78 / Bulletin de l’Institut Pierre Renouvin – n° 42 – Automne 2015
décidé d’introduire dans son empire »6. Cet objet limité explique l’emploi du
titre de conférence plutôt que celui de congrès. Les invitations sont lancées
aux signataires de la convention de Madrid, et donc aux Américains. Le
président Roosevelt ne donne pas de réponse malgré plusieurs messages
personnels de l’empereur Guillaume7. Quelques semaines plus tôt, en
avril 1905, il écrivait à William Taft, le secrétaire d’État par intérim : « nous
avons d’autres chats à fouetter et nous n’avons pas de réels intérêts au
Maroc. Je n’ai pas envie de prendre parti entre la France et l’Allemagne
dans cette affaire »8. La guerre russo-japonaise et plus largement la
situation en Asie-Pacifique ainsi que l’expansion américaine dans les
Caraïbes et en Amérique latine sont prioritaires pour lui.
Ce n’est pas cependant la seule raison qui explique l’absence de réponse
américaine. Dans une lettre confidentielle à l’ambassadeur White, le
23 août 1905, il confie qu’il est sensible aux arguments de la France, qu’il
craint davantage les effets de l’expansionnisme allemand que les
éventuelles menaces françaises sur la porte ouverte mais qu’il veut rester
en bons termes avec l’Allemagne. Il a compris que les Allemands
cherchent à revenir sur les acquis de l’Entente cordiale à travers la
conférence qu’ils projettent. Il ne veut pas engager son pays dans cette
affaire tant qu’il n’a pas la certitude que la France, qui a tout à perdre dans
une telle rencontre diplomatique, y participera. Sans la France, la
conférence perd en effet toute son utilité9. La prudence de Theodore
6 André Tardieu, La conférence d’Algésiras : histoire diplomatique de la crise
marocaine, Paris, F. Alcan, 1908, p. 62. « Minister Gummeré to Acting
Secretary of State Loomis, June 5, 1905 », FRUS, 1905, p. 668.
7 Theodore Roosevelt revient sur sa médiation dans l’affaire marocaine a
posteriori dans un échange de lettres avec l’ambassadeur américain à Londres,
Whitelaw Reid. Cf. Elting Morison (dir.), The Letters of Theodore Roosevelt,
Cambridge, Mass, 1952, Letters, vol. V, p. 230-251.
8 Ibid., vol. IV, p. 1162.
9 Cité par Allan Nevins, Henry White: Thirty Years of American Diplomacy, New
York, Londres, Harper and Brothers, 1930, p. 267. Yves-Henri Nouailhat,
« Delcassé, artisan d’un rapprochement franco-américain au début du XXe