Un drôle de cycle solaire
par Hugues Lacombe
Ça y est. On est censé être en plein
dedans … le " maximum " du cycle
solaire. Bon, on a bien eu plusieurs
bonnes étincelles en octobre et
novembre, mais pas grand-chose
par rapport au feu d'artifice habituel.
Qu'en est-il au juste?
Notre Soleil n'est pas d'égale
humeur. Quand il est au "minimum"
de son cycle il se languit comme un
ours en hiver. Puis il se réveille
lentement, s'étire et prend de plus
en plus de vigueur. Puis au maxi-
mum de son cycle c'est la plénitude,
il est dans tous ses états, paré de
protubérances et de taches
solaires, souvent en éruption et pro-
jetant son plasma dans l'espace lors
d'éjections de masse coronale.
Puis il s'essouffle, et retourne dormir
dans sa tanière.
Le cycle complet dure environ onze
ans. Il est parfois plus court, parfois
plus long, de 9 à 14 ans. C'est l'as-
tronome allemand Samuel
Schwabe qui, en 1843, a découvert
l'existence du cycle solaire, après
avoir étudié le nombre changeant
de taches solaires sur une période
de 17 ans. Par la suite, l'astronome
suisse Rudolf Wolf a reconstruit le
cycle en étudiant les données his-
toriques, remontant jusqu'aux
observations de Galilée au début du
XVIIe siècle. Les astronomes ont
décidé de numéroter les cycles à
partir de 1755. Le cycle actuel porte
le numéro 24.
Le maximum du cycle s'accompa-
gne d'un plus grand nombre de
taches solaires et d'éruptions. Et
sur Terre les aurores polaires se
font plus fréquentes et plus
imposantes.
On ne comprend pas très bien les
mécanismes qui donnent naissance
au cycle solaire. À l'intérieur du
Soleil le mouvement des particules
chargées (protons et électrons) crée
un courant électrique et un champ
magnétique. Celui-ci ressemble à
un aimant dipôle, avec un pôle posi-
tif dans un hémisphère, et un pôle
négatif dans l'autre.
Le Soleil étant composé de gaz,
essentiellement de l'hydrogène et
de l'hélium, sa rotation est différen-
tielle, c'est à dire qu'il tourne plus
vite à l'équateur (24 jours) qu'aux
pôles (30 jours). À cause de ce type
de rotation, les lignes du champ
magnétique s'entremêlent de façon
très complexe. Plus le cycle pro-
gresse, plus le champ magnétique
devient chaotique et il s'affaiblit au
point de disparaître au moment du
maximum solaire. C'est alors qu'il
inverse sa polarité et le cycle
recommence.
Les taches solaires participent à ce
brasse-camarade. Elles sont le lieu
d'éruptions solaires, ces explosions
qui éjectent de la matière solaire
dans l'espace, et où naissent les
protubérances. Les taches solaires
sont les endroits où le champ mag-
nétique du Soleil est le plus intense.
Au début du cycle, les taches
paraissent loin de l'équateur solaire.
Mais plus le cycle progresse, plus
les taches surgissent à des latitudes
plus basses.
Les taches solaires ont elles-
mêmes un champ magnétique
dipôle, leur polarité (positive et
négative) étant alignée sur un axe
est-ouest, contrairement au champ
magnétique du Soleil qui est aligné
nord-sud
La plupart du temps les taches
solaires dans un même hémisphère
ont une polarité orientée dans une
même direction. Les taches dans
l'autre hémisphère ont une orienta-
tion contraire. Cette polarité s'in-
verse d'un cycle à l'autre. Ainsi au
cours du cycle 23, les taches dans
l'hémisphère nord avaient leur pôle
positif à l'avant, et leur pôle négatif à
l'arrière. C'est le contraire pour
l'actuel cycle 24. Mais il y a des
exceptions alors que des con-
traintes empêchent les taches de
s'aligner comme elles le devraient.
Ça complique davantage les choses
et ça donne souvent lieu à des
explosions.
Le maximum d'activité solaire arrive
d'habitude à mi-chemin du cycle.
Comme le cycle 24 a débuté en jan-
vier 2008, on s'attendait à ce que le
Soleil atteigne son maximum d'ac-
tivité à la fin de 2013.
Mais le maximum du cycle solaire
24 est tout à fait inhabituel. D'abord
c'est le plus faible depuis au moins
100 ans. Non seulement y a-t-il
environ la moitié moins de taches
solaires que de coutume, mais elles
sont aussi moins énergétiques. Et
puis le renversement de la polarité
du champ magnétique est décalé.
La polarité de l'hémisphère nord
s'est inversée il y a environ un an.
La polarité de l'hémisphère sud ne
s'est pas encore inversée
Pour l'instant les deux hémisphères
ont la même polarité ce qui est très
inusité. D'habitude ce phénomène
est assez rapide. Qu'il s'étire
comme il le fait présentement, c'est
du jamais vu. L'inversion de la
polarité dans l'hémisphère sud
devrait survenir en début de 2014.
Les astrophysiciens n'ont pas d'ex-
plication pour un si faible maximum
solaire. Ils ne savent pas s'il
annonce une tendance lourde ou si
c'est un phénomène temporaire. Si
la tendance se maintient, il se peut
que le prochain cycle solaire, le
cycle 25, soit encore plus faible et
ne présente que peu de taches
solaires. À suivre.
Décembre 2013 p. 5 Astro-Notes