La Lettre du Cardiologue - n° 371 - janvier 2004
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Le contrôle de la pression artérielle
et de la protéinurie
Le contrôle optimal de la PA est une mesure fondamentale pour
réduire la pression de filtration glomérulaire, la protéinurie, et
diminuer de ce fait le niveau de risque cardiovasculaire, très élevé
chez ces patients (10, 14, 24). L’étude MDRD (Modification of
Diet In Renal Disease Study Group) a ainsi permis d’identifier
les seuils optimaux à atteindre chez l’hypertendu protéinurique
à partir d’une population de 840 patients en IRC sur un suivi
moyen de 2,2 ans. Cette étude a montré que les objectifs ten-
sionnels devaient être modulés en fonction de l’importance de la
protéinurie avec une cible thérapeutique < 130/85 mmHg pour
une protéinurie < 0,25 g/jour, < 130/80 mmHg pour une protéi-
nurie comprise entre 0,25 et 1 g/jour et < 125/75 mmHg pour
une protéinurie > 1 g/jour (25). Ces objectifs tensionnels ont été
repris par l’ANAES. En présence d’une atteinte rénale, l’objec-
tif tensionnel sera plus strict, avec une PA < 130/85 mmHg et
< 125/75 mmHg si la protéinurie est > 1 g/24 h (10). Le JNC VII
préconise des chiffres de PA < 140/80 mmHg (14). Cette cible
n’est souvent obtenue qu’au prix d’une polythérapie antihyper-
tensive, qui doit être instaurée rapidement et comporter au mini-
mum un diurétique et un agent bloqueur du système rénine-angio-
tensine (14).
En effet, tous les antihypertenseurs n’ont pas une efficacité équi-
valente sur la protection néphronique.
✓Les inhibiteurs de l’enzyme de conversion ont un effet
néphroprotecteur démontré chez l’hypertendu diabétique et non
diabétique, indépendamment de leur effet tensionnel (14, 26-29).
Ils ralentissent l’évolution des néphropathies, protéinuriques ou
non, et ils diminuent de façon significative l’incidence de l’in-
suffisance rénale terminale [études REIN et AIPRI] (26, 30, 31).
L’effet néphroprotecteur des IEC s’explique par la diminution de
l’hyperfiltration glomérulaire et par l’inhibition de la synthèse
d’angiotensine II et d’aldostérone. La réduction de la protéinu-
rie apparaît parfois au-delà de 2 à 3 mois de traitement. Elle n’est
pas liée à la dose utilisée, et elle augmente avec la durée du trai-
tement (30-33). Le bénéfice néphroprotecteur des IEC est d’au-
tant plus important que ceux ci sont prescrits précocement dans
l’évolution de la néphropathie (30). L’instauration d’un traite-
ment par un IEC chez l’insuffisant rénal nécessite une surveillance
régulière de la créatininémie et de la kaliémie, surtout dans les
situations d’aggravation intercurrente d’hypoperfusion rénale.
✓Les antagonistes des récepteurs de l’angiotensine II ont un
effet néphroprotecteur démontré dans la néphropathie du diabète
de type 2 [étude RENAAL avec le losartan (34) ; étude IDNT et
IRMA-2 avec l’irbésartan (34-36)]. Ils doivent bénéficier des
mêmes précautions d’emploi que les IEC chez l’insuffisant rénal
(14). L’association des ARA II aux IEC est synergique sur le débit
de la protéinurie aussi bien dans la néphropathie diabétique que
non diabétique ; elle est recommandée en deuxième intention
quand le débit de protéinurie reste supérieur à 1 g/24 h sous IEC,
en l’absence d’hyperkaliémie et sous stricte surveillance biolo-
gique (32).
✓L’association IEC et/ou ARAII et inhibiteur calcique est
potentiellement intéressante sur la réduction de la pression d’ul-
trafiltration et le débit de protéinurie lorsque l’HTA et/ou la pro-
téinurie ne sont pas suffisamment contrôlées (27, 32). Il s’agit
plutôt d’une association de deuxième intention lorsque le patient
présente déjà une kaliémie haute (≥5 meq/l) sous IEC ou ARA II
(32).
Une augmentation de la créatininémie de 10 à 15 % est fré-
quemment observée lors de l’introduction des agents bloqueurs
du système rénine-angiotensine, mais elle n’impose pas leur arrêt
(10). Une élévation jusqu’à 35 % des valeurs de créatinine
de base est même autorisée avec ces médicaments en l’absence
d’hyperkaliémie (14). Il faut donc prévoir un dosage de la créa-
tininémie et de la kaliémie 8 jours après l’instauration d’un inhi-
biteur du système rénine-angiotensine. En cas de majoration de
la créatininémie sous traitement, il faut savoir éliminer une patho-
logie vasculo-rénale sous-jacente en l’absence d’autre facteur
intercurrent.
✓Les diurétiques sont indispensables dans l’association anti-
hypertensive, car il s’agit d’une hypertension volo-dépendante,
sensible au sel. Les diurétiques hyperkaliémiants (spironolactone,
amiloride, triamtérène) sont contre indiqués si la kaliémie est
≥5 mmol/l ou si la créatininémie est ≥200 µmol/l. Les diuré-
tiques de l’anse, à fortes doses, sont préconisés dès que la créa-
tinine plasmatique dépasse 221-265 µmol/l, soit une clairance de
la créatinine inférieure à 30 ml/mn pour 1,73 m2(14).
La correction des facteurs de risque cardiovasculaire
Le contrôle du LDL-cholestérol (LDLc) est une autre cible essen-
tielle du risque cardiovasculaire et un objectif secondaire de la
protection néphronique (17, 37). La diminution du risque car-
diovasculaire obtenue par certains traitements hypolipémiants
dépend étroitement du niveau de risque des patients traités. Le
bénéfice du traitement est d’autant plus important que le risque
cardiovasculaire de ces patients est élevé. Ainsi, le risque car-
diovasculaire des patients hypertendus ayant une atteinte rénale
est comparable à celui de patients se trouvant en situation de pré-
vention secondaire d’infarctus du myocarde.
Les statines permettraient de diminuer la protéinurie et de pré-
server le DFG chez les patients en IRC (17). Le traitement hypo-
lipémiant doit être instauré dès que le LDLc dépasse 1,30 g/l pour
une cible thérapeutique < 1 g/l, en privilégiant la classe des sta-
tines (10, 37). La notion de seuil d’intervention thérapeutique
risque toutefois d’être remise en question dans les prochaines
recommandations, avec la publication de la Heart Protection
Study (38). Cette étude, dont le suivi moyen était de 5,3 ans, repré-
sente une avancée majeure pour la prévention du risque cardio-
vasculaire. Dans une cohorte de plus de 20 000 patients hyper-
tendus ou non à haut risque cardiovasculaire et chez qui le LDLc
était < 1,16 g/l, la simvastatine (40 mg) a permis de réduire le
risque d’événements vasculaires majeurs et d’événements coro-
naires majeurs de 25 %, en diminuant le LDLc de 0,39 g/l, de
réduire la mortalité totale de 13 %, en relation essentiellement
avec une réduction de la mortalité coronarienne de 18 %. La sim-
vastatine a reçu l’AMM pour la prévention des complications car-
diovasculaire pour ces patients à haut risque, notamment les insuf-
fisants rénaux, a fortiori s’ils sont hypertendus et diabétiques, et
ce indépendamment du taux de LDL-cholestérol. La normalisa-
tion du bilan lipidique n’est pas toujours possible, notamment en
cas de syndrome néphrotique associé. La surveillance des
enzymes musculaires est particulièrement importante chez l’in-
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