Paris, le 8 avril 2008
Communiqué de presse
Les effets de la pêche sur l’évolution1 des espèces exploitées :
des éléments à prendre en compte dans le contexte d’une approche de
précaution de la gestion des pêches
Au sein du groupe de travail SGFIAC2 du CIEM3, Bruno Ernande, chercheur au
Laboratoire Ressources Halieutiques de la station Ifremer de Port-en-Bessin, a
participé à la rédaction d’un article paru dans la revue américaine Science en
novembre 2007, intitulé « Managing Evolving Fish Stocks ». Il s’agit d’une
revue des études menées sur les changements évolutifs induits par la pêche
chez les stocks exploités. Cet article remet en question l’idée selon laquelle
l’évolution des espèces requiert des milliers, voire des millions d’années, pour
avoir un effet observable dès lors que la pression de sélection exercée est
suffisamment forte. Cette étude est également un moyen d’alerter les experts et
les gestionnaires sur la nécessité d’étudier et d’évaluer les conséquences
démographiques potentielles ou avérées de cette évolution, dans le cadre d’une
approche de précaution de la gestion des ressources.
Plus la pression de sélection générée par la pêche est forte, plus les
changements observés sont rapides
La vitesse de l’évolution d’un caractère biologique est proportionnelle à l’intensité de la
pression de sélection qu’il subit. Cette pression est due soit à l’environnement naturel –
elle est alors nommée sélection naturelle4– soit à l’action de l’homme. On parle dans ce
cas de sélection artificielle.
Or, la pêche exerce sur les stocks halieutiques une pression de sélection artificielle qui se
superpose à la sélection naturelle. En effet, du fait de sa sélectivité (le plus souvent en
fonction du critère « taille »), la pêche génère involontairement une pression de sélection
forte. Seule une partie de la population, qui se distingue par des tailles plus faibles et un
certain nombre de caractères associés, peut survivre et se reproduire. Ce sont les
caractéristiques de cette population « épargnée » qui seront transmises aux générations
suivantes.
Quels caractères évoluent et quelles peuvent être les conséquences ?
L’évolution induite par la pêche a été mise en évidence au niveau de nombreux stocks
halieutiques. Les changements adaptatifs observés affectent majoritairement les traits
d’histoire de vie5 des espèces exploitées. Plus précisément, en ciblant préférentiellement
les individus de grande taille, les pêcheries favorisent généralement les individus ayant
une croissance faible, une reproduction précoce à des stades de croissance inférieurs et
un plus fort investissement reproductif. Ces individus vont alors transmettre ces
caractéristiques aux générations suivantes.
1 Évolution au sens darwinien du terme
2 Study Group on Fisheries-Induced Adaptive Changes ou Groupe d’Etude sur les Changements Adaptatifs
Induits par la Pêche. Ce groupe, constitué de chercheurs européens et créé par le CIEM, s’est réuni pour la
première fois en février 2007.
3 Conseil International permanent pour l’Exploration de la Mer
4 Il s’agit de la sélection naturelle telle qu’elle est énoncée par Darwin
5 Les traits d’histoire de vie sont les caractères d’un individu liés aux processus de croissance, reproduction et
survie tout au long de sa vie
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