CAS CLINIQUE 24 Endo Tribune Édition Française | Février 2014 Biofilms bactériens pathogènes et traitements endodontiques Dr. Prof. Philippe Lagarde, C.E.S Stomatologie Université de Paris Les biofilms bactériens pathogènes représentent une grave menace pour l’homme et il est temps de prendre très au sérieux ce problème ceci d’autant plus que l’efficacité des antibiotiques s’essouffle, que les biofilms bactériens acquièrent des propriétés défensives impressionnantes résistant à tous les antiseptiques connus et même aux défenses immunitaires et à leurs anticorps. La recherche a ultimement ouvert la voie des ions qui se révèlent particulièrement toxiques pour ces biofilms. Malheureusement la majorité des ions sont toxiques pour l’organisme de l’homme. Un ion, l’ion OH-, est atoxique . Son utilisation, en particulier en endodontie (qui représente l’un des réservoir les plus dangereux du point de vue bactériologique) ouvre de nouveaux horizons dans le traitement des infections aigues ou chroniques de la cavité buccale. Un biofilm est une communauté multicellulaire plus ou moins complexe, souvent symbiotique, de micro-organismes (bactéries, champignons, algues ou protozoaires), adhérant entre eux et à une surface, et marquée par la sécrétion d’une matrice adhésive et protectrice. Il se forme généralement dans l’eau ou en milieu aqueux, Les biofilms sont, sauf exceptions, observés dans les milieux aqueux ou exposés à l’humidité. Ils peuvent se développer sur n’importe quel type de surface naturelle ou artificielle, qu’elle soit minérale (roche, interfaces air-liquide…) ou organique (peau, cavités organiques, tube digestif des animaux, racines et feuilles des plantes), industrielle (canalisations, coques des navires) ou médicale (prothèses, cathéters)…Un biofilm peut adhérer partout, même sur des matériaux « antiadhésifs » comme le polytétrafluoroéthylène (ou téflon) ce qui est d’ailleurs la grande hantise de la chirurgie cardiovasculaire. Protection active La résistance de P. aeruginosa aux antibiotiques a également été partiellement attribuée à des pompes de flux du biofilm expulsant activement les composants antimicrobiens. Quelques biofilms se sont avérés contenir des canaux aqueux qui en sus de la distribution de nutriments permettent celle de molécules de signalisation, établissant la communication entre cellules par des signaux biochimiquesdonc la fonction des molécules signalant les échanges de cellule à cellule changent à partir d’une concentration donnée des bactéries. Protection génétique Dans certains cas, la résistance aux antibiotiques et biocides peut être exponentiellement multipliée. En effet, lors de leur implantation dans un biofilm l’expression génétique des bactéries est modifiée. Cet environnement d’échanges de matériel génétique permettant le transfert d’informations est donc propice à l’acquisition de nouveaux caractères. Biofilms, où les trouvent-on ? Biofilm de Pseudomonas aeruginosa en développement. Le biofilm est donc une unité fonctionnelle de structure multicellulaire organisée dont le cycle de développement se déroule en cinq étapes: Un biofilm est une parade aux agressivités envers les micro-organismes qui l’habitent. Le biofilm croît d’autant plus rapidement que le milieu est riche en nutriments. Les micro-organismes sont à plus d’un titre protégés et reliés entre eux par une matrice que fait le biofilm . Cette protection est aussi bien passive, métabolique, active que génétique+. Protection passive Par sa simple présence cette matrice protège passivement les cellules dans un rôle de simple barrière physique contre l’entrée des agents antimicrobiens, détergents ( hypochlorite de soude en particulier !) et antibiotiques et les anticorps même de l’hôte : la matrice extracellulaire dense et la couche externe de cellules protègent l’intérieur de la communauté. Protection métabolique. Autre facteur de résistance accrue : les bactéries entourées de biofilm sont moins actives métaboliquement, donc moins réceptives aux agents antimicrobiens et aux disruptions environnementales. déjà installées en colonies en s’attachant à leur biofilm. On a ici les prémices de la structure du biofilm: sa diversité de natures et de structures laisse envisager une diversité de fonctions. 3. Les micro-organismes se divisent, commençant ainsi des microcolonies. À partir d’une concentration suffisamment dense d’individus, les microcolonies commencent la sécrétion du biofilm proprement dit. 4. Le biofilm grandit et mûrit, s’épaississant jusqu’à devenir macroscopique, voire géant en conditions optimales. 5. La cinquième étape est la phase de dispersion, dite phase planctonique : induits par le vieillissement du biofilm, certains stress ou carences, les micro-organismes peuvent activement se séparer du biofilm, parfois consommant la matrice qui représente une source d’énergie. Ces micro-organismes retournent à l’état dit « planctonique » de libre circulation et peuvent aller coloniser de nouvelles surfaces, complétant ainsi le cycle. Dans le mode de vie du biofilm et selon ce modèle en cinq étapes, la phase "planctonique" peut alors être vue comme une phase de dispersion, tout comme le détachement « autogène » de plaques ou morceaux de biofilms, qui semble fortement influencé par la température, en eaux douces tempérées ». ( 1) 1. « La première étape est l’adhésion (réversible) de micro-organismes mobiles à une surface, principalement par des liaisons chimiques non covalentes ou faibles. Ces liaisons entre la cellule (surtout ses protéines : les curlis) et la surface d’attachement sont de type van der Waals, électrostatique, ou encore acide-base de Lewis. 2. Vient ensuite l’adhésion permanente par la formation de molécules protéiques appelées ligands, et de structures telles que les pili. Ces premiers points fixes augmentent la capacité d’ancrage d’autres micro-organismes en accroissant et en variant les surfaces d’ancrage. Noter que certaines espèces ne sont pas capables de s’ancrer ellesmêmes et s’intègrent à d’autres espèces Sur ou dans les organismes : • Sur la peau ou à l’intérieur des organismes vivants les biofilms bactériens ont un rôle la plupart du temps protecteur (ex : pour la digestion : dans l’intestin, sur la peau : pour sa protection) et accidentellement destructeurs . Des biofilms pathogènes sont impliqués dans une large gamme de maladies infectieuses : 65 % des infections recensées chez l’homme dans les pays développés sont causées ou entretenues par des biofilms, et plus de 80 % des infections bactériennes chroniques le sont. Certaines maladies (ex : mucoviscidose) ou de mauvaises conditions environnementales favorisent la formation de biofilms source d’infections et surinfections. • Des biofilms peuvent aussi se développer sur des surfaces « inertes » du corps humains : les dents où ils forment la plaque dentaire , les caries, les infections canalaires, les infections chroniques des tubules dentinaires ; mais aussi sur des implants et prothèses (ce qui justifie les très strictes conditions des opérations d’implantation de celles-ci), ou des séquestres osseuses. Toute bactérie (même considérée comme n’étant pas pathogène en général) peut y former un biofilm et causer des fièvres (avec bactériémie) périodiques lors des phases de dispersion. Comme le montre cette reproduction en 3 D d’un cathéter placé dans une veine, les bactéries s’échappant d’un biofilm en phase de dispersion se fixent à nouveau sur ce support et reconstruisent un nouveau biofilm. Chaque fois qu’il y aura bactériémie, selon la virulence et la quantité des souches bacté- Bactériémie e Circulation sangine riennes, on peut se trouver devant des complications graves allant de la simple fièvre à la septicémie. L’activité des antibiotiques de plus en plus mise en échec (2 , 3, 4,) , les capacités de résistance et de survie des biofilms bactériens étonnamment développés, le système immunitaire de la population souvent affaibli par la vie moderne et certains médicaments ( cortisone, antibiotiques et antidépresseurs), sont autant de raisons qui expliquent que nous sommes actuellement en position dangereuse, risquant d’être totalement débordés par le phénomène. En premier lieu, l’urgence est de trouver des solutions pour éradiquer les risques d’infections secondaires en chirurgie orthopédique, cardio-vasculaire, greffes d’organes, ophtalmo, ORL, brulés, etc…(5,6) Eliminer tous les foyers infectieux , en particulier chroniques qui se cachent dans notre organisme est le premier geste à réaliser. Or la preuve est faite que les foyers les plus précoces, les plus nombreux, les plus virulents se trouvent dans les portes d’entrée de l’organisme, la cavité bucco-dentaire en premier lieu.(7,8) La plaque, Les poches pyorrhéiques, les implants, les protheses, l’arbre canalaire, les tubules dentinaires sont des lieux privilégiés pour accueillir ces biofilms. Toutes les conditions sont remplies : milieu aqueux, nutriments, cavités et canaux, parois ou adhérer, flore riche et diversifiée de bactéries saprophytes mais aussi pathogènes.(9,10) Canaux secondaires Canalicules dentinaires CAS CLINIQUE Endo Tribune Édition Française | Février 2014 Les localisations les plus dangereuses des biofilms pathogènes sont celles des canaux secondairesdes organes dentaires et surtout des canalicules dentinaires. D’autant plus dangereuses qu’il s’agit d’infections chronique se développant à bas bruit, sans manifestation clinique ni biologique. Les travaux internationaux des 5 dernières années, en particulier dans le suivi des opérés cardio-vasculaires, sont clairs sur ce point : les traitements canalaires reconnus satisfaisants après vérification clinique et radiologiques ne sont que des guérisons CLINIQUES. Mais l’on sait maintenant que plus de 70 % de ces derniers cachent des infections focales chroniques qui peuvent être extrêmement dangereuses pour l’organisme si celui-ci est placé dans des conditions particulières (greffes, cathéters, valves et prothèses ( cardiaques, orthopédiques ou oculaires par exemple). Tout ceci pour faire comprendre l’importance d’améliorer le plus possible nos techniques de traitements odontoiatriques et d’en avertir une partie des professionnels qui pensent que leur techniques sont suffisantes et, d’éduquer toujours plus une population inconsciente du danger. L’une des voies de recherche prometteuse pour trouver des solutions est actuellement celle des Ions (11) : Actuellement des sociétés allemandes ont mis au point des alliages qui libèrent a leur surface des ions métalliques (Cu, Arg, Co, Zn ) permettant de garder stériles ces surfaces et d’interdire ainsi aux biofilms de se fixer . Les lits hospitaliers, les poignets des portes, etc. sont ainsi auto stérilisés (12). 25 Biofilm B A Progression des ions OH- H2O H+ OH - Comme tout ion OH- se déplace très rapidement vers l’électrode positive. Si nous plaçons des colonies bactériennes sur le coton humide du tube ( B ) et que nous provoquions une ionisation continue, au bout d’un certain temps, ces bactéries sont détruites , le coton est stérile et les cultures restent négatives. L’ion OH- a donc réussi à détruire totalement la colonie bactérienne introduite dans notre tube. tats très irréguliers. Nous avons repris ses travaux et compris pourquoi il avait échoué si près du but comme vous allez le voir plus loin. Dans le cas d’un organe dentaire infecté, si l’on place l’électrode négative dans le canal principal et l’électrode positive sur la peau du patient et que l’on fait passer un courant continu que ce passe-t-il ? Immergeons les racines d’une dent extraite dans un bain de sérum physiologique auquel nous ajoutons un réactif , la phénol phtaléine, qui vire au rouge dès qu’elle est au contact de OH-. Plongeons l’électrode positive dans le bain, l’électrode négative dans le canal. Tubules dentinaires contenant des colonies bactériennes (B) étudiées au microscope électronique. Destruction totale des biofilm intra tubulaires gagés. Il existe encore un 5ème paramètre à respecter : la diversité des lésions infectieuses dépendant de la résistance des bactéries rencontrées, de la présence de biofilms, de lésions plus ou moins diffuses. Par exemple : Streptococcus sanguis, Staphylococcus épidermidis. Pseudomonas aeruginosa et Staphylococcus aureus, Streptococchi di gruppo A, Escherichia coli et l’ Entérocoque faecalis, espèce extrêmement résistante à toutes nos manœuvres stérilisantes et présent dans 70 % des cas des infections intracanalaires.(15) Respecter ces règles est le secret du succès de la technique. Quinze années de travaux ont permis de clarifier ces données essentielles expliquant des résultats exceptionnels (99 % de guérisons). (16) Références société allemande Conclusion Hélas, si utiliser ces ions métalliques est possibles tant que l’on ne les introduit pas dans un organisme, il en va différemment s’ils entrent en contact avec nos tissus. En effet, la majorité des ions métalliques sont toxiques pour le parodonte et pour l’organisme en général, même à faibles doses. Un ion métallique fait exception, l’ion OH. (13) Les ions ont un avenir important dans la lutte antibactérienne. L’ion OH- , extrêmement simple à obtenir et produire est particulièrement intéressant . Son utilisation en endodontie représente une révolution en odontoiatrie mais aussi dans de nombreuses applications aussi bien médicales qu’industrielles. L’ion OH- ne présente aucune toxicité pour les tissus de l’organisme même avec des quantités d’ions extrêmement importantes et avec une intensité du courant restant au-dessous des 5 milli coulombs, dose supérieure autorisée par l’obtention du CE ou des homologations américaines et canadiennes. Ceci est aussi extrêmement important car la majorité des ions (Cu ,Ag ,Zn, Co) sont toxiques, comme nous l’avons déjà dit, pour le parodonte et pour l’organisme en général. L’ion OH- par contre ne provoque aucune réaction et n’a aucune toxicité ni locale, ni générale. L’ion OH- ne présente aucune toxicité pour les tissus de l’organisme même avec des quantités d’ions extrêmement importantes et avec une intensité du courant restant au-dessous des 5 milli coulombs, dose supérieure autorisée par l’obtention du CE ou des homologations américaines et canadiennes. Ceci est aussi extrêmement important car la majorité des ions métalliques (Cu, Ag, Zn, Co par exemple) sont toxiques pour le parodonte et pour l’organisme en général. L’ion OH- par contre ne provoque aucune réaction et n’a aucune toxicité ni locale, ni générale. Biofilms et traitements endodontiques L’ion OH- est un ion qui a une agressivité particulièrement marquée in vitro envers les bactéries et les biofilms comme les travaux de Brumley et de Arnold l’ont montré et nous l’avons nous même, démontré par l’ expérience qui suit, extrêmement simple : 1 tube de verre contenant du coton imbibé de sérum physiologique ( contenant donc du sel Na Cl) . Electrode négative à l’entrée , électrode positive à la sortie. Le passage du courant provoque l’ « ionisation », c’est-à-dire le dégagement des ions par « éclatement » de la molécule d’eau, et, entraine la libération de l’ion OH - puis l’oxygène naissant.( A) Comme on peut le constater sur cette photographie de la dentine vue au microscope électronique d’un organe dentaire qui avait subi auparavant une dévitalisation correctement effectuée et contrôlée radiologiquement, les tubules dentinaires abritent toujours des biofilms bactériens . Nous savons de plus que ces tubules dentinaires ne sont pas vascularisés ce qui élimine toute possibilité de les atteindre par les antibiotiques même s’ils étaient efficaces ce qui comme on l’a vue est loin d’être évident. Logiquement nous avons donc pensé que si nous étions capables d’apporter les ions OH- au contact de ces colonies bactériennes intra tubulaires , il y avait de fortes probabilités d’obtenir leur destruction. Cette idée n’était pas une innovation et BERNARD (14) dans les années 50 avait déjà essayé avec des résul- Au bout de quelques minutes, on voit apparaitre le long de la racine des points rouges qui progressent jusqu’à recouvrir toute la dentine. Ceci démontre que nous sommes capables de faire circuler l’ion OH- dans tout le réseau canalaire de la dent y compris les tubules dentinaires . Une question capitale se pose alors : Quelles sont les preuves que l’ion OH- a bien détruit l’ensemble des colonies bactériennes contenues dans le réseau canalaire ? Suite au passage d’une quantité d’ions OHsuffisante et selon une technique d’application bien précisée, les coupes de dents infectées ne présentent plus aucune trace de bactéries au niveau des tubulures de la dentine après vérification au microscope électronique. Pour obtenir un tel résultat, il est impératif de respecter des règles précises concernant plusieurs paramètres : le temps de passage du courant qui dépendra de son intensité, donc de la vitesse de production des ions OH-, et enfin de la QUANTITE d’ions OH- dé- Bactéries DR PHILIPPE LAGARDE · Spécialiste en stomatologie et chirurgie maxillo-faciale (ESC) · Diplômé en stomatologie à l’Université de Paris · Ancien externe des Hopitaux de Paris · Spécialiste en oncologie (Université de Paris - Département du professeur L. ISRAEL) · Vainqueur du Grand Prix Gustave Roussy: « Les tumeurs myeloplasiques » (thèse) · Post graduate en oncologie à l’Université de Boston (USA) · Maître de l’Académie internationale de nutrition clinique (Rome AINUC) · Enseignant à l’Université de Rome UNICUSANO · Nommé par le ministre de la Santé français Georgina Dufois pour une commission chargée d’étudier les thérapies alternatives (1987)