Diagnostic et suivi biologique de l`hémogloburie paroxystique

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Cher confrère,
Tourcoing, le 29 Juin 2015
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Diagnostic et suivi biologique
de l’hémogloburie paroxystique nocturne (HPN)
L’hémogloburie paroxystique nocturne (HPN) est une anomalie clonale acquise de cellule souche hématopoïétique avec
atteinte des différentes lignées sanguines. C’est une pathologie rare : 15 à 20 nouveaux cas sont diagnostiqués chaque année en
France et son incidence est estimée à 1 à 5 cas pour un million d’habitants. Dans la majorité des cas, l’HPN résulte d’une
mutation somatique du gène PIGA (phosphatidyl inosiol glycan anchor biosynthesis, class A) codant une enzyme de la
biosynthèse de l’ancre GPI (glycosyl phosphatidyl inositol) entraînant un déficit partiel ou complet en molécules GPI-liées à la
surface des cellules sanguines. Cette fraction de cellules déficitaires est appelée «clone HPN».
Physiopathologie
Le gène impliqué dans la maladie est le gène PIGA, porté par le chromosome X, dont les anomalies sont des mutations ou des
délétions. Ce gène code une molécule intervenant très tôt dans la biosynthèse de la GPI. De façon plus anecdotique, d’autres
anomalies ont été décrites, notamment sur le gène PIGT, intervenant tardivement dans la chaîne de synthèse. Enfin, une autre
entité correspond à une anomalie congénitale non pas de l’ancre GPI, mais du gène codant le CD59, molécule liée au DPI et
dont le phénotype ressemble à l’HPN. En parallèle, des anomalies additionnelles (mutations de NRAS, JAK2, TET2),
intervenant dans d’autres voies cellulaires ont été décrites ; elles seraient responsables de l’hétérogénéité clinico-biologique de
l’HPN. Dans 55% des cas, la mutation PIGA est seule à l’origine de l’expansion des cellules souches anormales ; dans environ
40 % des cas, elle est associée à une autre mutation ; dans 5% des cas, le clone HPN survient après l’émergence d’un clone
myélodysplasique.
Émergence et maintien du clone de cellules souches hématopoïétiques porteur de la mutation
En premier lieu, il existe une tolérance du système immunitaire permettant à la cellule souche porteuse de l’anomalie de
prendre le dessus sur les cellules normales. Au niveau moléculaire, l’anomalie d’un gène entraîne un défaut de PGI et donc de
molécules GPI-liées sur les cellules sanguines dont une dizaine sont connues. Parmi elles : CD 55 (decay-accelerating factor
for complément) et CD 59 (membrane inhibitor of reactive lysis), deux protéines de régulation du complément. Ainsi, leur
déficit confrère une sensibilité accrue des hématies à l’action lytique du complément, entraînant l’hémolyse intra vasculaire
chronique classiquement observée dans l’HPN, qui sera majorée dans certaines situations paroxystiques comme la survenue
d’infections.
Manifestations clinicobiologiques
Elles reposent sur la triade hémolyse, tendance à la thrombose et insuffisance médullaire potentiellement associée. Le spectre
de l’hémolyse comporte une asthénie, des douleurs abdominales, une dysphagie, une dysfonction érectile, une insuffisance
rénale et une hypertension pulmonaire. In fine, la présentation clinique est très hétérogène, tant dans la diversité que dans la
sévérité des signes. Un groupe international spécialisé (I-PIG, International PHN Interest Group) a proposé une classification
décrivant 3 grandes formes de l’HPN (tableau I). En réalité, il s’agit d’un continuum.
Le risque de thrombose est très important au cours de l’HPN et en est la première cause de mortalité : 29 à 44 % des patients
vont faire un épisode thromboembolique (ETE), le plus souvent inaugural. La survenue d’un ETE est un facteur de mauvais
pronostic : la survie à 4 ans après un ETE au diagnostic est de 40 %.
Les thromboses au cours de l’HPN ont des localisations préférentielles :
 Thromboses veineuse de localisation abdominales
- avec atteintes des veines hépatiques (syndrome de Budd-Chiari) ; elles concernent 7 à 25 % des patients HPN et se
compliquent d’insuffisance hépatocellulaire gravée d’un taux de mortalité élevé,
- avec atteintes des veines mésentériques ou abdominales ;
 Thromboses des veines cérébrales avec atteinte du sinus sagittal supérieur (localisation neurologique la plus
fréquente, conduisant à 1/3 des décès) ou atteinte du sinus latéral, du sinus caverneux ou du sinus sigmoïde ;
 Thromboses artérielles, notamment des artères cérébrales et coronaires.
L’insuffisance médullaire correspond :
 Essentiellement à une aplasie médullaire (AM) : 39,5% des patients en AM vont présenter un clone HPN ; il s’agit
surtout de patient âgés de moins de 50 ans ;
 Ou à un syndrome myélodysplasique (SMD) : un clone HPN est retrouvé chez 1,8 % des patients, principalement des
sujets de plus de 75 ans ayant des cytopénies réfractaires avec dysplasie uni lignée ;
 Dans les autres situations d’insuffisance médullaire, un clone HPN est retrouvé chez 2 % des patients.
Prise en charge thérapeutique
Elle dépend du degré d’atteinte des patients. Deux options existent pour les formes sévères :
- l’éculizumab, un Ac monoclonal humanisé anti C5 : administré dans les formes hémolytiques en IV, au long cours ;
- allogreffe de cellules souches hématopoïétiques, en l’absence de réponse à l’éculizumab, pour des formes très sévères.
Diagnostic biologique
Les points d’appel clinicobiologiques sont : des manifestations thrombotiques survenant chez un sujet jeune, de localisation
anatomique inhabituelle ; l’exploration d’une hémolyse ou d’une hémoglobinurie, éventuellement associée à des épisodes
abdominaux douloureux, à une dysphagie, une dysfonction érectile, une insuffisance rénale ou une hypertension pulmonaire ;
l’exploration de cytopénies associées, en particulier au cours de l’aplasie médullaire.
Les examens à réaliser (critères minimum nécessaires) sont : un hémogramme : retrouve une anémie normo/macrocytaire
régénérative modérée à sévère (non systématique) ± une thrombopénie ± une leucopénie (neutropénie) ; un bilan d’hémolyse :
l’haptoglobine est basse, les LDH et la bilirubine augmentées, le test de Coombs, négatif, le taux de réticulocytes augmenté (en
dehors des situations d’insuffisance médullaire). La concentration en LDH a un intérêt (seuil retenu dans la plupart des études :
> 1,5 fois la normale car elle est corrélée avec la taille du clone (>3 % pour les globules rouges et >23 % pour les PNN au
cours de l’AM ; de plus, l’augmentation des LDH est associée avec le risque de thrombose et la mortalité chez ces patients.
Les autres examens à réaliser sont (éventuellement) un myélogramme et la recherche de clone HPN.
La méthode de référence pour la recherche de clone HPN est la cytométrie en flux (CMF). L’objectif est la mise en évidence
du déficit en marqueurs GPI-liés sur, au maximum, deux lignes sanguines distinctes. Elle permet de répondre à la question :
présence d’un clone ?oui ou non et, si oui, de déterminer sa taille.
Des experts ont publié des recommandations concernant cette recherche : en 2010 (Borowitz MJ, clinical cytometry), pour les
tests de routine (sensibilité : 1%, acquisition de 5 000 cellules cibles) et, en 2012 (Sutherland DR, clinical Cytometry), pour les
tests de haute sensibilité (sensibilité = 0,01 % PNN, 0,005 % GR, acquisition de 200 000 cellules cibles). Les tests
hypersensibles ont un intérêt pour la détection de clones mineurs chez des patients atteints de SMD ou d’AM. Chez les patients
en AM, la présence d’un clone, même en petite quantité, indique une bonne réponse au traitement immunosuppresseur ; mais il
existe un risque de majoration du clone (10 à 25 % des patients évoluent vers la forme classique).
Quelle stratégie d’analyse
L’examen est réalisé sur sang périphérique prélevé sur EDTA, idéalement le jour même ou, à défaut, dans les 24h. La 1er étape
est la recherche de cellules déficientes en marqueurs GPI-liés parmi les PNN avec confirmation sur les monocytes. En
l’absence de clone significatif détectable, l’exploration est arrêtée ; en présence de cellules déficientes, la 2ème étape est la
recherche de cellules déficientes en marqueurs GPI-liés parmi les globules rouges (GR), permettant de distinguer plus
facilement les patients ayant un déficit partiel de ceux ayant un déficit total. Il faut noter qu’il existe un mosaïcisme du
phénotype chez un même patient avec des cellules de type I (normales), des cellules de type II (ayant un défaut d’expression
partiel) et des cellules de type III (avec absence d’expression). Sur les PNN et les monocytes, il est possible d’utiliser plusieurs
combinaisons d’Ac, selon le cymomètre. Les marqueurs de sélection (gating) sont le CD45/SCC puis le CD33 et le CD15
(PNN) et le CD64 (monocytes). Les marqueurs GPI-liés sont l’Ac anti-CD24 sur les PNN et l’anti-CD14 sur les monocytes,
avec du FLAER, réactif se liant de manière spontanée sur la molécule GPI. Pour les GR, les marqueurs de sélection sont le
CD235a et le FCS/SSC, et le marqueur GPI-lié, le CD59.
Comment présenter les résultats ?
Les objectifs de l’examen sont de rechercher la présence d’un clone HPN et de le quantifier au sein de leucocytes et des GR.
Le compte rendu doit préciser la nature de l’échantillon, les renseignements cliniques éventuels, les marqueurs GPI-liés
évalués, la sensibilité de la méthode (PNN et GR), à compléter par la sensibilité de l’examen si elle est inférieure.
En l’absence de clone HPN, conclure avec une formulation claire (éviter les «positif/négatif»). En présence d’un clone HPN,,
il faut en préciser la taille dans chaque catégorie de cellules : type II , type III (type II + III = taille total du clone). La
conclusion est dictée par la taille du clone au sein des PNN :
- Si HPN II+III < 0,1 % : «présence de rares cellules présentant un déficit en protéines GPI-liées» ;
- Si HPN II+III > 0,1% et < 1% : « présence d’un clone HPN minoritaire estimé à x % sur les PNN » ;
- Si HPN II+III > 1 % : « présence d’un clone HPN estimé à x % sur les PNN ».
Et si le clone est confirmé au sein des monocytes et des GR, rendre « confirmé sur les monocytes (x %) et sur les GR (X %) ».
Théoriquement, dans la forme classique, le clone HPN est > 50 % des PNN (hémolyse +++). Dans la forme associée à une
anomalie médullaire, le clone HPN est <30 % (avec manifestations des anomalies de l’hématopoïèse : cytopénie, anémie
arégénérative…). Dans la forme «infra-clinique», le clone HPN est mineur, < 1 % (sujets sains : jusqu’à 0,003%) ; les patients
sont pauci ou asymptomatiques (une évolution est possible mais rare).
Suivi des patients présentant un clone HPN
Les patients non traités, stables cliniquement, sont surveillés annuellement ; si une complication survient, il convient de
réévaluer la taille du clone par CMF (suspicion de majoration correspondant à une évolution vers la forme classique
notamment). Chez les patients traités par éculizumab, une surveillance mensuelle est préconisée avec NFS + taux de
réticulocytes, dosages de bilirubine et des LDH, associés à une surveillance annuelle du clone par CMF. En cas de suspicion
d’hémolyse, un test de Coombs sera réalisé.
Conclusion
L’HPN est une pathologie rare, dont les répercussions cliniques sont hétérogènes, mais potentiellement sévères. La biologie
joue un rôle majeur dans la mise en évidence et le suivi du clone HPN par CMF, nécessitant une approche rigoureuse, ainsi
que pour la recherche et la surveillance des complications de l’hémolyse et des cytopénies.
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