés. Le présent document porte principalement
sur ces questions plus générales. Ses objectifs principaux
sont les suivants :
• favoriser un dialogue et un débat publics éclairés sur les
questions de protection des renseignements personnels;
aider les infirmières à mieux comprendre le contexte de
politique publique dans le cadre duquel ces questions sont
débattues aujourd’hui et, de ce fait, favoriser une participa-
tion éclairée de la profession – au double niveau individuel
et collectif – à l’examen et à la résolution de ces questions;
• aider les infirmières à être plus sensibles et à mieux faire face
aux questions de protection de la vie privée susceptibles de
se poser dans leur pratique et leurs relations avec les patients;
aider les infirmières à défendre les droits de leurs
patients et à éduquer les patients en matière de protec-
tion des renseignements personnels, des droits reliés à la
vie privée et des restrictions pouvant affecter ces droits.
DÉFINITIONS
Il importe de préciser ce que nous entendons par protec-
tion des renseignements personnels et de distinguer cette
notion des notions apparentées avec lesquelles elle risque
d’être confondue. Les définitions qui suivent pourront
servir d’amorce de réflexion et de discussion :
Droit à la vie privée : droit ou intérêt que nous avons à
contrôler ou à restreindre l’accès d’autrui à notre personne.
Droit à la protection des renseignements personnels :
droit ou intérêt que nous avons à contrôler ou à res-
treindre l’accès d’autrui à notre personne, ainsi que les
fins pour lesquelles autrui peut utiliser ou communiquer
des renseignements sur notre personne.
Renseignements confidentiels : renseignements assujettis à
un devoir de confidentialité et protégés par ce devoir, cette
information pouvant être plus ou moins sensible, révélatrice
ou préjudiciable en ce qui concerne la personne concernée.
Confidentialité : devoir du dépositaire de renseigne-
ments confidentiels de protéger ceux-ci et de ne les com-
muniquer à autrui que selon les autorisations, les règles
ou les lois applicables à cette communication.
Devoir professionnel de confidentialité : devoir des pro-
fessionnels de ne pas divulguer ce qui leur est révélé en
toute confiance dans une relation professionnelle, ce devoir
étant restreint par certaines exceptions bien circonscrites.
Sécurité : mesures de protection qui garantissent que les ren-
seignements sont traités (accès, utilisation et communica-
tion) seulement selon ce qui est autorisé, et qui préviennent
tout traitement non autorisé des renseignements sur la santé.
Responsabilité
Une organisation est responsable des renseignements personnels
dont elle a la gestion et doit désigner une ou des personnes qui
devront s’assurer du respect des principes énoncés ci-dessous :
Détermination des fins de la collecte de renseignements
Les fins pour lesquelles des renseignements personnels sont
recueillis doivent être déterminées par l’organisation avant la
collecte ou au moment de celle-ci.
Consentement
Toute personne doit être informée de toute collecte, utilisation
ou communication de renseignements personnels qui la concer-
nent et y consentir, à moins qu’il ne soit pas approprié de le faire.
Limitation de la collecte
L’organisation ne peut recueillir que les renseignements per-
sonnels nécessaires aux fins déterminées et doit procéder de
façon honnête et licite.
Limitation de l’utilisation, de la communication et de la
conservation
Les renseignements personnels ne doivent pas être utilisés ou com-
muniqués à des fins autres que celles auxquelles ils ont été recueillis
à moins que la personne concernée n’y consente ou que la loi ne
l’exige. On ne doit conserver les renseignements personnels qu’aus-
si longtemps que nécessaire pour la réalisation des fins déterminées.
Exactitude
Les renseignements personnels doivent être aussi exacts, com-
plets et à jour que l’exigent les fins auxquelles ils sont destinés.
Mesures de sécurité
Les renseignements personnels doivent être protégés au moyen
de mesures de sécurité correspondant à leur degré de sensibilité.
Tr ansparence
Une organisation doit faire en sorte que des renseignements précis
sur ses politiques et ses pratiques concernant la gestion des rensei-
gnements personnels soient facilement accessibles à toute personne.
Accès aux renseignements personnels
Une organisation doit informer toute personne qui en fait la
demande de l’existence de renseignements personnels qui la
concernent, de l’usage qui en est fait et du fait qu’ils ont été com-
muniqués à des tiers, et lui permettre de les consulter. Il sera aussi
possible de contester l’exactitude et l’intégralité des renseigne-
ments et d’y faire apporter les corrections appropriées.
Possibilité de porter plainte contre le non-respect des principes
Toute personne doit être en mesure de se plaindre du non-res-
pect des principes énoncés ci-dessus en communiquant avec la
ou les personnes responsables de les faire respecter au sein de
l’organisation concernée.
Source : Association canadienne de normalisation, 1996, Toronto : auteur.
PRINCIPES DU CODE TYPE SUR LA PROTECTION
DES RENSEIGNEMENTS PERSONNELS DE
L’ASSOCIATION CANADIENNE DE NORMALISATION
4
Renseignements sur les fournisseurs de soins : information
relative au rôle des fournisseurs de soins de santé, comprenant
notamment des renseignements sur leur inscription au
registre professionnel et sur leur activité professionnelle.
Ces définitions comportent deux grandes limites : d’abord,
dans leur simplicité, elles ne font guère plus qu’esquisser les
enjeux; elles se veulent être un point de départ pour la réflexion
et la discussion, et non pas l’énoncé d’une vérité acquise. En
second lieu, elles prêtent, à des degrés variés, à la controverse, à
la discussion ou à la formulation d’interprétations diverses.
JALONS ET PRINCIPES FONDAMENTAUX DE LA
POLITIQUE PUBLIQUE DE PROTECTION DES
RENSEIGNEMENTS PERSONNELS
La politique publique de protection des renseignements
personnels a été façonnée par ce qu’on appelle « les pra-
tiques équitables de traitement de l’information ». Voici
chronologiquement les grands jalons de l’adoption et de
l’évolution des pratiques en question :
1973 : Aux États-Unis, le Département de la santé, de
l’éducation et du bien-être rend public son Code of Fair
Information Practices (Code des pratiques équitables de trai-
tement de l’information).
1980 : En Europe, l’Organisation de coopération et de déve-
loppement économiques rend publiques les Lignes directrices
régissant la protection de la vie privée et les flux transfrontières des
données de caractère personnel; ces principes de protection de
l’information influent sur l’élaboration de politiques en la
matière sur le continent européen et ailleurs dans le monde.
1986 : L’Association canadienne de normalisation (ACNOR)
rend public son Code type sur la protection des renseignements
personnels. Les dix pratiques équitables de traitement de l’infor-
mation qui y sont énumérées influent grandement sur l’adop-
tion de politiques dans ce domaine au Canada et à l’étranger.
1995 : L’Union européenne diffuse la Directive 95/46/CE
relative à la protection des personnes physiques à l’égard du
traitement des données à caractère personnel et à la libre cir-
culation de ces données; non seulement cette directive doit
obligatoirement être appliquée par les pays membres, mais
elle exige aussi des autres pays voulant recevoir des données
des pays membres, qu’ils prennent des mesures de protec-
tion en application des principes qu’elle énonce.
2000 : Le Canada adopte la Loi sur la protection des rensei-
gnements personnels et les documents électroniques (PRPDE),
qui reprend les principes du code de protection de
l’ACNOR, ainsi que les exigences de la directive précitée de
l’Union européenne; cette loi lie les provinces et les terri-
toires à moins que ceux-ci n’adoptent des lois analogues de
sauvegarde de la vie privée.
2003 : Le 14 avril 2003, les autorités fédérales des États-
Unis officialisent des normes (Health Insurance Portability
and Accountability Act of 1996) relatives à la protection des
dossiers médicaux des patients et d’autres renseignements
portant sur les régimes de santé, les hôpitaux et les fournis-
seurs de services de santé.
Les principes énoncés par le code de l’ACNOR et leur intégra-
tion à la loi sur la PRPDE sont actuellement le point culminant
de cette évolution; on s’accorde largement à y voir l’expression
par excellence des principes de protection de l’information.
Ceux-ci aident à formuler les questions et orientent l’adoption
de politiques et de pratiques en dégageant les considérations
d’intérêt, mais ils demeurent trop généraux pour permettre de
résoudre nombre de questions de première importance.
L’expression « à moins qu’il ne soit pas approprié de le faire »
n’explique pas ce qui n’est « pas approprié », et ce flou est
aujourd’hui un des aspects les plus contestés de cette politique.
Ajoutons que les principes ne sont pas expressément conçus
pour l’information sur la santé. Ainsi, tel qu’il est énoncé, le
principe d’accès individuel ne tient pas compte des pratiques
qui font que, dans le système de santé, des patients peuvent se
voir refuser tout accès à leur propre dossier. Enfin, les principes
visent principalement les personnes et oublient largement les
soucis que peuvent avoir les familles ou les collectivités au sujet
de la communication de renseignements sur la santé.
Un autre document charnière a été le rapport de 1999 Voies
vers une meilleure santé du Conseil consultatif sur l’info-
structure de la santé. Celui-ci recommandait que les pro-
vinces et les territoires harmonisent leurs lois dans ce
domaine et adoptent des normes élevées et communes de
protection des renseignements personnels. La loi sur la
PRPDE a aussi aiguillonné ce mouvement d’harmonisa-
tion. Il y a des provinces qui ont déjà adopté une loi-cadre
traitant expressément de l’information sur la santé; d’autres
travaillent à la question. Il n’y a pas que le droit législatif qui
change, puisque dans le domaine de la common law, on
note aussi une évolution continuelle; on peut citer notam-
ment les cas de contestation en vertu de l’application de la
Charte des droits et libertés.
Voici d’autres exemples au Canada de l’évolution de la poli-
tique publique en matière de protection de l’information
sur la santé :
lignes directrices et codes de divers organismes, et notam-
ment des organismes professionnels (Association médicale
canadienne, Code de protection des renseignements personnels
sur la santé; Conseil international des infirmières,
Information relative à la santé : protéger les droits des patients);
déclarations et décisions des organismes de réglementation
qui clarifient les responsabilités à la lumière de l’évolution
du cadre législatif;
5
lignes directrices et documents de travail sectoriels qui
visent notamment les travaux de recherche exploitant des
renseignements sur la santé (documents divers des
Instituts de recherche en santé du Canada [IRSC], Lignes
directrices déontologiques à l’intention des infirmières effec-
tuant des recherches de l’AIIC, etc.);
• politiques apppliquées au sein des organismes ou des éta-
blissements tels que les hôpitaux et les organismes de
recherche en santé, pour les bases de données sur la santé,
les registres des maladies, etc.
Comme d’autres associations professionnelles et d’autres inter-
locuteurs du secteur de la santé, l’AIIC a surveillé cette évolu-
tion de la politique publique et y a apporté ses idées. Dans une
large mesure, l’avenir des soins infirmiers en particulier et des
services de santé en général sera déterminé au Canada par
l’évolution de la technologie et de la politique de l’information
sur la santé. Il importe qu’en leur qualité de professionnelles et
de parte-parole des patients, les infirmières de toutes les sphères
d’activité de la profession influencent l’examen en cours des
questions de politique publique en faisant connaître leurs vues
et en puisant dans leur savoir et leur expérience.
LA QUESTION DU CONSENTEMENT AU
CENTRE DU DÉBAT SUR LA PROTECTION DES
RENSEIGNEMENTS PERSONNELS
Pour l’essentiel, les questions de protection des renseigne-
ments sur la santé se ramènent à une tension entre le besoin
ou le désir de partager l’information, d’une part, et le droit
ou l’intérêt que l’on a à restreindre ce partage, d’autre part.
Des valeurs importantes entrent en jeu dans les deux cas.
Un grand nombre de ces questions, et de loin les plus difficiles
et les plus litigieuses, ont à voir avec le consentement. On
peut se poser deux grandes questions à propos du consente-
ment : (i) Dans quelles circonstances peut-on recueillir, utili-
ser ou communiquer l’information sans le consentement des
intéressés? (ii) S’il doit y avoir consentement, en quoi celui-ci
sera-t-il approprié ou suffisant? De plus, les mesures de pro-
tection de l’information sur la santé ont de l’importance et
peuvent influer sur la forme que prendra le consentement,
voire même sur la nécessité de l’obtenir.
Renseignements recueillis, utilisés ou communiqués
sans consentement
Peu de gens contesteront l’existence d’au moins certaines
exceptions à la règle du consentement. Cependant il reste
à savoir en quoi consistent ces exceptions et quelle est
l’importance de leur portée. Il y a un lien étroit entre les
exceptions relatives à la règle du consentement et celles
qui concernent la règle de confidentialité. Dans quelles
circonstances est-il justifié qu’un professionnel de la
santé communique des renseignements personnels sans
d’abord obtenir la permission de l’intéressé?
Les professions de la santé ont veillé à ce que les exceptions
à la règle de confidentialité soient très rigoureusement cir-
conscrites. La communication sans consentement a été
limitée à des fins ou à des situations étroitement définies :
situations d’urgence, volonté d’éviter ou de prévenir un
grave tort imminent à un tiers, impératifs de santé et de
sécurité publique, administration de la justice et surveillan-
ce de la profession par un organisme de réglementation. Le
Code de déontologie de l’AIIC est représentatif à cet égard :
dans sa formulation de la règle du consentement, il ne pré-
voit d’exceptions qu’à moins « que la santé de la personne
ou d’autres personnes soit gravement menacée, ou que la
loi…oblige à rompre le secret professionnel » (AIIC, 2002,
p. 14). Cet énoncé constitue un point de départ approprié
pour analyser l’exemple du bébé présumé être en danger.
Même à propos de ces exceptions relativement bien circons-
crites, un débat considérable a eu lieu au sein des professions de
la santé. Ces dernières années, les pressions se sont avivées en
vue d’un élargissement de la définition de ces exceptions. La
recherche, l’assurance de la qualité, la détection des fraudes et la
santé de la population comptent parmi les fins contestées que
diverses personnes ou intervenants avaient jugées suffisamment
impérieuses pour justifier une communication de renseigne-
ments confidentiels sans consentement. L’exemple de la régie
régionale qui met en place un nouveau système d’information
sur la santé illustre comment ces systèmes peuvent faciliter les
échanges de renseignements à des fins secondaires diverses qui
ne sont pas directement liées à la prestation des services de
santé. La question du consentement que soulève l’infirmière
dans ce cas est importante. Il y a peut-être lieu de se demander
si, comme on le dit à l’intéressée, l’obtention du consentement
est bel et bien une chose peu pratique. Toutefois, la seule consi-
dération du caractère peu pratique de l’obtention du consente-
ment – même si cette obtention est impraticable ou dans la
mesure même où elle l’est – ne suffit pas à justifier le partage de
l’information sans consentement; il faudrait en fait discuter de
la question des fins argument par argument.
Normes relatives au consentement approprié ou valide
L’évolution des normes de consentement, comme dans le
cas du consentement au traitement, a abouti à une situa-
tion où ces normes sont plus élevées et plus strictes dans
le domaine des soins que dans tout autre contexte : le
consentement doit être éclairé et il doit être volontaire.
En revanche, tant le code de l’ACNOR que la loi sur la
PRPDE, qui portent principalement sur les échanges
commerciaux, parlent de consentement tout court sans
préciser s’il s’agit d’un consentement éclairé. Ils permet-
tent aussi le consentement négatif, dans le cas duquel il
incombe individuellement aux consommateurs de refuser
des pratiques de partage de l’information. Si le consom-
mateur ne signifie pas son refus, on considère qu’il a
donné son consentement. Ce n’est manifestement pas là
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