LA RECUPERATION DE CHALEUR
EN AVICULTURE
RETOUR D’EXPERIENCE
D’ELEVEURS UTILISATEURS
Ce rapport présente les principaux résultats issus d’enquêtes menées auprès d’aviculteurs :
- L’enquête postale nationale conduite d’avril à juillet 2012 par l’ITAVI, et les Chambres
d’agriculture des Pays de la Loire et de Bretagne sur les élevages équipés de récupérateurs
de chaleur.
- L’enquête annuelle sur les résultats technico-économiques des élevages de volailles de chair
par les chambres d’agriculture du Grand-Ouest.
Dylan CHEVALIER, Christian NICOLAS, Gérard AMAND,
Marie-Laure CLOAREC, Antoine DE LA MORINIERE et Elodie DEZAT
LE DEVELOPPEMENT DES RECUPERATEURS DE CHALEUR EN AVICULTURE,
UNE HISTOIRE RECENTE
La hausse du prix de l’énergie est devenue une réelle problématique pour les éleveurs de volailles.
Le prix du propane rendu élevage a atteint rapidement des niveaux élevés passant de 600 en
2006 à plus de 900 €/t en 2012. Utili pour le chauffage des bâtiments, cette source d’énergie
fossile constitue en effet à présent le premier poste de charge variable des éleveurs, avec des
dépenses pouvant atteindre jusqu’à 35% du total des coûts opérationnels. La consommation
moyenne de propane en production de volailles de chair standard et certifiées est d’environ
7,6 kg/m²/an, soit une dépense de plus de 20.000 € par an pour un élevage de 3.000 m².
La récupération de chaleur par échangeur air-air permet de diminuer sensiblement la facture
énergétique, tout en améliorant les conditions d’élevage des volailles. Beaucoup d’éleveurs ont ainsi
fait le choix d’investir, souvent accompagnés financièrement par des aides publiques voire privées,
pour équiper leurs bâtiments de ses systèmes. Parallèlement, de nouveaux appareils font
progressivement leur apparition sur le marché. Au final on estime aujourd’hui que 20% du parc
national de bâtiments de volailles de chair standard et certifiées sont équipés.
Retour sur les éléments marquants du développement de ces systèmes :
2006 2007 2008 2009 2010 2011 2012
LE FONCTIONNEMENT
En phase de démarrage, le renouvellement d’air
minimum nécessaire pour évacuer l’humidité et les gaz
produits se situe entre 0,5 et 1 m
3
/h/kg de poids vif.
Cette opération, particulièrement l’hiver, refroidit
l’ambiance, et le chauffage est souvent sollici pour
maintenir la température. Ainsi, pendant les 10 premiers
jours d’élevage, pour 30.000 poussins, une température
extérieure de 10°C et un renouvellement d’air de 0,7 m
3/h/kg, la chaleur dissipée par la ventilation minimum est
estimée à 4.100 kWh, soit l’équivalent de 300 kg de
propane.
2006-2007 : Lancement des premiers essais en
France de récupérateurs de chaleur en élevages
de volailles de chair par l’équipe d’ingénieurs
avicoles CRAPL-CRAB-ITAVI sur prototypes
Systel. Publication d’un premier référentiel sur les
consommations d’énergie directes et indirectes
des bâtiments avicoles.
2008-2009 : Diffusion des résultats des essais auprès de la filière :
articles, plaquettes et organisation de portes-ouvertes au sein des
élevages équipés les premiers essais montrent une économie de
gaz qui peut atteindre 25%. Début du développement des
récupérateurs de chaleur sur le terrain. L’ITAVI et les chambres
d’agriculture du Grand-Ouest mettent en place une enquête de suivi
des prix en élevage.
2012 : réalisation de
l’enquête postale nationale
auprès des éleveurs équipés.
Hausse majeure du prix du
propane.
2009 : lancement du programme d’aide publique
PPE et développement des plans d’aides privées
au sein des organisations de production avicoles
françaises. Arrivée progressive sur le marché de
nouveaux modèles de récupérateurs de chaleur
L’utilisation d’un système de récupération de chaleur par échangeur d’air permet de limiter ces
déperditions d’énergie pour réchauffer l’air frais extérieur avant de l’introduire dans le bâtiment. Le
renouvellement d’air minimum du bâtiment est alors assuré par l’échangeur(s) en prélevant une
partie de la chaleur contenue dans l’air extrait du poulailler, pour la transférer à l’air neuf entrant.
Un poulailler statique équipé d’échangeurs récupérateurs de chaleur se comporte alors en
démarrage comme un bâtiment dynamique. Si l’échangeur est installé sur un bâtiment à ventilation
dynamique, il est dans ce cas intégré dans les groupes de ventilation classiques en fonction de sa
capacité à renouveler (débit). L’air neuf est réchauffé par la conjonction de 2 phénomènes : la
chaleur sensible (le transfert de chaleur se fait par convection au travers des parois d’échange de
l’appareil (plaques ou tubes). A noter qu’il n’y a pas
de contact direct ou de mélange entre les 2 masses
d’air), et des phénomènes de condensation (ils
peuvent se produire en sortie d’échangeur, selon les
conditions de température interne et externe, et la
charge en eau de l’air intérieur. L’eau en passant de
l’état gazeux à l’état liquide libère alors des calories).
On distingue deux types de récupérateurs de
chaleur : les échangeurs à plaques (les plus
répandus actuellement dans le secteur avicole) et les
échangeurs à tubes.
Fonctionnement d’un échangeur de chaleur air/air
L’efficacité thermique d’un échangeur de chaleur est souvent calculée sur la chaleur sensible par
souci de simplicité en utilisant la formule : (air neuf réchauffé air frais extérieur) / (air ambiant
dans le bâtiment air frais extérieur). Par exemple, pour une température ambiante (air vicié
évacué) de 30°C, une température extérieure (air neuf aspiré) de 2°C, et une température d’air
neuf réchauffé de 18°C, le rendement pour des débits air vicié et air neuf identiques est de (18 2)
/ (30 – 2) = 57%.
Pour élever d’un °C la température d’un m
3
d’air, il faut 0,34 W. Il est ainsi possible de calculer
l’énergie restituée dans le poulailler par un échangeur(s) de chaleur. Par exemple, pour un débit
constant de 6.000 m
3
/h (entrée air neuf) et un gain de température de 15°, l’énergie restituée sur
24 heures de fonctionnement est de 735 kWh, soit l’équivalent de 52 kg de propane. De cette
économie de propane, il faut déduire la consommation électrique du système. Dans ces conditions, 1
kWh électrique consommé permet de restituer environ 33 kWh sous forme de chaleur.
Les facteurs d’efficacité des récupérateurs de chaleur sont les suivants :
La surface d’échange (dimension du bloc et écartement entre plaques en sortie et en entrée)
La vitesse de passage de l’air : plus le débit augmente
pour une même surface d’échange, plus faible est le
gain de température
Les turbulences de l’air dans l’échangeur (forme des
plaques ou des tubes)
L’encrassement par les poussières (filtre en sortie air
vicié et lavage régulier en cours de lot sont préconisés)
L’épaisseur du matériau et sa conductivi thermique
(en W/(K.m) : cuivre 390, aluminium 237, acier 60 et
PVC 0,17.
Dispositifs d’aide publique :
Le Plan de Performance Energétique 2009-2013 accompagne les investissements d’économie et de
production d’énergie. Les récupérateurs de chaleur peuvent bénéficier d’une aide de 40% du
montant HT investi sous réserve de réaliser en amont un diagnostic énergétique de l’exploitation et
de déposer un dossier de demande d’aide complet au cours des périodes d’appels à projets définis
dans chaque région. Pour tout renseignement, contactez les services de la DDT(M) de votre
département et/ou vos conseillers des chambres d’agriculture et de l’ITAVI.
LES ENSEIGNEMENTS DE L’ENQUETE ANNUELLE DES CHAMBRES
D’AGRICULTURE DU GRAND-OUEST
Que dit l’enquête avicole ? Diminution des
dépenses de chauffage : oui. Amélioration
des performances : pas si net.
Une extraction des données de l’enquête
avicole 2010/2011 a été réalisée pour
observer l’impact des échangeurs de chaleur
sur les performances des volailles de chair. 46
bâtiments ont été renseignés comme étant
équipés d’échangeurs de chaleur. Ils sont
situés en Bretagne, Pays de la Loire, Deux-
Sèvres et dans l’Orne. Les échangeurs ont été
principalement mis en service en 2009 et
2010.
1. Comparaison des bâtiments
équipés aux bâtiments non équipés
De nombreuses combinaisons d’équipements
sont rencontrées. Afin d’étudier les
performances technico-économiques, les
bâtiments ont été regroupés en grandes
catégories et comparés « toutes choses égales
par ailleurs », en production de poulet
(bâtiment à ventilation monolatérale Colorado
avec canons intérieurs et pipettes) et en
production de dindes (bâtiment statique à
lanterneau, avec radiants régulables et
pipettes).
Poulet standard, bâtiment Colorado
Dans l’échantillon, 35 lots ont été conduits
avec échangeurs de chaleur. L’âge moyen des
bâtiments est de 20 ans pour les bâtiments
avec échangeurs et 16,5 ans pour les
bâtiments non équipés. Nous ne notons pas de
différence significative des performances
techniques liées aux échangeurs dans notre
échantillon. Par contre, une diminution de
22% des consommations de gaz est bien
observée.
Dinde, bâtiment statique
La production de dinde est étudiée
uniquement dans les bâtiments de type
statique à lanterneau avec 20 lots conduits
avec échangeurs de chaleur. L’âge moyen des
bâtiments est de 26 ans dans les deux cas.
Nous ne notons pas non plus de différence
significative des performances techniques liées
aux échangeurs dans notre échantillon.
Comme pour l’exemple précédent, nous
observons une diminution de 32% du poste
gaz en quantité et en dépense.
2. Evolution des performances dans
les bâtiments équipés
Pour chaque bâtiment, les performances des
lots abattus entre 2008 et 2011 ont été
comparées aux données de l’enquête avicole
en base 100. Les performances ont ainsi été
positionnées avant et après mise en place des
échangeurs, et leur évolution observée. Les
bâtiments sélectionnés sont ceux pour
lesquels suffisamment de lots sont répertoriés
avant et après mise en place de l’échangeur.
Seulement 16 bâtiments ont ainsi pu être
étudiés.
Il est globalement difficile d’observer un
impact de la mise en place de l’échangeur sur
les performances. Ainsi, dans l’échantillon 9
bâtiments voient la marge poussin aliment
diminuer et 7 leur marge augmenter. La
principale difficulté pour analyser les résultats
vient du fait que de nombreux autres facteurs
ont une influence : changement de souche,
alourdissement des carcasses, modification de
contrat… Néanmoins, nous pouvons dire que
nous ne voyons pas d’amélioration ou de
dégradation significative des résultats.
Evolution de la marge poussin aliment de seize
bâtiments, avant et après mise en place
d’échangeurs de chaleur
Conclusion
Si la diminution de la consommation de
chauffage est bien observée lorsque les
bâtiments sont équipés de récupérateurs de
chaleur, nous n’observons néanmoins pas
d’amélioration flagrante des résultats
technico-économiques des volailles. Les
échantillons étant réduits, il est nécessaire de
considérer ces observations comme des points
de repère. L’échantillon deviendra
probablement plus important dans les années
qui viennent avec le développement du
nombre de bâtiments équipés dans l’enquête,
ce qui permettra sans doute de dégager des
tendances.
0
20
40
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Marge poussin aliment (base 100
: enquête avicole)
Avant
Après
LES ENSEIGNEMENTS DE L’ENQUETE NATIONALE CHAMBRES
D’AGRICULTURE/ITAVI
Une enquête postale a été réalisée entre avril
et juillet 2012 auprès des aviculteurs français
équipés de récupérateurs de chaleur. L’objectif
était de réaliser un premier bilan d’utilisation
de ces systèmes en France, d’évaluer leurs
effets sur les économies d’énergie, l’ambiance,
la litière et les performances techniques, et de
faire le point sur les conditions d’usage et
problèmes rencontrés. L’enjeu était de
disposer de férences sur l’efficaci de ces
systèmes mais aussi d’envisager des
améliorations de leur installation et/ou de leur
utilisation.
La méthodologie employée :
La méthode choisie consistait à enquêter des
éleveurs ayant plus de 6 mois de recul. Un
échantillon de 795 élevages équipés a pu être
constitué grâce aux données issues des
enquêtes des chambres d’agriculture du
Grand-Ouest et de l’ITAVI, et avec le concours
des équipementiers Lead Leroy Concept,
Systel, Elva et Big Dutchmann. Un
questionnaire comportant 138 questions a
ainsi été réali puis envoyé par courrier au
mois d’avril 2012. Une relance postale a été
effectuée en mai et juillet pour augmenter le
taux de retour. Plus de 50 appels
téléphoniques ont également été passés pour
compléter des questionnaires remplis
partiellement. Le questionnaire comprenait
plusieurs chapitres pour décrire les
installations (exploitation, bâtiment,
récupérateurs de chaleur, éléments de
sécurité, types d’accessoires, coûts…) puis
caractériser le niveau d’efficacité des appareils
(énergie, ambiance, résultats techniques,
comportement des animaux, charges…), en
préciser les modalités d’utilisation (pilotage,
mode de fonctionnement, nettoyage) et
évaluer le niveau de satisfaction des éleveurs
(problèmes rencontrés, appréciations…). Le
logiciel d’enquêtes SPHINX a été utili pour
saisir les données et réaliser des analyses
simples (croisements de critères 2 à 2,
moyennes, fréquences et répartitions). Le
logiciel de statistiques R a également été
utilisé pour effectuer des analyses multi-
variées (effet de l’interaction de plusieurs
variables).
Les caractéristiques de l’échantillon :
Au final le taux de retour a atteint 25%,
soit 201 questionnaires exploitables.
Cette taille d’échantillon permet de dégager
des résultats statistiquement fiables. Il est
constitué de 197 exploitations réparties sur
tout le territoire français (37 départements
concernés), mais avec une dominance sur le
Grand-Ouest de la France en toute
concordance avec la réali de la localisation
des élevages avicoles (notamment en volailles
de chair).
Situation
géographique
des
exploitations
enquêtées
Ces exploitations hébergent au total 470
bâtiments dont 331 sont équipés de
récupérateurs de chaleur, soit 70%. Les
bâtiments équipés sont plutôt vétustes
(moyenne d’âge de 19 ans) mais les éleveurs
enquêtés ont jugé la qualité de leur étanchéi
et de leur isolation comme bonne à excellente
dans 82% des cas.
17% des bâtiments ont moins de 10 ans.
Par ailleurs, 53% des bâtiments présentent
une ventilation de type dynamique, et 42%
sont de type statique (5% non renseignés).
Plus de 24% des bâtiments ont bénéficié d’une
rénovation énergétique dans les 4 dernières
années (amélioration de l’étanchéité, de
l’isolation, du chauffage et/ou dynamisation de
la ventilation) avec le soutien des plans
d’aides publiques (PPE) et privées
(organisations partenaires). Ces différents
constats suggèrent que la majeure partie des
bâtiments de l’échantillon s’avèrent en effet
plutôt bien isolés et étanches, et viennent
confirmer les réponses des éleveurs.
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