Graap-Fondation
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Diagonales 104
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Mars-avril 2015
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ÉCLAIRAGE
Loin d’être une «méthode Coué»,
la psychologie positive s’intéresse à
l’«étude des conditions et processus
qui contribuent à l’épanouissement ou
au fonctionnement optimal des indivi-
dus, des groupes et des institutions»,
selon les chercheurs Shelly Gable et
Jonathan Haidt. Pourquoi, depuis un
siècle, ne nous étions-nous intéressés
qu’à l’étude de ce qui dysfonctionne?
Cette nouvelle discipline ouvre une
voie qui nous permet d’apprendre à
construire notre propre bonheur, celui-
ci étant en lien direct avec une dimen-
sion collective, voire sociétale.
Ofciellement née en 1998 dans un dis-
cours de Martin Seligman, alors prési-
dent de l’American Psychological Asso-
ciation, la psychologie positive prend
racine dans ce constat: depuis cent ans
que la psychologie moderne existe, la
dénition de la santé mentale ne s’est
concentrée que sur la «réduction des
troubles neuropsychiatriques».
La psychologie positive poursuit un
autre objectif et annonce une nou-
velle ère: celle où nous nous intéres-
sons à l’«étude scientique du fonc-
tionnement humain optimal*». Il ne
s’agit plus d’accompagner les gens
pour qu’ils passent d’un état de souf-
france à un état «neutre», mais d’un
état «neutre» à un état de satisfaction.
Cette nouvelle discipline a fait l’objet
d’un workshop animé par le professeur
Michael F. Steger, de l’Université d’Etat
du Colorado, lors de la 17e Conférence
européenne sur la personnalité, qui
s’est tenue pour la première fois en
Suisse en juillet dernier. Cette édition,
présidée par les professeurs et doc-
teurs Jérôme Rossier et Marina Fiori,
a accueilli plus de 500 professionnels
de la psychologie à l’Université de Lau-
sanne. Quelque 80 conférences et pré-
sentations réparties sur cinq jours ont
offert un riche panel d’activités et de
rencontres aux participants venus du
monde entier.
LA QUESTION DU SENS
Loin de la méthode Coué ou d’un posi-
tivisme forcé, la psychologie positive
s’appuie sur les forces et les vertus qui
permettent aux individus et aux com-
munautés de prospérer. Elle part du
principe que l’étude de la maladie et
du malheur nous permet de savoir com-
ment guérir et que celle du bonheur et
de la satisfaction nous permet de savoir
comment grandir et nous épanouir.
Cette science s’intéresse principale-
ment au développement de notre capa-
cité à aimer et à être aimés, à notre
résilience, à la responsabilité de nos
actions et à leur sens. Cette question
du sens est prépondérante dans le tra-
vail du professeur Steger: «Ce qui m’a
conduit au sens n’est pas une nalité
positive, heureuse ou empreinte de
succès. Le sens se trouve en faisant
face aux épreuves, au malheur ou à
l’échec. En fait, la plupart des grands
penseurs, au l du temps, sont arri-
vés à la même conclusion: le sens n’est
pas quelque chose que nous trouvons
une fois pour toutes, il se révèle dans
chaque pas que nous faisons.»
UN CHANGEMENT DE PENSÉE
Le professeur Steger précise: «Voilà
qui introduit un changement de pensée
aujourd’hui nécessaire. Souvent, nous
xons notre attention sur le bonheur,
la satisfaction ou l’épanouissement
comme résultats, comme une desti-
nation que nous pourrions atteindre
pour y rester. Mais voilà, même dans
les meilleures circonstances possibles,
notre vie est en perpétuel changement.
Nous devons dès lors accepter le fait
que les réponses d’hier ne sont plus
celles d’aujourd’hui. Ceci concerne en
particulier ceux d’entre nous qui ten-
tent de guérir ou de se reconstruire:
c’est le processus qui les guide qui
importe, et non pas la rapidité avec
laquelle ils parviennent à un résultat,
ni l’obtention du résultat exact qu’ils
avaient imaginé. Non, l’important est
qu’ils soient conscients du fait qu’ils
s’efforcent de faire quelque chose de
difcile. Il y a un sens profond à cette
démarche — qu’il y a toujours eu, à tra-
vers l’histoire de l’humanité —, mais
nous avons tendance à l’oublier. Nous
oublions qu’être signie poursuivre sa
route, quoi qu’il advienne.»
LE TRÉSOR DES PROFONDEURS
La psychologie positive telle que prati-
quée par le professeur Steger propose
donc des apprentissages essentiels que
nous ne trouverons dans aucun livre, ni
aucune école de pensée positive: «En
cherchant, peut-être pourrons-nous
découvrir au plus profond de nous-
mêmes une perspective et une richesse
de vie qui ne peut venir que d’un vrai
face-à-face avec nous-mêmes. Et qu’il
n’y a pas d’autre moyen d’y accéder.»
Et le professeur Steger de conclure:
«La quintessence de l’être humain se
trouve dans la capacité qu’il a de tirer
le meilleur de ce qui lui arrive, ainsi
que celle de s’adapter. Ce que nous
pensons de nous-mêmes, nos talents
naturels et notre capacité à surmon-
ter les choses forment ce qui peut nous
aider à nous élever et à nous récom-
penser, ainsi qu’à élever et à récom-
penser les autres.»
Martine Corthésy
* Selon le «Manifeste de la psychologie
positive» créé en 2000 par les auteurs
Ken Sheldon, Barbara Fredrickson,
Kevin Rathunde, Mike Csikszentmihalyi
et Jon Haidt.
Pour plus d’infos:
www.unil.ch/ecp17
www.michaelfsteger.com (en anglais)
www.psychologie-positive.com
LA PSYCHOLOGIE POSITIVE
La psychologie positive est un mouvement qui prend de l’ampleur. Il s’intéresse à l’état
optimal de l’être humain. Au lieu de se centrer sur la résolution de problèmes, le trouble,
le manque, il étudie ce qui favorise le bien-être, en faisant appel à nos capacités
de résilience. Et dans cette voie, le chemin parcouru s’avère plus important que le but.
«Nous devons
accepter le fait que
les réponses d’hier
ne sont plus celles
d’aujourd’hui.»