C États-Unis : une approche pragmatique du côté du A

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vol VII/n°3 juin
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À l’occasion de l’ASCO, grand rendez-vous international de la cancérologie,
nous avons voulu savoir si l’attitude des patients et des médecins outre-Atlantique était différente
de celle constatée dans notre pays. Nous avons donc donné la parole au Dr Eric Raymond,
cancérologue à l’Institut Gustave-Roussy, dont l’expérience dans un centre de cancérologie
aux États-Unis permet ce double regard vis-à-vis de l’annonce du cancer.
L’ANNONCE DU CANCER :
UN REGARD DIFFÉRENT ENTRE LA FRANCE ET LES ÉTATS-UNIS
États-Unis : une approche
pragmatique du côté du
patient comme du côté du
médecin
Au stade de l’annonce diagnostique,
il existe, pour des raisons culturelles,
des différences tant en ce qui
concerne les demandes du patient
que l’attitude du médecin.
En France, les patients ne souhaitent
pas toujours entendre les mots
“cancer, tumeurs, métastases” et
veulent rarement connaître réellement
le pronostic.
Si certains posent des questions en
termes de thérapeutique ou de
pronostic, ils ne vont pour ainsi dire
jamais rechercher l’information par
eux-mêmes.
En revanche, aux États-Unis, les
patients posent des questions,
attendent des réponses et le médecin
se doit de les informer. De plus, ils
n’hésitent pas à consulter la banque
de données du NCI (National Cancer
Institute) afin d’obtenir toute
l’information sur leur maladie, sa
prise en charge et son pronostic.
Cette banque de données permet en
effet une information du grand public
et aborde aussi bien les aspects
cliniques et pronostiques que les
différents types de protocoles
thérapeutiques en fonction des
indications. Une liste des centres
pratiquant les différents types de
protocoles complète ces données.
Le comportement des médecins est
tout aussi différent. Si, dans notre
pays, nous hésitons à prononcer le
mot “cancer”, et ce d’autant plus qu’il
s’agit d’un cancer métastatique, les
médecins américains ont une attitude
beaucoup plus directe. Ils répondent
largement aux questions, considérant
que le patient a le droit de savoir et
de connaître le pronostic afin de
pouvoir s’adapter et prendre les
mesures nécessaires dans sa vie
privée et professionnelle.
Les différents protocoles thérapeutiques lui seront exposés ainsi que
leurs effets indésirables et le patient
pourra donner son avis ou aller
prendre conseil auprès d’un autre
médecin sans que cela soit mal
perçu. Le patient établit alors un
véritable contrat avec son médecin,
qui lui remet une notice d’information,
voire des références bibliographiques.
Une fois le cancer annoncé ainsi que
son pronostic, il n’existe pas, comme
dans certains centres en France, de
structures capables d’assurer un suivi
psychologique.
Les patients doivent assumer seuls
l’annonce de la maladie et, s’ils
désirent un soutien psychologique, ils
devront faire eux-mêmes la démarche
car celui-ci n’est que rarement
proposé par le médecin.
Cette différence peut s’expliquer par
le fait que, contrairement aux
médecins français, nos confrères
américains ne se sentent pas une
obligation de résultats. En France, si
la guérison n’est pas possible, les
médecins se sentiront dans
l’obligation d’assurer la prise en
charge psychologique et bien souvent
sociale du patient.
Le rôle des associations
de patients
Aux États-Unis, les associations de
patients sont beaucoup plus
dynamiques et font l’objet de dons
beaucoup plus importants qu’en
France.
Elles jouent un rôle politique et
économique et sont à l’origine du
financement de projets de recherche.
Des évolutions prévisibles
En France, l’information est
maintenant disponible à travers le
réseau Internet. Si, à ce jour, elle
reste encore peu utilisée par le grand
public, nous savons que son accès va
se développer de plus en plus.
L’attitude des patients français va
donc évoluer et se rapprocher de
celle des Américains.
Il faut savoir qu’une évolution a déjà
été notée, la confiance aveugle dans
le prescripteur ayant disparu, y
compris en ce qui concerne les
médecins spécialistes, qui font
maintenant l’objet d’un jugement
critique. Il est donc important de
donner une information la plus
complète possible afin que le patient
comprenne les exigences de sa
maladie. Cela est d’autant plus
important que, dans notre pays, la
plupart des procès impliquant des
médecins sont liés à un manque
d’information.
Enfin, les patients ne se limitent plus à
vouloir une prise en charge adaptée
de leur maladie mais souhaitent, à
juste titre, un service de qualité.
Les patients seront donc de plus en
plus souvent amenés à apprécier les
services du médecin, ce qui implique
qu’ils soit, bien informés et que le
médecin soit, en contrepartie,
crédible et bien compris.
Propos recueillis par le
Dr C. Despierre
avec le soutien de :
La Lettre du Cancérologue - volume VII - n° 3 - juin 1998
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