REPUBLIQUE DU SENEGAL MINISTERE DE L’AGRICULTURE INSTITUT SENEGALAIS DE RECHERCHES AGRICOLES CENTRE POUR LE DEVELOPPEMENT DE L' HORTICULTURE Ralstonia solanacearum, agent causal du flétrissement bactérien observé sur cultures de tomate dans les parcelles de BOKHAL et GAYA (Dagana, Sénégal) A. A. Mbaye, E. V. Coly et P. Demba Kane INTRODUCTION A la demande du président du Comité Tomate, une équipe d’experts de l’ISRA/CDH s’est rendue à Dagana pour visiter les parcelles de tomate, discuter avec les producteurs et prélever des échantillons pour le diagnostic de la nouvelle maladie. Selon le Président Dieng, depuis 06 ans déjà, cette maladie ravage la production de tomate dans les zones de Dagana et Podor. Elle se manifeste au début par un flétrissement des jeunes feuilles, et ensuite se propage sur toutes les feuilles d’un seul côté de la plante, suivi d’un flétrissement généralisé de toute la plante. DEROULEMENT DE LA MISSION La mission a été effectuée le 18 janvier 2011. Diverses personnes ont été rencontrées : Ablaye DIENG du Comité Tomate, Cheikh As TALL et Mansour CISSE de la SAED. Les champs de tomate visités appartiennent à Mademba FALL (Gaya), Mamadou BA (Bokhal), Amadou NDIAYE, (Bokhal) et Baba DJIGO (Dieurba). Les variétés présentant des symptômes sont : Yaki et Gempride (variétés hybrides), Rio Fuego et Rio Grande (variétés fixées). Aussi, a-t-on remarqué que la variété Good Year n’a présenté aucun symptôme de la maladie. Symptômes observés au champ Le premier symptôme visible est la flaccidité des plus jeunes feuilles (photo 1a). Survient ensuite l'épinastie et le flétrissement d'un côté de la plante suivi de l'ensemble de la plante quelques jours après (photo 1b). Cela provoque l'effondrement complet de la plante qui peut se dessécher (photo 1c) poussant beaucoup de paysans à abandonner leurs champs. Des échantillons de tomate présentant des symptômes ont été prélevés et acheminés à Dakar pour analyse au laboratoire de phytopathologie du CDH. 1 Photo 1a : jeunes feuilles flétries Photo 1b : plante flétrie Photo 1c : plante desséchée Nos investigations ont également porté sur les mauvaises herbes environnantes. Une mauvaise herbe dénommée niakhou khathe (nom local) ou Solanum nigrum présente les mêmes symptômes que ceux observés sur tomate. TRAVAUX DE LABORATOIRE Le matériel végétal collecté dans les parcelles a été ramené au laboratoire pour analyse. Aucune présence de spore n’a été observée sur les feuilles et les tiges de tomate. Sur ces dernières, une coupe transversale a été réalisée. Elle montre une coloration brune du système vasculaire (photo 2a). Photo 2a : coloration brune du système vasculaire Le flétrissement sur tomate peut être dû à des facteurs abiotiques (manque d’éléments nutritifs, insuffisance d’eau, etc.) ou biotiques. Les pathogènes concernés sont principalement la bactérie Ralstonia solanacearum, (anciennement appelée Pseudomonas solanacearum) et les champignons Fusarium oxysporum et Verticillium albo-atrum (ou V. dahliae). Le tableau 1 résume les symptômes spécifiques provoqués par les pathogènes incriminés dans le flétrissement de la tomate en les comparant à ceux trouvés sur les échantillons prélevés. 2 Tableau 1 : Symptômes spécifiques du flétrissement de la tomate comparés à ceux observés sur échantillons prélevés à Dagana Maladies Symptômes Symptômes Jaunissement et décoloration des vieilles feuilles, dégradation (brunissement) du système vasculaire limitée au xylème (n’atteint pas le cortex). Fusariose (Fusarium oxysporum) Verticilliose (Verticillium albo-atrum ou V. dahliae) + Symptômes Jaunissement et Jaunissement des nécrose des feuilles non feuilles observé, (formation de brunissement du lésions en forme système vasculaire de « V »), y compris le décoloration cortex. vasculaire du xylème - - Conclusion (par rapport aux symptômes observés sur échantillons prélevés à Dagana) Non retenu - + - Non retenu Bactériose (Ralstonia solanacearum) - - + + Retenu pour tests supplémentaires La piste bactérienne est privilégiée du fait des symptômes observés sur les échantillons prélevés (absence de jaunissement des feuilles et brunissement du système vasculaire y compris le cortex). Un autre test permet de confirmer ce diagnostic préliminaire. Il s’agit du test rapide de dépistage du flétrissement bactérien. Test rapide de dépistage 3 Ce test facilite le diagnostic présomptif. Il consiste à faire l’exsudation des tiges. Le test positif signifie la présence de Ralstonia solanacearum dans les tiges de tomate flétrie. Procédant au test de présomption, la tige de tomate présentant les symptômes décrits plus haut est sectionnée juste au-dessus des racines. L'extrémité de la tige sectionnée est placée dans un bécher rempli d'eau (Photo 3, 4 et 5). Photo 3 : tige sectionnée Photo 4 : tige placée dans l’eau Photo 5 : exsudation Peu de temps après (2 à 3minutes), des filets blanchâtres de production bactérienne s'écoulent spontanément du cortex. Aucun autre pathogène responsable de l'infection vasculaire des plantes de tomate ne fera apparaître cette sudation blanchâtre. Compte tenu des résultats obtenus, nous concluons que le flétrissement observé sur culture de tomate à Dagana est bien le flétrissement causé par Ralstonia solanacearum. Isolement de la bactérie La bactérie a été isolée sur milieu spécifique dans des boîtes de pétri pour confirmation de l’identification. Le milieu nutritif d'isolement et de culture choisi est la gélose à base de saccharosepéptone (SPA) composé de : saccharose : 20 g ; peptone : 5 g ; K2HPO4 : 0,5 g ; MgSO47H2O : 0,25 g ; Bacto agar (Difco) : 15 g ; eau distillée : 1 litre. Des milieux d'un demi-litre ont été préparés dans des flacons d'un litre. Les ingrédients ont été dissous et le PH ajusté à 7,2-7,4. Le milieu a été ensuite stérilisé à l'autoclave à 121 oC pendant 15 minutes. La température a été baissée ensuite à 50 oC . Le liquide a été versé dans des boîtes. Celles-ci ont été infectées puis purifiées. Comme l’illustre les photos 6, et 7, les colonies sont blanchâtres, et un peu rougeâtres. Le pouvoir pathogène de la bactérie isolée sera testé en inoculant des plantes saines de tomate. 4 Photo 6 : Boîte de contrôle et milieu de culture infecté. Photo 7 : Colonie purifiée Le milieu étant sélectif, la nature des colonies confirme encore la présence de Ralstonia solanacerum. CONCLUSION ET PERSPECTIVES Le flétrissement bactérien causé par Ralstonia solanacerum est une maladie dévastatrice. Elle peut attaquer plus de 200 espèces végétales et 33 familles. Dans nombre de pays elle est à déclaration immédiate. L’ISRA/CDH a développé une méthode rapide de diagnostic, ce qui a permis le dépistage rapide de la bactérie. Le contrôle de la maladie (flétrissement bactérien) est extrêmement difficile, surtout si le sol ou l’eau d’irrigation est infecté (e). Dans ce cas, éviter de planter dans ces sols ou d’utiliser l’eau d’irrigation. La solution la plus sûre étant la résistance variétale. Cette résistance peut varier d’un pays à un autre d’où la nécessité d’impliquer la recherche pour des tests en station et au champ, ce qui est en cours au niveau de l’ISRA/CDH. Aussi, une solution pourrait être cherchée dans la gestion du potentiel acidifiant (pH). Un projet d’envergure permettra à la recherche de trouver et de proposer d’autres moyens de lutte. 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