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I S E A U P O I N T
La Lettre du Neurologue - vol. VIII - n° 8 - octobre 2004
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Dans la majorité des cas, une fragmentation du sommeil était
rapportée. La durée totale moyenne de sommeil nocturne était de
6,5 à 7 heures (inférieure à 5 heures dans 8 % des cas).
Les troubles du sommeil sont de nature multifactorielle avec des
mécanismes divers, incluant en particulier une dégénérescence
des centres régulateurs du sommeil.
Nous décrirons les principaux types de troubles pouvant altérer
le sommeil dans la maladie de Parkinson et leur rapport avec le
traitement dopaminergique. Ce sont l’insomnie, les mouvements
anormaux durant le sommeil, les parasomnies, la somnolence
diurne (2). Pour mettre ces troubles en évidence, un interrogatoire
précis du patient et de son conjoint s’impose, associé à des échelles
de somnolence (Epworth Sleepiness Scale,Parkinson’s Disease
Sleep Scale)(3, 4), et dans certains cas à l’étude polysomno-
graphique du sommeil, ainsi qu’au Test intermittent de latence
du sommeil dans la journée (TILE).
L’INSOMNIE
Elle est faite d’une fragmentation du sommeil, avec réveils fré-
quents, et d’un réveil précoce le matin. La durée du sommeil lent
léger est diminuée, celle du sommeil lent profond et du SP l’est
peu. La fréquence de l’insomnie dans la maladie de Parkinson
varie selon les études, de 39 % des cas (12 % des cas chez le sujet
âgé), à 80 %. Les troubles moteurs y jouent un grand rôle : aki-
nésie avec difficultés à se retourner dans le lit, rigidité, dystonies
dont la dystonie du matin, crampes. En dehors de l’âge, on a
démontré que les deux facteurs de risque principaux sont la
dépression et l’anxiété d’une part, la durée du traitement par la
L-dopa d’autre part. Parmi les nombreuses causes de l’insomnie,
on peut citer l’atteinte des centres de régulation du sommeil, la
persistance des symptômes parkinsoniens la nuit (akinésie, rigi-
dité, contractures, douleurs liées aux périodes o f f), les troubles
mictionnels nocturnes (pollakiurie nocturne), le syndrome des
jambes sans repos, les troubles respiratoires (20 % des patients
parkinsoniens ont un syndrome d’apnées du sommeil obstructives
[SAS]), les affections médicales ou psychiatriques associées
(anxiété, dépression, crise de panique des périodes off), l’altéra-
tion des rythmes circadiens. Le traitement de l’insomnie est celui
du ou des facteurs en cause. Il faut améliorer les conditions de
sommeil (literie, chauffage, aération), traiter une dépression, une
anxiété, un SAS…
Les effets des traitements dopaminergiques sur l’insomnie sont
controversés. On peut modifier la répartition des doses de L-dopa,
parfois diminuer la prise du soir, d’autres fois l’augmenter, ajouter
des prises de L-dopa dans la nuit. En général, une amélioration du
sommeil a été décrite après augmentation des doses de L-dopa.
À l’inverse, des thérapeutiques dopaminergiques trop fortes ou
données trop tard dans la soirée peuvent favoriser une insomnie.
Tout dépend de la gravité de la maladie de Parkinson sous-jacente :
dans les cas légers ou modérés, les traitements dopaminergiques
peuvent entraîner des interruptions du sommeil, alors que dans les
cas évolués, l’effet bénéfique du traitement dopaminergique sur
les troubles moteurs surpasse son effet délétère sur le sommeil.
LES MOUVEMENTS ANORMAUX
Dans la maladie de Parkinson, des mouvements anormaux simples
ou complexes peuvent entraîner des éveils. Les mouvements anor-
maux simples sont les clignements des paupières, le blépharo-
spasme, des contractions musculaires prolongées. Les mouve-
ments anormaux complexes sont :
✓les myoclonies fragmentaires nocturnes des extrémités, liées
au traitement dopaminergique ;
✓les mouvements périodiques des jambes pendant le sommeil
(PMLS), qui sont des mouvements rythmiques d’extension du
gros orteil ou de flexion de la cheville et du genou ; ils sont
retrouvés dans 15 % des cas, et sont améliorés par la L-dopa ;
✓le syndrome des jambes sans repos (20 % des patients parkin-
soniens) est une sensation désagréable, profonde dans les membres
inférieurs, avec besoin de bouger pour diminuer de façon transi-
toire cet inconfort ; il entraîne des difficultés à l’endormissement
et il est souvent associé au PMLS ; il est amélioré par des doses
faibles de traitements dopaminergiques ;
✓l’akathisie nocturne, faite d’une sensation d’impatiences, avec
difficultés à rester immobile.
LES PARASOMNIES
Ce sont des troubles du comportement durant le SP, en rapport
avec l’absence d’atonie durant le SP et correspondant à une mise
en acte du rêve. Elles comprennent les rêves éveillés, l’altération
du contenu du rêve, les cauchemars, les terreurs nocturnes, la
soliloquie, les troubles du comportement dans le SP ou R E M
Sleep Behavior Disorders (RBD), les hallucinations nocturnes,
le somnambulisme, les attaques de panique. Les parasomnies se
voient également dans les atrophies multisystématisées et dans la
démence à corps de Lewy. La plupart des parasomnies sont peu
gênantes et ignorées du patient, mais elles peuvent altérer le som-
meil du conjoint. Ces phénomènes, notamment les rêves éveillés
et les hallucinations, peuvent être favorisés par la L-dopa (ils sont
corrélés avec la durée de la lévodopathérapie). En pratique cli-
nique, l’existence de rêves éveillés doit rendre prudent, car elle
peut être le signe précurseur des hallucinations et de la “psy-
chose” dopa-induite. Le traitement des parasomnies repose sur
l’aménagement des prises vespérales de L-dopa, la diminution
des agonistes dopaminergiques, le clonazepam. Les hallucina-
tions répondent très bien à un traitement par clozapine.
Le RBD est une activité motrice excessive durant le rêve, avec perte
de l’atonie musculaire normale et comportement automatique.
Un tiers à la moitié des patients parkinsoniens ont les critères du
RBD fondés sur la polysomnographie. Il se voit avant le début des
signes moteurs parkinsoniens dans la moitié des cas. Dans une
étude de polysomnographie faite auprès de 33 patients parkinso-
niens, 19 avaient un RBD ; parmi ceux-là, un peu plus de la moi-
tié avaient du SP sans atonie. Le SPsans atonie semble représenter
une forme préclinique de RBD souvent associée avec des hallu-
c i n a t i o n s chez un même patient ( 5 ) . Le RBD semble lié à des
lésions cérébrales touchant les systèmes non dopaminerg i q u e s