TABLE DES MATIÈRES
Introduction
I - Le cadre théorique
1 - L'absence de consensus autour du concept de secteur informel
2 - Le modèle simplifé d'une économie bipolaire
3 - La mise en évidence du rôle spécifque joué par le circuit informel
II - Les éléments statistiques
1 - La mesure du non-enregistrement statistique en comptabilité nationale
1.1 - Une démarche identique pour tous les pays...
1.2 - ... mais des méthodes spécifiques auxpays sous-développés
2 - La définition d'un secteur informel en comptabilité nationale
2.1 - La création d'un secteur informel en comptabilité nationale
2.2 - La composition du secteur informel : le critère du non-enregistrement
administratif
Conclusion
Bibliographie
Introduction
Parce que l'évolution des activités informelles y est intimement liée à celle de la
demande, une politique d'intensification des relations intersectorielles semble
particulièrement indiquée en République centrafricaine. D'où l'intérêt d'y définir un cadre
à la fois théorique et pragmatique où puissent venir s'inscrire un ensemble de mesures
d'ordre macro-économique visant à mieux insérer l'informalité dans le processus de
développement.
Cependant, construire un modèle macro-économique théorique (et non économétrique)
implique de spécifier d'abord un cadre d'analyse, d'établir ensuite les relations entre
variables globales à partir des hypothèses de comportement des agents et des règles
présidant à leurs relations puis de confronter le tout à la réalité.
L'objet de cette étude sera donc :
de proposer un modèle simplifié de l'économie monétaire centrafricaine ;
d'en déduire le rôle particulier joué dans ce cadre par le circuit informel ;
de faire apparaître enfin l'économie informelle dans la comptabilité nationale de la
République centrafricaine.
I- LE CADRE THÉORIQUE
Il suffit d'un bref survol comparatif de la littérature pour se persuader de l'incapacité des
chercheurs à préciser les contours d'un secteur informel. Nous proposerons donc en guise
d'alternative une lecture circuitiste de l'économie centrafricaine.
1 - L'absence de consensus autour du concept de secteur informel
On distingue essentiellement deux grandes familles de chercheurs dans le domaine de
l'économie informelle :
la première souhaite mettre en évidence certaines pratiques volontairement
occultées par l'entrepreneur. On désigne alors par des termes à forte connotation
négative des activités partiellement ou totalement illégales ;
la seconde s'attache comme la précédente au comportement des agents mais elle
délaisse sa vision juridique au profit d'une vision socio-économique : on désigne
alors un mode de production spécifique (on étudie l'organisation sociale, les
réseaux de solidarité, les originalités culturelles...).
Les activités informelles seront alors selon les points de vue des formes traditionnelles
d'organisation en voie de disparition, un simple produit de la confrontation des économies
développée et sous-développée ou enfin précurseurs d'un autre développement.
Mais que l'on voit dans le "secteur informel» la remise en cause du paradigme de l'emploi
au nom de la rentabilité (BENTON, CASTELLS, PORTES, 1990), ou l'instinct de survie
d'entrepreneurs stérilisés par l'excès des régulations publiques (DE SOTO, 1994), dans
les deux cas la causalité retenue s'oppose à celle contenue dans l'approche de l'O.I.T. et
que nous reprendrons ici à notre compte, selon laquelle l'illégalité n'est que l'une des
conséquences possibles de l'informalité. Sur cette base, toute définition juridique du
informel » ne peut donc être qu'artificielle sinon porteuse d'illusions (PIGEON, 1994).
En effet, O. LE BRUN démontre que les micro-entreprises subissent une double
socialisation qui les conduit à fonctionner suivant deux logiques bien distinctes: (OCDE,
1991)
. une logique économique introduite par la concurrence inhérente à l'insertion sur
les marchés
. une logique socioculturelle à mille lieues du rationalisme de la précédente
(recrutement du personnel soumis à des contraintes sociales, confusion entre
bénéfices et revenu de la famille ...).
Leurs dysfonctionnements ne peuvent donc pas être considérés, dans cette optique,
comme la conséquence de coûts de transaction trop élevés du fait de l'inadaptation du
cadre institutionnel (pris au sens large : secteur public, parapublic, sécurité sociale..., lois,
règlements, actes administratifs...), contrairement à ce qu'affirme l'approche
institutionnelle (DE SOTO, 1994).
Bien entendu, chacun voit dans le secteur informel ce qu'il souhaite y voir en fonction de
ses a priori idéologiques (MILLER, 1987) et les conclusions atteintes se retrouvent
inévitablement opposées. Pour le courant propre à l'O.I.T., l'incapacité qu'ont les
économies en développement à répartir les fruits de la croissance ou le fardeau de la
récession rend incontournable l'intervention des pouvoirs publics1. Le point de vue de L.
BENTON, M. CASTELLS et A. PORTES implique tout au contraire une remise en
question du rôle joué par un Etat subordonné au capital privé. Enfin, dans l'optique
SOTO " c'est la non-intervention de l'Etat qui est prônée.
"Cette grande confusion autour du concept de secteur informel a engendré un quatrième
courant de pensée, celui du &rejet&nbsp». Face à l'incapacité des chercheurs à préciser
les contours du secteur informel, devant l'absence de consensus à l'égard de sa définition
depuis près de vingt ans, un nombre croissant d'auteurs le remettent aujourd'hui en
question. Ils proposent d'abandonner la notion de secteur informel parce qu'elle brouille
plus qu'elle ne sert l'appréhension de la réalité économique des [pays en
développements] " (ROUBAUD, SERUZIER, 1991).
2 - Le modèle simplifié d'une économie bipolaire
Selon la terminologie de M. PENOUIL (1983), l'économie centrafricaine pourrait être
décrite au moyen des trois circuits qui y fonctionnent et de leur interaction :
1. Le premier reproduit l'économie rurale de transition et se traduit par une
autoconsommation très élevée. Toutefois, les surplus de production vivrière y sont
écoulés grâce au commerce informel. Ce circuit est organisé autour de la famille
élargie, le salariat y est rare et les très faibles revenus répartis en fonction du statut
social sont utilisés en grande partie vers le commerce et l'artisanat informel.
Essentiellement non monétaire, ce circuit se trouve en marge de notre cadre
d'analyse, même si nous y faisons référence à diverses reprises.
2. Le second circuit correspond aux activités informelles et présente les
caractéristiques suivantes : la production, souvent de médiocre qualité (mais
fournie à des prix ou des quantités compatibles avec les faibles revenus d'une
clientèle constituée d'acheteurs également issus du circuit informel, de
l'agriculture de transition et des titulaires de bas revenus du circuit moderne) est
entièrement commercialisée et fait l'objet d'un règlement monétaire. Le travail,
organisé dans des unités de production autonomes est essentiellement fourni par
l'exploitant, des apprentis et des aides familiaux non rémunérés (le recrutement
relève généralement du système de relations sociales). Le travail dans l'informel
est surtout destiné aux nationaux (même si de nombreux libanais y participent en
tant que commerçants à propre compte). La place du capital est faible et la
croissance de la productivité lente. En outre, selon M. SANTOS 2 (1975), le
circuit informel trouve l'essentiel des éléments de son articulation dans la ville et
sa région.
3. Enfin le circuit moderne possède également des caractéristiques très marquées :
la production de biens ou services de qualités, vendus à prix fixé rationnellement,
est destinée exclusivement au marché, pour une clientèle à revenu élevé (sauf
achats occasionnels). Le travail est majoritairement d'origine salariale, et comme
nous l'avons vu, les revenus bien que très majoritairement réinjectés dans le
circuit moderne pourront accessoirement être utilisés sur le circuit informel. En
outre, le circuit moderne emploie beaucoup d'étrangers. En effet, contrairement à
l'informel, le circuit moderne va d'ordinaire chercher son articulation hors de la
ville et de sa région (SANTOS, 1975).
Il existe en outre une interconnexion entre les deux circuits (moderne {3} et informel
{2}) de l'économie urbaine de la R.C.A. d'une part, et entre chacun d'eux et le circuit de
son économie agricole de transition {1} d'autre part&nbsp:
le circuit {1} vend et achète au circuit {2} mais ne fait que vendre au circuit {3}.
Quant aux circuits {2} et {3}, s'ils échangent entre eux ces échanges sont
minoritaires par rapport aux échanges intra-circuits
le circuit {1} fournit la main d'oeuvre aux circuits {2} et {3} qui échangent
réciproquement des flux de main d'oeuvre
surtout, dans une optique de déversement chère à A. SAUVY, la place du circuit
{1} se réduit inéluctablement au profit tout d'abord des circuits {2} et {3}, dont la
croissance est de ce fait fortement corrélée. Par la suite, "dans des phases plus
avancées du développement, les traits originaux de l'informel peuvent s'estomper
et celui-ci s'intègre progressivement au circuit moderne qui devient prépondérant
".
Nonobstant, nous ne retiendrons pas cette représentation tripartite de l'économie
centrafricaine car si l'on définit l'activité informelle comme étant une activité
marchande en marge des régulations publiques, ou bien la production du circuit rural
de transition donne lieu à un règlement monétaire et elle se situe nécessairement dans l'un
des circuits moderne ou informel en fonction de sa position à l'égard des régulations
publiques, ou bien elle ne donne lieu à aucun règlement monétaire (troc,
autoconsommation, ...) et elle échappe de fait au paradigme du circuit tel que nous allons
le présenter.
En effet, d'un point de vue marxien le rapport marchand est constitutif d'une société dans
laquelle la production est effectuée par des unités économiques privées. Echanger une
marchandise revient alors à valider socialement le travail mort et le travail vivant engagés
dans sa production et à accorder au propriétaire de l'unité qui l'a produite un droit sur une
part équivalente du travail social (mais aussi d'autres droits résultant d'autres rapports
sociaux tels que la propriété de la terre, du capital...) (MARX, 1969). C'est cette
reconnaissance-droit qu'incarne la monnaie. L'ensemble des normes routinières admises
par le producteur marchand le conduit alors à déterminer son prix d'offre et la réalisation
ou non de son produit à ce prix caractérise la forme générale de régulation correspondant
à la production marchande : la loi de la valeur (LIPIETZ, 1983, 1987).
On reconnaît ici deux des intuitions fondamentales de J. M. KEYNES :
le rejet de la de SAY : l'offre ne crée pas sa propre demande
l'affirmation que le prix d'offre ne se découvre pas sur le marché&nbsp: il
préexiste à la vente.
Mais c'est surtout la prescience qu'eut K. MARX du rôle joué par la monnaie3, qui trouve
son plus brillant écho chez J. M KEYNES. Car la monnaie n'est pas nécessairement une
quantité de marchandises incorporant de la valeur (BRUNHOFF, 1979). La monnaie de
crédit (forme de monnaie la plus adéquate au capitalisme développé) représente en effet
de la valeur en procès c'est à dire une production en cours cherchant à faire reconnaître sa
validité sociale (GROU, 1977).
De manière très simplifiée, F. POULON définit le circuit keynésien en économie fermée
4 comme une boucle close composée de pôles (les agents économiques).
En accordant un crédit à un entrepreneur, une institution financière antévalide les
engagements de travail de ce dernier dans une production particulière. Grâce à la
confluence de confiances quant aux capacités d'anticipation des banquiers, la monnaie de
crédit se développe d'abord en un système fractionné. Progressivement cette hasardeuse
stabilisation cède le pas à la sélection par une Banque Centrale des titres dignes de
confiance, qu'elle émet en les gageant sur des flux de valeur qu'elle pseudo-valide. Le
système monétaire devient alors une combinaison complexe de monnaie-marchandise et
de monnaie de crédit, de système fractionné et de système centralisé (AGLIETTA,
ORLEAN, 1982 LIPIETZ, 1983). Fondée sur le pari du bouclage d'un circuit futur, la
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