Introduction

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TABLE DES MATIÈRES
Introduction
I - Le cadre théorique
1 - L'absence de consensus autour du concept de secteur informel
2 - Le modèle simplifé d'une économie bipolaire
3 - La mise en évidence du rôle spécifque joué par le circuit informel
II - Les éléments statistiques
1 - La mesure du non-enregistrement statistique en comptabilité nationale
1.1 - Une démarche identique pour tous les pays...
1.2 - ... mais des méthodes spécifiques auxpays sous-développés
2 - La définition d'un secteur informel en comptabilité nationale
2.1 - La création d'un secteur informel en comptabilité nationale
2.2 - La composition du secteur informel : le critère du non-enregistrement
administratif
Conclusion
Bibliographie
Introduction
Parce que l'évolution des activités informelles y est intimement liée à celle de la
demande, une politique d'intensification des relations intersectorielles semble
particulièrement indiquée en République centrafricaine. D'où l'intérêt d'y définir un cadre
à la fois théorique et pragmatique où puissent venir s'inscrire un ensemble de mesures
d'ordre macro-économique visant à mieux insérer l'informalité dans le processus de
développement.
Cependant, construire un modèle macro-économique théorique (et non économétrique)
implique de spécifier d'abord un cadre d'analyse, d'établir ensuite les relations entre
variables globales à partir des hypothèses de comportement des agents et des règles
présidant à leurs relations puis de confronter le tout à la réalité.
L'objet de cette étude sera donc :
•
•
•
de proposer un modèle simplifié de l'économie monétaire centrafricaine ;
d'en déduire le rôle particulier joué dans ce cadre par le circuit informel ;
de faire apparaître enfin l'économie informelle dans la comptabilité nationale de la
République centrafricaine.
I- LE CADRE THÉORIQUE
Il suffit d'un bref survol comparatif de la littérature pour se persuader de l'incapacité des
chercheurs à préciser les contours d'un secteur informel. Nous proposerons donc en guise
d'alternative une lecture circuitiste de l'économie centrafricaine.
1 - L'absence de consensus autour du concept de secteur informel
On distingue essentiellement deux grandes familles de chercheurs dans le domaine de
l'économie informelle :
•
•
la première souhaite mettre en évidence certaines pratiques volontairement
occultées par l'entrepreneur. On désigne alors par des termes à forte connotation
négative des activités partiellement ou totalement illégales ;
la seconde s'attache comme la précédente au comportement des agents mais elle
délaisse sa vision juridique au profit d'une vision socio-économique : on désigne
alors un mode de production spécifique (on étudie l'organisation sociale, les
réseaux de solidarité, les originalités culturelles...).
Les activités informelles seront alors selon les points de vue des formes traditionnelles
d'organisation en voie de disparition, un simple produit de la confrontation des économies
développée et sous-développée ou enfin précurseurs d'un autre développement.
Mais que l'on voit dans le "secteur informel» la remise en cause du paradigme de l'emploi
au nom de la rentabilité (BENTON, CASTELLS, PORTES, 1990), ou l'instinct de survie
d'entrepreneurs stérilisés par l'excès des régulations publiques (DE SOTO, 1994), dans
les deux cas la causalité retenue s'oppose à celle contenue dans l'approche de l'O.I.T. et
que nous reprendrons ici à notre compte, selon laquelle l'illégalité n'est que l'une des
conséquences possibles de l'informalité. Sur cette base, toute définition juridique du
informel » ne peut donc être qu'artificielle sinon porteuse d'illusions (PIGEON, 1994).
En effet, O. LE BRUN démontre que les micro-entreprises subissent une double
socialisation qui les conduit à fonctionner suivant deux logiques bien distinctes: (OCDE,
1991)
•
•
. une logique économique introduite par la concurrence inhérente à l'insertion sur
les marchés
. une logique socioculturelle à mille lieues du rationalisme de la précédente
(recrutement du personnel soumis à des contraintes sociales, confusion entre
bénéfices et revenu de la famille ...).
Leurs dysfonctionnements ne peuvent donc pas être considérés, dans cette optique,
comme la conséquence de coûts de transaction trop élevés du fait de l'inadaptation du
cadre institutionnel (pris au sens large : secteur public, parapublic, sécurité sociale..., lois,
règlements, actes administratifs...), contrairement à ce qu'affirme l'approche
institutionnelle (DE SOTO, 1994).
Bien entendu, chacun voit dans le secteur informel ce qu'il souhaite y voir en fonction de
ses a priori idéologiques (MILLER, 1987) et les conclusions atteintes se retrouvent
inévitablement opposées. Pour le courant propre à l'O.I.T., l'incapacité qu'ont les
économies en développement à répartir les fruits de la croissance ou le fardeau de la
récession rend incontournable l'intervention des pouvoirs publics1. Le point de vue de L.
BENTON, M. CASTELLS et A. PORTES implique tout au contraire une remise en
question du rôle joué par un Etat subordonné au capital privé. Enfin, dans l'optique
SOTO " c'est la non-intervention de l'Etat qui est prônée.
"Cette grande confusion autour du concept de secteur informel a engendré un quatrième
courant de pensée, celui du &rejet&nbsp». Face à l'incapacité des chercheurs à préciser
les contours du secteur informel, devant l'absence de consensus à l'égard de sa définition
depuis près de vingt ans, un nombre croissant d'auteurs le remettent aujourd'hui en
question. Ils proposent d'abandonner la notion de secteur informel parce qu'elle brouille
plus qu'elle ne sert l'appréhension de la réalité économique des [pays en
développements] " (ROUBAUD, SERUZIER, 1991).
2 - Le modèle simplifié d'une économie bipolaire
Selon la terminologie de M. PENOUIL (1983), l'économie centrafricaine pourrait être
décrite au moyen des trois circuits qui y fonctionnent et de leur interaction :
•
1. Le premier reproduit l'économie rurale de transition et se traduit par une
autoconsommation très élevée. Toutefois, les surplus de production vivrière y sont
écoulés grâce au commerce informel. Ce circuit est organisé autour de la famille
élargie, le salariat y est rare et les très faibles revenus répartis en fonction du statut
•
•
social sont utilisés en grande partie vers le commerce et l'artisanat informel.
Essentiellement non monétaire, ce circuit se trouve en marge de notre cadre
d'analyse, même si nous y faisons référence à diverses reprises.
2. Le second circuit correspond aux activités informelles et présente les
caractéristiques suivantes : la production, souvent de médiocre qualité (mais
fournie à des prix ou des quantités compatibles avec les faibles revenus d'une
clientèle constituée d'acheteurs également issus du circuit informel, de
l'agriculture de transition et des titulaires de bas revenus du circuit moderne) est
entièrement commercialisée et fait l'objet d'un règlement monétaire. Le travail,
organisé dans des unités de production autonomes est essentiellement fourni par
l'exploitant, des apprentis et des aides familiaux non rémunérés (le recrutement
relève généralement du système de relations sociales). Le travail dans l'informel
est surtout destiné aux nationaux (même si de nombreux libanais y participent en
tant que commerçants à propre compte). La place du capital est faible et la
croissance de la productivité lente. En outre, selon M. SANTOS 2 (1975), le
circuit informel trouve l'essentiel des éléments de son articulation dans la ville et
sa région.
3. Enfin le circuit moderne possède également des caractéristiques très marquées :
la production de biens ou services de qualités, vendus à prix fixé rationnellement,
est destinée exclusivement au marché, pour une clientèle à revenu élevé (sauf
achats occasionnels). Le travail est majoritairement d'origine salariale, et comme
nous l'avons vu, les revenus bien que très majoritairement réinjectés dans le
circuit moderne pourront accessoirement être utilisés sur le circuit informel. En
outre, le circuit moderne emploie beaucoup d'étrangers. En effet, contrairement à
l'informel, le circuit moderne va d'ordinaire chercher son articulation hors de la
ville et de sa région (SANTOS, 1975).
Il existe en outre une interconnexion entre les deux circuits (moderne {3} et informel
{2}) de l'économie urbaine de la R.C.A. d'une part, et entre chacun d'eux et le circuit de
son économie agricole de transition {1} d'autre part&nbsp:
•
•
•
le circuit {1} vend et achète au circuit {2} mais ne fait que vendre au circuit {3}.
Quant aux circuits {2} et {3}, s'ils échangent entre eux ces échanges sont
minoritaires par rapport aux échanges intra-circuits
le circuit {1} fournit la main d'oeuvre aux circuits {2} et {3} qui échangent
réciproquement des flux de main d'oeuvre
surtout, dans une optique de déversement chère à A. SAUVY, la place du circuit
{1} se réduit inéluctablement au profit tout d'abord des circuits {2} et {3}, dont la
croissance est de ce fait fortement corrélée. Par la suite, "dans des phases plus
avancées du développement, les traits originaux de l'informel peuvent s'estomper
et celui-ci s'intègre progressivement au circuit moderne qui devient prépondérant
".
Nonobstant, nous ne retiendrons pas cette représentation tripartite de l'économie
centrafricaine car si l'on définit l'activité informelle comme étant une activité
marchande en marge des régulations publiques, ou bien la production du circuit rural
de transition donne lieu à un règlement monétaire et elle se situe nécessairement dans l'un
des circuits moderne ou informel en fonction de sa position à l'égard des régulations
publiques, ou bien elle ne donne lieu à aucun règlement monétaire (troc,
autoconsommation, ...) et elle échappe de fait au paradigme du circuit tel que nous allons
le présenter.
En effet, d'un point de vue marxien le rapport marchand est constitutif d'une société dans
laquelle la production est effectuée par des unités économiques privées. Echanger une
marchandise revient alors à valider socialement le travail mort et le travail vivant engagés
dans sa production et à accorder au propriétaire de l'unité qui l'a produite un droit sur une
part équivalente du travail social (mais aussi d'autres droits résultant d'autres rapports
sociaux tels que la propriété de la terre, du capital...) (MARX, 1969). C'est cette
reconnaissance-droit qu'incarne la monnaie. L'ensemble des normes routinières admises
par le producteur marchand le conduit alors à déterminer son prix d'offre et la réalisation
ou non de son produit à ce prix caractérise la forme générale de régulation correspondant
à la production marchande : la loi de la valeur (LIPIETZ, 1983, 1987).
On reconnaît ici deux des intuitions fondamentales de J. M. KEYNES :
•
•
le rejet de la de SAY : l'offre ne crée pas sa propre demande
l'affirmation que le prix d'offre ne se découvre pas sur le marché&nbsp: il
préexiste à la vente.
Mais c'est surtout la prescience qu'eut K. MARX du rôle joué par la monnaie3, qui trouve
son plus brillant écho chez J. M KEYNES. Car la monnaie n'est pas nécessairement une
quantité de marchandises incorporant de la valeur (BRUNHOFF, 1979). La monnaie de
crédit (forme de monnaie la plus adéquate au capitalisme développé) représente en effet
de la valeur en procès c'est à dire une production en cours cherchant à faire reconnaître sa
validité sociale (GROU, 1977).
De manière très simplifiée, F. POULON définit le circuit keynésien en économie fermée
4 comme une boucle close composée de pôles (les agents économiques).
En accordant un crédit à un entrepreneur, une institution financière antévalide les
engagements de travail de ce dernier dans une production particulière. Grâce à la
confluence de confiances quant aux capacités d'anticipation des banquiers, la monnaie de
crédit se développe d'abord en un système fractionné. Progressivement cette hasardeuse
stabilisation cède le pas à la sélection par une Banque Centrale des titres dignes de
confiance, qu'elle émet en les gageant sur des flux de valeur qu'elle pseudo-valide. Le
système monétaire devient alors une combinaison complexe de monnaie-marchandise et
de monnaie de crédit, de système fractionné et de système centralisé (AGLIETTA,
ORLEAN, 1982 LIPIETZ, 1983). Fondée sur le pari du bouclage d'un circuit futur, la
pseudo-validation permet le bouclage présent des circuits engagés dans le passé.
En outre, le circuit possède une qualité fort intéressante pour notre problématique : sa
remarquable adaptabilité. Il est en effet toujours possible, en ajoutant force pôles et flux,
de mieux s'attacher à la représentation de l'économie étudiée. Pourquoi, dès lors, ne pas
greffer sur le circuit capitaliste développé d'un pays tel la Centrafrique, des pôles
représentatifs d'agents informels ? Enfin, l'intérêt fondamental de l'approche circuitiste se
trouve bel et bien dans la globalité de la démarche5. L'analyse, en effet, ne se limite pas à
un pan supposé homogène de l'économie du pays étudié mais la décrit au contraire dans
son ensemble, pour mettre en évidence les éléments permettant d'étudier l'articulation
entre deux sous-circuits théoriques :
•
•
l'un généralement bien appréhendé par les statistiques officielles et que nous
appellerons le circuit moderne
l'autre "célèbre" et méconnu que nous appellerons le circuit informel.
Néanmoins, à aucun moment ce dualisme abstrait ne devra sous-entendre une frontière
réelle précise et ferme entre ces deux mondes. Nous conserverons au contraire toujours
en mémoire l'image d'un circuit représentant la totalité de l'économie du pays étudié, et
préférerons, à l'instar de L. PEATTIE (1968) parler d'économie bipolaire.
En simplifiant, le circuit moderne serait constitué : (SANTOS, 1975)
•
•
•
de la banque (B)
du commerce et de l'industrie d'exportation, de l'industrie, du commerce et des
services urbains modernes ainsi que des grossistes et des camionneurs (E)
des ménages (M). Notons ici la présence de ce pôle dans les deux circuits, puisque
toutes les couches de population peuvent consommer en dehors du circuit auquel
elles appartiennent.
Dans ce circuit, M. SANTOS établit une distinction entre :
•
•
•
les activités "pures", telles que l'industrie urbaine moderne, le commerce et les
services modernes, qui sont à la fois des éléments spécifiques de la ville et du
circuit moderne
les activités "impures", telles que l'industrie et le commerce d'exportation, ainsi
que les banques, qui bien qu'installées en ville ont l'essentiel de leurs intérêts
ailleurs là où vont leurs "outputs"
les activités "mixtes", telles que les grossistes et les transporteurs qui ont tous
deux des attaches fonctionnelles avec chacun des circuits de l'économie urbaine.
A la tête d'une chaîne décroissante d'intermédiaires, le grossiste se situe de fait au
sommet du circuit informel. D'autre part, selon M. SANTOS (1975) l'importance des
affaires qu'il réalise donne la dimension de ses affaires bancaires et ainsi de sa
participation dans le circuit moderne. Cependant cette seconde hypothèse ne se vérifie
pas à Bangui.
En effet, il y existe trois sortes de systèmes d'approvisionnement internationaux en
produits vivriers : le premier sert la communauté des expatriés occidentaux, le second
apporte les produits du Zaïre mais tous deux ne sont pas en mesure de rivaliser avec le
troisième basé au Km5 6. Toutefois, ce dernier n'est absolument pas financé par le
système bancaire, pas plus d'ailleurs qu'il n'y épargne (WESTNEAT, BOYER, LENTZ,
1991). Il est donc certain que les sommes considérables nécessaires pour financer les
opérations commerciales du Km5 circulent en dehors des structures bancaires formelles
de la R.C.A.
Tableau 1: les caractéristiques des circuits
Caractéristiques
Technologie
Organisation
Capitaux
Emploi
Salariat
Stocks
Circuit moderne
capital-intensive
bureaucratique
importants
réduit
dominant
grande quantité et/ou haute qualité
Circuit informel
labour-intensive
primitive
minces
volumineux
pas obligatoire
petites quantités, qualité
inférieure
fixes (en général)
soumis à discussion entre
Prix
vendeur et acheteur
bancaire institutionnel
personnel non
Crédit
institutionnel
Marges bénéficiaires réduites à l'unité mais importantes pour élevées à l'unité mais
le volume d'affaires (exception&nbsp: petites par rapport au
produits de luxe)
volume d'affaires
impersonnels et/ou avec des papiers
directs personnalisés
Rapport avec la
clientèle
importants
négligeables
Coûts fixes
nécessaire
nulle
Publicité
nulle
fréquente
Réutilisation des
biens
indispensable
non indispensable
capital&nbsp»
importante
nulle ou presque nulle
Aide
gouvernementale
réduite ou nulle
Dépendance directe grande, activité extravertie
de l'extérieur
Source: d'après SANTOS, 1975
Le processus d'approvisionnement en produits vivriers et manufacturés (provenant de la
province, mais aussi du Cameroun, du Tchad, du Soudan, du Nigeria et d'ailleurs) des
marchés de Bangui est varié et complexe et repose sur un système de crédit en nature,
basé sur la confiance mutuelle entre musulmans renforcée par un important système de
récompenses sociales et de sanctions.
Le plus souvent, les producteurs où des intermédiaires7 achetant à la porte de la ferme
transportent les produits vers la capitale pour les confier à un courtier. Ce dernier donne
des crédits en nature à des grossistes qui organisent les détaillants. Une fois le produit
vendu, les détaillants remboursent les grossistes qui paient les courtiers, payant euxmêmes les transporteurs. A leur retour dans les zones de production, ces derniers
remboursent enfin les fournisseurs. Enfin, le transporteur établi la liaison entre les
activités des deux circuits, mais il peut en plus devenir commerçant à son tour et
s'inscrire de fait dans l'un ou l'autre circuit.
Quant au circuit informel d'un économie fermée il pourrait se composer d'un pôle B'
(prêteurs informels), un pôle E' (entreprises informelles), un flux F' (financement
informel), un flux S' (épargne informelle), un flux Y' (revenus de l'activité informelle) et
un flux C' (consommations des produits des activités informelles)... En effet, le marché
des fonds prêtables dans les pays sous-développés se partitionne entre les banques (B) et
un pôle informel (B') qui finance toutes sortes d'activités modernes (F'1) ou non (F'2)
(EBOUE, 1989). Toutefois, pour C. LIEDHOLM (OCDE, 1991), le financement des
micro-entreprises par recours aux institutions officielles (F2) serait négligeable (moins de
1% des fonds mobilisés par le circuit informel). Puis les entreprises (E et E') consomment
des biens intermédiaires et du capital fixe (U=CI+CCF et U'=CI'+CCF') et investissent (I
et I'). Pour cela, elles peuvent s'approvisionner dans le circuit moderne comme dans
l'informel. Tout au long du processus de production, les entreprises (E et E') distribuent
des revenus aux ménages (respectivement Y et Y') qui partagent leur consommation (C et
C') entre circuit moderne et informel. Enfin les ménages épargnent soit en s'adressant aux
banques (S), soit en s'adressant au pôle informel (S').
3 - La mise en évidence du rôle spécifique joué par le circuit informel
Pour saisir d'un point de vue théorique le rôle spécifique joué par le circuit informel dans
l'économie centrafricaine nous donnerons d'abord du modèle une image comptable en
dressant pour chaque catégorie (B, E, M) un compte à double colonne où figurent les
opérations effectuées par la catégorie en cause, au cours d'une période de temps donnée.
On peut regrouper toutes les opérations en six grands flux : Y (revenu des ménages) ; C
(leur consommation) ; S (leur épargne) ; I (l'investissement net des entreprises) ; U (leur
coût d'usage, égal à la somme de leur consommation intermédiaire et de leur
consommation de capital fixe) ; F (leur besoin de financement satisfait par emprunt
auprès des institutions financières).
Flux
Flux
Flux
B
sortants
entrants sortants
E
Flux
Flux
Flux
M
entrants sortants
entrants
U
F
S
U
C
Y
I
I
S
C
Y
F
Dans l'analyse keynésienne, le revenu global de la communauté est la somme du revenu
des ménages et des profits (encore appelés revenu des entrepreneurs ) sur une période
donnée. Ces derniers correspondent en fait à la partie non distribuée du revenu global, qui
se décompose en une partie distribuée aux ménages (Y) et une partie non distribuée à
déterminer.
Le revenu global (R) est défini comme étant les recettes (A), nettes du coût d'usage (U),
que les entreprises ont réalisées au cours de la période en produisant des biens et services.
Du compte des entreprises (flux entrants) on dégage :
A=U+I+C
D'où l'on tire :
R=A-U=I+C
L'égalité comptable du compte entreprise permet d'écrire :
R=(I-F)+Y
Donc :
R=(I-F)+Y
Cette décomposition du revenu global permet de dégager le revenu non distribué (I-F),
c'est à dire le profit des entreprises ou encore son épargne.
La condition de positivité des profits s'exprime donc par l'inégalité suivante 8 :
I-F>=0
Toutefois, pour faire ressortir le partitionnement de l'économie monétaire centrafricaine
entre les deux circuits significatifs, cette condition d'équilibre fort s'écrira plus
précisément :
(I 1 +I 2 )-(F 1 +F 2 )>=0
l'indice désignant la provenance des flux (1 pour le circuit représentant l'économie
moderne et 2 pour le circuit informel).
Cette inégalité peut encore s'écrire :
(I 1-F 1 )+(I 2 -F 2 )>=0
ce qui signifie notamment que les profits réalisés par les entreprises de l'un des circuits
peuvent venir compenser le montant non remboursable de la dette engagée par les
entreprises de l'autre. Plus précisément, lorsque l'on a (I 1 -F 1 )<0, ce qui caractérise une
situation de crise pour l'économie moderne puisque la richesse accumulée par les
entreprises au cours de la période considérée est inférieure à leur endettement net, les
profits dégagés par le circuit informel peuvent venir atténuer l'amplitude du marasme de
l'économie nationale. Cette dernière ne connaîtra théoriquement aucune récession dans ce
cas de figure pour :
(I 2 -F 2 )>=(F 1- I1 )
Ainsi il est très clair que dans le contexte actuel de la R.C.A. toute diminution du revenu
des entrepreneurs informels aggrave la crise que traverse ce pays.
II - LES ELEMENTS STATISTIQUES
Bien qu'ils ne soient pas encore suffisamment précis pour évaluer sérieusement (I 1 -F 1 )
et (I 2 -F2 ), les comptes nationaux centrafricains n'en méritent pas moins une attention
toute particulière dans le cadre de cette étude.
En effet, lors de la quinzième conférence internationale des statisticiens du travail
convoquée à Genève par le Conseil d'administration du B.I.T. du 19 au 28 janvier 1993,
ce dernier reconnaît que la comptabilité nationale offre au chercheur en économie du
développement un cadre d'analyse cohérent ainsi que des concepts déjà bien rodés.
Surtout, l'O.I.T. et le département de comptabilité nationale des Nations Unies travaillent
depuis lors à l'intégration des activités informelles dans les comptes nationaux 9 . Nous
tenterons donc de nous inscrire dans la lignée des travaux ébauchés par ces institutions
dans le cas particulier de la Centrafrique.
1 - La mesure du non-enregistrement statistique en comptabilité nationale
Logiquement, les méthodes mise en oeuvre afin d'évaluer le non-enregistrement
statistique dépendent principalement du type d'information dont on peut disposer dans
chaque pays. Par exemple, l'approche utilisée en France repose essentiellement sur le taux
de fraude par secteur institutionnel estimé à partir des contrôles fiscaux. En République
centrafricaine on privilégie généralement les informations relatives aux unités de
production en utilisant le Tableau Entrée-Sortie (T.E.S.) comme instrument de cohérence.
Néanmoins, par-delà ces différences de méthodes induites par les caractéristiques propres
à chaque pays M. SERUZIER (1989) montre que la démarche reste similaire.
1.1 - Une démarche identique pour tous les pays...
Tenu de mesurer l'ensemble du champ théorique proposé par le système, le comptable
national se doit d'essayer d'évaluer autant que faire ce peu l'ensemble du nonenregistrement statistique au moyen de comptes nationaux développés. Pour obtenir un
fractionnement fin des grands agrégats de la nation, il procédera à une première
décomposition en suivant les nomenclatures données par le SCN et adaptées, le cas
échéant, à la réalité locale. Puis une décomposition complémentaire permettra de tenir
compte des frontières contenues par l'information et de définir des sous-ensembles
homogènes plus particulièrement dans les zones d'ombre.
"L'objectif de la méthode est de mettre en place un quadrillage fin de l'espace
économique à mesurer, afin d'utiliser au mieux toute l'information disponible et de
rendre possible le plus grand nombre de recoupements " (ROUBAUD, SERUZIER,
1991). En effet, le non-enregistrement statistique ne signifie pas pour autant que l'espace
concerné soit absolument inconnu du statisticien. Au contraire, des informations peuvent
tout d'abord être obtenues à partir de sources statistiques ayant d'autre champ pour objet.
D'autre part, la statistique n'est pas nécessairement la seule source d'information et le
comptable national se doit d'inventorier l'ensemble des informations qualitatives et
quantitatives portant sur les activités économiques.
Naturellement, une telle démarche s'inscrit incontournablement dans le long terme
puisque l'appareil statistique d'un pays quel qu'il soit reste toujours perfectible d'une part,
et que l'évolution de l'environnement économique et social peut le détériorer d'autre part.
1.2 - ...mais des méthodes spécifiques aux pays sous-développés
Pour les pays en développement, la nécessité d'une autre méthode, plus complexe, semble
devoir s'imposer (SERUZIER, 1989). Elle repose principalement sur la mise en oeuvre
d'une multiplicité d'études partielles se rapportant aux trois approches par lesquelles le
PIB peut être décomposé (revenu, production, demande finale), confrontées aux
populations de référence (recensement) et intégrées dans le cadre d'un T.E.S. afin d'en
assurer la cohérence.
On connaît en effet l'intérêt que présente la matrice des échanges intermédiaires (dite
matrice de Léontiev) pour analyser la structure de l'appareil de production d'un pays et en
projeter l'évolution par inversion de la matrice des coefficients techniques. Plus
généralement, le T.E.S. est devenu un instrument privilégié de prévision économique.
Mais les relations mises en jeu par le T.E.S. sont également utilisables comme moyen de
mise en cohérence de toute l'information relative à la production du pays&nbsp:
(ROUBAUD, SERUZIER, 1991)
•
•
•
•
•
enchaînement des filières industrielles
bonne répartition des impôts indirects
arbitrage sur les marges de transport et de commerce
analyse des opérations par produit ou par branche (FBCF, Consommation finale,
Commerce extérieur...)
synthèse générale relative à l'évaluation du PIB.
Cependant, compte tenu de l'ampleur des travaux qu'une telle élaboration suppose,
certains pays pourraient renoncer à construire ce T.E.S. D'autant que la prétention du
comptable national de mesurer l'ensemble du champ de la production se heurte à de
nombreuses difficultés compte tenu des moyens dont il dispose et à la qualité de la
statistique à laquelle il accède. En effet, comme l'étendue du circuit informel est aussi liée
à une certaine détérioration de la capacité d'intervention de l'Etat auprès des agents
économiques, l'appareil statistique n'est guère épargné puisqu'il dépend de la puissance
publique. Il faut s'attendre en outre à un accroissement simultané des autres formes de
non-enregistrement (fraude, corruption, contrebande,...).
Plus dangereusement, comme le souligne M. SERUZIER, l'évaluation au cours du temps
des agrégats économiques (non-enregistrés inclus) est rendue très délicate en année
courante. En effet, la variation d'un agrégat résulte tout à la fois de l'évolution
économique et monétaire et des erreurs de la mesure (beaucoup plus sensibles sur les
variations que sur les structures). Or l'information statistique sur les évolutions est
beaucoup plus rare : les grandes enquêtes, les recensements ne sont pas réalisés chaque
année. Et il n'y a aucune raison de faire évoluer de la même manière les circuits moderne
et informel.
2 - La définition d'un secteur informel en comptabilité nationale
Mesurer l'économie non-enregistrée par la statistique, dans le cadre des comptes
nationaux, est donc possible pour la plupart pays sous-développés. Et tout ce qui relève
de l'informalité se trouve fatalement inclus dans cette mesure. Cependant, la comptabilité
nationale ne spécifiant pas les caractéristiques d'un secteur informel, il s'agit maintenant
de proposer une définition en suivant deux étapes que nous présenterons successivement :
•
•
1. ouvrir dans le cadre de la comptabilité nationale centrafricaine un espace au
sein duquel il soit possible d'inscrire le concept de secteur informel
2. proposer les caractéristiques et le contour d'un tel secteur, conformément aux
besoins de la recherche économique.
2.1 - La création d'un secteur informel en comptabilité nationale
La dernière révision du SCN englobe dans le concept de production &nbsptout ce qui
donne lieu à transaction par accord mutuel entre les parties, y compris quand il s'agit de
produits interdits à la vente ou d'activités illégales&nbsp» (ROUBAUD, SERUZIER,
1991). En conséquence, il n'est pas possible d'étendre l'informalité à des activités
économiques que le système exclu de son champ. A l'inverse, dans la liste des activités
que le système retient comme pouvant être productives, il n'existe aucune exclusive
concernant leur exercice de manière informelle.
Dans un premier temps, s'il on retient comme critère de l'informalité le fait pour une unité
de production d'être à la marge des normes définies par l'Etat (BIT, 1993) on exclu a
priori les producteurs constitués en personne morale 10 . C'est pourquoi toute activité
informelle relève fatalement du secteur institutionnel des ménages. Mais un ménage est
défini par M. SERUZIER comme un regroupement de personnes compte tenu de leur
appartenance à une même unité de consommation dans le cadre d'un logement partagé.
Un même ménage peut donc abriter des personnes qui participent à la production de
manière totalement différente (indépendant, salarié, aide familial, fonctionnaire). En
conséquence il n'est guère judicieux de privilégier l'approche par les unités
institutionnelles pour analyser la production informelle. L'unité de référence à retenir,
conformément à la méthodologie retenue par l'O.I.T., doit donc être l'établissement.
Mais un secteur institutionnel regroupe des unités institutionnelles ayant la même
fonction principale (consommation, production, etc.) alors qu'une branche regroupe des
établissements en fonction de leur activité principale (textile, café, etc.). Or la réflexion
précédente nous conduit paradoxalement à réunir un certain nombre d'établissements
selon un critère institutionnel par défaut 11 . Il devient alors indispensable d'introduire
une nouvelle terminologie pour définir notre objet : à l'instar de M. SERUZIER, nous
appellerons donc secteur informel le regroupement d'établissements informels.
Malheureusement, comme il n'est pas possible de construire pour des établissements une
séquence complète de comptes, il faut se limiter aux comptes de production,
d'exploitation et de revenu dont les soldes respectifs sont la valeur ajoutée brute (VAB),
l'excédent brut d'exploitation (EBE) et le revenu disponible brute (RDB). S'il est toutefois
possible d'y joindre des opérations spécifiques telle que la formation brute de capital fixe
(FBCF), la variation des stocks (DS) et l'emploi 12 il paraît en revanche difficile
d'imaginer que des éléments financiers propres à l'activité informelle puissent être
distingués.
De même, M. SERUZIER montre qu'il est illusoire de vouloir cerner l'informalité en
essayant de construire un sous-secteur institutionnel regroupant les ménages dont ces
établissements dépendent. En effet, soit l'on regroupe tous les ménages qui dépendent des
établissements informels et l'on obtient une liste certes exhaustive mais qui ne permet pas
un partition intéressante du secteur institutionnel puisque le regroupement des ménages
complémentaires n'est pas significatif soit l'on regroupe les seuls ménages dont la
personne de référence est patron d'établissement informel et l'on perd ainsi le bénéfice de
l'exhaustivité.
2.2 - La composition du secteur informel : le critère du non-enregistrement administratif
Au regard des concepts retenus par le B.I.T. (1993) nous proposerons maintenant un
contenu au secteur informel, sous deux contraintes toutefois :
•
•
qu'il soit le plus homogène possible
qu'il soit accessible à la mesure à travers l'information disponible.
Pour M. SERUZIER, le meilleur critère à retenir est fondé sur le non-enregistrement
administratif des établissements, parce qu'il signifie soit que l'établissement n'intéresse
pas les services administratifs, soit qu'il fonctionne à la marge de ceux-ci. Mais les
enregistrements administratifs exigés dans un pays donné pour exercer une activité
économique selon les normes définies par les pouvoirs publics sont souvent multiples.
En République centrafricaine, créer une entreprise implique qu'un certain nombre de
formalités soient effectuées. Il s'agit essentiellement :
•
•
•
•
•
•
de déposer une demande d'agrément au ministère du commerce, qui délivre
ensuite une autorisation de paiement de patente permettant au ministère des
finances d'attribuer un numéro d'immatriculation en Centrafrique (NUMICA)
de s'inscrire au registre de la chambre de commerce
de s'inscrire au TGI (tribunal de grande instance) de Bangui pour enregistrement
au registre du commerce
d'établir des statuts en quatre exemplaires et dépôt d'un exemplaire&nbsp: à la
perception où il est versé 3% du montant total du capital social, au TGI de
Bangui, à l'inspection des sociétés et au service des douanes
d'être enregistré aux régimes sociaux (Office Centrafricain de Sécurité Sociale :
OCSS Office National de la Main-d'Oeuvre : ONMO, Office National
Interprofessionnel de FOrmation et de Perfectionnement : ONIFOP)
de présenter un contrat de bail légalisé ou un titre de propriété.
D'autre part, pour une société, s'il est fait obligation d'établir ses statuts avant sa création,
les associés ont le choix entre un acte authentique ou notarié et un acte sous-seing privé,
le premier étant plus avantageux vis à vis des institutions fiscales et financières, car le
notaire y confère une force et une garantie juridique. Un capital social est également
exigé selon le type de société (tableau 2).
Tableau 2 : capital social exigé selon le type de société, Bangui 1992
Type de société
commerciale
Commandite simple
Nom collectif
Individuelle
Responsabilité
limitée
Anonyme
Import-Export 15
Exploitation minière
Capital social minimum exigé 13
Nationale 14
50 000
500 000
1 000 000
Etrangère
200 000
1 000 000
1 000 000
1 000 000
2 000 000
2 000 000
4 000 000
50 000 000
5 000 000
20 000 000
50 000 000
Source: loi 88.014
Compte tenu de la diversité des normes selon les pays, l'enregistrement fiscal nous
semble finalement le plus pertinent par sa relative universalité et son accessibilité
statistique. D'autant qu'il s'agit d'un domaine dans lequel l'Etat a le plus intérêt à faire
reconnaître son autorité. Surtout, la source fiscale permet une mesure de l'activité des
unités formelles. Dans les pays où cette source est exploitée statistiquement, on dispose
alors d'un répertoire des unités ayant fait une déclaration fiscale. Après redressement pour
les unités occasionnellement absentes, ou dispensées de déclaration, ce répertoire donne
en négatif ce qui relève de l'informel (ROUBAUD, SERUZIER, 1991). C'est le travail
statistique que nous avons réalisé sur la R.C.A. pour l'année 1990, à partir des bases de
données de la Division des Statistiques et des Etudes Economiques (DSEE) 16 (tableau
3).
En effet, conformément à l'Acte n· 13/77 - UDEAC - 260, du Conseil des Chefs d'Etat,
portant Harmonisation des Déclarations Statistique et Fiscale, la République
centrafricaine oblige ses entreprises à remplir chaque année une Déclaration Statistique et
Fiscale (DSF) par décret du 04 mars 1980. Ces déclarations sont recueillies à la D.S.E.E.
qui publie chaque année une "Enquête auprès des Entreprises Industrielles et
Commerciale " (DSEE, 1992).
Toutefois, il nous faut préciser que le secteur informel tel que nous l'avons fait apparaître
dans le T.E.S. ci-dessous s'étend également aux établissements ruraux, agricoles ou non,
qui remplissent la condition de non-enregistrement des registres fiscaux. Il regroupe donc
tout à la fois la partie marchande du circuit de l'économie rurale de transition (circuit
informel rural) et la totalité du circuit informel urbain selon la terminologie retenue plus
haut.
L'informalité en zone rurale englobe ainsi pratiquement :
•
•
tout l'espace de production agricole et de première transformation des produits
tout l'artisanat villageois qui accompagne tant les besoins de la production
agricole que la satisfaction de la demande finale de la population rurale.
C'est pourquoi l'on y trouve la plus grande partie de l'activité économique du monde rural
centrafricain. Cependant, rappelons que la production non-marchande pour propre
compte des ménages comme tels 17 n'est pas prise en compte dans le secteur informel
dont nous avons voulu faire ressortir la vocation marchande comme solution alternative
dans le cadre d'une économie de marché. Enfin, il convient de distinguer entre l'exercice
hors normes d'activités légales, qui selon M. SERUZIER est généralement assuré par des
petites unités de production, et l'exercice d'activités illégales en soi (fraude fiscale,
contrebande, trafic de drogues, prostitution...). En effet, il paraît peu souhaitable de
fausser la structure des données du secteur informel en y introduisant les revenus souvent
très élevés de ces dernières. C'est pourquoi, lorsque la mesure était possible, nous avons
traité les unités économiques correspondantes comme des quasi-sociétés.
Conclusion
C'est désormais un truisme que de corréler l'évolution des activités informelles à celle de
la demande. Une politique d'intensification des relations intersectorielles semble donc
particulièrement indiquée en Centrafrique comme ailleurs. Mais parce qu'il importe la
plupart de ses biens d'équipement, le circuit informel se caractérise justement par la
faiblesse de ses relations inter-activités (modernes ou informelles). Il est donc urgent de
définir un ensemble de mesures d'ordre macro-économique visant à mieux l'insérer dans
le processus de développement. L'objet de cette étude se limitait à en préciser le cadre.
D'autre part, même s'il convient d'éviter un excès de globalisation l'approche par projets
mérite une certaine remise en cause. En effet, comme elle vise le plus souvent à améliorer
les productions existantes, à stimuler la production de nouveaux biens et services et à
éviter les goulets d'étranglement au niveau de l'approvisionnement en matières premières,
elle paraît justifiée lorsqu'il existe une demande actuelle ou potentielle suffisante. Mais ce
n'est malheureusement pas le cas en République centrafricaine. Or face à une demande
nettement insuffisante, tout investissement technique ou en capital humain est inutile et
dangereux car susceptible de répandre un profond découragement.
Au contraire, la demande adressée au circuit informel se trouvant fortement dépendante
des revenus qu'il distribue, ce cercle vicieux peut-être brisé avec la conquête de nouveaux
débouchés dans le circuit moderne public ou privé. Bien qu'insuffisante à elle seule, la
dépense publique peut alors jouer un rôle fondamental.
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Notes
1 . même si cette intervention n'en est pas moins fortement critiquée : "La première
[lacune] (...) est l'absence d'une stratégie de développement de l'artisanat à la fois
cohérente et souple (...). La seconde provient du défaut généralisé de concertation entre
les instances gouvernementales (...)." (MALDONADO, 1987).
2 . En réalité M. SANTOS utilise ici les termes de circuit supérieur et inférieur afin de
mettre en évidence la dépendance supposée du second envers le premier.
3 . Dans cette optique, le circuit qui nous intéresse étant celui de la monnaie, la sphère
non-monétaire de l'économie centrafricaine (constituée notamment d'une large part de
l'économie rurale de transition) se trouve totalement irrécupérable pour notre analyse.
4 . La condition d'équilibre fort du circuit, qui seule nous intéresse dans cette étude, étant
indépendante de l'ouverture ou non de l'économie, nous raisonnerons plus volontiers en
économie fermée pour ne pas surcharger inutilement le discours.
5 Le circuit permet par exemple de donner une définition originale de la crise ou de la
capacité d'endettement international ainsi que des propositions pertinentes de politique de
régulation (ECONOMIES ET SOCIETES, 1988).
6 Ainsi appelé, le marché du "Kilomètre 5" est de loin le plus imposant de la capitale
centrafricaine.
7 . Il s'agit le plus souvent d'une femme appelée "wali-gala".
8 . La démonstration ci-dessus s'inspire très largement de l'article de F. Poulon : Le
circuit en économie ouverte et la capacité d'endettement international, Economies et
Sociétés, Hors-Série n·6-7/1988, p.11 et suivantes.
9 . La quinzième Conférence internationale des statisticiens du travail donne ainsi une
définition du secteur informel qui se veut compatible avec la révision 4 du Système de
comptabilité nationale des Nations-Unies (BIT, 1993).
10 . même si des entorses à ce principe existent dans la réalité locale.
11 . Les établissements informels sont en effet ceux qui existent en marge des normes
définies par l'Etat pour exercer une activité économique.
12 . en distinguant entrepreneurs individuels, salariés, aides familiaux et apprentis.
13 . En F.CFA.
14 . Plus de 50% du capital détenu par des centrafricains.
15 . Quelle que soit la forme juridique.
16 Ministère de l'Economie, du Plan, des Statistiques et de la Coopération Internationale.
17 . production de biens pour compte propre, production imputée de services de
logement, production de services domestiques.
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