Les États-Unis d`Amérique: les institutions politiques

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Extrait de la publication
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Extrait de la publication
ouvrages de claude corbo
Mon appartenance. Essais sur la condition québécoise, Montréal, VLB Éditeur, « Études
québécoises », 1992, 121 p. Ouvrage récipiendaire du prix Richard-Arès.
Matériaux fragmentaires pour une histoire de l’UQAM, Montréal, Éditions Logiques,
« Théories et pratiques dans l’enseignement », 1994, 367 p.
Lettre fraternelle, raisonnée et urgente à mes concitoyens immigrants, Outremont, Lanctôt
Éditeur, 1996, 137 p.
À la recherche d’un système de déontologie policière juste, efficient et frugal (avec la collaboration de Michel Patenaude), Québec, Gouvernement du Québec, 1997, xxiii+208 p.
Vers un système intégré de formation policière (avec la collaboration de Robert Laplante
et Michel Patenaude), Québec, Gouvernement du Québec, 1998, viii+342 p.
La mémoire du cours classique. Les années aigres-douces des récits autobiographiques,
Montréal, Éditions Logiques, « Théories et pratiques dans l’enseignement », 2000,
446 p.
Repenser l’école. Une anthologie des débats sur l’éducation au Québec de 1945 au rapport
Parent (avec la collaboration de Jean-Pierre Couture), Montréal, Presses de l’Université
de Montréal, « PUM-Corpus », 2000, 667 p.
Pour rendre plus sécuritaire un risque nécessaire (avec la collaboration de Ygal Leibu),
Québec, Gouvernement du Québec, 2001, vi+326 p.
L’idée d’université. Une anthologie des débats sur l’enseignement supérieur au Québec de
1770 à 1970 (avec la collaboration de Marie Ouellon), Montréal, Presses de l’Université
de Montréal, « PUM-Corpus », 2001, 377 p.
L’éducation pour tous. Une anthologie du rapport Parent, Montréal, Presses de l’Université de Montréal, « PUM-Corpus », 2002, 432 p.
Les Jésuites québécois et le cours classique après 1945, Sillery, Éditions du Septentrion,
« Cahiers des Amériques », 2004, 404 p.
(Conception et direction) Monuments intellectuels québécois du xxe siècle. Grands livres
d’érudition, de science et de sagesse, Sillery, Éditions du Septentrion, 2006, 290 p.
Art, éducation et société post-industrielle. Le rapport Rioux et l’enseignement des arts au
Québec 1966-1968, Sillery, Éditions du Septentrion, 2006, 363 p.
En collaboration :
BÉLAND, Claude, Inquiétude et espoir. Valeurs et pièges du nouveau pouvoir économique.
Extraits de conférences choisis et ordonnés par Claude Corbo, Montréal, Québec
Amérique, 1998, 401 p.
LAMONDE, Yvan, et Claude CORBO, Le rouge et le bleu. Anthologie de la pensée
politique au Québec de la Conquête à la Révolution tranquille, Montréal, Presses de
l’Université de Montréal, « PUM-Corpus », 1999, 581 p.
TOCQUEVILLE, Alexis de, Regards sur le Bas-Canada. Choix de textes et présentation
de Claude Corbo, Montréal, Typo, 2003, 323 p.
Extrait de la publication
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Extrait de la publication
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développement des entreprises culturelles du Québec (SODEC) pour le soutien accordé
à leur programme d’édition, ainsi que le gouvernement du Québec pour son Programme
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30, rue Gay-Lussac
75005 Paris France
Extrait de la publication
Préface
V
« ivre en ce pays, c’est comme vivre aux États-Unis », chantait
Charlebois. Une boutade aussi révélatrice qu’excessive. Nous tenons
toujours à ce que notre culture et notre mode de vie se démarquent
de la manière américaine avec laquelle nous demeurons cependant
très familiers. Nous connaissons bien ce grand voisin. Du moins, nous
le prétendons. Combien de questions demeurent sans réponse à son
sujet ! Combien de ses paradoxes continuent de nous étonner !
Pourquoi faut-il que ce pays de la liberté soit aussi un lieu de
conformisme étouffant ? Comment concilier l’accueil qu’on y fait souvent aux idées nouvelles et le conservatisme ambiant ? Déjà Alexis de
Tocqueville, pourtant grand admirateur de la démocratie américaine,
écrivait en 1835 : « Je ne connais pas de pays où il règne, en général,
moins d’indépendance d’esprit et de véritable liberté de discussion
qu’en Amérique » (deuxième partie, chapitre VII). Le même auteur
était aussi fasciné par la coexistence des libertés protégées par la
Constitution et des fortes contraintes de la pratique religieuse.
Et que dire de l’énorme diversité des opinions, des origines ethniques et des comportements d’une population toujours encline aux
grandes manifestations de nationalisme, comme cela s’est vu après les
événements du 11 septembre 2001 ? Que dire encore de l’individualisme
profond qui s’accompagne facilement de multiples appartenances
communautaires ? Et puis comment concilier un capitalisme aussi
triomphant et omniprésent qu’amoral avec le poids des valeurs et des
principes moraux ?
Les États-Unis sont devenus une hyperpuissance. Ils représentent un
véritable pouvoir impérial. Et pourtant, ce pays entend demeurer une
république et se garde toujours d’exercer son pouvoir directement sur
d’autres populations, sauf d’une manière temporaire. Non pas que les
Américains ne cherchent pas à s’imposer partout, à contrôler toute la
Extrait de la publication
s LES ÉTATS-UNIS D’AMÉRIQUE : LES INSTITUTIONS POLITIQUES
politique internationale. Mais, pour le meilleur ou pour le pire, ils n’ont
pas voulu, sauf en de rares exceptions, ériger leur drapeau sur d’autres
territoires. Ils ont porté la guerre en Afghanistan et en Irak, mais ils
entendent remettre les formes du pouvoir aux Afghans et aux Irakiens.
La plupart y verront non sans raison la continuation du contrôle par
des intermédiaires. Il n’en demeure pas moins que cette façon de faire
se distingue du colonialisme classique comme l’hégémonie diffère de
l’impérialisme. Quant à nous, au Canada, au Québec, nous savons
bien que les Américains exercent une influence profonde sur nos vies,
mais nous nous permettons toujours une certaine indépendance que
d’autres empires n’auraient pas tolérée.
Tous ces paradoxes, apparaissant souvent comme des contradictions
non résolues, alimentent nos perceptions ambivalentes au sujet des
États-Unis. Il nous arrive de détester les Américains, du moins une
certaine image qu’ils projettent, mais il nous arrive aussi de les
admirer, de nous émouvoir de leurs étonnantes aptitudes à rebondir
et à produire des merveilles après avoir donné lieu à d’exécrables
malversations. Que nous n’arrivions pas le plus souvent à résoudre ces
contradictions nous montre bien que nous connaissons encore mal
le pays voisin. Nous connaissons mal ses origines, son histoire et ses
institutions politiques.
Peut-être parce que le jeu politique est axé de plus en plus sur les
images et les perceptions, un phénomène qui n’apparaît guère différent
d’un pays à l’autre en Amérique du Nord, nous arrivons mal à mesurer
la distance qui sépare nos institutions de celles des États-Unis. Encore
ici, les questions sont nombreuses. Pourquoi un candidat défait à la
présidence des États-Unis est-il voué à une quasi-retraite prématurée
et, du moins, ne s’impose pas comme un chef de l’opposition et un
candidat à l’élection suivante ? Qu’est-ce que ce collège électoral qui
complique grandement une élection présidentielle ? Pourquoi toutes
ces élections primaires en vue de déterminer un candidat ? Pourquoi le
taux de participation est-il si faible au pays de la démocratie ? Pourquoi
est-on si peu critique de la personne du président qui peut tout de
même être soumis à des procédures de destitution ? Les médias américains sont-ils tous vraiment au service du pouvoir ? Quel est le sens du
fédéralisme américain dans un pays où la plupart des gens n’habitent
plus l’État où ils sont nés ? À quoi tient la persistance du bipartisme
américain ? Quelle différence entre les deux chambres du Congrès ?
Le président n’est-il qu’une simple marionnette à la disposition de
puissants groupes d’intérêt ?
PRÉFACE s L’ouvrage qui suit offre des réponses à la plupart de ces questions.
Des réponses complexes mais claires et solidement informées. Des
réponses qui tiennent compte de l’évolution d’un système dont la
permanence tient sans doute à ses facultés d’adaptation. Claude Corbo
observe avec une attention et un intérêt soutenus les institutions politiques américaines depuis plus de trente ans. Les nombreux étudiants
qui remplissent les salles de cours où il professe à l’Université du
Québec à Montréal vous diront à quel point ce professeur est à la fois
savant et pédagogue. Le lecteur pourra le constater dans les pages de ce
livre qui réalise un tour à peu près complet des institutions politiques
des États-Unis. Neuf chapitres font le point de la structure et du
fonctionnement du système américain. En voici une sorte d’avant-goût
qui pourra peut-être orienter le lecteur.
Le cadre constitutionnel
Le premier chapitre traite, comme il se doit, de la Constitution, la loi
fondamentale du pays. Les Américains sont très fiers de leur constitution qui fut rédigée en l’espace d’un été, en 1787, par des hommes
à la fois érudits, intelligents et préoccupés, semble-t-il, autant de leurs
intérêts que des grands principes libéraux élaborés au xviiie siècle par
nombre de penseurs européens. On considère ce document comme
une habile et opportune synthèse entre les principes et les nécessités de
la construction d’une société politique et d’un gouvernement stables.
La grande idée qui anime cette construction, une véritable obsession
chez les fondateurs de la république américaine, est celle de la liberté.
Entendez d’abord la liberté des personnes individuelles. La plupart des
habitants des treize colonies britanniques d’Amérique s’en étaient déjà
inspirés depuis les origines. La déclaration d’indépendance a affirmé
solennellement les paramètres de cette liberté en 1776 : « Nous tenons
ces vérités pour indépendantes par elles-mêmes : que tous les hommes
naissent égaux, que leur Créateur les a dotés de certains droits inaliénables, parmi lesquels la vie, la liberté et la poursuite du bonheur ;
que, pour garantir ces droits, les hommes instituent parmi eux des
gouvernements dont le juste pouvoir émane du consentement des
gouvernés. » Voilà l’essentiel pour les Américains d’aujourd’hui comme
pour ceux d’hier. À eux seuls cependant, ces principes ne suffisaient
pas à construire un pays, à donner une structure gouvernementale
commune à treize États différents. C’est pourquoi Hamilton, Madison
s LES ÉTATS-UNIS D’AMÉRIQUE : LES INSTITUTIONS POLITIQUES
et leurs collègues ont voulu s’attaquer à la tâche de fournir une structure solide et viable à l’application de ces principes. Ils ont eu l’audace
de concevoir, pour ce faire, la notion d’une identité commune et de
l’inscrire dans la première phrase du texte constitutionnel : « Nous, le
peuple des États-Unis… » Cette notion allait servir de fondement au
fédéralisme américain et permettre de réfuter l’argument selon lequel
l’union américaine reposait d’abord sur la volonté des États.
On verra aussi comment l’idée de liberté et la méfiance de l’ordre
politique qui en découle animent tout l’édifice gouvernemental américain, tel qu’il a été conçu par la Constitution. Tout est mis en œuvre, en
particulier en raison de l’astucieux système de poids et de contrepoids,
les fameux checks and balances, pour atténuer l’exercice du pouvoir et
prévenir sa tendance naturelle à l’arbitraire. On peut dire du système
américain, et cela se voit dans tous les articles de la Constitution, qu’il
rend extrêmement difficile et complexe le passage d’une loi. Tout se
passe comme si l’absence de loi et de gouvernement était préférable à
un mauvais gouvernement et à de mauvaises lois.
Cette constitution fut ratifiée par les législatures de tous les États
originels dès l’année 1788. Mais le texte fondamental alors approuvé
ne peut être considéré à lui seul comme l’héritage constitutionnel. Il
faut lui annexer les 27 amendements qui y furent apportés au cours des
années en raison d’un processus complexe de ratification, dont les 10
premiers, de 1789, constituent ce qu’on appelle la Charte des droits, le
Bill of Rights. Il faut encore ajouter les grands jugements interprétatifs
de la Cour suprême qui se sont imposés dès 1803 en raison de ce
qu’on appelle la judicial review, révision judiciaire ou contrôle de
constitutionnalité. Enfin, quelques lois fédérales ont aussi affecté la
structure de l’édifice constitutionnel.
Le fédéralisme
Le premier compromis réalisé par la Constitution fut celui du fédéralisme. Les treize États originels ne se sont pas tout à fait fondus dans le
pays dont le nom même rappelle leur existence. C’est un système fort
complexe qui a été mis sur pied et qui préserve une structure politique
considérable au niveau de chaque État et un partage de pouvoirs entre
ces États et le gouvernement central. Le rédacteur de la Déclaration
d’indépendance, Thomas Jefferson, s’est fait d’abord le champion des
pouvoirs des États, plus propices, selon lui, à l’exercice d’une véritable
Extrait de la publication
PRÉFACE s démocratie. Quand il devint président cependant, il a graduellement
évolué vers une forte affirmation du pouvoir central.
On peut dire du système fédéral américain qu’il s’est d’abord révélé
comme un système beaucoup plus décentralisé que celui du Canada.
Le pouvoir résiduel y est accordé aux composantes de la fédération
dont plusieurs s’étaient déjà donné ou se sont donné par la suite des
constitutions propres. Mais l’union fédérale américaine a évolué avec le
temps vers une plus forte centralisation. Après la guerre civile surtout,
et encore au moment de la reconnaissance des droits civiques pour les
minorités noires au cours des années 1950 et 1960, l’État fédéral s’est
imposé comme l’État national de tous les Américains. Ses incursions
dans des domaines de compétence des États sont beaucoup moins
contestées que ne le sont celles du gouvernement fédéral canadien.
Même si certains États se distinguent parmi d’autres en raison de
leurs traditions, il n’existe pas, aux États-Unis, de revendications
autonomistes comparables à celles de la province francophone du
Québec. En conséquence, en raison de la grande mobilité territoriale
et des fortes manifestations de nationalisme, l’allégeance nationale
est beaucoup plus forte aux États-Unis qu’au Canada. On va même
jusqu’à substituer au nom légal et fédéral du pays, The United States of
America, un nom plutôt usurpateur mais affecté d’une grande charge
affective : America.
Malgré tout, le fédéralisme est encore étonnamment vivant aux
États-Unis. Les Américains aiment les petites structures gouvernementales et régionales et entendent conserver un grand nombre de
pouvoirs aux États. Par exemple, comme on l’a vu au moment du
célèbre imbroglio électoral de l’automne 2000, c’est encore chacun
des États qui est responsable de l’organisation des élections à tous les
niveaux, même lorsqu’il s’agit d’élire un président pour tout le pays.
La complexité des institutions politiques de chaque État est tout à
fait déconcertante. Corbo nous révèle qu’il existe, aux États-Unis, plus
de 87 000 instances gouvernementales, dont la plupart sont soumises
au processus électoral.
Les médias et les groupes d’intérêt
Comme si le fédéralisme américain n’était pas assez complexe, il faut
encore tenir compte de ces acteurs politiques qui sont devenus avec
le temps incontournables et auxquels plusieurs assignent un pouvoir
s LES ÉTATS-UNIS D’AMÉRIQUE : LES INSTITUTIONS POLITIQUES
plus considérable que celui des acteurs officiels proprement dits. Déjà
à la fin du xixe siècle, les seuls médias imprimés étaient devenus assez
puissants et influents pour galvaniser l’opinion publique, pousser le
Congrès des États-Unis à déclarer la guerre à l’Espagne (1898) et jeter
les bases d’un impérialisme américain. Que dire de notre époque où les
médias électroniques se sont ajoutés à la presse écrite pour influer non
plus quotidiennement, mais d’heure en heure sur la population autant
par la désinformation que par l’information proprement dite ? Au pays
de l’entreprise privée, ces médias sont presque tous entre les mains
de grandes sociétés qui, le plus souvent, ne se gênent pas pour biaiser
l’information dans la ligne de leurs intérêts d’entreprise. Malgré tout,
en raison de la liberté fondamentale de la presse, de la compétition
et de la pression de leurs lecteurs, certains grands journaux et parfois
des réseaux de télévision et de radio fournissent une information de
qualité. Il arrive aussi que les médias américains, pour conformistes et
prudents qu’ils soient habituellement, se fassent assez agressifs pour
mordre sur le pouvoir, probablement plus qu’ailleurs. On a fait démissionner deux présidents au cours de la seconde moitié du xxe siècle !
Il faut signaler aussi un phénomène relativement peu connu de
la population canadienne. C’est celui de la télévision et de la radio
publiques aux États-Unis. On connaît mieux le réseau télévisuel PBS
(Public Broadcasting System) dans certains milieux instruits, mais on
connaît mal l’admirable réseau radiophonique NPR (National Public
Radio) qui est relayé par un nombre considérable de stations à travers
tout le pays et dont la qualité est inégalée au Canada. Ces deux chaînes
sont alimentées par une faible subvention fédérale et surtout par les
contributions individuelles de son auditoire passablement restreint en
comparaison de celui des grandes chaînes commerciales.
Les groupes d’intérêts agissent plus spécifiquement et plus directement sur tout le processus politique américain. Les États-Unis sont le
pays de l’individualisme, mais aussi celui des groupes. L’individu américain a horreur de la contrainte, surtout de celle d’une communauté
qui serait naturelle, imposée. Il se tourne par contre volontiers vers
une appartenance volontaire et conjoncturelle à de multiples groupes
qui tissent la trame de la société américaine. L’individu se défend
fort mal dans la machine américaine, en dépit de tous les mythes qui
célèbrent ses succès. Il fera valoir ses intérêts économiques ou autres,
ses croyances, ses préférences au sein des groupes qui exerceront
toutes sortes d’influences tant sur les législateurs américains que sur le
Extrait de la publication
PRÉFACE s pouvoir exécutif et la fonction publique. Ces groupes, pour la plupart
fort bien financés, sont devenus des bastions de pouvoir, au cœur du
système politique. Ils constituent avec les deux grands pouvoirs du
Congrès et de la présidence ce qu’on a appelé le triangle de fer de la
politique américaine. Si leur influence est considérable, leur nombre
et leur diversité sont tels qu’ils en viennent souvent à se neutraliser
mutuellement, du moins à voir leurs forces diminuées par des forces
rivales.
Les partis politiques
L’existence des partis politiques n’est pas prévue comme telle dans
la Constitution. Il n’y est fait aucune référence. On peut penser cependant que les Pères fondateurs prévoyaient déjà leur rôle. Déjà des
factions rivales s’étaient formées parmi eux. Tout naturellement, dès
les premières années de la république américaine, de grands courants
d’opinion se sont manifestés et, très tôt, sont apparus deux partis
politiques, en quelque sorte, une gauche et une droite. Le parti des fédéralistes a occupé le champ du conservatisme et de l’ordre établi bien
représenté par le premier secrétaire au Trésor, Alexander Hamilton.
Celui des républicains, bientôt républicains-démocrates, a été animé
d’abord par Thomas Jefferson, apôtre de la démocratie, favorable à la
Révolution française au cours de ses premières années. Andrew Jackson, en 1828, transforme le parti de Jefferson en Parti démocrate en
lui insufflant une forte touche populiste. Les fédéralistes cèdent leur
place aux républicains nationaux, aux whigs puis au Parti républicain
d’Abraham Lincoln, fondé en 1856.
Les partis politiques américains sont à la fois fort bien structurés
et peu disciplinés. Ils se manifestent et s’affirment à tous les niveaux
de l’appareil politique. Ils savent effectuer de grands rassemblements,
en particulier autour de candidats à la présidence et au moment de
leurs conventions quadriennales. Le système de division des pouvoirs
des États-Unis ne permet pas cependant la stricte discipline de partis
du système britannique. Ainsi un président ne commande pas nécessairement le vote de son parti au Congrès, comme le fait un premier
ministre au Canada auprès du Parlement. De plus, sans doute en
corrélation avec cette absence de discipline, la gamme idéologique est
très étendue au sein de chaque parti. Même si l’on convient de situer
le Parti démocrate à gauche du Parti républicain, on a pu parler de
Extrait de la publication
s LES ÉTATS-UNIS D’AMÉRIQUE : LES INSTITUTIONS POLITIQUES
démocrates fortement conservateurs, surtout ceux du Sud, jusqu’à
une époque récente. On a pu aussi considérer des républicains comme
« libéraux » (au sens américain de ce mot), une espèce cependant
de plus en plus rare. On a encore identifié des Reagan Democrats,
favorables au président républicain et des New Democrats qui, sous la
gouverne de Clinton, se rapprochaient d’un certain centre plus près des
républicains. En fait, on peut dire que l’indétermination idéologique
des grands partis américains a donné lieu à de multiples orientations
partisanes qui diversifient l’horizon politique américain en dépit de ce
qu’on appelle le bipartisme.
En raison des nécessités de la publicité et de l’organisation de plus
en plus complexe des campagnes électorales, le financement pèse de
plus en plus lourdement sur les partis, ce qui les rend évidemment
dépendants dans une bonne mesure des contributions privées qu’ils
reçoivent, même après les efforts récents pour encadrer et réglementer
ces contributions. Cette obligation du financement est sans doute l’un
des facteurs qui rend très difficiles la création et le maintien de tiers
partis aux États-Unis. Il faut tout de même noter que ces partis ont
été fort nombreux tout au long de l’histoire du pays. Elles ne sont pas
rares, les élections présidentielles où un tiers parti a agi comme un
trouble-fête. Ainsi, en 1992, le Parti réformiste du milliardaire Ross
Perot a reçu assez de votes (environ 20 %) pour contribuer à la victoire
de Bill Clinton sur George H. W. Bush. En 2000, les quelque 3 % de
votes recueillis par le Parti vert de Ralph Nader auraient fait gagner Al
Gore facilement s’ils avaient été en sa faveur.
Il demeure cependant que jamais un président n’a été élu sous
la bannière d’un tiers parti. Jamais non plus l’un de ces partis n’a
représenté une véritable force au Congrès. Cela est peut-être dû à la
complexité du processus électoral.
Le processus électoral
Dans peu de pays au monde les citoyens sont invités à voter aussi souvent et sur un aussi grand nombre de sujets. Les États-Unis sont fondés
sur un parti pris d’intervention citoyenne et surtout de contrôle du
pouvoir gouvernemental. Le « consentement des gouvernés » proclamé
dans la Déclaration d’indépendance doit donc se manifester à tous
les échelons politiques, dans ces quelque 87 000 structures gouverne-
Extrait de la publication
PRÉFACE s mentales américaines. Il en résulte un effet contraire de ce à quoi on
pouvait s’attendre. En définitive, les Américains sont moins nombreux
à voter que dans la plupart des autres démocraties. Pourquoi le taux
de participation est-il aussi faible, même pour l’élection présidentielle
où il dépasse rarement 60 % ? Sans doute pour plusieurs raisons. En
voici quelques-unes.
D’abord le sacro-saint principe de la liberté individuelle. La démarche électorale, aux États-Unis, doit être strictement personnelle.
Les listes électorales ne sont donc pas constituées à l’avance par des
fonctionnaires, mais par l’inscription volontaire de chaque électeur.
Chacun doit s’inscrire lui-même sur la liste en vue de pouvoir voter.
Ajoutez à cela nombre de restrictions imposées pendant longtemps
dans les États du Sud en vue de limiter le vote des citoyens de race
noire.
Le processus électoral est encore compliqué par le fait que chaque
État de l’Union établit ses propres règles. Il y a donc au moins cinquante façons de voter aux États-Unis. Cinquante façons d’organiser
les élections primaires qui doivent décider soit de l’investiture d’un
candidat, soit du choix des délégués à la Convention qui déterminera
ce candidat. Ces élections sont parfois restreintes aux membres d’un
parti, parfois ouvertes à tous les citoyens de la circonscription.
Enfin, au pays de la démocratie, une certaine réticence des Pères
fondateurs, due à la crainte de la mob democracy, la démocratie de
masse, les a amenés à encadrer les élections. On a voulu que le président ne soit pas élu par « nous le peuple » mais par de grands électeurs
désignés d’abord par les législatures des États, puis enfin, comme c’est
le cas aujourd’hui, par une majorité de la population dans chacun des
États. De même les membres de la Chambre haute, le Sénat, n’ont été
élus par le peuple que depuis moins de cent ans. Ils étaient autrefois
désignés par les assemblées de chaque État.
Cette démocratie tant célébrée par les dirigeants américains se
trouve donc diminuée par ce lourd processus qui place le citoyen
devant une quantité innombrable de choix tous les deux ans. On
pourrait peut-être aller jusqu’à dire que la limitation du pouvoir
importe davantage aux Américains que la participation des citoyens.
Cette limitation est assurée par le système de poids et contrepoids et
la stricte séparation des trois grands pouvoirs, celui du Congrès, celui
du président et le pouvoir judiciaire.
s LES ÉTATS-UNIS D’AMÉRIQUE : LES INSTITUTIONS POLITIQUES
Le Congrès
Le Congrès, de par ses deux Chambres, le Sénat et la Chambre des
représentants, constitue le pouvoir fondamental aux États-Unis. Souvenons-nous que cette institution est la première en date. C’est un
Congrès, dit continental, qui a d’abord déclaré l’indépendance du pays.
Les pouvoirs exécutif et judiciaire sont venus par la suite. Le Congrès
américain demeure seul dépositaire du pouvoir de faire des lois, de par
le premier article de la Constitution qui déclare d’emblée que « tous les
pouvoirs législatifs […] seront accordés à un Congrès des États-Unis ».
Toutes les lois du pays doivent donc passer par cette institution.
Toujours en raison de cette obsession de la limitation du pouvoir,
le Congrès lui-même est divisé en deux Chambres passablement
différentes l’une de l’autre. L’une est composée d’élus qui représentent
l’ensemble d’un État tandis que l’autre représente des circonscriptions
locales définies au prorata de la population. Les 50 sénateurs (à raison
de deux par État) sont élus pour six ans, dont le tiers tous les deux
ans, les 435 représentants pour deux ans. Ces derniers sont toutefois
susceptibles de siéger pendant de nombreuses années en vertu de
machines électorales locales à toute épreuve. Le rôle particulier de
chacune des Chambres est défini par la Constitution. Le Sénat est
responsable de la surveillance étroite des institutions de la présidence,
tout particulièrement de la ratification des traités et des nominations
importantes du président. La Chambre est d’abord responsable de
l’élaboration du budget. Les deux Chambres ont la prérogative de
déclarer la guerre, de lever et d’entretenir des forces armées.
Les leaders de chaque Chambre exercent une grande influence et
un certain contrôle sur les membres de leurs partis respectifs ; mais,
en raison de la faible discipline des partis, le vote des membres n’est
généralement pas prévisible. Il en résulte de constantes manœuvres
d’échange de bons services entre les législateurs (give and take) et un
jeu incessant d’influences de toutes sortes, des lobbies, de l’exécutif
et de l’ensemble des électeurs. De plus, sénateurs et représentants
jouissent d’un abondant personnel de recherche et ont l’occasion
de se spécialiser sur certaines questions, par leur participation aux
commissions permanentes.
Une loi ne peut être sanctionnée par le président que si elle a
parcouru le cheminement complexe qui conduit à l’approbation du
Congrès : dépôt dans chacune des deux Chambres, étude élaborée dans
PRÉFACE s des commissions, possibilité d’amendements, vote de l’ensemble de la
Chambre et finalement conciliation des deux formulations par une
commission conjointe. Enfin, si le président peut opposer son veto
à une loi, le Congrès peut le renverser par un vote des deux tiers de
chacune des deux Chambres. On verra en détail au chapitre 6 toutes
les périlleuses étapes du passage d’une loi.
La présidence
Le pouvoir du président est donc passablement limité par celui du
Congrès, mais il n’en demeure pas moins considérable, de par ses prérogatives et de par le prestige de la personne qui occupe cette fonction
suprême. On a dit du président des États-Unis qu’il était un roi élu.
On peut penser en effet que les Pères fondateurs songeaient au pouvoir royal britannique en instituant la fonction de premier magistrat,
puisque c’était l’exemple par excellence du pouvoir exécutif qu’ils
avaient sous les yeux. Obsédés qu’ils étaient par les méfaits du pouvoir
arbitraire de George III, ils ont sans doute voulu encadrer le pouvoir
présidentiel, mais ils ont aussi voulu lui donner tout le prestige qui
entourait la royauté de même que sa capacité d’agir d’une manière
efficace. En fait, le président est devenu plus puissant que le souverain
britannique, puisqu’il est doté à la fois de l’autorité morale de la monarchie et des pouvoirs du premier ministre.
Le président est le chef de l’État et le détenteur du pouvoir exécutif, il
est commandant en chef des forces armées, il a le pouvoir de sanctionner les lois, sous réserve du renversement de son veto par les deux tiers
de la Chambre. Même si le pouvoir législatif est réservé au Congrès, le
président n’en est pas moins un législateur à sa façon, puisqu’il est en
mesure de proposer des lois aux Chambres et qu’il dispose de multiples
moyens de persuader les législatures d’entériner ses projets.
Bien qu’il soit susceptible d’être soumis à une procédure de destitution, le président jouit d’un prestige beaucoup plus grand que celui des
chefs de gouvernement dans notre système. Le président n’est pas qu’un
personnage politique qui a atteint le faîte du pouvoir. Il est auréolé par
sa fonction de chef d’État, de premier magistrat, de représentant de la
nation. Il est certes exposé à de nombreuses critiques, mais il jouit en
même temps d’un ascendant tout à fait particulier. Contrairement au
premier ministre dans notre système parlementaire, il n’est pas soumis
à quelque processus de reddition des comptes auprès du Congrès. C’est
Extrait de la publication
s LES ÉTATS-UNIS D’AMÉRIQUE : LES INSTITUTIONS POLITIQUES
lui qui prend l’initiative de rassembler les deux Chambres pour leur
soumettre ses politiques, au début de chaque année, dans un discours
sur l’état de l’Union et en d’autres moments selon son bon vouloir.
La fonction la plus importante du président, hors des périodes
de crise qui ont été nombreuses au cours des cent dernières années,
est probablement celle de persuader, voire de manipuler les leaders
du Congrès en vue de leur faire accepter son budget et les diverses
mesures dont il entend marquer son mandat. Il dispose, pour ce faire,
de multiples moyens d’apprivoiser et de récompenser les législateurs.
Surtout s’il jouit d’une grande popularité dans l’opinion publique, il
jouit toujours de la capacité de s’adresser directement à la population
qui retransmet le message à ses commettants. Avec les moyens de
communication modernes, ce pouvoir du président en est considérablement renforcé. Nul autre que le président ne peut invoquer aussi
péremptoirement les intérêts supérieurs de la nation.
Enfin, cela sera illustré abondamment au chapitre 7, le président
dispose d’énormes instruments, d’un appareil exécutif complexe qui
lui est, en principe, tout à fait soumis. Rappelons que le pouvoir exécutif américain n’est pas collectif comme c’est le cas dans notre système
de Conseil de ministres, mais bien personnel. Tous les membres du
Cabinet américain, de même que tous les membres de la fonction
publique dépendent du bon vouloir du chef du gouvernement.
Le pouvoir judiciaire
Il n’en va pas de même des juges qui constituent le troisième pouvoir
dans le système politique américain. Ceux qui siègent aux cours les
plus élevées, Cour suprême, Cours d’appel, sont sans doute nommés
par le président ; et cela n’est pas sans conséquence. Car ces institutions
sont souvent marquées par les principes propres à un président donné.
Mais les juges sont nommés à vie et exercent généralement leur fonction indépendamment du pouvoir exécutif. De plus, leur nomination
est beaucoup moins arbitraire que ce n’est le cas au Canada, où le seul
bon vouloir du premier ministre est en cause. La nomination des juges
des Cours fédérales est soumise au processus de ratification du Sénat
et il arrive fréquemment qu’un président doive retirer ses candidats en
raison de fortes oppositions de la part des législateurs.
C’est la Cour suprême, tout particulièrement, qui est détentrice
d’un véritable pouvoir qui fait contrepoids à celui du législatif et
de l’exécutif. En effet, depuis le fameux arrêt Marbury c. Madison
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PRÉFACE s de 1803, s’est institué et s’est avéré, de par l’initiative du juge en
chef John Marshall, le pouvoir de révision judiciaire ou contrôle de
constitutionnalité (judicial review). En raison de ce contrôle, les juges
deviennent de véritables législateurs dans la mesure où ils révoquent
des lois en les déclarant non conformes à la Constitution et vont même
jusqu’à proposer des lois d’application des principes constitutionnels.
Ils peuvent aussi agir sur le pouvoir exécutif en l’enjoignant de se
conformer à la Constitution.
Claude Corbo fait état, dans le chapitre 8, de deux grandes tendances
qui ont marqué le rôle de la Cour suprême. Une tendance passive selon
laquelle la Cour se contente de son rôle strict d’interprétation de la loi,
en se gardant de toute ingérence politique et en prenant soin que ses
jugements ne contribuent pas à modifier le cours normal de l’exercice
du pouvoir politique. La tendance active a au contraire caractérisé les
jugements de la Cour suprême durant certaines périodes, dont la plus
récente. Les juges ont alors fortement contribué à orienter l’évolution
sociopolitique des États-Unis, par exemple en décrétant les droits des
minorités raciales et la liberté de choix en ce qui a trait à l’avortement
(Roe c. Wade, 1973). Ces dernières années, la Cour suprême des
États-Unis est devenue résolument conservatrice et le fait sentir dans
ses jugements.
Le lecteur trouvera donc dans les pages qui suivent une multitude
de réponses à ses questions. Il n’y trouvera cependant que fort peu de
jugements de valeur. L’auteur de cet ouvrage a voulu seulement fournir
toute la matière nécessaire à ces jugements, tout particulièrement à
ceux qui concernent les avantages et les désavantages du système américain. Ce dernier est comparé fréquemment au système britannique
qui est le nôtre, laissant toujours au lecteur le soin de tirer ses propres
conclusions.
Les paradoxes de la puissance américaine ne s’en trouveront sûrement pas tous résolus. On peut tout de même compter que ce livre
contribuera à mieux en saisir les multiples dimensions et à mieux
comprendre les fascinantes péripéties de la politique américaine.
Louis Balthazar
Président,
Observatoire sur les États-Unis,
Chaire Raoul-Dandurand,
Université du Québec à Montréal
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cette nouvelle édition est
composée en minion corps 10,5
selon une maquette réalisée par pierre-louis cauchon
et achevé d’imprimer en août 2007
sur les presses de l’imprimerie marquis
à cap-saint-ignace, québec
pour le compte de gilles herman
éditeur à l’enseigne du septentrion
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