Évaluation et gestion du risque lié à l`anesthésie

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505 - Juillet - Août 2005
Offres d’emploi Cultures et cité Les défis
de l’hôpital 34econgrès
de la FIH
Actualités La Fédération
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Revue hospitalière de France
Risques et responsabilité
Période pré-anesthésie
Dr Tetsuya KUSHIKATA
Service d’anesthésiologie,
faculté de médecine de l’université de Hirosaki, Japon
Department of Anesthesiology, University of Hirosaki
School of Medicine, Hirosaki, Japan
L’évaluation et la gestion du
risque, quel qu’il soit pour le
patient, sont essentielles pour
les anesthésiologistes (Garcia-
Miguel et al., 2003, Arbous et
al., 2005). Je décris ici la façon
d’évaluer et gérer le risque lié à
l’anesthésie sur la base de notre
expérience hospitalière.
Évaluation et gestion
du risque lié à l’anesthésie
Une expérience du CHU
de Hirosaki (Japon)
Evaluation and management of anesthetic risk
An experience of the Hirosaki
University Hospital (Japan)
Mots clés
anesthésie
risque anesthésique
évaluation
gestion du risque
Key words
anesthesiology
anesthetic risk
evaluation
risk management
Evaluation and management of
any risk of patient is essential for
anesthesiologists (Garcia-Miguel
et al., 2003, Arbous et al., 2005).
I describe how to evaluate and
manage anesthetic risk based on
our hospital experiment.
Considérations générales
Dans cette période, il est impératif de
prévenir l’apparition éventuelle d’un risque
lié à l’anesthésie ou à la chirurgie. Pour
cela, nous avons mis en place des procé-
dures pour les consultations pré-anes-
thésie et suivantes:
Consultation pré-anesthésie
Nous recommandons aux chirurgiens de
demander une consultation pré-anesthé-
sie s’ils notent que leur patient peut
présenter un quelconque problème lié à
l’anesthésie. Cette consultation a lieu
plusieurs jours avant l’intervention. Dans
ce processus, nous vérifions les points
habituels, y compris le cas échéant d’ordre
médical et anesthésique, les antécédents,
le traitement médicamenteux en cours et
la condition physique, les résultats des
examens médicaux de routine et les réac-
tions allergiques à une substance quel-
conque, y compris le latex et les aliments.
En outre, nous évaluons des points spéci-
fiques selon l’état de chaque patient (anté-
cédents de diabète sucré mal maîtrisé,
hypertension non traitée, maladie
cardiaque ischémique apparente, accident
vasculaire, embolie pulmonaire…). Dans
de nombreuses consultations de ce type,
une échocardiographie précordiale a été
réalisée en collaboration avec un cardio-
logue. Quelques cas présentaient des
emboles dans l’oreillette droite, indiquant
un risque élevé d’embolie pulmonaire.
Sachant que l’incidence des embolies
pulmonaires dans la période péri-opéra-
toire a augmenté au Japon récemment
(Kawashima et al., 2003), le dépistage
échographique est très utile pour prédire
le risque d’embolie ou d’ischémie myocar-
dique silencieuse (Roghi et al., 1999).
Évaluation pré-anesthésie
Tous les patients seront soumis à une
évaluation pré-anesthésie et recevront des
informations sur l’anesthésie la veille de
l’intervention. Le consentement écrit du
patient doit être obtenu conformément aux
pratiques recommandées (White et
Baldwin, 2003). Dans ce cadre, les procé-
dures suivantes sont prévues pour l’évalua-
tion du patient: interrogatoire du patient
pour évaluer l’historique médical, l’histo-
rique d’anesthésie et l’historique des traite-
ments médicamenteux (cf. encadré);
examen physique approprié (inspection,
auscultation, percussion et questions sur
l’historique médical…); revue des données
diagnostiques objectives (par exemple
analyses de laboratoire, ECG, radiographie
thoracique); détermination du statut
physique ASA; formulation du plan d’anes-
thésie et discussion des risques et des avan-
tages du plan. En outre, dans notre clinique,
un programme vidéo expliquant nos procé-
dures anesthésiques de routine est présenté
en préopératoire depuis 1986 aux patients
de chirurgie élective. Après la présentation
de cette vidéo, tous les groupes de patients
étaient moins inquiets en ce qui concerne
l’anesthésie et l’intervention à venir
(Hashimoto et al., 1993).
Considérations spécifiques
Directive concernant
les interventions dans la journée
De plus en plus d’interventions chirurgi-
cales se font de manière sûre en ambula-
toire. La chirurgie d’un jour est générale-
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>> Les sept règles de Matsuki
Monitor your patient adequately = Surveillez votre patient de manière adéquate
Assure of your drugs and equipments = Soyez sûrs de vos médicaments et de vos équipements
Titrate your patient = Identifiez votre patient
Stick to your patient = Restez près de lui
Understand your machine and ventilator = Comprenez votre machine et votre ventilateur
Keep contact with your surgeons = Gardez le contact avec vos chirurgiens
Inform of your patient to your boss = Rendez compte de votre patient à votre patron
Les sept règles de Matsuki (suite)
Make sure of orders = Soyez sûrs de vos instructions
Acquaint yourself with your drugs = Familiarisez-vous avec les médicaments utilisés
Take your expectation out = Exprimez vos attentes
Seek for possible mishaps = Recherchez les erreurs possibles
Use your hands as sensors = Utilisez vos mains comme des capteurs
Keep on watching your patient = Continuez à surveiller votre patient
Integrate your information = Intégrez vos informations
>> Usage des agents antithrombotiques
ou anticoagulants
Agent anticoagulant Warfarine 4-5 jours
Agent antithrombotique Aspirine 14 jours
Ticlopidine 14 jours
Pendant l’anesthésie
Pendant cette période, nous consi-
dérons que la prévention est tout
aussi essentielle. Notre politique de
soins anesthésiques standard est
basée sur les recommandations de la
Société d’anesthésiologie japonaise.
Nous appliquons en outre plusieurs
techniques et nos propres règles, appe-
lées « Les sept règles de Matsuki »
(Matsuki, 1983). La première lettre de
chaque phrase forme le nom
« Matsuki », nom d’un professeur
émérite de notre service, de sorte que
le personnel du service s’en rappelle
facilement (cf. encadré).
Nous appliquons aussi les méthodes de
gestion des risques suivantes:
utilisation d’un dispositif à volume de
fluide limité pour l’anesthésie pédia-
trique;
technique de la tente pour la pose de
cathéters Swan-Ganz et de tubulures
ment élective et sa durée peut aller de
quelques minutes à quelques heures.
L’autorisation de sortie du patient est de
la responsabilité du médecin. Les patients
appelés à subir une intervention de chirur-
gie d’un jour quelle qu’elle soit doivent être
évalués afin de déterminer leur condition
médicale avant le jour de l’opération par
l’anesthésiologiste de service.
Nous autorisons une intervention chirur-
gicale dans la journée avec anesthésie
générale si le patient satisfait les condi-
tions suivantes: patient âgé de moins de
40 ans et en bonne santé; aucun signe
d’infection, notamment au niveau du
système respiratoire; interventions chirur-
gicales mineures telles que la hernie
inguinale chez les enfants.
Étiquette d’identification
du patient
Une erreur d’identification du patient
serait l’un des problèmes les plus graves
susceptibles de se produire dans la
période pré-anesthésie. C’est pourquoi
chaque patient est identifié par l’anes-
thésiologiste de service et les infirmières
en salle d’opération. En outre, nous utili-
sons un bracelet placé au poignet de
chaque patient avec leur permission.
Directive concernant l’utilisation
des médications courantes
Le patient peut prendre une éventuelle
médication courante, à l’exception d’un
petit nombre de médicaments tels que
des agents hypoglycémiants, antithrom-
botiques ou anticoagulants, jusqu’au
matin de l’intervention. Nous avons nos
propres directives en ce qui concerne les
agents antithrombotiques ou anticoagu-
lants (cf. tableau).
Directives concernant l’usage
des anticoagulants
Le principal risque avec les anticoagu-
lants est la formation d’hématome dans
l’espace épidural, qui provoquerait des
dommages neuronaux irréversibles. Nous
avons notre propre directive en ce qui
concerne l’usage d’anticoagulants.
Compte tenu de la controverse à propos
de la façon d’utiliser ce type d’agents
(Bombeli et Spahn, 2004), cette direc-
tive est susceptible d’évoluer si d’autres
médicaments venaient à être disponibles.
Nous recommandons l’administration
d’héparine après avoir cessé d’utiliser ces
agents si les patients présentent un risque
d’embolie élevée.
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épidurales en salle d’opérations afin
d’éviter l’infection par contamination;
cathétérisation veineuse centrale
assistée par dispositif à ultrasons;
application de marqueurs médica-
menteux dans toute utilisation d’agent
ayant trait à l’anesthésie (Jensen et
al., 2004);
appel de l’anesthésiologiste de service
lors de l’induction et à la fin de l’anes-
thésie;
choix de la méthode d’anesthésie;
résistance au saignement massif en
cas d’anesthésie générale par voie
intraveineuse;
bandage élastique et/ ou bas de
contention pour prévenir les embolies
pulmonaires;
formule uniforme pour la dilution des
agents cardiovasculaires.
En cas d’accident ou d’incident lors
d’une anesthésie, bien entendu, l’anes-
thésiologiste en poste et l’anesthésio-
logiste de service font de leur mieux
pour assurer la sécurité du patient et
signalent l’accident ou incident au
comité de sécurité de l’hôpital dès que
possible, en général dans l’heure. Le
comité analyse l’accident ou incident,
en détermine la cause et suggère des
solutions.
Risques et responsabilité
>> Questionnaire d’évaluation pré-anesthésique
Date Chambre Nom Âge
Veuillez répondre aux questions ci-dessous en entourant OUI ou NON.
1 • Avez-vous eu une réaction contraire
à un traitement médicamenteux ou un médicament injecté? OUI NON
2 • Avez-vous eu de l’asthme bronchique? OUI NON
3 • Avez-vous présenté une allergie à un
ou des médicaments quelconques? OUI NON
4 • Si oui, lesquels?
5 • Avez-vous déjà subi une anesthésie
ou une intervention chirurgicale ? OUI NON
6 • Avez-vous eu une complication due à un anesthésique? OUI NON
7 • Vos parents ont-ils eu une complication due à
un anesthésique, par exemple une hyperthermie? OUI NON
8 • Présentez-vous un ronflement sévère? OUI NON
9 • Vous a-t-on déjà dit que vous avez des arrêts respiratoires,
notamment la nuit? OUI NON
10 • Avez-vous éprouvé une gêne au niveau de la poitrine? OUI NON
11 • Avez-vous eu des plaintes à formuler à propos de l’anesthésie? OUI NON
Période post-anesthésie
Dans l’unité de soins
post-anesthésie (salle de réveil)
Après une intervention, les patients sont
généralement envoyés en salle de réveil.
L’anesthésiologiste de service est respon-
sable en permanence des soins donnés
au patient avec l’appui de l’anesthésio-
logiste en poste et des infirmières de
salle de réveil. Nous évaluons et nous
suivons l’état du patient au niveau de la
fonction respiratoire et cardiovasculaire,
la fonction neuromusculaire, l’état
mental, la température, la douleur, les
nausées et les vomissements, le drai-
nage et le saignement, la miction, etc.
En règle générale, nous observons le
patient pendant au moins quarante-cinq
minutes après extubation, mais ceci
dépend de son état. Nous avons des
critères propres d’évaluation de la condi-
tion respiratoire, cardiovasculaire, neuro-
musculaire et mentale.
En chambre
Dans cette période, nous considérons
que l’évaluation de notre procédure est
essentielle.
Nous procédons systématiquement à
un interrogatoire post-anesthésie du
patient dans un délai d’une semaine
après toute anesthésie effectuée, y
compris anesthésies générale et régio-
nale, comprenant un blocage spinal
ou épidural. Nous pouvons tirer de
nombreux enseignements de ces
interrogatoires et les appliquer à la
prise en charge anesthésique
suivante. Tout accident ou incident
doit être signalé au comité de gestion
de la sécurité et des risques de l’hôpi-
tal et tous les signalements doivent
être consignés dans un dossier de
réclamation interne. Ces dossiers sont
transmis à toutes les personnes
concernées afin d’éviter la reproduc-
tion de conséquences similaires.
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Évaluation et gestion du risque lié à l`anesthésie

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