l`histoire de Garris

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Un peu d’histoire ….
GARRUZE…CARASA.…GUARRIZ …. GARRITZ…..GARRIS…..
En 56 avant JC, l’Aquitaine fut soumise par Crassus, lieutenant de César, et devint
province romaine sous Auguste. Garris appelée CARASA sur la voie romaine d’Antonin
Bordeaux-Astorga était probablement un poste militaire utilisé comme point stratégique.
Aux alentours des années 824, la Navarre est un royaume unifié, le plus petit de l’Occident,
mais dont la place est prépondérante sur l’échiquier européen.
Le Pays de Mixe est au contact du Labourd longtemps sous domination anglo-aquitaine, mais
aussi frontalier du Béarn et de la Soule. Lieu de passage entre les trois royaumes Garris
devient un site fortifié de convoitise permanente pour sa position de sentinelle sur la frontière.
Elle va jouer un rôle majeur dans les luttes d’influence entre les Princes comme le Comte de
Foix-Béarn et les Rois de France, Angleterre et Navarre.
A partir du XIIème siècle le pèlerinage de Saint-Jacques va profondément marquer le Pays
Basque qui va se couvrir d’un réseau d’églises romanes. Ces églises vont devenir des points
d’ancrage de centres de peuplement sur cette grande route de pèlerinage conduisant à
Compostelle.
Saint Félix de Garris cité en 1150 dans le Cartulaire de Sorde, ne déroge pas à cette règle.
La ville neuve fortifiée GARRITZ sera construite en s’appuyant sur l’église.
Garris, sentinelle située à l’extrême Nord, bordée par le Duché de Gascogne et par le Vicomté
de Béarn est un poste stratégique pour le Royaume de Navarre dont les rois siégeaient à
Pampelune.
Toute l’histoire de Garris du XIème au XIVème siècle sera un prodige d’habileté
diplomatique et d’énergie guerrière, un enjeu capital entre les rois de Navarre, de France et
d’Angleterre.
Vers l’an 1000, Garsie Arnaud, le puissant Vicomte d’Acqs ( Dax ), possédait un droit de
suzeraineté sur le Pays de Mixe. En fait ce droit se bornait à des opérations de surveillance sur
cette voie romaine devenue grande route de pèlerinage. Pour rendre plus effective cette
suzeraineté dans ce pays libre de tout système féodal, le Vicomte de Dax, Garsie Arnaud, lors
de son mariage avec Auria, donna vers 1040 la Baronnie de Garris, démembrée du Pays de
Mixe en apanage* à son second fils Bergon GarsieI
Ville neuve fondée au XIIème siècle, Garris est une ville royale riche et prospère comme en
témoignent les nombreux documents des archives de Navarre.
Dans les comptes bas-navarrais (1264-1265) des archives de Pampelune la ville de Garriz
paye une « francage » ( une franchise ) « pour se libérer de tout autre tribut annuel au
pouvoir royal de la franchise de Garriz X sols ».
Les fréquentes hostilités aux frontières conduisent le roi de Navarre à renforcer le château et
à donner à Garris le titre de « Bonne Ville ».
Au gré des évènements et des alliances les seigneurs de Garris prennent de plus en plus
d’importance et se comportent en maîtres tout puissants. A plusieurs reprises le roi de Navarre
doit intervenir et mettre de l’ordre entre les 2 grands rivaux : Gramont et Luxe.
« Touroune de Garris » motte féodale
Sceau de Garcia Sanchiz de Garris
« Ecuyer du roi Charles II »
Blason des Seigneurs de Garris
devenu armoiries de la ville
« d’argent à trois sangliers passants de sable »
Au XIème siècle c’est Bergon Garsie de Gramont qui décide la construction d’un château en bois
( aujourd’hui disparu ) en haut de la « touroune » sur la motte castrale féodale dominant Garris.
Cette sentinelle est édifiée pour mieux protéger des brigands les routes fréquentées par les
marchands
et les pèlerins.
Depuis le XIIème siècle Garris est aussi le siège de foires et de marchés renommés qui
conduisent le roi à règlementer les péages sur les marchandises.
Avant le démembrement de 1512, la Basse-Navarre actuelle s’appelait : « la Merindad de
Ultra Puertos* » du Royaume de Navarre, c'est-à-dire la province située sur le versant nord
des Pyrénées. Cette Merindad située en deça des cols était aussi appelée « Tierra de los
Bascos » terre des Basque.
1512 : Année de triste mémoire
« Durant l’été 1512, le village de Garris a été détruit, brûlé, saccagé, pillé et ses habitants
sauvagement violés et tués par l’armée espagnole.
En ce XVIe siècle, le Royaume de Navarre, indépendant, est convoité par ses deux voisins
puissants et rivaux. Malgré sa déclaration officielle de neutralité, le Royaume de Navarre est
envahi illégalement par l’Espagne.
Les chroniqueurs de l’époque retracent en détail les exactions de cette armée d’invasion qui
s’applique à détruire méthodiquement les villages de la Basse-Navarre dont Garris.
Le 30 septembre 1512 Johan III de Navarre lance son appel à la libération de la Navarre.
Pendant un siècle la Basse-Navarre restera indépendante et libre » Garruztarrak-Nafartar
naturalak 22-9-2012.
En 1515, la Castille avec Ferdinand d’Aragon annexe la Navarre, puis en 1530 Charles
Quint abandonne la Basse-Navarre à Henri d’Albret.
En 1567 les mesures prises par Jeanne d’Albret pour imposer le protestantisme dans ses
Etats de Navarre se heurtent à un important soulèvement des seigneurs catholiques basnavarrais.
Les ligueurs catholiques conduits par le puissant seigneur de Luxe, et messire Valentin de
Domezain se réunissent à Saint-Palais en septembre 1567 et enlèvent le pasteur huguenot.
En colère la Reine de Navarre Jeanne d’Albret retire la garde du château de Garris tenue par
le seigneur catholique d’Etchessarry de Garris pour la confier à un capitaine protestant
Lalanne d’Ispoure.
En janvier 1568, c’est la révolte, le pays est dévasté par les troupes du seigneur de Luxe qui
assiègele château de Garris défendu par Lalanne et ses 50 arquebusiers. Les ligueurs obligent Lalanne
à capituler après deux jours de siège et le conduisent prisonnier à Tardets en Soule.
En représailles Jeanne d’Albret envoya aussitôt ses troupes sous les ordres de son propre fils le prince
Henri, à la tête d’une armée conduite par Antoine de Gramont pour pacifier la région.
Ce fut au château de Garris que le futur roi Henri IV âgé de 14 ans, exerça sa première mission
diplomatique de négociateur.
La légende raconte qu’on lui offrit un tonneau du célèbre vin de Garris !
Le jeune Henri promet aux révoltés catholiques :
« une liberté de conscience pleine et entière pour apaiser les troubles ».
Mais la reine Jeanne, mécontente, n’en reste pas là. Elle se rend sur le théâtre du soulèvement,
fait pendre trois responsables et réunit les Etats de Navarre à Saint-Palais en février 1568.
Elle accorde un pardon général sauf aux principaux chefs de la rébellion parmi lesquels se
trouvent plusieurs gentilshommes garrisiens.
Plaque commémorative 1512
sur la Halle de Garris
Armoiries du Royaume de Navarre
En 1569, les guerres de religion ensanglantent le pays. L’armée catholique abandonne le siège
de Navarrenx à l’annonce de l’approche du redoutable Montgommery à la tête d’une armée
protestante de 4000 hommes !
Ces luttes religieuses, marquées par trois pillages successifs, nuiront considérablement au
développement florissant de la ville de Garris.
La Basse-Navarre continuera de s’appeler « Royaume de Navarre » avec Henri III « le
Béarnais » qui accèdera en 1589 au trône de France sous le nom de Henri IV « Roi de France
et de Navarre ».
En 1611, Louis XIII approuve par lettres patentes le texte du For Moderne pour la
Basse-Navarre écrit par de Goyhenetche un garrisien. Bien que dirigée par un roi de
France, la Basse-Navarre restera un royaume autonome avec ses propres lois et coutumes, sa
propre monnaie… jusqu’en 1789 ou elle sera annexée par la France, contre la volonté des
Basques.
Les députés de Basse-Navarre dont Arnaud de Vivié de Garris refuseront de participer aux
Etats Généraux de la France qui n’est pas leur royaume.
1789 marquera la fin des privilèges de la noblesse mais aussi la perte d’une forme de
démocratie représentative familiale et l’abolition des constitutions de la Basse-Navarre
qui ne sera plus qu’un morceau de département !
Conséquences de la Révolution
A l’image du pays tout entier, Garris va voir ses privilèges amoindris sur le plan droit
coutumier, justice et fiscalité. La Révolution enlèvera toutes les prérogatives.
Garris devient le chef-lieu d’un canton différent de celui de Saint-Palais.
Des comités de surveillance vont dénoncer et faire arrêter les suspects d’incivisme.
La Cour du Baillage du Pays de Mixe qui siégeait à Garris est supprimée. Les nouvelles
subdivisions territoriales, la réforme judiciaire, annoncèrent le déclin de l’antique cité.
Garris perdit ses magistrats, son châtelain, son bailli, son geôlier, sa garnison.
Les grandes familles de notables de Garris : avocats, notaires, marchands se virent
contraints de s’expatrier.
Parmi les plus célèbres le marquis Jean Baptiste d’Esquille, président à mortier du parlement
de Navarre, Berho de la maison noble « Berhoua », Pelegrin, Etchessarry…émigrèrent pour
échapper à la guillotine que Monsieur Monestier promenait dans le département.
Le procureur général du directoire du district de Saint-Palais, Franchistegui et le tribunal
du district, procédaient à la liquidation et à la vente des biens mis sous séquestre des
aristocrates garrisiens .
La Révolution vendit pour 40 000 Livres les biens de l’ex-citoyen Berho de Garris.
Les belles demeures se dépeuplèrent et tombèrent en ruine.
La Révolution supprima les droits de franchise octroyés par les rois de Navarre.
Heureusement la célèbre foire de Garris conservera toute sa notoriété.
L’Assemblée Nationale charge l’ancien « Syndic des Etats » de collecter les impôts en
attendant la mise en place de la nouvelle administration. Le Syndic Goyheneche de Garris,
peu pressé d’accomplir sa tâche va essayer de profiter de l’occasion pour faire revivre les
anciens Etats Généraux. Goyheneche se fera décharger de sa mission, elle sera dévolue à un
autre garrisien: Monsieur de Pelegrin « trésorier des anciens Etats de Navarre » le dernier
représentant de la vieille administration navarraise qui lui aussi refusera de remplir sa mission
et démissionnera en novembre 1790.
Eglise Saint Félix du XIIème siècle
La création de la ville neuve médiévale
« Garris est un exemple d’habitat basque évolutif de transition d’origine
socio culturelle et socio économique»
En Navarre, le bras séculier et le bras ecclésiastique ont œuvré l’un et l’autre au MoyenAge chacun à sa manière dans l’organisation de l’habitat basque bas-navarrais.
Le pouvoir seigneurial puis royal navarrais avait le souci de renforcer la frontière avec
l’Aquitaine sur les points stratégiques tel que Garris, d’où la création d’un nouveau château
fortifié et une politique d’implantation autour de l’église.
Dès la seconde moitié du XIIème siècle, le roi de Navarre contrôle les châteaux de St JeanPied-de-Port et de Garris dont le titulaire exerce les fonctions de justice sur la « terre
d’outre-ports ».
Garris connaît un développement rapide, sa communauté va bénéficier de privilèges et de
franchises après la création de la ville neuve par Thibaud Roi de Navarre.
En 1351, Garris jouissait du Fors Béarnais de Morlaas tout en dépendant du royaume de
Navarre.
Un droit de péage était perçu à Garris par le roi de Navarre. Le détail est retrouvé dans les
livres de recettes des aïeux de Saint-François Xavier qui avaient la charge de collecter cette
taxe.
En 1423, Tristan de Luxe est receveur des péages de Garris.
Sous le titre de « cermenage* » sorte d’impôt dû pour l’entretien de ses défenses et de
ses fossés, Garris payait annuellement 65 sous et 3 deniers.
De la même manière le « chapitel*», autre privilège royal, consistant à percevoir une
taxe sur le mesurage des grains, fut supprimé à Garris pour permettre son développement
commercial.
En 1494, la ville de Garris paye l’impôt le plus élevé de tout le Pays de Mixe : 7 livres 13
sols.
L’église Saint-Félix de Garris est située « extra muros » en dehors de l’enceinte fortifiée de
la ville neuve. Elle tient une place centrale dès le Moyen-Âge, elle sera un enjeu constant
entre les seigneurs laïcs et le clergé séculier. Ses revenus : dîmes, droits de patronage seront
sources de conflits.
Les anciennes maisons nobles sont situées extramuros, ce qui est logique car le domaine
qui entoure la maison noble est souvent très étendu avec ses bordes et dépendances.
La Plaza ou place du foirail est également extramuros car composée essentiellement de
cabarets, auberges et artisans en relation étroite avec le développement des marchés et de la
foire.
La ville neuve répond à une géométrie précise sous forme ovale de type village-rue
médiéval avec une contenance évaluée à 36 lots. Elle est quadrillée par des petites ruelles
permettant la circulation des gens mais reste un obstacle dérisoire contre les incendies.
L’observation sur le terrain permet au promeneur de reconnaître des vestiges des anciennes
murailles de défense entourées de fossés et d’un talus de terre de qui avait 3 mètres de haut.
Des textes anciens évoquent l’existence de palanques* ( pieux plantés verticalement en
forme de palissades sur les talus de terre ). Les archives confirment ce rôle défensif de
Garris :
En 1398 « Léonor Reine de Navarre ordonne l’achat d’arbalètes pour mieux défendre Garris
que des malfaiteurs voulaient escalader en l’absence du Roi ».
En 1456 le Comte de Foix, à la tête de son armée forte de 6000 hommes néglige Saint-Palais
peu défendue pour se diriger vers Garris qui est fortifié.
Effectivement le siège de Garris dura deux jours avec des « assauts forts et âpres ».
Plan de la ville neuve fortifiée de Garris.
L’ensemble de la ville est protégé par des remparts entourés de fossés qui la
contournent.
Ainsi, Garris va naître de la route, du commerce et du pèlerinage, comme Ostabat et Saint
Jean Pied de Port, bien avant la création de Saint-Palais qui date du début du XIIIème siècle
Garris est le plus ancien exemple de ce regroupement en bourg centre de type bastide avec
ses quartiers organisés en lots pour des raisons sécuritaires et économiques.
Evolution démographique
Les archives de Navarre nous donnent de précieux renseignements sur la
démographie, les noms de maisons et les comptes du Royaume de Navarre du XIIIème
au XVème siècle.
Au Moyen-Âge on comptait la population au nombre de « feux* » ( maison dans laquelle
se trouvent plusieurs familles ou foyers, soit 4 à 6 personnes plus les enfants ).
L’enquête de « monnayage* » de 1350 précise le nombre de feux et dit en quoi consistait
la richesse « relative » d’une maison.
Garris compte « 55 feux » ( maisons qui payaient l’impôt ). Soit un total de 70 maisons en
tenant compte des maisons nobles et fivatières exemptées d’impôt.
( Ce chiffre de 300 à 400 habitants est important, si l’on compare avec une Navarre qui
compte seulement 100 000 habitants et un Royaume de France de 10 millions d’habitants ).
Plus tard au XIXème siècle, les fiches de recensement permettent de préciser le nombre
de maisons et le nombre de ménages. ( plusieurs ménages habitent dans une même maison )
Année de
recensemen
1846 1851 185
6
1861 1866 1872 1881
1886 1891 1896 variatio
n
t
Nombre de
87
89
93
81
86
83
78
75
75
75
-12
112
105
10
5
98
97
93
93
86
80
87
- 25
469
430
39
3
391
377
371
353
318
302
303
- 166
maisons
Nombre de
ménages
Population
totale
Le déclin de Garris, commencé à la Révolution, va s’aggraver entre 1850 et 1900 avec 12
maisons qui disparaissent et une perte de population de 166 habitants.
Années
1835
1876
1896
1906
1926 1936
1954
1962 2009
Population
510
343
304
323
246
224
229
240
310
Le phénomène d’émigration
L’étude des 7 registres de l’agent d’émigration Apheça de Berraute révèle qu’entre
1861 et 1889 cent trois personnes sont parties de Garris pour l’Amérique.
La première vague se situe autour de 1860 et la seconde vers 1880.
Parmi elles des individus isolés mais aussi des familles entières avec des enfants en bas-âge :
Archain, Berrogain, Halcaran, Heuguerot, Carsuzaa, Chohobigarat, Bert, Mathieu, Castet,
Bordenave….
Certaines personnes sont de villages différents mais elles partent de Garris car elles avaient
probablement des liens de parenté. Ces 103 personnes appartiennent seulement à 39 noms de
familles.
Beaucoup de jeunes ( autour de 20 ans ) du monde agricole ( éleveur ou pasteur, laboureur,
vigneron ) mais aussi des artisans ( cloutier, menuisier… ).
L’importance de l’exode massif des Basques est la conjugaison de plusieurs facteurs :
-Les nombreux cadets des maisons contraints pour éviter le morcellement du bien
familial d’émigrer vers des terres lointaines. C’est la raison principale. Les familles
nombreuses ne permettaient pas aux cadets de se marier pour rester « au Pays ».
-Les familles rurales pillées et appauvries par les guerres de la Révolution et de
l’Empire.
-La cherté des grains en 1847, les maladies de la vigne en 1856….
-Les sollicitations intéressées des agents d’émigration efficaces et persuasifs… la
diminution
de la contrebande !…
-L’insoumission au service militaire obligatoire.
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