Endo Tribune Édition Française | Février 2014
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Les biofilms bactériens pathogènes repré-
sentent une grave menace pour l’homme et
il est temps de prendre très au sérieux ce pro-
blème ceci d’autant plus que l’efficacité des
antibiotiques s’essouffle, que les biofilms
bactériens acquièrent des propriétés défen-
sives impressionnantes résistant à tous les
antiseptiques connus et même aux défenses
immunitaires et à leurs anticorps. La recher-
che a ultimement ouvert la voie des ions qui
se révèlent particulièrement toxiques pour
ces biofilms. Malheureusement la majorité
des ions sont toxiques pour l’organisme de
l’homme. Un ion, l’ion OH-, est atoxique .
Son utilisation, en particulier en endodontie
(qui représente l’un des réservoir les plus
dangereux du point de vue bactériologique)
ouvre de nouveaux horizons dans le traite-
ment des infections aigues ou chroniques de
la cavité buccale.
Un biofilmest une communauté multicel-
lulaire plus ou moins complexe, souvent
symbiotique, de micro-organismes (bacté-
ries, champignons, algues ou protozoaires),
adhérant entre eux et à une surface, et mar-
quée par la sécrétion d’une matrice adhésive
et protectrice. Il se forme généralement dans
l’eau ou en milieu aqueux,
Les biofilms sont, sauf exceptions, obser-
vés dans les milieux aqueux ou exposés à
l’humidité. Ils peuvent se développer sur
n’importe quel type de surface naturelle ou
artificielle, qu’elle soit minérale (roche, inter-
faces air-liquide…) ou organique (peau, cavi-
tés organiques, tube digestif des animaux, ra-
cines et feuilles des plantes), industrielle (ca-
nalisations, coques des navires) ou médicale
(prothèses, cathéters)…Un biofilm peut ad-
hérer partout, même sur des matériaux
« antiadhésifs » comme le polytétrafluoroé-
thylène (ou téflon) ce qui est d’ailleurs la
grande hantise de la chirurgie cardiovascu-
laire.
Un biofilm est une parade aux agressivi-
tés envers les micro-organismes qui l’habi-
tent. Le biofilm croît d’autant plus rapide-
ment que le milieu est riche en nutriments.
Les micro-organismes sont à plus d’un titre
protégés et reliés entre eux par une matrice
que fait le biofilm . Cette protection est aussi
bien passive, métabolique, active que géné-
tique+.
Protection passive
Par sa simple présence cette matrice pro-
tège passivement les cellules dans un rôle de
simple barrière physique contre l’entrée des
agents antimicrobiens, détergents ( hypo-
chlorite de soude en particulier !) et antibio-
tiques et les anticorps même de l’hôte : la ma-
trice extracellulaire dense et la couche ex-
terne de cellules protègent l’intérieur de la
communauté.
Protection métabolique.
Autre facteur de résistance accrue : les bac-
téries entourées de biofilm sont moins acti-
ves métaboliquement, donc moins réceptives
aux agents antimicrobiens et aux disrup-
tions environnementales.
Protection active
La résistance de P. aeruginosa aux antibio-
tiques a également été partiellement attri-
buée à des pompes de flux du biofilm expul-
sant activement les composants antimicro-
biens. Quelques biofilms se sont avérés
contenir des canaux aqueux qui en sus de la
distribution de nutriments permettent celle
de molécules de signalisation, établissant la
communication entre cellules par des si-
gnaux biochimiques donc la fonction des mo-
lécules signalant les échanges de cellule à cel-
lule changent à partir d’une concentration
donnée des bactéries.
Protection génétique
Dans certains cas, la résistance aux antibio-
tiques et biocides peut être exponentielle-
ment multipliée. En effet, lors de leur implan-
tation dans un biofilm l’expression géné-
tique des bactéries est modifiée. Cet environ-
nement d’échanges de matériel génétique
permettant le transfert d’informations est
donc propice à l’acquisition de nouveaux ca-
ractères.
Le biofilm est donc une unité fonctionnelle
de structure multicellulaire organisée dont le
cycle de développement se déroule en cinq
étapes:
1. « La première étape est l’adhésion (réversi-
ble) de micro-organismes mobiles à une
surface, principalement par des liaisons
chimiques non covalentes ou faibles. Ces
liaisons entre la cellule (surtout ses protéi-
nes : les curlis) et la surface d’attachement
sont de type van der Waals, électrostatique,
ou encore acide-base de Lewis.
2. Vient ensuite l’adhésion permanente par
la formation de molécules protéiques ap-
pelées ligands, et de structures telles que les
pili. Ces premiers points fixes augmentent
la capacité d’ancrage d’autres micro-orga-
nismes en accroissant et en variant les sur-
faces d’ancrage. Noter que certaines espè-
ces ne sont pas capables de s’ancrer elles-
mêmes et s’intègrent à d’autres espèces
déjà installées en colonies en s’attachant à
leur biofilm. On a ici les prémices de la
structure du biofilm: sa diversité de natu-
res et de structures laisse envisager une di-
versité de fonctions.
3. Les micro-organismes se divisent, com-
mençant ainsi des microcolonies. À partir
d’une concentration suffisamment dense
d’individus, les microcolonies commen-
cent la sécrétion du biofilm proprement
dit.
4. Le biofilm grandit et mûrit, s’épaississant
jusqu’à devenir macroscopique, voire
géant en conditions optimales.
5. La cinquième étape est la phase de disper-
sion, dite phase planctonique : induits par
le vieillissement du biofilm, certains stress
ou carences, les micro-organismes peuvent
activement se séparer du biofilm, parfois
consommant la matrice qui représente une
source d’énergie. Ces micro-organismes re-
tournent à l’état dit « planctonique » de li-
bre circulation et peuvent aller coloniser de
nouvelles surfaces, complétant ainsi le cy-
cle. Dans le mode de vie du biofilm et selon
ce modèle en cinq étapes, la phase "plancto-
nique" peut alors être vue comme une
phase de dispersion, tout comme le déta-
chement « autogène » de plaques ou mor-
ceaux de biofilms, qui semble fortement
influencé par la température, en eaux dou-
ces tempérées ». ( 1)
Biofilms, où les trouvent-on ?
Sur ou dans les organismes :
• Sur la peau ou à l’intérieur des organismes
vivants les biofilms bactériens ont un rôle la
plupart du temps protecteur (ex : pour la di-
gestion : dans l’intestin, sur la peau : pour sa
protection) et accidentellement destruc-
teurs . Des biofilms pathogènes sont impli-
qués dans une large gamme de maladies in-
fectieuses : 65 % des infections recensées
chez l’homme dans les pays développés
sont causées ou entretenues par des bio-
films, et plus de 80 % des infections bacté-
riennes chroniques le sont. Certaines mal-
adies (ex : mucoviscidose) ou de mauvaises
conditions environnementales favorisent
la formation de biofilms source d’infections
et surinfections.
• Des biofilms peuvent aussi se développer
sur des surfaces « inertes » du corps hu-
mains : les dents où ils forment la plaque
dentaire , les caries, les infections canalai-
res, les infections chroniques des tubules
dentinaires ; mais aussi sur des implants et
prothèses (ce qui justifie les très strictes
conditions des opérations d’implantation
de celles-ci), ou des séquestres osseuses.
Toute bactérie (même considérée comme
n’étant pas pathogène en général) peut y
former un biofilm et causer des fièvres (avec
bactériémie) périodiques lors des phases de
dispersion.
Comme le montre cette reproduction en
3 D d’un cathéter placé dans une veine, les
bactéries s’échappant d’un biofilm en phase
de dispersion se fixent à nouveau sur ce sup-
port et reconstruisent un nouveau biofilm.
Chaque fois qu’il y aura bactériémie, selon la
virulence et la quantité des souches bacté-
riennes, on peut se trouver devant des com-
plications graves allant de la simple fièvre à la
septicémie.
L’activité des antibiotiques de plus en plus
mise en échec (2 , 3, 4,) , les capacités de résistance
et de survie des biofilms bactériens éton-
namment développés, le système immuni-
taire de la population souvent affaibli par la
vie moderne et certains médicaments ( corti-
sone, antibiotiques et antidépresseurs), sont
autant de raisons qui expliquent que nous
sommes actuellement en position dange-
reuse, risquant d’être totalement débordés
par le phénomène.
En premier lieu, l’urgence est de trouver
des solutions pour éradiquer les risques d’in-
fections secondaires en chirurgie orthopé-
dique, cardio-vasculaire, greffes d’organes,
ophtalmo, ORL, brulés, etc…(5,6)
Eliminer tous les foyers infectieux , en parti-
culier chroniques qui se cachent dans notre or-
ganisme est le premier geste à réaliser. Or la
preuve est faite que les foyers les plus précoces,
les plus nombreux, les plus virulents se trou-
vent dans les portes d’entrée de l’organisme, la
cavité bucco-dentaire en premier lieu.(7,8)
La plaque, Les poches pyorrhéiques, les im-
plants, les protheses, l’arbre canalaire, les tu-
bules dentinaires sont des lieux privilégiés
pour accueillir ces biofilms. Toutes les condi-
tions sont remplies : milieu aqueux, nutri-
ments, cavités et canaux, parois ou adhérer,
flore riche et diversifiée de bactéries sapro-
phytes mais aussi pathogènes.(9,10)
CAS CLINIQUE
Biofilms bactériens pathogènes
et traitements endodontiques
Dr. Prof. Philippe Lagarde, C.E.S Stomatologie Université de Paris
Biofilm de Pseudomonas aeruginosa en dévelop-
pement.
Bactériémie e
Circulation
sangine
Canaux secondaires Canalicules dentinaires