Les décollements de rétine, entre rappels et nouveautés

SFO 2011
Images en Ophtalmologie
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Focus
Les décollements de rétine,
entre rappels et nouveautés
A. Couzinet, L. Lequeux, S. Auriol, V. Pagot-Mathis
(Centre de la rétine, hôpital Paule-de-Viguier, CHU Toulouse)
Cette année, les décollements de rétine étaient
le sujet du rapport de la SFO, qui a été présenté
par Georges Caputo et publié par Elsevier Masson.
La nouvelle physiopathologie
du décollement de rétine
Pourquoi la rétine se décolle-t-elle ?
(C. Arndt)
La genèse classique du décollement de rétine (DR) débute par
des tractions vitréorétiniennes occasionnant des déhiscences.
Or, seulement 1 % de celles-ci occasionnent un DR.
La perte d’adhérence entre l’épithélium pigmentaire et la rétine
neurosensorielle résulte d’un manque d’absorption d’eau par
l’épithélium pigmentaire, lié d’une part à des facteurs envi-
ronnementaux connus (la déshydratation du vitré, l’éclairage
estival intense, etc.) et d’autre part à des facteurs constitu-
tionnels représentés par les transports ioniques membra-
naires. Une altération de ce système de transport a été mise
en évidence sur l’œil controlatéral des patients atteints de DR.
Conséquences anatomiques du décollement de rétine
et récupération fonctionnelle
(T. Wolfensberger)
Concernant la récupération fonctionnelle, certains facteurs
pronostiques préopératoires ont déjà été identifiés : macula
décollée avec œdème au sein de celle-ci, durée du DR avant
la chirurgie, acuité visuelle préopératoire, hauteur du décol-
lement fovéolaire à moins de 7jours.
Des facteurs pronostiques postopératoires ont vu le jour grâce
à l’OCT
(Optical Coherence Tomography)
:
un décollement fovéolaire résiduel (effet
bleb
), retrouvé dans
70 % des cas après chirurgie par voie externe, moins fréquem-
ment après vitrectomie, serait corrélé à une récupération
visuelle retardée ;
l’intégrité de la jonction des segments internes et externes
des photorécepteurs sur une macula décollée est un facteur
de bon pronostic.
Par ailleurs, l’hyperoxygénation limite la mort cellulaire après
DR, d’où l’idée de développer des facteurs antiapoptotiques à
administrer entre le diagnostic de DR et la chirurgie.
Les nouvelles armes chirurgicales
Machines et matériel
(J.F. Devin)
Le matériel de vitrectomie a considérablement évolué.
Les standards sont devenus transconjonctivaux avec de
nombreux avantages (épargne conjonctivale, sécurité, gestion
ambulatoire, etc.). Il reste encore quelques limites avec, notam-
ment, un retard dans le développement des fragmatomes.
Au niveau des vitréotomes, la plupart des couteaux dans la
pièce à main utilisent un système pneumatique. Il est désor-
mais possible d’effectuer un véritable “rasage rétinien”
grâce à l’amélioration du rapport aspiration-vitesse de coupe
(amélioration du
duty
cycle
correspondant au rapport entre
le temps d’ouverture du vitréotome et le temps d’ouverture-
fermeture).
Des avancées qui vont de pair dans les modules additionnels :
les pompes péristaltiques ou Venturi dont le but est de main-
tenir une pression intraoculaire (PIO) moyenne la plus stable
possible en peropératoire ;
les systèmes d’endo-illuminations qui s’adaptent aux stan-
dards les plus fins avec des filtres colorés ;
les fragmatomes pour lesquels il n’existe pas encore de vrais
23 ou 25 gauges.
Technique de pelage des membranes
(J.P. Berrod)
Le but du pelage est de compléter le décollement postérieur
du vitré, d’assouplir la rétine, etc.
La facilitation du pelage passe par les nouveaux colorants,
notamment le bleu, afin de minimiser le traumatisme chirurgical.
La prolifération vitréorétinienne étendue reste une indication
de rétinotomie supérieure à 180°.
Chirurgie combinée décollement de rétine-cristallin
(J. Conrath)
Il est de plus en plus fréquent d’effectuer une chirurgie
combinée, face à des opacités cristalliniennes gênantes, que
ce soit en 20, en 23 ou en 25 gauges.
Le calcul de la puissance de l’implant varie selon l’état macu-
laire
“on”
ou
“off”
, auquel cas celui-ci s’effectue sur l’œil
adelphe. S’il existe une indentation associée, il est recom-
mandé d’enlever 2dioptries à la puissance de l’implant.
Les implants acryliques hydrophobes de grand diamètre sont
préférés, ceux en silicone et multifocaux doivent être évités.
Voici quelques rappels concernant les produits de tampon-
nement :
les gaz (SF6, C2F6, C3F8) ont une longévité de 10 à 70 jours.
Les recommandations pour le patient restent : respecter le
positionnement prescrit, éviter les séjours en altitude, pas
d’anesthésie générale avec protoxyde d’azote, porter obliga-
toirement un bracelet d’information, etc. ;
© DA
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l’huile de silicone est réservée à la prolifération vitréoréti-
nienne, aux déchirures géantes, aux voyages en avion, etc. Les
complications possibles sont l’hypertonie oculaire, l’émulsi-
fication en chambre antérieure et, plus rarement, la kératite
en bandelette.
Les particularités du décollement de rétine
Décollement de rétine simple
(J.F. Le Rouic)
La généralisation de la vitrectomie ne doit pas faire oublier
le traitement par voie externe, qui garde toute sa place dans
certains DR rhegmatogènes.
Décollement de rétine du myope,
des dégénérescences vitréorétiniennes
(A. Guez)
Les myopes forts (définis par une longueur axiale supérieure
à 26 mm) ont 200 fois plus de risques de DR que la population
emmétrope.
Deux dégénérescences vitréorétiniennes héréditaires sont
associées à une myopie forte : les syndromes de Stickler et de
Marfan. Le statut cristallinien des patients n’a plus d’impor-
tance. Le taux de déchirures géantes est important chez le fort
myope et dans le syndrome de Stickler, moins dans celui de
Marfan. La technique chirurgicale employée est variable selon
le statut vitréen du patient : si le décollement postérieur du vitré
(DPV) n’est pas réalisé, on choisira le cerclage ou la vitrectomie ;
en revanche, si le DPV est effectué, la vitrectomie s’impose.
La prévention du décollement sur l’œil adelphe dans ces 2types
de dégénérescence reste controversée.
Décollement de rétine traumatique
(E. Denion)
La prolifération vitréorétinienne survient dans 10 à 20 % des cas
de façon très rapide, sévère et souvent récidivante. La vitrec-
tomie doit idéalement être effectuée dans les 4 jours suivant
le traumatisme, dans un centre spécialisé.
Décollement de rétine du pseudophaque
(F. Metge)
Un tiers des DR surviennent chez les pseudophaques. Leur
incidence, jusqu’à 1 % des cas, augmente en cas de rupture
capsulaire peropératoire avec issue de vitré, de laser YAG.
Le statut vitréen avant la chirurgie conditionne le risque de DR.
La chirurgie du cristallin clair chez le myope fort est à éviter
en l’absence de DPV.
Décollement de rétine du diabétique
(P. Massin)
Le DR tractionnel est une complication grave de la rétinopathie
diabétique proliférante. Lorsque la rétraction est majeure, ce
décollement prend une forme caractéristique concave dite
en
“table top”
. Le DR mixte (tractionnel et rhegmatogène) se
reconnaît par sa forme convexe progressant rapidement vers
la macula.
La décision opératoire se prend dès qu’il y a une menace macu-
laire. L’option chirurgicale n’est donc pas systématique pour
les DR tractionnels extramaculaires ou anciens.
La technique de vitrectomie doit être irréprochable, de plus en
plus souvent en 23 ou en 25 gauges, avec la possibilité d’effec-
tuer un rasage des proliférations fibrovasculaires.
Les anti-VEGF
(Vascular Endothelial Growth Factor)
[béva-
cizumab] ont désormais une place de choix. Leur utilisation
doit être bien posée, car en majorant la rétraction fibreuse
ils peuvent aggraver le décollement s’ils sont administrés
trop précocement par rapport à la chirurgie
(ArevaloJF
et al., BrJOphthalmol 2008;92:213-6)
. Très utiles dans la
rétinopathie floride, ils sont également injectés en pré- ou
per opératoire.
Les cas particuliers
Décollements de rétine tumoraux
(L. Desjardins)
Le rétinoblastome
Il faut toujours penser à un rétinoblastome chez un enfant
présentant un DR.
Les 2problèmes essentiels du traitement sont l’ischémie de
la rétine décollée et l’essaimage sous-rétinien mettant en jeu
le pronostic général.
La chimiothérapie intraveineuse permet une diminution rapide
du décollement. Le melphalan intra-artériel montre de bons
résultats.
Le mélanome
Après protonthérapie d’un mélanome de grande taille, la cica-
trice tumorale peut induire des exsudations importantes avec
un DR, une sécrétion de cytokines, de VEGF à l’origine d’un
glaucome néovasculaire. Ce phénomène, appelé syndrome de
la “tumeur toxique”, peut être limité en réalisant une endo-
résection de la cicatrice tumorale.
Rétinopathie des prématurés
(G. Caputo)
Le laser est le traitement de référence de la rétinopathie
des prématurés (ROP) en l’absence de DR, avec des effets
secondaires minimes. Néanmoins, il est moins efficace
dans les ROP très actives postérieures (APROP) corres-
pondant aux stades 4 et 5 de la rétinopathie. Les anti-VEGF
font leur entrée, avec l’utilisation du bévacizumab dans ces
APROP
(Mintz-Hittner HA et al., N Engl J Med 2011;364:
603-15).
Le traitement du DR repose sur la vitrectomie, tournant péjo-
ratif dans le pronostic fonctionnel malgré les progrès chirur-
gicaux.
Les ROP posent encore des problèmes graves dans les pays
développés. La chirurgie reste un traitement palliatif avec toute
l’importance du dépistage.
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