mortel.” Kling s'est depuis intéressé au lac Kivu, qui fait 300 fois la taille du lac Nyos et
contient 350 fois plus de gaz. Mais, ce qui est le plus inquiétant, c'est que les rives du Kivu
sont beaucoup plus peuplées. Deux millions de personnes environ y vivent, dont 250 000 dans
la ville de Goma.
Le volcan Nyiragongo, près de Goma, est entré en éruption en 2002 et de la lave s'est écoulée
dans le lac Kivu pendant plusieurs jours. Cette fois, les couches profondes n'ont subi aucune
perturbation, il n'y a donc pas eu d'émanations mortelles de dioxyde de carbone ou de
méthane. Cependant, Kling a lancé un avertissement dans la revue Nature du mois de juillet :
dans l'hypothèse d'une autre éruption, la région pourrait avoir moins de chance. Les
conséquences seraient telles que le désastre qui a frappé Nyos ne serait en comparaison qu'un
pétard mouillé. “Kivu est un peu le grand frère maléfique de Nyos”, explique Kling à Nature.
Les problèmes du Kivu viennent du dioxyde de carbone issu des roches en fusion, qui traverse
ensuite le fond du lac. La région, qui fait partie du grand rift africain, est sujette à une forte
activité volcanique. De plus, une partie du dioxyde de carbone a été transformée en méthane
par les bactéries présentes dans le lac, d'où l'accumulation des deux gaz.
Selon des études menées par les chercheurs de l'Institut fédéral suisse des sciences et
technologies aquatiques, la concentration en dioxyde de carbone dans le Kivu a augmenté de
10 % entre 1974 et 2004. Celle de méthane est passée de 15 à 20 %. Dans le même temps, les
fossiles de plancton présents dans le fond du lac ont montré que plusieurs extinctions
biologiques importantes ont eu lieu dans le Kivu au cours des derniers millénaires. Il est
cependant impossible de dire si une nouvelle crise biologique est imminente, expliquent les
chercheurs à Nature.
Actuellement, des ingénieurs essaient d'exploiter les importantes ressources en méthane du
Kivu grâce à des plates-formes flottantes d'où partent des conduites qui descendent jusqu'aux
couches profondes pour récupérer le gaz. Il pourrait ensuite être utilisé comme source
d'énergie industrielle et domestique. Plusieurs projets sont en cours, mais un seul produit
actuellement de l'électricité (quoique de manière irrégulière) pour le réseau rwandais. L'année
dernière, une plate-forme a coulé un peu avant la date prévue du démarrage de la production.
Théoriquement, d'après les ingénieurs, l'exploitation du méthane du Kivu pourrait diminuer
les risques d'éruption mortelle. Néanmoins, au dire des scientifiques, bricoler avec les gaz
présents dans le lac, c'est jouer avec le feu.
Source : http://www.courrierinternational.com
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