Chapitre I

publicité
Math-f-112: Module SI
Selim Rexhep
Université Libre de Bruxelles
BA1 en Sciences Informatiques
Module SI
Cours théorique : Selim Rexhep, [email protected]. Bureau :
2O8.201
Exercices : Sihem Blaha et Julien Rémy.
Supports
Pas de syllabus, mais les slides seront assez complets. Les slides
ainsi que le fichier d’exercices seront diponibles sur le site web du
cours :
http ://homepages.ulb.ac.be/∼srexhep/
Matière d’examen : ce qui aura été vu au cours et aux séances
d’exercice.
But du module SI
Le module SI constitue une introduction à l’algèbre linéaire,
c’est-à-dire à l’étude des espaces vectoriels.
Prérequis : l’algèbre et la géométrie vue au premier quadrimestre
(nombres complexes, les fonctions, les matrices, la résolution de
systèmes linéaires, la trigonométrie, ...).
But du module SI
Dans la mesure du possible, les applications à l’informatique seront
mises en avant.
Chapitre I
Chapitre I : Les espaces Kn
Introduction
Depuis le premier quadrimestre, nous avons l’habitude de travailler
avec des vecteurs de l’ensemble
Rn = {(x1 , x2 , . . . , xn ) | x1 , x2 , . . . , xn ∈ R}.
Espaces Kn
Bien sûr, lorsque n > 3, il n’est plus question de visualiser
géométriquement les vecteurs de Rn (comme on le fait lorsque
n 6 3). Malgré cela, les espaces Rn apparaissent souvent dans de
nombreuses applications.
Exemple 1
On souhaite faire une étude statistique sur le prix moyen de vente
année après année des ordinateurs dans 10 pays différents. Chaque
année fournira donc un vecteur de données à 10 composantes.
Espaces Kn
De façon plus générale : en sciences, les données sont souvent
représentées au moyen de vecteurs de Rn . Le fait qu’on ne puisse
pas visualiser physiquement Rn lorsque n > 3 ne pose pas de
problème, ces espaces sont étudiés au moyen de l’algèbre.
Espaces Kn
Exemple 2 (Codes correcteurs d’erreurs)
Pour transmettre des informations d’un point A à un point B, on
code souvent ces informations sous la forme de mots de longueur n
(avec n fixe) sur un ensemble Σ de symboles. On peut en
particulier prendre Σ ⊆ R : les mots sont alors des éléments de Rn .
Mais la transmission d’un mot de A à B peut altéré le mot (le
canal de communication n’est pas fiable). On aimerait pouvoir
construire le code de telle sorte qu’on puisse détecter ces erreurs
lorsqu’elles se produisent. De tels codes peuvent être conçus au
moyen des techniques de l’algèbre linéaire.
Espaces Kn
Le but de ce chapitre est d’apprendre les bases du calcul dans Rn .
Cependant, il se fait que les règles de calcul que nous allons
développer sont aussi valables lorsque les composantes des vecteurs
sont des nombres complexes plutôt que réels, c’est-à-dire lorsqu’on
considère Cn plutôt que Rn .
Nous utiliserons donc la notation Kn pour désigner indifféremment
soit Rn (lorsque K = R) soit Cn (lorsque K = C).
Espaces Kn
A bien comprendre : dans toute la suite de ce chapitre, les notions
et résultats qui vont être introduits seront valables que K= R ou
que K= C. C’est la raison pour laquelle on ne précisera pas si K est
égal à R ou à C, ce qu’on va dire sera vrai dans les deux cas !
Espaces Kn
On peut voir les espaces Kn comme une généralisation de la droite
réelle R, du plan réel R2 et de l’espace réel R3 .
Espaces Kn : terminologie et notations
Les éléments de Kn sont appelés vecteurs et les éléments de K
scalaires (= les nombres).
Lors des calculs, on note généralement les scalaires par des lettres
grecques : λ, µ, α, β, . . .
Pour les vecteurs, on utilise simplement des lettres latines : u, v , w ,
. . .. Certains auteurs utilisent une petite flèche ~u ou bien le gras u.
Espaces Kn
Remarque : Pourquoi utilise-t-on la lettre K pour désigner
l’ensemble R ou C ? Il se fait que les ensembles R et C sont des
structures mathématiques particulières appelées corps
commutatifs. La lettre K est la première lettre de "Körper" en
allemand.
Nous parlerons des corps commutatifs dans le chapitre II.
Espaces Kn : les systèmes linéaires
Exemple 3
Considérons un système de m équations linéaires en n variables à
coefficients dans K :


a11 x1 + a12 x2 + . . . + a1n xn = b1



a x + a x + . . . + a x = b
21 1
22 2
2n n
2
(1)

.
.
.



a x + a x + . . . + a x = b
m1 1
m2 2
mn n
m
L’ensemble S des solutions (x1 , . . . , xn ) de ce système est un
sous-ensemble de Kn . Admet-t-il des propriétés particulières ? Nous
allons voir que oui !
Espaces Kn : les systèmes linéaires
Attention : Dans les systèmes linéaires considérés, n (nombre de
variables) et m (nombre d’équations) sont des nombres entiers
quelconques ! On peut donc avoir m = n, m > n ou m < n.
Si m < n, nous avons moins d’équations que de variables, le
système peut alors admettre une infinité de solutions.
Dans tous les cas, on peut déterminer l’ensemble S des solutions
avec la méthode de Gauss (vue au premier quadrimestre).
Espaces Kn : les systèmes linéaires
Exemple 4
Considérons le système suivant sur R (ici n = 4, m = 1) :
x1 + 2x2 + x3 + x4 = 0
L’ensemble des solutions est
S = {(−2x2 − x3 − x4 , x2 , x3 , x4 ) | x2 , x3 , x4 ∈ R}.
Addition et multiplication scalaire
Rappel : dans R3 , on dispose d’une addition "composante par
composante" :
(1, 2, 3) + (4, 5, 6) = (1 + 4, 2 + 5, 3 + 6) = (5, 7, 9).
On peut aussi multiplier un vecteur (x, y , z) par un scalaire λ ∈ R
"composante par composante" :
(−2).(1, 2, 3) = (−2, −4, −6).
Addition et multiplication scalaire
De façon plus générale, on peut donc définir une addition et une
multiplication scalaire composante par composante sur Kn . Soient
u = (x1 , . . . , xn ) et v = (y1 , . . . , yn ) ∈ Kn . Soit λ ∈ K. Alors on
définit
u + v := (x1 + y1 , . . . , xn + yn )
et
λu := (λx1 , . . . , λxn ).
Espaces Kn
Exemple 5
√
Les éléments u = (1, 0, i, i, 1 − i) et v = (5 + 3i, 2, 0, 0, 1) sont
des vecteurs de C5 . On a
√
u + v = (6 + 3i, 2, i, i, 2 − i).
L’élément λ = i est un scalaire et on a
λu = (i, 0, −1, −1, i + 1).
Addition et multiplication scalaire
L’addition et la multiplication scalaire ainsi définies satisfont un
ensemble de propriétés naturelles, déjà bien connues pour R2 et R3 ,
que nous allons rappeler.
Addition et multiplication scalaire
(P1 ) Commutativité : si u et v sont des vecteurs de Kn , alors
u + v = v + u.
(P2 ) Associativité : si u, v et w sont des vecteurs de Kn , alors
u + (v + w ) = (u + v ) + w .
Comme l’addition se fait composante par composante et que + est
associative et commutative sur K, ces propriétés sont évidentes sur
Kn .
Addition et multiplication scalaire
(P3 ) Existence d’un neutre : l’addition admet un élément neutre.
Il s’agit du vecteur nul n = (0, 0, . . . , 0). Ceci signifique
n + u = u + n = u pour tout u ∈ Kn .
(P4 ) Existence d’un inverse : si u = (x1 , . . . , xn ), alors u admet
un inverse −u qui est tel que u + (−u) = (−u) + u = n. On a
−u := (−x1 , . . . , −xn ).
Addition et multiplication scalaire
Le vecteur nul n = (0, . . . , 0) sera noté 0 plutôt que n.
Remarque : il s’agit donc d’un abus de notation (on utilise la même
notation pour deux concepts distincts). Cependant, le contexte
permettera d’éviter de confondre le nombre 0 avec le vecteur nul 0.
Notez que nous avons déjà commis un abus de notation en notant
de la même façon l’addition sur Kn et sur K.
Addition et multiplication scalaire
(P5 ) Neutralité du nombre 1 : multiplier un vecteur par le nombre
1 ne change pas le vecteur, c’est-à-dire 1.u = u pour tout u ∈ Kn .
C’est complètement évident ! Mais on prend tout de même la peine
de le mettre en évidence, comme une des caractéristique de la
multiplication scalaire sur Kn .
Addition et multiplication scalaire
(P6 ) Distributivité : si u, v ∈ Kn et si λ ∈ K alors
λ(u + v ) = λu + λv .
De même, si u ∈ Kn et λ, µ ∈ K alors
(λ + µ)u = λu + µu.
Addition et multiplication scalaire
(P7 ) : si λ, µ ∈ K et si u ∈ Kn alors
λ(µu) = (λµ)u.
Addition et multiplication scalaire
Même si les propriétés (P1 ) – (P7 ) sont évidentes, on prend la
peine de les énoncer car elles caractérisent l’addition de vecteurs et
la multiplication d’un vecteur par un scalaire.
On dit parfois pour résumer ces propriétés que Kn forme un espace
vectoriel.
Addition et multiplication scalaire
Remarque : les propriétés P1 à P4 ont déjà été rencontrées au
premier quadrimestre, dans le cadre du cours sur les matrices. On
avait vu que les structures (muni d’une opération agissant sur les
éléments) satisfaisant ces propriétés sont appelées groupes
commutatifs.
Donc, les espaces Kn sont en particulier des groupes commutatifs
pour l’addition "composante par composante".
Sous-espaces vectoriels
Remarque : si V ⊆ Kn est un sous-ensemble Kn tel que
1
0 ∈ V,
2
u + v ∈ V dès que u, v ∈ V ,
3
λu ∈ V dès que u ∈ V et λ ∈ K ,
alors V satisfait aussi les propriétés (P1 ) – (P7 ). On dit alors que
V forme un sous-espace vectoriel de Kn .
Sous-espaces vectoriels
Remarque : Le singleton contenant uniquement le vecteur nul {0}
est un sous-espace vectoriel de Kn . En fait, il s’agit du plus petit
sous-espace de Kn (en ce sens qu’il est contenu dans tous les
autres).
De même, Kn lui même est (trivialement) un sous-espace. C’est le
plus grand sous-espace de Kn (en ce sens qu’il contient tous les
autres).
Sous-espaces vectoriels
Exemple 6
Fixons K = R et n = 2. L’ensemble suivant est un sous-espace de
R2
V = {λ(1, 2) | λ ∈ R}.
y
(1, 2)
(0, 0)
x
Sous-espaces vectoriels
De façon plus générale, si u ∈ Kn est un vecteur non nul,
l’ensemble des multiples scalaires de u forme un sous-espace de Kn .
On appelle ce sous-espace la droite vectorielle engendrée par v ,
et on le note <v >. On a donc
<v > = {λv | λ ∈ K}.
Sous-espaces vectoriels
Illustration :
<v > = {λv | λ ∈ K}
−3v
0
v
2v
Sous-espaces vectoriels
Exemple 7
Les droites vectorielles de R2 sont les droites de R2 passant par
(0, 0). De même, les droites vectorielles de R3 sont les droites de
R3 passant par (0, 0, 0).
Attention : les droites ne passant pas par l’origine ne sont pas des
droites vectorielles (vu qu’elles ne contiennent pas le vecteur nul).
Sous-espaces vectoriels
Nous allons maintenant montrer que l’ensemble des solutions d’un
système linéaire homogène à coefficients dans K forme toujours un
sous-espace de Kn . Un système linéaire est homogène si tous les
termes indépendants sont égaux à zéro :


a11 x1 + a12 x2 + . . . + a1n xn = 0



a x + a x + . . . + a x = 0
21 1
22 2
2n n
(2)

.
.
.



a x + a x + . . . + a x = 0
m1 1
m2 2
mn n
Espaces Kn : les systèmes linéaires
Exemple 8
Le système suivant est homogène (n = 3, m = 2) :
(
x1 + x2 + x3 = 0
2x1 − x2 + 3x3 = 0
Le système suivant ne l’est pas :


3x1 − x2 − x3 = 3


−x2 + 3x3 = 0
Sous-espaces vectoriels
Proposition 2
Soient (a1 , . . . , an ) un élément de Kn . Alors l’ensemble de toutes
les solutions (x1 , . . . , xn ) de l’équation linéaire
a1 x1 + . . . + an xn = 0
est un sous-espace de Kn .
Démonstration : Soit S l’ensemble des solutions de l’équation. Il
faut montrer que le vecteur nul 0 satisfait l’équation, que si les
vecteurs x et y la satisfont la somme x + y la satisfait aussi, et que
si x satisfait l’équation et λ ∈ K alors λx aussi.
Sous-espaces vectoriels
1) Le vecteur nul (0, 0, . . . , 0) est solution de l’équation vu que
a1 0 + . . . + an 0 = 0.
Sous-espaces vectoriels
2) Si (x1 , . . . , xn ) et (y1 , . . . , yn ) sont des solutions de l’équation
alors
a1 x1 + . . . + an xn = 0
et
a1 y1 + . . . + an yn = 0.
En sommant ces deux équations on trouve
a1 (x1 + y1 ) + . . . + an (xn + yn ) = 0
et donc x + y = (x1 + y1 , . . . , xn + yn ) est aussi solution.
Sous-espaces vectoriels
3) Si (x1 , . . . , xn ) est solution de l’équation alors
a1 x1 + . . . + an xn = 0
et en multipliant les deux membres de cette égalité par λ ∈ K on
trouve
a1 (λx1 ) + . . . + an (λxn ) = 0
donc λx = (λx1 , . . . , λxn ) est aussi une solution. Sous-espaces vectoriels
Proposition 3
Soient V1 , . . . , Vm des sous-espaces de K n . Alors leur intersection
V1 ∩ V2 ∩ . . . ∩ Vm
est aussi un sous-espace de K n .
Démonstration : 1) Comme le vecteur nul (0, 0, . . . , 0) est dans V1 ,
. . ., Vm , il est aussi dans V1 ∩ V2 ∩ . . . ∩ Vm .
Sous-espaces vectoriels
2) Si x et y sont des vecteurs de V1 ∩ V2 ∩ . . . ∩ Vm , alors x et y
sont des vecteurs de V1 , . . ., Vm . Comme V1 , . . ., Vm sont des
sous-espaces, x + y est un vecteur de V1 , . . ., Vm . Donc
x + y ∈ V1 ∩ V2 ∩ . . . ∩ Vm .
3) Si x est un vecteur V1 ∩ V2 ∩ . . . ∩ Vm et λ ∈ K , alors
λx ∈ V1 ∩ V2 ∩ . . . ∩ Vm (le raisonnement est identique à celui
ci-dessus). Sous-espaces vectoriels
Théorème 9
L’ensemble des solutions du système homogène à coefficients dans
K :


a11 x1 + a12 x2 + . . . + a1n xn = 0



a x + a x + . . . + a x = 0
21 1
22 2
2n n
. . .



a x + a x + . . . + a x = 0
m1 1
m2 2
mn n
est un sous-espace de Kn .
Sous-espaces vectoriels
Démonstration : Soit Vi l’ensemble des solutions de la i-ème
équation du système (pour i = 1, . . . , m). Alors Vi est un
sous-espace par la proposition 2. Mais l’ensemble des solutions du
système est
V1 ∩ V2 ∩ . . . ∩ Vm
qui est un sous-espace par la proposition 3. Sous-espaces vectoriels
Ce théorème permet donc de déterminer de nombreux exemples de
sous-espaces de Kn : il suffit de prendre un système linéaire à
coefficients dans K et de le résoudre (ce qu’on sait faire grâce à la
méthode de Gauss).
Sous-espaces vectoriels
Remarque : nous verrons un peu plus loin dans le cours qu’en fait
tout sous-espace de Kn forme l’ensemble des solutions d’un système
linéaire homogène ! Ainsi, la notion de sous-espace vectoriel permet
de caractériser les solutions des systèmes linéaires homogènes.
Pour caractériser les solutions des systèmes non homogènes, nous
aurons besoin d’une structure un peu plus générale : celle de
sous-espace affin.
Sous-espaces affins
Soit V un sous-espace vectoriel de Kn et x ∈ Kn . On dira que
l’ensemble
x +V
est le translaté de V par x.
Sous-espaces affins
Illustration dans R2 :
Exemple 10
V
x +V
Sous-espaces affins
Un sous-espace affin de Kn est soit l’ensemble vide ∅, soit un
translaté de sous-espace vectoriel.
Sous-espaces affins
Les translatés de droites vectorielles sont naturellement appelées
droites affines.
Exemple 11
Les droites affines de R2 (ou R3 ) sont les droites au sens habituel.
Une droite affine est une droite vectorielle si et seulement si elle
passe par l’originie.
Sous-espaces affins
Théorème 12
L’ensemble des solutions du système à coefficients dans K :


a11 x1 + a12 x2 + . . . + a1n xn = b1



a x + a x + . . . + a x = b
21 1
22 2
2n n
2
. . .



a x + a x + . . . + a x = b
m1 1
m2 2
mn n
n
est un sous-espace affin de Kn .
Sous-espaces affins
Démonstration : Soit S l’ensemble des solutions du système. Si S
est vide, alors S est un sous-espace affin par définition. Sinon, soit
x ∈ S ainsi que V l’ensemble des solutions du système linéaire
homogène associé (obtenu en remplaçant chaque bi par 0). On sait
déjà que V est un sous-espace de Kn . On va montrer que
S = x + V.
Soit y ∈ S. Comme x et y sont deux solutions du système de
départ, il est évident que y − x est une solution du système
homogène associé. De même, si x + v ∈ x + V , il est évident que
x + v satisfait l’équation de départ. Donc S = x + V , comme
annoncé. Résumé des points importants du chapitre
1
L’addition et la multiplication scalaire sur Kn (K= R ou
K= C),
2
Les notions de sous-espaces vectoriels et de sous-espaces affins
de Kn ,
3
La résolution des systèmes linéaires (homogènes ou non) sur
Kn ,
4
L’ensemble des solutions d’un système est un sous-espace affin
de Kn . Ce sous-espace affin est un sous-espace vectoriel
lorsque le système est homogène.
Téléchargement