fiche technique n° 6
FICHE À DÉTACHER
108 | La Lettre du Pharmacologue • Vol. 29 - n° 3 - juillet-août-septembre 2015
intervalle de temps, en d’autres termes, la probabilité d’être
vivant en fin d’intervalle si on l’était en début. Il s’agit alors de
calculer le nombre de patients présentant l’événement sur cet
intervalle divisé par le nombre de patients exposés au risque
d’événement sur ce même intervalle. Ainsi, le dénominateur
évolue au cours du temps puisqu’un patient perdu de vue ne
fait plus partie des patients exposés, et qu’un patient décédé
est exclu également des patients encore exposés. La survie
globale (SG) est le produit des différentes probabilités de
chaque intervalle.
Nous présentons dans
l’encadré2
la méthode de Kaplan-Meier
(la différence avec la méthode actuarielle réside dans le choix
del’intervalle). La méthode consiste à réaliser une estimation
dela probabilité d’événement à chaque fois qu’un événement
seproduit. Cette méthode sous-entend que l’événement se
produit bien à la date enregistrée. Si le moment exact d’appa-
rition de l’événement est incertain, et que seule la période de
temps est connue, la méthode actuarielle est plus adéquate :
elle consiste à estimer la probabilité de survie par intervalle
de temps fixé apriori, et à considérer les événements comme
apparaissant en milieu d’intervalle.
La validité de l’estimation de la fonction de survie dépend des
censures liées à un suivi incomplet, avant la date de point :
patients perdus de vue, refus de la visite, de l’examen, ou
ayant présenté un autre événement compétitif. Lepronostic de
ces patients est supposé être le même que celui des patients
évaluables restant dans la cohorte. Cette hypothèse paraît
correcte si les raisons qui expliquent que les patients sont
perdus de vue sont indépendantes de la pathologie (déména-
gement, par exemple), mais incorrecte si le patient est perdu
de vue du fait d’un événement compétitif, comme un décès
d'une autre cause, puisque l’on censure un patient à risque,
en tout cas plus à risque qu’un patient qui a déménagé…
(encadré1, p. 107)
.
Conclusion
L’estimation de la courbe de survie est un outil statistique
puissant qui permet d’exploiter l’ensemble de l’information
apportée par la dynamique de survenue des décès au cours du
temps. L’outil d’estimation permet aussi d’exploiter au maximum
le suivi incomplet (censure). Mais, point fondamental, toutes
les censures non liées à la fin du suivi (comme les perdus
de vue) sont susceptibles de biaiser l’estimation de la courbe
de survie (par un biais d’attrition). Il convient donc de bien
documenter les 2types de censure :
censored, follow-up ongoing
et
censored, follow-up ended
. La méthode statistique d’esti-
mation des courbes de survie prend en compte les censures, mais
ne corrige absolument pas le biais qu’elles peuvent engendrer
si elles ne sont pas uniquement liées à la fin du suivi. ■
➤
Soit une cohorte de 100 patients ayant une EP,
l’objectif est d’estimer le risque d’EP fatale à 2 ans.
Quelle que soit la date d’inclusion sur le calendrier,
le jour de l’inclusion a été noté J1 pour tous les
patients et le suivi a été compté en jours. Zoomons
sur les 3 premiers mois, on a enregistré 4 EP fatales
dans cette population très à risque : 1 patient 2 jours
après son EP initiale (J2), 2 à J5 et 1 à J25. De plus,
4 patients sont perdus de vue à J10, J12, J12 et J25.
Enfin, 2 patients sont décédés d’une insuffisance
cardiaque (J3) et d’un cancer (J66).
➤
Pour les calculs de survie, il s’agit d’abord d’établir
les intervalles de temps correspondant aux événements
et censures ci-dessous
(tableau)
, soit J2, J3, J5, J10,
J12, J25 et J66 (colonne ❶) et de remplir l’état des
patients (colonnes
❸
). Bien sûr, au fil de survenue des
événements et censures, nous observons une attrition
de la cohorte (colonne
❷
), le nombre de patients à
risque, appelé nombre de patients exposés, diminuant
au cours du temps. La survie sans EP fatale, intervalle
par intervalle, correspond à la colonne
❹
. La fonc-
tion de survie S(t) consiste à multiplier ces probabi-
lités intantanées temps par temps avec S(t)=S(t-1)xP(t)
[colonne ❺]. La courbe de survie par définition
retrace la probabilité de survie au cours du temps,
mais on peut tout aussi bien représenter la rétro fonction
(colonne ❻). Tout dépend du critère étudié et de la
fréquence de l’événement. Lorsque la pathologie est
sévère et la mortalité importante, on présente souvent
les succès, c’est-à-dire la survie. Lorsqu’on s’intéresse
à un événement peu fréquent, on représente de pré-
férence les échecs au traitement pour un problème
de lisibilité graphique, mais aussi pour une traduction
clinique immédiate. On préfère parler de risque d’EP
fatale de 4 % plutôt que de survie sans EP de 96 %…
Encadré 2. Exemple de calcul d’une fonction de survie par la méthode de Kaplan-Meier.
Tableau. Calcul d’une fonction de survie par la méthode de Kaplan-Meier.
❶ ❷ ❸ ❹ ❺ ❻
Temps EXPosés endébut
d’intervalle
EVT
(EP fatale)
PdV Événement
compétitif
Probabilité de survie instantanée (surl’intervalle)
P(t)= (EXP-EVT)/EXP
Fonction desurvie
S(t)
1 - S(t)
[%]
J1 100 1 1 0
J1-J2 100 1 0 0 (100-1)/100 = 0,9900 0,99 1
J2-J3 99 0 0 1 99/99 = 1 0,99 1
J3-J5 98 2 0 0 (98-2)/98 = 0,9795 0,9698 3,02
J5-J10 96 0 1 0 96/96 = 1 0,9698 3,02
J10-J12 95 0 2 0 95/95 = 1 0,9698 3,02
J12-J25 93 1 1 0 (93-1)/93 = 0,9892 0,9594 4,06
J25-J66 91 0 0 1 91/91 = 1 0,9594 4,06
J66-… 90
EP : embolie pulmonaire ; EVT : événement ; PdV : perdus de vue.
Les auteurs déclarent ne pas avoir de liens d’intérêts.
Retrouvez la deuxième partie consacrée à la courbe de survie :
Lecture
d’une courbe de survie etprécautions d’interprétation
dans le numéro
de décembre de
La Lettre du Pharmacologue
.
Pour en savoir plus…
+
Biau DJ, Latouche A, Porcher R. Competing events influence
estimated survival probability - When is Kaplan-Meier analysis
appropriate? Clin Orthop Relat Res 2007;462:229-33.
+ Bland JM, Altman DG. Survival probabilities (the Kaplan-Meier
method). BMJ 1998;317(7172):1572.
+
Gooley TA, Leisenring W, Crowley J, Storer BE. Estimation
of failure probabilities in the presence of competing risks: new
representations of old estimators. Stat Med 1999;18(6):695-706.
+ Fine JP, Gray RJ. A proportional hazards model for the
subdistribution of a competing risk. J Am Stat Assoc 1999;
94:496-509.
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