Atténuer les effets négatifs sur les détaillants canadiens des nouvelles limites des exemptions fiscales à la frontière canado-américaine Le 14 février 2011, le premier ministre du Canada et le président des États-Unis ont signé une déclaration intitulée Par-delà la frontière : une vision commune de la sécurité et de la compétitivité économique à l'intérieur du périmètre pour « renforcer notre sécurité et accélérer la circulation légitime des biens et des services entre nos deux pays1 ». L’entente encourage la diminution de la paperasserie dans le commerce bilatéral. Cependant, le nouveau document a également incité le gouvernement à harmoniser l’exemption personnelle à la frontière à compter du 1er juin 2012. Le nouveau règlement, conjugué aux nouveaux enjeux pour la productivité canadienne, menace de nombreux établissements commerciaux situés à proximité de la frontière, en particulier ceux du secteur du détail. Le secteur de la vente au détail joue un rôle essentiel en vue d’établir le lien entre la production et la consommation; il en a résulté des effets directs et indirects importants sur l’économie canadienne. Outre sa contribution directe au produit intérieur brut (PIB) du Canada, laquelle s’élève à 74,2 milliards de dollars en 2009, le secteur de la vente au détail exerce également une influence sur d’autres secteurs, tout en proposant des pratiques novatrices. Ainsi, le secteur de la vente au détail a investi : 5,9 milliards de dollars au chapitre de la machinerie et des équipements, dont 1,6 milliard de dollars en technologies de l’information et des communications (TIC) en 2008, soit plus que le secteur manufacturier au Canada et le secteur de la vente au détail aux États-Unis, en termes de dollars investis en TIC par PIB. 5,5 milliards de dollars au chapitre des infrastructures, lequel montant a ensuite engendré des investissements additionnels de 2,7 milliards de dollars par d’autres secteurs pour l’aménagement de centres commerciaux et de magasins en 2007. 1,0 milliard de dollars au chapitre de la logistique et des services de transport en 2008. Cependant, selon un rapport complexe préparé par le Conseil canadien du commerce du détail, les détaillants prévoient que le ralentissement de la croissance de la demande se poursuivra en 2012. Le Conseil affirme qu’une grande majorité de ses membres (61 %) s’attendent à une croissance des ventes, en 2012, se situant entre 1 % et 5 %. La plupart d’entre eux s’attendent à une croissance de 2 à 3 %. Puisque l’on prévoit un taux d’inflation situé à environ 2 %, la croissance du volume réel des ventes serait alors minimale2. De nombreux facteurs ont entravé le secteur de la vente au détail au cours de la dernière décennie. Ce sont, notamment, l’utilisation croissante d’Internet qui a grandement contribué à la transparence des prix, la concurrence féroce en provenance des nouvelles économies de marché (BRIC), l’appréciation du dollar canadien et la récession de 2008. La presque parité du dollar canadien avec la devise américaine a encouragé les consommateurs à comparer les prix offerts de l’autre côté de la frontière, et partant, à magasiner aux États-Unis. Le nombre de Canadiens qui traversent la frontière pour faire leurs achats aux États-Unis continue d’augmenter et l’on prévoit qu’il progressera considérablement après le 1er juin 2012. Les voyages en automobile de moins de 24 heures sont couramment utilisés pour mesurer le magasinage outre frontière. Or, en décembre 2011, les Canadiens ont effectué 2,5 millions de voyages en voiture de moins de 24 heures, selon Statistique Canada, une hausse de 4,2 % par rapport à novembre et le total mensuel le plus élevé 1 Par-delà la frontière : une vision commune de la sécurité et de la compétitivité économique à l'intérieur du périmètre. Consulté le 10 mai 2012 à http://pm.gc.ca/fre/media.asp?id=3938 2 Conseil canadien du commerce du détail. Étude sur les causes possibles des écarts de prix entre le Canada et les États-Unis. Document consulté le 16 mai 2012 à : http://www.retailcouncil.org/mediacentre/newsreleases/pr20120424submission-to-senate-committee.pdf depuis mai 19983. Par comparaison, au cours de la dernière décennie, le nombre de voyages de moins de 24 heures effectués par des touristes américains a diminué de 69 %. À titre d’exemple, le nombre de véhicules arrivant chaque jour au comté de Whatcom des points d’entrée situés à proximité de Surrey (C.-B.) a atteint 8 785 en mai 2012, tandis qu’en février il s’établissait à 5 015. L’Institut Fraser estime que par suite du nombre peu élevé de voyages au Canada en provenance des États-Unis, l’économie canadienne a perdu des revenus potentiels de quelque 7 milliards de dollars4. En outre, des compétences américaines ont profité des voyages outre frontière des consommateurs canadiens. En effet, ces derniers ont contribué à stimuler les recettes fiscales dans les villes transfrontalières souvent visitées aux États-Unis. Ainsi, dans le comté d’Érié, New York les recettes tirées des taxes de vente ont atteint 400 millions de dollars en 2011 pour la première fois. L’État de New York prélève une taxe de vente de 4 % et le comté d’Érié prélève une taxe additionnelle de 4,75 % sur tous les achats au détail, taxe que les consommateurs canadiens sont tenus de payer. Deux importantes villes de magasinage transfrontalier sont Bellingham, Washington qui attire de nombreux consommateurs canadiens en provenance de Vancouver et Grand Forks, Dakota du Nord qui attire des consommateurs de Winnipeg. La taxe de vente de Bellingham est de 8,7 %, tandis que Grand Forks prélève une taxe de vente de 6,75 %. Cependant, le Dakota du Nord offre aux consommateurs canadiens un remboursement de taxe sur les achats de plus de 25 $US. Washington et New York n’offrent pas de remboursement aux Canadiens. Le Canada offrait des remboursements de taxe aux consommateurs américains, mais a discontinué le programme en 2007. Le Comité sénatorial permanent des finances nationales et le Conseil canadien du commerce du détail ont découvert que quatre grands facteurs expliquaient les différences entre les prix de détail au Canada et aux États-Unis5. Tous ces facteurs empêchent les détaillants canadiens de concurrencer leurs homologues américains sur un pied d’égalité. Ce sont : Les économies d’échelle. Les grossistes et détaillants canadiens travaillent à une plus petite échelle que ceux des États-Unis et les détaillants américains peuvent obtenir des escomptes de volume. Par conséquent, les fournisseurs multinationaux exigent souvent plus d’argent des détaillants canadiens que des marchands américains (on leur exige de 10 % à 50 % de plus pour des produits identiques). La structure des réseaux de distribution canadiens qui comportent un participant de plus — un importateur ou une filiale — par rapport à de nombreux réseaux de distribution des États-Unis. Les prix à l’entrée dans le réseau de distribution. À cause des droits d’importation plus élevés imposés par le Canada, les fabricants pratiquent souvent des prix plus élevés pour les produits destinés au Canada que pour les produits destinés aux États-Unis. Les coûts d’exploitation. Certains facteurs, comme les coûts d’occupation — principalement les loyers — et l’impôt sur les sociétés, coûtent plus cher au Canada et le transport reste un énorme enjeu pour les petits et moyens détaillants. La gestion des approvisionnements. Les produits laitiers et avicoles sont les produits les plus fréquemment achetés par les Canadiens qui font des voyages de moins de 24 heures aux États-Unis pour magasiner. Le Conseil canadien du commerce du détail indique que le Statistique Canada. Consulté le 12 mai 2012 à : http://www5.statcan.gc.ca/cansim/a26 Institut Fraser. The Cost of the Canada-US Border. Consulté le 10 mai 2012 à : http://www.fraserinstitute.org/uploadedFiles/fraser-ca/Content/research-news/research/articles/costs-of-thecanada-US-border.pdf 5 Conseil canadien du commerce du détail. Étude sur les causes possibles des écarts de prix entre le Canada et les États-Unis. Consulté le 16 mai 2012 à : http://www.retailcouncil.org/mediacentre/newsreleases/pr20120424-submission-tosenate-committee.pdf 3 4 système de gestion des approvisionnements du Canada contribue à hausser le prix de ces produits au Canada par rapport aux États-Unis. Cette année, le gouvernement fédéral a pris des mesures pour éliminer les droits sur les intrants manufacturiers. Il n’a pas diminué ni éliminé les droits sur les produits finis à destination du Canada. Or, les détaillants ne peuvent concurrencer lorsqu’ils doivent payer des droits d’importation beaucoup plus élevés que leurs homologues américains pour des produits importés du monde entier. En outre, le Conseil canadien du commerce du détail a fait remarquer que le gouvernement devrait uniformiser les règles du jeu pour les détaillants canadiens d’aliments populaires, notamment de produits laitiers et de volaille, en restreignant la quantité de ces produits que les voyageurs peuvent rapporter des États-Unis, comme il le fait pour le tabac et l’alcool. Recommandations Que le gouvernement fédéral : 1. Élimine les tarifs désuets sur les produits finis à destination du Canada. 2. Que les agents frontaliers canadiens mettent à exécution les limites des exemptions fiscales pour les voyageurs revenant au Canada.