Nombre de traditions religieuses sont empreintes de ces erreurs ou insuffisances au sujet
de notre destinée après la mort. L'Islam, certes, à la suite du judaïsme et plus encore du
christianisme, a une doctrine assez ferme concernant le Jugement et les fins dernières. On lit
cependant dans le Coran la description matérielle, voire charnelle, d'une béatitude à venir : le
paradis sera "un beau lieu de bosquets, où les élus se reposeront sur des tapis dont la doublure sera du
brocart", et bien d'autres choses encore ! Au dire des Musulmans eux-mêmes, ces textes ne sont pas
à prendre à la lettre. La vision de Dieu elle-même n'est pas clairement affirmée par le Coran ; elle
est discutée par les penseurs musulmans. Le Paradis des élus est donc proposé par l'Islam comme
"un ensemble de jouissances créées, que vient couronner, suprême faveur de surcroît, la vision directe de
Dieu, vision intermittente et non transformante" (L. GARDET).
Une croyance fort ancienne et largement répandue de nos jours est celle de la réincarnation
et de la métempsycose ; elle est même admise par certains qui se disent encore "catholiques" ! Elle
est cependant philosophiquement contradictoire, et surtout contraire à la Révélation. "Les hommes
ne meurent qu'une fois, après quoi il y a un jugement", dit l’Epître aux Hébreux (9 27).
L'homme est une créature que Dieu a voulue faite d'une âme et d'un corps : ce corps n'est
donc pas une prison pour l'âme ; après la mort il reste au contraire destiné à être uni de nouveau à
l'âme. Plus encore, le Christ, Alpha et Oméga, est la fin de tout homme : nous n'avons pas d'autre but
que de rejoindre le Christ, "qui est assis à la droite du Père". Pour un chrétien, la vie a un terme, elle a
quelque chose de sérieux : elle nous sert à préparer notre éternité. Si nous ratons cette vie, nous ne
pourrons pas la recommencer. La vie éternelle sera donc une récompense. Pourtant elle restera
toujours un don absolument gratuit de Dieu. Elle n'est pas acquise par le seul labeur de l'homme et
par une suite de purifications croissantes au cours de réincarnations diverses. Il faut être très pur
pour voir Dieu, c'est vrai ; mais la "purification par le feu", c'est Dieu qui l'accomplit dans l'âme :
c'est un dogme de l'Eglise, celui du Purgatoire.
Si dans un Occident pénétré de l'idée chrétienne de progrès, une réincarnation de l'âme
paraît être une nouvelle chance, dans les religions orientales elle apparaît comme une épreuve à
laquelle il faut échapper. Dans l'hindouisme, l'âme y tend en se débarrassant de l'illusion d'être un
"je" particulier, doté de qualités uniques et de caractéristiques individuelles. Il s'agit de se réveiller
du rêve qu'est le monde, domaine de l'illusion et de l'ignorance. Quand l'âme découvre la vérité, elle
est "comme la rivière qui rejoint la mer et s'y plonge sans limite". C'est l'illumination, la béatitude.
A la différence de l'hindouisme, le bouddhisme ne donne aucune consistance à l'âme elle
est semblable "à la flamme d'une bougie qui s'éteint et renaît". Les bouddhistes tiennent moins
encore que les hindouistes à la personnalité. Leur "immortalité" ou "délivrance de la
transmigration" ou "rafraîchissement" (nirvana) n'est pas exactement le néant, mais c'est encore
moins une existence béatifique. On est donc très loin de la Révélation :
"Vivre au Ciel, c'est "être avec le Christ". Les élus vivent "en Lui", mais ils y gardent,
mieux, ils y trouvent leur vraie identité, leur propre nom" (Catéchisme de l'Eglise
catholique, n° 1025).
D'une manière générale, nos contemporains "sont devenus presque insensibles aux fins
dernières", remarque le Saint-Père dans son livre Entrez dans l'Espérance :
"D'un côté, cette insensibilité est favorisée par ce qu'on appelle sécularisation et
sécularisme, avec la course à la consommation qui en découle, orientée vers la jouissance
immédiate des biens de ce monde. D'un autre côté, les enfers temporels que notre siècle
finissant nous a imposés, ont, à leur manière, contribué à légitimer cette insensibilité".
Association Notre Dame de Chrétienté