TRIBUNAL ADMINISTRATIF DE CERGY-PONTOISE No 1304937 ___________ SARL Philippe V... Publicité ___________ Mme Boulharouf Rapporteur ___________ M. Clot Rapporteur public ___________ RÉPUBLIQUE FRANÇAISE AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS Le tribunal administratif de Cergy-Pontoise (3ème chambre) Audience du 2 avril 2015 Lecture du 21 mai 2015 ___________ PCJA : 39-05 ; 39-01 ; 39-01-03 Code de publication : C Vu la procédure suivante : Par une requête, enregistrée le 17 juin 2013, la SARL Philippe V... Publicité, venant aux droits de M. Philippe V..., représentée par Me Palmier, demande au tribunal : 1°) de désigner un expert avant dire droit avec pour mission de procéder de manière contradictoire au décompte des mobiliers urbains réellement exploités et des mobiliers urbains supprimés depuis 2008, de recueillir tous les éléments et explications et de donner son avis sur les raisons des déplacements et de suppressions de mobiliers ou l’absence de mobiliers, de donner son avis sur les incidences financières des suppressions de mobiliers sur l’équilibre financier du contrat et d’annexer au rapport les photographies de ces constatations et/ou tout schéma utile ; 2°) d’annuler le titre exécutoire n° 3408 émis le 25 avril 2013 par lequel la commune de Clamart a mis à sa charge la somme de 86 656,10 euros ; 3°) de mettre à la charge de la commune de Clamart la somme de 6 000 euros en application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient : - que la mesure d’expertise sollicitée a pour but d’éclairer le tribunal sur la réalité des éléments factuels à l’origine du litige dès lors qu’il a reconnu dans le cadre de précédentes No 1304937 -2- instances n’avoir pas été suffisamment renseigné sur la réalité des suppressions de mobiliers sur le terrain ainsi que sur la modification des emplacements desdits mobiliers ; que l’expertise est donc utile à la solution du litige ; - que le titre exécutoire est dépourvu de force exécutoire à l’encontre de la SARL Philippe V... publicité qui est une personne morale de droit privé distincte de l’entreprise artisanale Philippe V... qui n’existe plus ; que la SARL Philippe V... dont l’existence ne remonte qu’au 19 septembre 2012, n’est pas signataire du marché de mobilier urbain conclu avec la ville de Clamart et ne peut donc être considérée comme débitrice d’une somme au titre de ce contrat ; que la SARL Philippe V... n’est pas visée par le titre exécutoire ; - que le maire de Clamart n’était pas compétent pour émettre un titre exécutoire destiné à recouvrer des sommes dues en contrepartie des mobiliers implantés sur le domaine public départemental ; - que le titre exécutoire méconnait les dispositions de l’article 4 de la loi du 12 avril 2000 dès lors qu’il n’est pas signé du maire mais uniquement paraphé ; - que la créance qui avait été calculée en fonction du nombre de mobilier à exploiter est dépourvue de fondement contractuel dès lors que ce mobilier a été diminué de manière unilatérale par la commune ; - que la commune de Clamart a commis des fautes dans l’exécution du contrat en refusant de remplacer des mobiliers comme elle était tenue de le faire en application de l’article 14 du cahier des clauses techniques particulières (CCTP), de modifier le montant de la redevance annuelle et de signer un avenant. Par un mémoire en défense, enregistré le 22 novembre 2013, la commune de Clamart conclut au rejet de la requête et demande au tribunal à ce qu’il soit mis à la charge de la SARL Philippe V... la somme de 5 000 euros en application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle fait valoir : - que la demande d’expertise rejetée par une ordonnance du juge des référés du 9 mars 2012 au motif ne présente aucun caractère d’utilité ; - que la circonstance que le mobilier, objet de la convention se situe en partie sur le domaine public départemental est sans incidence sur la licéité de la convention la liant à la société Philippe V... ; - que l’identité de l’ordonnateur est mentionnée sur le titre exécutoire ; - que s’il n’y a aucun lien juridique entre la SARL Philippe V... et l’entreprise Philippe V..., alors la SARL Philippe V... n’a pas intérêt à agir dans la présente instance ; que la SARL Philippe V... Publicité est venue aux droits et obligations de l’entreprise individuelle Philippe V... ; - que la redevance annuelle correspond contractuellement à une part forfaitaire des recettes de publicité ; que son montant résulte de la proposition de la société requérante lors de la procédure de passation du contrat ; - que le prix présente un caractère forfaitaire, définitif et actualisable ; - que la société requérante n'établit pas qu’elle aurait été exigé d’elle des opérations en dehors des stipulations du marché notamment sur la dépose d’une partie du mobilier urbain ; - que l’intéressée a commis de nombreux manquements, pour lesquels des pénalités de retard lui ont été infligées, de sorte que ses difficultés financières lui sont imputables ; - que la société Philippe V... était informée du fait que les travaux du tramway étaient susceptibles d’impacter l’emplacement ou la dépose de certains éléments de ce marché de mobilier urbain ; que l’absence d’exploitation intégrale du mobilier urbain n’est liée qu’aux nombreuses défaillances de la société requérante ; No 1304937 -3- Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code général des collectivités territoriales ; - le code des marchés publics ; - la loi du n° 2000-321 du 12 avril 2000 ; - le code de justice administrative. Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience. Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 2 avril 2015 : - le rapport de Mme Boulharouf, premier conseiller ; - les conclusions de M. Clot, rapporteur public ; - et les observations de Me Palmier, pour la SARL Philippe V... Publicité. 1. Considérant que par un acte d’engagement signé le 16 décembre 2005, la commune de Clamart a conclu avec l’entreprise individuelle Philippe V... un contrat de mobilier urbain d’une durée de dix ans, prévoyant le versement par le titulaire d’une redevance forfaitaire annuelle ; que, par un titre exécutoire émis le 25 avril 2013, la commune a mis à la charge de la société requérante la somme de 86 656,10 euros correspondant à la redevance due au titre de l'année 2013 ; que la SARL Philippe V... Publicité en demande l’annulation ; Sur la régularité du titre exécutoire : 2. Considérant qu’il ressort des pièces du dossier et notamment de l’article 2 de l’acte d’apport, que la SARL Philippe V... venant aux droits de l’entreprise individuelle Philippe V... publicité a pour obligation de « prendre l’entreprise individuelle et les éléments dont elle se compose dans l’état où ils se trouvent actuellement, (…) de continuer tout contrat en cours (…) le tout, de manière à ne donner lieu à aucun recours contre l’apporteur » ; que par suite, la SARL Philippe V... ne saurait se prévaloir de la disparition de l’entreprise individuelle Philippe V... pour soutenir que le titre exécutoire ne lui est pas opposable ; 3. Considérant qu’aux termes de l’article 4 de la loi du 12 avril 2000 susvisée : « (…) Toute décision prise par l'une des autorités administratives mentionnées à l'article 1er comporte, outre la signature de son auteur, la mention, en caractères lisibles, du prénom, du nom et de la qualité de celui-ci » ; qu’aux termes de l’article L 1617-5 du code général des collectivités territoriales : « (…) En application de l'article 4 de la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations, le titre de recettes individuel ou l'extrait du titre de recettes collectif mentionne les nom, prénom et qualité de la personne qui l'a émis ainsi que les voies et délais de recours. Seul le bordereau de titres de recettes est signé pour être produit en cas de contestation. (…) ; que le titre exécutoire litigieux comporte la mention en caractère lisible du nom et de la qualité de l’ordonnateur, en l’occurrence, le sénateur maire de la No 1304937 -4- ville accompagné de son paraphe ; que la circonstance que ces mentions ne soient accompagnées que du paraphe du maire et non de sa signature complète ne constitue pas une irrégularité dès lors que l’auteur du titre exécutoire est parfaitement identifiable ; Sur le bien-fondé de la créance : 4. Considérant que la convention conclue entre la commune de Clamart et la SARL Philippe V... Publicité le 16 décembre 2005, a pour objet, outre d’autoriser l’occupation du domaine public, la fourniture, l’installation et l’entretien de 100 abris destinés au public, de 44 mobiliers urbains, de 84 panneaux pour l’affichage administratif, et 46 pour l’affichage culturel et associatif, et de 8 colonnes porte-affiches ainsi que le versement à la commune d’une redevance fixée à 86 656,10 euros en contrepartie de laquelle la commune autorise le prestataire à exploiter, à titre exclusif, une partie du mobilier urbain à des fins publicitaires ; 5. Considérant qu’en présence d’un contrat ayant un objet mixte, il convient de rechercher l’objet principal du contrat ; que celui-ci répond aux besoins de la commune de Clamart en matière d’information municipale et de protection des usagers des transports publics contre les intempéries ; qu’outre l’installation de mobiliers urbains, il comporte des prestations de cartographie consistant en la réalisation et la mise à jour de plans détaillés de la ville ; que le contrat prévoit des contrôles par la commune de sa bonne exécution ainsi que des pénalités de retard pour dépassement des délais d’exécution ; que l’installation des mobiliers sur le domaine public constitue un élément accessoire de l’objet du contrat ; que, par suite, l’objet principal du contrat n’étant pas l’occupation du domaine public, le moyen tiré de l’incompétence du maire de la commune de Clamart pour émettre un titre exécutoire concernant une redevance due en contrepartie de l’implantation de mobiliers sur le domaine public départemental doit être écarté ; 6. Considérant que la société requérante fait valoir que la commune de Clamart a procédé à la modification unilatérale du contrat en lui demandant de déposer la « quasi-totalité » des mobiliers urbains, de sorte que la redevance forfaitaire aurait perdu toute contrepartie contractuelle et entrainerait un déséquilibre financier à son détriment ; que ni le plan de ville et la liste des installations que la requérante fournit, ni le constat établi par un huissier le 4 octobre 2012 relevant l’absence d’abribus et de panneaux d’affichage dans deux rues de la ville ne suffisent à démontrer que la commune aurait modifié unilatéralement le contrat alors que cette dernière affirme, sans être sérieusement contestée, que l’emplacement ou la dépose de certains mobiliers urbains ont été provoqués par les travaux du tramway et que l’absence de mobiliers urbains sur certains emplacements sont le fait de SARL Philippe V... ; que cette dernière ne produit aucune pièce justifiant de demandes que lui aurait adressées la commune de Clamart tendant à l’installation et au démontage des éléments de mobilier ; qu’enfin elle n’apporte aucun élément de nature à établir le déséquilibre financier allégué ; par suite, la société requérante n’est pas fondée à soutenir que le titre exécutoire litigieux émis en paiement de la redevance au titre de l’année 2013 mettrait à sa charge une somme non due ; 7. Considérant qu’aux termes de l’article 14 du CCTP : « Lorsque la ville pour la sécurité de la circulation ou l’intérêt des transports en commun jugera nécessaire de déplacer momentanément ou définitivement certains mobiliers urbains publicitaires, le titulaire sera tenu de procéder au déplacement sans pouvoir prétendre à quelque indemnité que ce soit. Dans ce cas, de nouveaux emplacements provisoires ou définitifs seront définis d’un commun accord sur proposition du titulaire et devront être de même valeur. Les frais de déplacement des mobiliers urbains (…) seront à la charge du titulaire dans la limite annuelle de 5 % du nombre de mobiliers installés (…). En cas de travaux rendant inefficace l’affichage, le prestataire ne pourra prétendre No 1304937 -5- à une quelconque indemnité » ; que d’une part, si ces stipulations impliquent qu’en cas de déplacement du mobilier, de nouveaux emplacements doivent être trouvés d’un commun accord, la société ne démontre pas avoir fait des propositions en ce sens à la commune ; que d’autre part, il ne résulte pas de ces stipulations que la commune était tenue, dans ce cas de modifier la redevance annuelle ni enfin de donner suite aux demandes de la SARL Philippe Vediaud tendant à la signature d’un avenant ; 8. Considérant qu’en l’absence de faute commise par la commune de Clamart, la SARL Philippe Vediaud n’est pas fondée à soutenir qu’elle aurait subi un préjudice ; 9. Considérant qu'il résulte de ce qui précède, et sans qu’il soit besoin d’ordonner une expertise, que la requête de la SARL Philippe V... Publicité ne peut être rejetée ; Sur les conclusions tendant à l’application de l’article L.761-1 du code de justice administrative 10. Considérant que les dispositions précitées font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune de Clamart, qui n’est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que la SARL Philippe Vediaud demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ; qu’en revanche, il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de mettre à la charge de la SARL Philippe V... le versement à la commune de Clamart de la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ; DECIDE: Article 1er : La requête de la SARL Philippe V... Publicité est rejetée. Article 2 : La SARL Philippe V... Publicité versera à la commune de Clamart la somme de 1500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. No 1304937 -6- Article 3 : Le présent jugement sera notifié à la SARL Philippe V... Publicité et à la commune de Clamart. Délibéré après l'audience du 2 avril 2015, à laquelle siégeaient : Mme Courault, président, Mme Boulharouf, premier conseiller, et Mme Balaresque, conseiller. Lu en audience publique le 21 mai 2015.