Ramener la paix au Nord Kivu
Rapport Afrique de Crisis Group N°133, 31 octobre 2007 Page ii
dans la province pour, ensuite, dans un second temps
s’attaquer aux questions centrales liées à la restauration de
l’autorité de l’État dans la province, telles que la régulation
de l’exploitation des ressources naturelles, le retour des
réfugiés, et la mise en place d’un processus de justice
transitionnelle facilitant la Dutaire. Une impasse prolongée
conduirait inévitablement à de nouvelles vagues de déplacés
chez les civils et renforcerait le risque de nettoyage
ethnique et de tueries vengeresses des deux côtés.
Au cours des trois dernières années, le règlement du
conflit au Kivu a été régulièrement différé au profit des
efforts destinés à consolider la transition et à permettre
l’élection du président Kabila. Mais le Nord Kivu a été
l’épicentre de la violence au Congo depuis le début du
conflit, il y a plus de quinze ans. Il est temps désormais de
régler ce grand oubli de la transition congolaise et de mettre
un terme à une crise qui provoque d’immenses souffrances
et, qui, plus généralement, continue de faire peser des
risques pour la stabilité du Congo et de ses voisins.
RECOMMANDATIONS
Au gouvernement de la République démocratique
du Congo :
Désamorcer la crise et renforcer la sécurité
1. Suspendre les offensives militaires contre les troupes
de Nkunda, adopter une stratégie d’endiguement
et nommer un officier militaire de haut rang à la
tête d’une task force (un groupe de travail spécial
comprenant des officiers de la Structure militaire
d’intégration – SMI – du Programme national de
désarmement – PNDDR – et des observateurs
militaires de la MONUC) afin de discuter avec
des représentants de Nkunda au Masisi et au
Rutshuru, sous la supervision de la MONUC.
2. Mettre en place, avec l’aide de la MONUC, des
zones sans armes, désarmer les nouvelles milices et
les anciens membres des forces locales d’autodéfense
(LDF), mener des opérations visant à rassurer les
personnes déplacées et à sécuriser les mines et
les routes commerciales que les Mayi Mayi et les
FDLR utilisent comme sources de revenu.
3. Sanctionner les membres de l’armée nationale
(FARDC) et les combattants Mayi Mayi (notamment
PARECO) qui collaborent activement avec les
FDLR et incident à la haine ethnique contre les
communautés tutsi.
4. Réactiver le mécanisme conjoint de vérification
avec le Rwanda et mener des patrouilles intensives
avec l’aide de la MONUC afin de dissuader toute
infiltration d’éléments armés ainsi que l’immigration
illégale dans la province.
5. Développer avec le Rwanda et la MONUC un plan
afin d’isoler et de capturer les chefs génocidaires
présents au sein des FDLR et d’offrir à ceux des
FDLR qui n’ont pas été impliqués dans le génocide
et souhaitent être démobilisés la possibilité de
s’installer au Congo ou de rentrer au Rwanda.
6. Organiser une table ronde avec les communautés
locales, les autorités provinciales et les députés
nationaux afin d’établir des règles concernant la
distribution des postes au sein de l’administration
provinciale, de prévoir un processus consensuel
de désarmement pour toutes les communautés et
d’adopter un code de conduite pour les activités
politiques dans la province.
Traiter des causes profondes à l’origine du conflit
7. Créer une commission en charge des questions
foncières, composée des autorités provinciales et
des représentants de toutes les communautés.
Cette commission serait chargée d’examiner les
titres de propriété foncière et de recommander des
mesures pratiques en vue d’une redistribution et
d’une réattribution des grandes propriétés et des
ranches dans le Masisi et le Rutshuru. L’objectif
devrait être de faciliter la réinstallation et la
réinsertion des déplacés et des réfugiés sans terre,
d’améliorer les relations intercommunautaires et
de prévenir de nouveaux conflits.
8. Négocier et mettre en œuvre avec le Haut
Commissariat des Nations unies pour les réfugiés
(UNHCR) et le Rwanda un accord tripartite visant à
permettre le retour des réfugiés congolais du Rwanda,
en veillant notamment à prévoir un mécanisme de
vérification de la nationalité des réfugiés et à ce que
des cartes d’électeurs soient délivrées aux personnes
éligibles avant les futures élections locales.
9. Encourager les autorités provinciales, les
communautés concernées et les associations de
réfugiés à mener avec l’UNHCR des campagnes
de sensibilisation afin de réduire les tensions
intercommunautaires et permettre une réinstallation
dans le calme des déplacés et des réfugiés.
10. Soumettre un projet de loi au parlement, s’appuyant
sur l’enquête menée par le Haut Commissariat des
Nations unies aux droits de l’homme sur les crimes de
masses commis au Congo depuis 1993 portant création
d’une Commission Vérité et Réconciliation et
prévoyant également la mise en place d’un système
de probation afin d’écarter de la police, des forces
armées et des services de renseignements les auteurs
des violations des droits humains les plus graves.