http://www.asmp.fr - Académie des Sciences morales et politiques OBSERVATIONS prononcées à la suite de la communication d’Alain Pellet (séance du lundi 4 avril 2016) Jean Baechler : Souverain, on le sait, vient du latin populaire superanus, luimême dérivé de super qui signifie suprême. Le concept en a été développé par l’idéologie impériale romaine. Dans le cadre d’un empire, il n’existe évidemment pas de supérieur puisque l’empire inclut l’ensemble d’un œkoumène. Il n’y a au-dessus que dieu, le dharma ou le ciel. Cette idée a perduré en Europe. Louis XIV encore avait caressé le projet de se faire élire empereur du Saint Empire romain germanique. La transformation de la notion de souveraineté vient très précisément des cités italiennes du Moyen Âge. Nées au XIe siècle, elles étaient confrontées à un problème : comme aucune d’entre elles n’avait la capacité de fonder un empire et comme elles n’avaient nulle envie d’être soumises à l’empereur du Saint Empire romain germanique ou au pape, il fallait qu’elles se définissent un statut. Les juristes s’y sont employés et le plus célèbre d’entre eux, Bartolo da Sassoferrato (1314-1357), a fini par trouver comme solution qu’en l’absence d’empire, les cités sont des souverains. Mais étant de fondation plusieurs, elles sont intégrées dans un système de jeu à plusieurs qui a pour conséquence mécanique de limiter leur souveraineté. C’est là le début de ce qui finira par donner le concert des nations. * * * Jean-Robert Pitte : Vous avez évoqué la question du Sahara occidental à laquelle j’ai été confronté lorsque j’enseignais en Mauritanie. Que veulent dire la territorialité et la souveraineté dans un espace de grand-nomadisme ? Pour les petits-nomades semi-sédentarisés du sud de la Mauritanie, cela avait un peu de sens car, bien qu’il n’y eût pas de frontières tracées, leurs tribus s’étaient constitué un territoire. Elles n’en subissaient pas moins les razzias des tribus des grandsnomades qui parcouraient toute la zone saharienne. C’est pourquoi elles ont demandé la protection de la France, laquelle a créé quasiment ex nihilo ce pays invraisemblable qui s’appelle la Mauritanie et qui va jusqu’aux confins d’un autre « pays » ou plutôt d’un autre territoire créé dans le Sud marocain quelques années auparavant, exactement en 1884, par l’Espagne afin de bénéficier de l’accès à la mer, de la pêche, mais aussi afin de profiter d’un certain nombre de richesses tels les phosphates et la gomme. Comment définissez-vous le territoire et sa souveraineté dans un pays de grand-nomadisme ? Cette question est d’importance puisqu’elle touche aussi bien à ce qui se passe aujourd’hui au Tchad qu’à ce qui se passe au Mali. Réponses : La Cour a considéré qu’il y avait, dans les territoires concernés, des communautés humaines avec lesquelles le colonisateur avait négocié et que donc on ne pouvait parler de terra nullius, mais qu’on ne pouvait pas pour autant parler d’État. Pour ma part, je considère que la notion de territoire est indissociable de celle [email protected] 19/4/16 14:42 Supprimé: on d’État. On ne peut pas avoir d’État sans territoire. Mais il n’est pas nécessaire que les frontières soient toujours fixées avec précision pour que l’on puisse parler d’un État. Il suffit qu’il y ait un territoire et que le pouvoir y soit exclusif pour que l’on puisse parler d’État. L’exemple d’Israël et de la Palestine, dont les frontières ne peuvent être déterminées avec précision, en est une illustration. * * * Yves Gaudemet : Le régime des immunités n’apparaît-il pas, ainsi que l’a évoqué Jean Baechler, avec les cités italiennes du Moyen-Age, dans les relations qu’elles entretenaient dès le XIIe siècle, et donc bien avant l’émergence de l’Etat moderne ? J’aimerais par ailleurs revenir sur la question du Sahara occidental à laquelle j’ai été quelque peu mêlé dans le sillage du doyen Vedel. Lorsque je suis arrivé à Rabat comme jeune professeur à la Faculté de droit, j’ai été chargé du cours d’organisation internationale. Afin de me renseigner sur ce sujet qui ne m’était pas familier, j’ai rendu visite aux grands professeurs qui enseignaient là et notamment à Allal el Fassi, grande figure de l’indépendance. Celui-ci me dit : « Rappelez-vous que la souveraineté comporte aussi des obligations. Or dans le cadre du protectorat, la France, qui est un protecteur vis-à-vis de l’Etat marocain, n’a pas rempli ses obligations. Elle a certes doté le Maroc d’un appareil juridique, d’un appareil économique et d’un appareil d’Etat assez modernes, mais elle n’a pas veillé aux frontières de l’Etat. Le Maroc », précisait-il, « commence à Tanger et finit au fleuve Sénégal ». Lorsque la France a quitté le Maroc, celui-ci a eu le sentiment qu’une partie de son territoire lui échappait. Ce problème est apparu très clairement quand la Cour a rendu son avis à propos du Sahara occidental. Est-ce que cette conception de la souveraineté, dans le cadre spécifique d’un protectorat, rentre dans le cadre de la souveraineté telle que vous l’avez exposée ? Réponses : Vous évoquez les cités italiennes. Peut-être faudrait-il également prendre en compte celles de la Ligue hanséatique qui se sont aussi affirmées contre un pouvoir supérieur. En outre, le régime des immunités est-il spécifique des cités italiennes ? J’en doute. Il me semble qu’il s’est constitué aussi entre les seigneuries, entre les royaumes. En ce qui concerne les obligations qu’entraîne la souveraineté, je ne suis pas certain que l’exemple du Maroc soit le meilleur. On a certes toujours affirmé que le Maroc était resté un Etat. Il n’empêche que la France exerçait en son nom ses relations extérieures et que sa souveraineté était donc plutôt ambiguë. Si responsabilité il y a, c’est davantage dans les notions de mandat ou de protectorat qu’il faut la chercher – pensons au « devoir sacré de civilisation » invoqué dans la colonisation – plutôt que dans celle de souveraineté. * * * [email protected] 19/4/16 14:44 Supprimé: – ce que l’on sait avec certitude – Mireille Delmas-Marty : Si je vous ai bien entendu, la souveraineté est irréductible. Mais toute irréductible qu’elle soit, cette souveraineté n’est-elle pas évolutive ? Le sens du terme souveraineté n’est-il pas appelé à évoluer ? A l’origine, la souveraineté, telle que vous l’avez présentée, est liée à l’indépendance. Dans le contexte actuel, qui est, en raison des phénomènes que vous avez cités : pollution, réchauffement climatique, épidémies, terrorisme, etc., un contexte d’interdépendance, ne s’oriente-t-on pas vers une solidarité que je qualifierais volontiers de solidaire ? Avec cette notion de solidarité, on ajoute aux droits de l’Etat un devoir de protéger non seulement sa propre population, mais aussi ce que l’on pourrait appeler les biens publics mondiaux ou encore les biens communs de l’humanité. Dans la souveraineté solidaire, rien n’est retranché. L’Etat reste souverain pour défendre ses propres intérêts. Mais on ajoute le devoir de protéger les intérêts communs. La notion de souveraineté solidaire, que j’oppose évidemment à celle de souveraineté solitaire, vous paraît-elle appropriée à la situation actuelle ? Réponses : Je suis d’accord avec tout ce que vous venez de dire, à l’exception toutefois de l’expression « souveraineté solidaire ». Il me semble qu’associer souveraineté et solidarité ne peut être qu’une source de confusion. Le droit international est à mon sens le fruit d’un jeu dialectique entre souveraineté et solidarité, entre indépendance et interdépendance. Je crains que la souveraineté solidaire ne soit un oxymore. * * * Jean-François Mattei : J’ai été particulièrement attentif aux aspects de votre communication qui touchent au champ humanitaire. Permettez-moi simplement de rappeler que depuis une ou deux décennies, les pays bénéficiaires de l’action humanitaire revendiquent de plus en plus fortement leur souveraineté. On en a eu un exemple précis avec le Myanmar qui, lors du tsunami de 2004 et à nouveau après le passage du cyclone Nargis en 2008, a interdit aux humanitaires l’entrée dans le pays. Cela, bien évidemment, choque au regard de la solidarité. Mais l’exercice de la souveraineté a une autre conséquence, celle-là au niveau de la sécurité des humanitaires. En effet, si ceux-ci entrent dans un pays, dans lequel il y a une rébellion ou une révolution, avec un visa du pouvoir en place, ils sont considérés par les rebelles comme des suppôts du pouvoir ; à l’inverse, s’ils entrent sans autorisation du pouvoir, ils sont considérés par le pouvoir comme des complices des rebelles. C’est exactement la situation à laquelle nous sommes actuellement confrontés en Syrie. Au-delà du droit d’ingérence qui a été mis de côté ; au-delà du droit de protection qui, lui, a été reconnu, comment peut-on aujourd’hui apporter de l’aide à des populations qui souffrent à l’intérieur d’un Etat qui interdit toute action venant de l’extérieur ? J’ajouterai que la souveraineté des Etats autrefois bénéficiaires met aujourd’hui un terme à tout ce que l’humanisme avait développé au cours des quelque trois dernières décennies, à savoir le sans-frontiérisme et le non-gouvernemental. Comment serait-il possible d’aider l’humanitaire à espérer de nouveau ? Réponses : J’ai peur que le droit ne puisse vous apporter de réponse encourageante car il est, par essence, conservateur. Il me semble en effet que les réalités s’imposent plus au juriste que le juriste ne peut les modeler. Sans doute peuton inventer des concepts, tel celui de droit d’ingérence ou celui de responsabilité de protéger, mais il m’apparaît, hélas, difficile de les voir se substituer à la souveraineté. [email protected] 19/4/16 14:53 Supprimé: s’imposer face * * * Jean-Claude Trichet : La discussion que nous avons actuellement me gêne quelque peu dans la mesure où nous oscillons entre la souveraineté nationale pure, de type westphalien et une création de la communauté internationale qui identifie des biens supérieurs de l’humanité et, ce faisant, entre en concurrence avec la souveraineté nationale. S’agissant de notre continent, nous nous sommes engagés depuis deux tiers de siècle dans une entreprise ambitieuse qui consiste à exercer un certain nombre de dimensions de la souveraineté à un niveau multinational, et ce avec des résultats concrets : à titre d’exemple, nous avons une cour de justice européenne, nous menons au niveau européen nos négociations commerciales internationales, nous exerçons la surveillance de la concurrence au niveau européen, nous avons créé une monnaie unique. Ce sont là autant d’importants éléments de la souveraineté westphalienne qui sont exercés au niveau européen. J’aimerais que vous nous disiez comment vous situez cette entreprise historique des européens qui est profondément originale. Me trompé-je en présumant que l’Union européenne est à vos yeux une entreprise louable, mais peu susceptible de parvenir à l’exercice d’une vraie souveraineté au sens où vous l’entendez ? Réponses : D’une façon générale, je vous répondrai que, personnellement, je m’accommoderais parfaitement d’être un citoyen européen vivant dans la province que constituerait la France. L’idée d’une fédération, dans laquelle on remet la souveraineté à l’entité fédérale, alors que dans la confédération chacun garde ses compétences, était du reste celle des pères de l’Europe. Mais, sur le plan juridique, je crains que votre formulation ne soit erronée. Les États n’ont pas abandonné des éléments de souveraineté à l’Europe, mais des compétences. Certes il s’agit de compétences très importantes, que ce soit en matière budgétaire, monétaire, pénale ou autre. Mais je crois que les différents Etats membres de l’Union ont gardé leurs souverainetés respectives. Du reste, quand la Communauté européenne est membre d’une organisation internationale – Autorité des fonds marins, Organisation mondiale du commerce, etc. – elle se garde bien d’exprimer une voix unique. Ce sont les Etats qui s’expriment, même si bien sûr ils essayent d’harmoniser leur position. L’entreprise risquée du Brexit lancée par David Cameron montre bien que l’Europe n’est pas un Etat. Il est juridiquement tout à fait possible de sortir de l’Union. En revanche, là où il y a un Etat souverain, une sortie n’est pas possible. Il suffit de penser à la Corse ou à la Bretagne. La construction européenne est à mon sens une belle entreprise, mais qui est menacée dès lors que, précisément, la voie du transfert de souveraineté semble bouchée. [email protected] 19/4/16 14:55 Supprimé: On n’a pas donné [email protected] 19/4/16 14:56 Supprimé: éléments de [email protected] 19/4/16 14:57 Supprimé: Q [email protected] 19/4/16 14:59 Supprimé: ans la mesure où l’on n’a rien réalisé concernant le * * * Haïm Korsia : Dans la Bible, Livre des nombres, 20-20, le peuple d’Edom enjoint le peuple des Hébreux qui vient d’Egypte à ne pas traverser son territoire et il dit : « Tu ne passeras point chez moi, sinon je sortirai à ta rencontre avec l'épée ». En fait, il m’apparaît que si l’Europe n’a pas de souveraineté, c’est parce qu’elle n’a pas d’armée, pas de défense européenne. C’est l’armée qui crée la souveraineté. Etes-vous de cet avis ? . Réponses : Il aurait fallu demander à Pierre Mendès-France. Si la CED n’avait pas été enterrée en 1954, nous serions aujourd’hui certainement plus près d’un Etat fédéral que nous ne le sommes. * * * Marianne Bastid-Bruguière : On peut aller encore au-delà des cités italiennes pour expliquer, comme l’a fait Yves Renouard, comment est né le droit international. Mais l’idée de souveraineté n’est pas née uniquement en Europe. Elle existait en Chine déjà dix siècles avant notre ère. La conception d’un droit international s’y est en outre exprimée quelque sept siècles avant notre ère. Les rapports entre la Chine et les Etats périphériques étaient souvent déjà formalisés. Ainsi, le souverain de l’Annam était empereur dans son pays, mais lorsqu’il écrivait à l’empereur de Chine pour qui l’Annam était une sorte de vassal, il s’intitulait roi de l’Annam. Lorsque le territoire qui constitue aujourd'hui la Chine était divisé entre plusieurs empires, les rapports entre ces États étaient en fait conduits sur un pied d'égalité, malgré les appétits de chacun à exercer une hégémonie. Réponses : On a bien sûr toujours intérêt à observer ce qu’ont fait ou font les autres. Mais je doute que l’on puisse parler d’Etats au sens qui est le nôtre quand on évoque les empires extrême-orientaux. La raison en est double : d’une part, vousmême avez fait état de rapports passablement hiérarchisés, or l’Etat tel que nous nous le représentons ne connaît pas de système pyramidal ; d’autre part, l’empereur de Chine ne considérait certainement pas qu’il avait des égaux, or on ne saurait être un Etat si l’on n’a pas d’égaux. * * * Rémi Brague : Permettez-moi d’apporter deux compléments d’information. D’une part, le plus ancien traité international est celui qui a été conclu entre l’Egypte et les Hittites après la bataille de Karkemish. D’autre part, la plus ancienne définition de la souveraineté, à savoir être capable de juger de tout sans être jugé par personne, c’est saint Paul qui la donne dans la première Epître aux Corinthiens (1 Corinthiens : 2, 15) lorsqu’il définit l’homme spirituel, le pneumatikos. Il est par ailleurs intéressant de constater que ce verset a constamment été cité par les papes dans le bras-de-fer qui les opposait aux empereurs. Peut-être pourrait-on se demander, sur la base de ce verset, si toute souveraineté n’est pas usurpée, par rapport évidemment à la souveraineté divine, laquelle présente « l’inconvénient » d’être totalement inassignable. Réponses : Je pense que cela présente surtout un avantage pour les princes souverains. Ils admettent du reste une limite (théorique...) à leur « souveraineté pardessus tous ») : « nisi a deo ». Le roi de France admet volontiers qu’au-dessus de lui il y a Dieu, mais, pour le dire vulgairement, « ça ne mange pas de pain ». * * * Gilbert Guillaume : En réaction à vos propos, je tiens à indiquer que je suis résolument hostile au jus cogens, concept né avec la Convention de Vienne sur le droit des traités qui dit qu’il peut exister des normes impératives de droit international, reconnues par la communauté des Etats prise dans son ensemble, et que les traités qui seraient contraires à ces normes impératives seraient nuls et non avenus. Tel est le point de départ et l’on donne toujours le même exemple : un traité entre deux Etats qui rétablirait l’esclavage serait nul. Mais à partir de là et pendant trente ans, la doctrine s’est beaucoup essoufflée. Un célèbre juriste britannique a même dit que le jus cogens serait une voiture qui ne sortirait jamais du garage. Mais, pour deux raisons, il a fini par sortir du garage. La première raison est qu’au sein de la Commission du droit international, un certain nombre de représentants de la doctrine ont essayé de promouvoir ce concept – et ils y sont parvenus en partie avec un projet de texte sur la responsabilité des Etats qui comportait des dispositions sur la responsabilité. La deuxième raison est que les juges se sont emparés de la matière qu’ils ont trouvée fort belle. De nombreuses juridictions pénales, mais également Luxembourg et Strasbourg se sont parfois référées à ces normes impératives du droit international. Mais si l’on fait la liste des « normes » auxquelles se réfèrent les arrêts, force est de constater que l’on y trouve tout et souvent n’importe quoi. Cela va même jusqu’au droit de propriété. Le concept de norme impérative est en fait devenu un instrument du gouvernement des juges – auquel je suis personnellement fondamentalement hostile. Ce concept présente en outre un inconvénient majeur en ce qu’il déstabilise le droit des traités dans son ensemble. Les Etats ont déjà bien du mal à respecter leurs traités. Si, en plus, ils ont la possibilité de dire que leurs traités sont nuls parce que contraires à des normes impératives, on ne peut que se demander où tout cela peut mener. Le jus cogens est sans doute un concept « sympathique », mais, de deux choses l’une : ou bien il n’a pas de conséquences pratiques – il serait une coutume comme une autre, née de la volonté des Etats – ou bien il a des conséquences pratiques, mais dans ce dernier cas on se demande lesquelles puisqu’à ce jour jamais aucun traité n’a été annulé parce que contraire à une norme de jus cogens. Dans la même perspective, je constate une dérive dans l’utilisation des concepts de droit international. Alors que la Convention de Vienne parle de « la communauté des Etats » prise dans son ensemble, vous avez parlé de la « communauté internationale ». Qu’est cette « communauté internationale » ? Est-ce ce qu’on lit dans la presse ? Est-ce un sentiment diffus de la société civile ? Ce n’est certainement pas un concept juridique. Il n’existe pas d’organe d’expression de la communauté internationale – sauf évidemment les Nations Unies et le Conseil de sécurité. Vous avez fait état du fait que la France était un des pays qui n’ont pas ratifié la Convention de Vienne à cause du jus cogens. C’était pour une raison simple. Le Conseil d’Etat avait donné un avis disant que ratifier le concept de jus cogens constituerait un abandon de souveraineté et que cela impliquait une révision constitutionnelle, à laquelle le gouvernement n’a pas envisagé de procéder. La vie internationale est faite de l’action des Etats. L’action des Etats doit être conforme au droit, mais si le droit est incertain – comme c’est le cas avec le jus cogens – les risques sont alors considérables. Il n’en existe pas moins, bien entendu, des intérêts communs de l’humanité – la lutte contre le réchauffement climatique en fournit un exemple –, mais seuls les Etats par leur coopération peuvent résoudre les problèmes posés, ce que ne peut nullement la simple invention de nouveaux concepts flous qui fragilisent le droit. * * *