le paradis chretien par rapport aux visions des autres religions

LE PARADIS CHRETIEN
PAR RAPPORT AUX VISIONS
DES AUTRES RELIGIONS
Etre avec le Christ
"La vie est une course au bonheur" a écrit Stendhal. Or, l'homme a le redoutable pouvoir de
mettre son bonheur là où il lui plaît de le mettre. "Rien d'autre ne peut satisfaire le coeur de l'homme que
le bien universel, bien qui ne se trouvealisé en aucune créature, mais seulement en Dieu", nous prévient
saint Thomas d'Aquin. C'est pour cela qu'en nous révélant le Mystère de Dieu et le "Don de Dieu"
(Jn 6), le Christ a révélé à l'homme les profondeurs du coeur de l'homme et la portée de ses
aspirations. "Ce que l'oeil n'a pas vu, ce que l'oreille n'a pas entendu, ce qui n'est pas monté au coeur de
l'homme, [voilà] ce que Dieu a préparé pour ceux qui l'aiment" (1 Co 2 9).
L'Ecriture utilise cependant des images pour nous parler de la Vie éternelle : la vie, bien
sûr, la lumière, le Paradis, le vin du Royaume, la paix, les noces, la Cité céleste, la soif étanchée qui
ne connaît pas de satiété. Plus profondément, l'Ecriture dit que nous serons plongés en Dieu, "nous le
verrons tel qu'il est" (1 Jn 3 2), nous le verrons "face à face" (1 Co 13 12). Vivre au Ciel, en un mot, c'est
être avec le Christ : "En vérité, je te le dis, aujourd'hui tu seras avec moi dans le Paradis", a dit au Bon
Larron le Christ en croix (Le 23 43). Et vivre avec le Christ, c'est contempler Dieu et en être
bienheureux -"vision béatifique" ; c'est la participation à la connaissance que le Fils a du Père dans
l'amour de l’Esprit-Saint ; c'est l'entrée en participation de la Gloire divine ; et la gloire de notre âme
rejaillira alors sur notre propre corps - car nous sommes âme et corps - quand nous ressusciterons
"avec le Christ" (Col 3 1). Le Catéchisme de l'Eglise catholique s'exprime ainsi :
"Par sa mort et sa Résurrection Jésus-Christ nous a "ouvert" le ciel. La vie des
bienheureux consiste dans la possession en plénitude des fruits de la rédemption opérée
par le Christ qui associe à sa glorification céleste ceux qui ont cru en Lui et qui sont
demeurés fidèles à sa volonté. Le ciel est la communauté bienheureuse de tous ceux qui
sont parfaitement incorporés à Lui" (n° 1026).
Il convient d'abord de dissiper quelques idées fausses que l'on nourrit parfois sur la notion
de "Paradis". Le Ciel n'est pas la projection de nos envies terrestres, bonnes ou mauvaises ; ce n'est
pas un lieu où tout est possible, et encore moins un lieu où tout est permis. Par ailleurs, le rechercher
n'est pas une évasion ni une fuite des réalités terrestres : sainte Thérèse de l'Enfant-Jésus ne
déclarait- elle pas vouloir "passer son Ciel à faire du bien sur la terre " ? Et le Ciel n'est pas une sorte de
compensation dont le croyant imaginerait qu'elle lui viendrait en échange de ses privations
terrestres, volontaires ou subies. Il n'incite pas non plus à la seule résignation ici-bas. Non ! Car le
Royaume doit commencer par s'établir sur la terre : "Que votre Règne arrive sur la terre comme au
Ciel", demande le Pater. Le Ciel commence donc sur la terre. Et pourtant, "Mon royaume n'est pas de
ce monde", a dit le Christ à Pilate (Jn 18 30) : il ne s'agit pas d'une réalité exclusivement terrestre.
Enfin, la vie éternelle n'est pas non plus la simple survie d'un esprit qui, de lui-même,
durerait toujours : c'est beaucoup plus. Certes, l'âme humaine est immortelle, et c'est la condition
nécessaire de la résurrection et de la béatitude éternelle ; mais si elle a été créée telle, c'est en vue
d'un bonheur qui n'est pas à sa portée et qui la dépasse, qui est un pur don de Dieu.
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Nombre de traditions religieuses sont empreintes de ces erreurs ou insuffisances au sujet
de notre destinée après la mort. L'Islam, certes, à la suite du judaïsme et plus encore du
christianisme, a une doctrine assez ferme concernant le Jugement et les fins dernières. On lit
cependant dans le Coran la description matérielle, voire charnelle, d'une béatitude à venir : le
paradis sera "un beau lieu de bosquets, où les élus se reposeront sur des tapis dont la doublure sera du
brocart", et bien d'autres choses encore ! Au dire des Musulmans eux-mêmes, ces textes ne sont pas
à prendre à la lettre. La vision de Dieu elle-même n'est pas clairement affirmée par le Coran ; elle
est discutée par les penseurs musulmans. Le Paradis des élus est donc proposé par l'Islam comme
"un ensemble de jouissances créées, que vient couronner, suprême faveur de surcroît, la vision directe de
Dieu, vision intermittente et non transformante" (L. GARDET).
Une croyance fort ancienne et largement répandue de nos jours est celle de la réincarnation
et de la métempsycose ; elle est même admise par certains qui se disent encore "catholiques" ! Elle
est cependant philosophiquement contradictoire, et surtout contraire à la Révélation. "Les hommes
ne meurent qu'une fois, après quoi il y a un jugement", dit l’Epître aux Hébreux (9 27).
L'homme est une créature que Dieu a voulue faite d'une âme et d'un corps : ce corps n'est
donc pas une prison pour l'âme ; après la mort il reste au contraire destiné à être uni de nouveau à
l'âme. Plus encore, le Christ, Alpha et Oméga, est la fin de tout homme : nous n'avons pas d'autre but
que de rejoindre le Christ, "qui est assis à la droite du Père". Pour un chrétien, la vie a un terme, elle a
quelque chose de sérieux : elle nous sert à préparer notre éternité. Si nous ratons cette vie, nous ne
pourrons pas la recommencer. La vie éternelle sera donc une récompense. Pourtant elle restera
toujours un don absolument gratuit de Dieu. Elle n'est pas acquise par le seul labeur de l'homme et
par une suite de purifications croissantes au cours de réincarnations diverses. Il faut être très pur
pour voir Dieu, c'est vrai ; mais la "purification par le feu", c'est Dieu qui l'accomplit dans l'âme :
c'est un dogme de l'Eglise, celui du Purgatoire.
Si dans un Occident pénétré de l'idée chrétienne de progrès, une réincarnation de l'âme
paraît être une nouvelle chance, dans les religions orientales elle apparaît comme une épreuve à
laquelle il faut échapper. Dans l'hindouisme, l'âme y tend en se débarrassant de l'illusion d'être un
"je" particulier, doté de qualités uniques et de caractéristiques individuelles. Il s'agit de se réveiller
du rêve qu'est le monde, domaine de l'illusion et de l'ignorance. Quand l'âme découvre la vérité, elle
est "comme la rivière qui rejoint la mer et s'y plonge sans limite". C'est l'illumination, la béatitude.
A la différence de l'hindouisme, le bouddhisme ne donne aucune consistance à l'âme elle
est semblable "à la flamme d'une bougie qui s'éteint et renaît". Les bouddhistes tiennent moins
encore que les hindouistes à la personnalité. Leur "immortalité" ou "délivrance de la
transmigration" ou "rafraîchissement" (nirvana) n'est pas exactement le néant, mais c'est encore
moins une existence béatifique. On est donc très loin de la Révélation :
"Vivre au Ciel, c'est "être avec le Christ". Les élus vivent "en Lui", mais ils y gardent,
mieux, ils y trouvent leur vraie identité, leur propre nom" (Catéchisme de l'Eglise
catholique, n° 1025).
D'une manière générale, nos contemporains "sont devenus presque insensibles aux fins
dernières", remarque le Saint-Père dans son livre Entrez dans l'Espérance :
"D'un côté, cette insensibilité est favorisée par ce qu'on appelle sécularisation et
sécularisme, avec la course à la consommation qui en découle, orientée vers la jouissance
immédiate des biens de ce monde. D'un autre côté, les enfers temporels que notre siècle
finissant nous a imposés, ont, à leur manière, contribué à légitimer cette insensibilité".
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Les philosophies matérialistes, le marxisme avec son messianisme politique, ont inculqué
la perspective d'un paradis temporel. La société de consommation et son impuissance à donner des
raisons de vivre orientent vers des paradis artificiels, tels que la drogue. D'une façon différente, le
Nouvel Age promet un âge où il n'y aurait plus de place pour les pleurs, les souffrances, le remords, le
péché ; là encore, ce paradis, l'homme est censé pouvoir l'atteindre grâce à ses propres forces.
A l'opposé, certaines sectes, telles que les Témoins de Jéhovah, exaltent une eschatologie
radicale. Sans doute faut-il mettre en cause la responsabilité de certains chrétiens qui n'osent plus
parler du Ciel, et moins encore "menacer de l'Enfer". Ils devraient bien replacer leurs méditations
sur la destinée humaine dans le cadre "cosmique" qui est celui du Nouveau Testament :
"Le renouvellement du monde est irrévocablement acquis et, en toute réalité, anticipé dès
maintenant : en effet, déjà sur la terre l'Eglise est parée d'une sainteté encore imparfaite
mais véritable. Cependant, jusqu'à l'heure où seront réalisés les nouveaux cieux et la
nouvelle terre, où la justice habite, l'Eglise en pèlerinage porte dans ses sacrements et ses
institutions, qui relèvent du temps, la figure du siècle qui passe ; elle vit elle-même parmi
les créatures qui gémissent présentement encore dans les douleurs de l'enfantement et
attendent la manifestation des fils de Dieu" (Lumen Gentium, n° 48).
On peut résumer en trois points les traits majeurs de la foi chrétienne à la Vie éternelle :
celle-ci est d'abord l'épanouissement d'une relation qui se noue au baptême entre l'homme et les
Trois Personnes divines ; ensuite son Espérance a un caractère "global" : ce qui est sauvé, c'est
l'homme tout entier. Enfin, le dialogue éternel avec Dieu, en lequel elle consiste, se réalise dans la
communion des Saints, dans le Corps du Christ.
Et vitam venturi saeculi. Amen
Je crois à la vie éternelle. Ainsi soit-il.
"L'importance de ce dernier article du Symbole baptismal n'échappe à personne", dit une Note de
la Congrégation de la Doctrine de la Foi "sur la vie éternelle et l'au-delà", du 17 mai 1979 :
"Il exprime le terme et le but du dessein de Dieu dont le symbole trace le déroulement. S'il
n'y a pas de Résurrection, tout l'édifice de la foi s'effondre, comme le dit si vigoureusement
saint Paul (1 Co 15). Si le chrétien ne peut plus donner aux mots "vie éternelle" un
contenu certain, les promesses de l'Evangile, le sens de la création et de la Rédemption
s'évanouissent, la vie présente elle- même est privée de toute espérance (Cf. He 11 1)".
ABBAYE NOTRE-DAME DE RANDOL
Bibliographie
R.P. Louis-Marie de BLIGNIERES : Les fins dernières, 1994, Editions D. Martin Morin.
Mgr SCHONBORN : La Vie éternelle, Mame, 1992.
Cardinal RATZINGER : L'au-delà, Fayard, 1980.
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