VOCABULAIRE
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La Lettre du Cancérologue - volume VII - n° 1 - janvier-février 1998
méthode, 3 à 8.106cellules dendritiques sont obtenues à partir
de 40 ml de sang total.
Initialement isolées par des méthodes physiques de gradient
cellulaire s’appuyant sur leur faible densité, elles sont
aujourd’hui purifiées par immunosélection négative ou posi-
tive à l’aide d’anticorps. Elles n’expriment pas les marqueurs
présents dans les autres populations leucocytaires de lympho-
cytes T (CD3), de lymphocytes B (CD19, CD20), de cellules
“natural killer” (CD16, CD56) et de neutrophiles (CD15). Les
techniques de cytométrie de flux avec tri cellulaire à l’aide
d’anticorps anti-CD1a ou des nouveaux anticorps monoclo-
naux dirigés contre les molécules CD83 et CMRF 44 expri-
mées de façon préférentielle par les cellules dendritiques
matures sont également utilisées pour purifier ces cellules.
RATIONNEL DE L’UTILISATION DES CELLULES
DENDRITIQUES EN CANCÉROLOGIE
La cellule dendritique est responsable in vivo de la
présentation des antigènes tumoraux
À la suite des travaux pionniers du groupe de T. Boon, il appa-
raît clairement aujourd’hui que les cellules tumorales expri-
ment des antigènes tumoraux pouvant être reconnus par des
lymphocytes T spécifiques. Néanmoins, la cellule tumorale
n’est pas une bonne cellule présentatrice d’antigène car elle
n’exprime pas à sa membrane des molécules de costimulation
lymphocytaire (B7), et des anomalies de régulation des molé-
cules HLA de classes I et II associées aux tumeurs ont été
décrites. Par ailleurs, des expériences de “cross priming” ont
démontré dans des modèles tumoraux murins que les antigènes
tumoraux cibles d’une attaque immunologique n’étaient pas
présentés directement de la cellule tumorale aux lymphocytes T
mais nécessitaient l’intervention de cellules dendritiques res-
ponsables, en fait, de l’immunisation contre ces antigènes.
Après transfection de tumeurs avec l’ADNc du GM-CSF,
cytokine induisant la différenciation des cellules dendritiques,
l’augmentation de l’immunogénicité de ces tumeurs et leur
rejet chez l’animal suggèrent également un rôle des cellules
dendritiques dans ces modèles.
Cellules dendritiques : marqueurs pronostiques
en cancérologie
D’après des études immunohistochimiques à l’aide d’anticorps
anti-S100, la présence de cellules dendritiques en grand
nombre dans le stroma tumoral de cancers des voies aérodiges-
tives supérieures, bronchiques, digestives, du col de l’utérus et
de la prostate est associée à un meilleur pronostic clinique.
Dans les mélanomes, la proportion de cellules de Langerhans
infiltrant les tumeurs diminue avec la progression de la
maladie.
Anomalies fonctionnelles des cellules dendritiques en
cancérologie
Par différents mécanismes, il semble que la cellule tumorale
inhibe certaines activités fonctionnelles des cellules
dendritiques infiltrant les tumeurs et empêche ainsi une
réaction immunitaire antitumorale de se développer.
Ainsi, le groupe de Gabrilovich a montré que, chez des souris
porteuses de tumeurs, les cellules dendritiques présentaient
différentes anomalies phénotypiques et fonctionnelles les ren-
dant moins efficaces dans leur capacité à présenter des anti-
gènes tumoraux. Chez l’homme, les cellules dendritiques infil-
trant les tumeurs du rein et de la prostate semblent garder un
phénotype immature (CD83-, CMRF 44) peu fonctionnel.
Différentes molécules sécrétées par la cellule tumorale comme
l’interleukine 10 ou le VEGF (Vascular Endothelial Growth
Factor) pourraient être responsables d’une absence de différen-
ciation et d’une perte de fonctionnalité des cellules dendri-
tiques infiltrant les tumeurs.
Le rôle majeur joué par les cellules dendritiques dans l’induc-
tion d’une immunité antitumorale et leur état d’anergie ou
d’absence de recrutement au site tumoral observé in vivo
représentent donc le rationnel des stratégies visant à activer et
sensibiliser in vitro ces cellules dendritiques avec des anti-
gènes tumoraux dans un but vaccinal.
ROLE DES CELLULES DENDRITIQUES DANS L’INDUCTION
D’UNE IMMUNITÉ ANTITUMORALE
Induction in vitro de lymphocytes T cytotoxiques dirigés
contre des antigènes tumoraux
Différents arguments cliniques et expérimentaux suggèrent
que l’induction de lymphocytes T cytotoxiques antitumoraux
est le plus souvent corrélée à une réponse clinique antitumo-
rale. Or, différentes propriétés des cellules dendritiques leur
confèrent un avantage majeur par rapport aux autres types de
cellules présentatrices d’antigènes pour générer une réponse
immunologique cellulaire antitumorale. Ainsi, les cellules den-
dritiques présentent des peptides dérivés d’antigènes exogènes
de façon HLA classe I restreinte pouvant être reconnus par des
lymphocytes T CD8 cytotoxiques tandis que la majorité des
autres types cellulaires internalisent ces antigènes exogènes
dans la voie endosomale, conduisant à une présentation des
peptides par les molécules HLA de classe II. Par ailleurs, ces
cellules dendritiques sécrètent, lors de cette présentation anti-
génique, de grandes quantités d’interleukine 12, cytokine
jouant un rôle majeur dans l’induction d’une réponse immuni-
taire de type cellulaire.
Différents groupes ont montré qu’une immunisation in vitro à
l’aide de cellules dendritiques pouvait générer des lympho-
cytes T cytotoxiques contre des peptides dérivés des transcrits
de fusion abl-bcr dans la leucémie myéloïde chronique, de la
tyrosinase, de Mart 1 et de gp100 dans le mélanome,
d’Her2/neu dans le cancer du sein ou de PSMA (Prostate Spe-
cific Membrane Antigen) dans le cancer de la prostate.
Réponse clinique antitumorale dans des modèles
expérimentaux murins après immunothérapie adoptive avec
des cellules dendritiques
Le tableau I résume les travaux démontrant clairement une
efficacité antitumorale des cellules dendritiques sensibilisées
avec différents antigènes tumoraux. Cet effet est observé aussi
bien dans des protocoles de vaccination empêchant le dévelop-
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