Épargne et développement : la contribution mutualiste Ndeye Sine

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Épargne et développement :
la contribution mutualiste
Ndeye Sine
sous la direction de
Benoît Lévesque et Louis Favreau
Note sur l’auteure :
Ndeye Sine est sénégalaise, titulaire d’un DES en sociologie du travail et des organisations, et d’une
maîtrise en Développement et santé de la reproduction. Elle travaille sur les politiques et les pratiques
d’insertions socio-économiques des populations défavorisées. Elle prépare une thèse de doctorat à
l’UQAM sur la contribution de la microfinance à la création de richesse chez les populations pauvres
du Dakar.
Note sur les directeurs :
Benoît Lévesque est professeur associé à l’école nationale d’administration publique et à l’UQAM et
membre du Centre de recherche sur les innovations sociales (CRISES). Louis Favreau est sociologue
et titulaire de la Chaire de recherche du Canada en développement des collectivités (CRDC).
Co-publication de la Chaire de recherche du Canada en développement des collectivités (CRDC),
de l’Université du Québec en Outaouais et du Centre de recherche sur les innovations sociales
(CRISES), de l’Université du Québec à Montréal
Série : Pratiques économiques et sociales, numéro 25
ISBN : 2-89251-264-6
Septembre 2005
i
Table des matières
LISTE DES ACRONYMES.................................................................................... iii
RÉSUMÉ ................................................................................................................ IV
INTRODUCTION.....................................................................................................5
1.
CONTEXTE ..........................................................................................................6
1.1. La défaillance des systèmes bancaires classiques ......................................8
1.2. Les limites du secteur informel financier...................................................9
2.
PROCESSUS ÉVOLUTIF DE L’ÉPARGNE AU SÉNÉGAL ............................................. 10
2.1. L’épargne informelle .............................................................................. 10
2.2. Le développement des systèmes financiers décentralisés (SFD) .............. 14
2.2.1.
2.2.2.
2.2.3.
3.
La construction de réseaux mutualistes....................................... 14
La loi sur la micro finance.......................................................... 16
Typologie des SFD..................................................................... 19
DYNAMISME DE LA MICRO FINANCE AU SÉNÉGAL ............................................... 21
3.1. Les pionniers de la micro finance au Sénégal .......................................... 22
3.2. Aperçu sur l’évolution de l’activité financière........................................ 23
3.3. Les produits et les services d’épargne ..................................................... 25
3.4. Les faiblesses liées à la mobilisation de l’épargne................................... 27
CONCLUSION .......................................................................................................29
BIBLIOGRAPHIE ..................................................................................................31
ii
LISTE DES ACRONYMES
ACEP
AGETIP
AREC
AT-CPEC
ATOMBS
BCEAO
CERISE
CICIM
CMS
CNCAS
COOPEC
CVEA
DID
DSRP
ECD
ENGA-GRAF
ESAM
FCFA
FI
CGAP
GIE
MEC
MECIB
MRDM
PAMECAS
PAME/AGETIP
PARMEC
PVC
PNUD
SDF
SMEC
UMEOA
UNACOIS
USAID
WWB
Alliance de crédit et d’épargne pour la production
Agence pour les Travaux d’intérêt public
Association rotative d’épargne et de crédit
Assistance Technique aux Coopératives d’épargne et de crédit
Assistance Technique aux Opérations Bancaires Mutualistes au Sénégal
Banque Centrales des États de l’Afrique de l’ouest
Comité d’échange, de Réflexion et d’information sur les systèmes d’épargne
et de crédit
Centre international de crédit mutuel
Crédit mutuel du Sénégal
Caisse nationale de crédit agricole au Sénégal
Coopérative d’épargne et de crédit
Caisses villageoises d’épargne et de crédit autogérés
Développement international Desjardins
Document stratégique de la réduction de la pauvreté
Expérience de crédit direct
Environnement Développement Action – Groupe Recherche Action
Formation
Enquête sénégalaise auprès des Ménages
Francs CFA
Finances informelles
Consultative Group to Assist the Poor
Groupement d’intérêt économique
Mutuelle d’épargne et de crédit
Mutuelle d’épargne et de crédit Icotaf boubess
Mission pour la réglementation et le développement de la micro finance
Partenariat pour la mobilisation de l’épargne et du crédit au Sénégal
Programme d’appui aux mutuelles d’épargne et de crédit / Agence
d’exécution des travaux d’intérêts publics
Programme d’appui à la réglementation des mutuelles
d’épargne et de crédit
Projet à volet crédit
Programme des Nations Unies pour le développement
Systèmes Financiers Décentralisés
Systèmes mutualistes d’épargne et de crédit
Union Économique et Monétaire de l’ouest Africain
Union nationale des commerçants et industriels du Sénégal
Union States Agency for International Development
Women’s World Banking
iii
RÉSUMÉ
Le débat sur le financement du développement se pose encore avec beaucoup d’acuité, surtout
après des années d’aide au développement.
Aussi, l’endettement des pays en voie de développement force à réfléchir sur une réorientation
des politiques économiques et sociales et une reconnaissance de la participation populaire.
Dans cette perspective d’une démocratisation des ressources, la microfinance se présente
comme un lieu d’apprentissage d’une nouvelle forme de solidarité à travers la redistribution
de l’épargne collectée. Une culture de l’épargne nous semble, dès lors, un préalable pour
impulser une nouvelle dynamique de développement participatif.
Ndeye Sine
iv
INTRODUCTION
La présente réflexion a pour objet l’évaluation de l’effet des structures mutualistes sur le processus
de capitalisation de l’épargne, gage du financement du développement. En effet, la mobilisation de
ressources internes, par l’épargne nationale, est apparue comme la base indispensable de
financement de la croissance et du développement face aux contraintes et limites de l’endettement
extérieur du Sénégal.
Cette volonté fut l’une des raisons qui ont amené les pouvoirs politiques à réformer le secteur
financier. La réforme a surtout consisté en une plus grande libéralisation des marchés monétaires
et financiers des pays de l’UEMOA afin de susciter une meilleure bancarisation des économies
nationales des pays de la communauté et relancer l’investissement privé.
La méthodologie consiste en une analyse de la configuration des structures mutualistes et de leur
participation dans l’accumulation par l’épargne. Cette étude exploratoire passe d’abord par une
mise en exergue du processus évolutif de l’épargne au Sénégal, pour ensuite analyser son
organisation pour un financement du développement.
Elle sera subdivisée en trois grandes parties : 1. Contexte, qui mettra en exergue le contexte
financier sénégalais, tandis que dans la partie 2. Processus évolutif de l’épargne au Sénégal,
nous analyserons le processus d’institutionnalisation de l’épargne à travers des structures formelles
et leur appropriation par les populations. Dans la partie 3. Dynamisme de la micro finance au
Sénégal, nous procéderons à une description des structures d’épargne au Sénégal, ainsi que du
dynamisme de leurs activités.
Enfin en Conclusion nous énoncerons les différentes approches d’un développement financier par
l’épargne locale.
5
1.
CONTEXTE
Initialement destinées à appuyer le financement du développement à la base dans le milieu rural,
les structures de micro finance vont gagner les villes très tôt à la faveur d’une grande adhésion de
la population.
En effet, la micro finance s’est développée en tant qu’approche du développement économique qui
s’intéresse spécifiquement aux populations à faible revenu exerçant un travail indépendant. Elle
est née en réponses aux « interrogations et aux conclusions d’études concernant l’offre publique de
crédits subventionnés destinés aux paysans pauvres. » (Ledgerwood, 1998, p. 2). C’est ainsi que
dans les années 1970 le secteur financier a été utilisé comme instrument de financement de
politiques interventionnistes avec la mise en place des banques de développement, ce qui se
traduisait dans les projets par un crédit considéré avant tout comme un intrant. Ceci, suite à la
décision des gouvernements africains et de leurs partenaires de lancer des programmes de
développement, qui incluaient la distribution d’intrants et d’équipement, à crédit et d’appuyer les
banques de développement.
Seulement, dans cette première approche d’aide au développement, on a noté une inexistence
d’effet de levier économique des pratiques traditionnelles de services financiers qui relevaient plus
de petites aides d’urgence et étaient peu disposées à faciliter l’enrichissement des bénéficiaires.
Humbert (2001) dans sa critique du modèle de ce crédit « ciblé subventionné » 1 , souligne que:
« (…) ces programmes de crédit se caractérisaient par des taux d’intérêt concessionnels, par
rapport aux pratiques bancaires usuelles, traitaient d’investissement relevant de crédit à moyen
terme, et reposaient sur des dossiers de crédit simplifiés, parfois dénués de souci de rentabilité.
Leur ciblage technique sur des programmes de vulgarisation agricole peu soucieux des aléas
climatiques ou de la commercialisation des produits, ont condamné ces programmes à subir de
lourds impayés. » (p. 276). À cela s’ajoute une gestion gabégique qui a conduit à la fermeture de la
majorité des banques de développement.
Dans sa démarche, ce programme alliait une politique de diffusion des innovations ou de création
d’entreprises. Cependant, il enregistrait un faible intérêt pour le remboursement de la part des
populations. Dans ce contexte d’aide au développement, l’intervention d’organisations d’appui et
d’ONG a facilité le transfert à la fois d’innovations et de fonds destinés aux financements. Ce
modèle d’aide supervisé par des « agents de développement » 2 ne prenait guère en considération le
bénéficiaire et a comporté beaucoup de dysfonctionnements. Il faut remarquer que la majeure
partie de ces interventions était axée sur le monde rural. La conviction était faite que la pauvreté
était essentiellement rurale.
1
2
Le terme est utilisé par Ledgerwood (op, cit.) pour désigner l’approche des bailleurs de fonds.
C’est le nom qui était donné aux personnes qui constituent l’interface entre un projet et ses destinataires. « le développement sous sa
forme opérationnelle – que ce soit par l’activité des services techniques ou par le biais en général privilégié de projets – transite
inéluctablement par des agents de développement. » (De Sardan, 1998)
6
De nouvelles approches d’épargne et de financement allaient être fondées sur une implication des
bénéficiaires dans une certaine autogestion et un suivi de proximité. Ce fut le cas des caisses
villageoises, des coopératives ou mutuelles d’épargne et de crédit qui, avec l’aide d’ONG,
chercheront à affiner leur profil organisationnel et institutionnel.
La micro finance s’inscrivait de plus en plus sur la loi du marché, en se déployant sous diverses
formes. Ainsi, en faisant partie intégrante du système financier, elle rendait caduque le dualisme
secteur financier formel - secteur financier informel, longtemps présent au Sénégal.
De façon générale, l’émergence des SFD (Systèmes financiers décentralisés) au Sénégal, intervient
dans un contexte national marqué par le désengagement de l’État, la responsabilisation des acteurs
privés ruraux et par l’encouragement du financement du développement par les ressources internes
mobilisées par les associations de base.
Ainsi, la mise en place des SFD entre dans le cadre de la politique volontariste de l’État, appuyée
par l’aide extérieure. Le développement des SFD est aussi lié à l’exclusion des banques et à la
précarité des systèmes financiers informels.
Les SFD concernent le secteur dynamique exclu des systèmes bancaires. Ils cherchent la
rentabilité, tout en oeuvrant à la satisfaction de leurs membres, tant sur le plan économique que
social, contribuant ainsi à leur bien–être. L’apparition des SFD ne s’est pas faite de façon
spontanée, mais découle de la prise en compte d’une réalité. En effet, leur cible demeure les
populations à revenu modeste, tant rurales qu’urbaines, qui ont un difficile accès aux services
bancaires formalisés.
Aujourd’hui, la réalité du système financier reflète l’existence d’au moins trois secteurs : bancaire,
intermédiaire et autonome (ou informel). Des hypothèses politiques, axées sur la diminution du
rôle de l’État et la déréglementation présageaient une unification du marché financier et la
suppression du secteur informel à travers le rôle central du taux d’intérêt comme facteur
d’équilibre entre l’offre et la demande financière. Ces représentations ne semblent guère se
vérifier.
Le secteur financier a connu depuis de nombreuses évolutions : difficultés du secteur bancaire,
émergence d’un secteur « intermédiaire » sous diverses approches (coopératives d’épargne et de
crédit, caisse de crédit rural), apparition de nouveaux opérateurs (crédit solidaire, projets PME,
caisse villageoise, etc.) et une meilleure connaissance du secteur « autonome » (tontines, banquiers
ambulants, etc.). Mieux, il s’avère que la segmentation du système financier n’est pas
conjoncturelle mais plutôt structurelle. D’abord parce que le secteur intermédiaire cherche
à s’inscrire de plus en plus dans la pérennité. Ensuite le secteur autonome, dans certains de ces
aspects, émerge d’une tradition encrée dans les habitudes, pour ne pas dire de la socialisation en
Afrique.
7
1.1.
La défaillance des systèmes bancaires classiques
A la fin des années 1980, les pays de l’UMEOA ont connu une crise économique sans précédent,
liée à la faillite des banques classiques. L’ampleur de la crise entraînait la fermeture de beaucoup
de banques africaines. Toutes les catégories sont concernées : les banques commerciales, les
crédits agricoles et les banques de développement. En ce sens que Hubert Gérandin (montrait
qu’en « 1988, dans l’UMEAO, 22 des 68 banques étaient en difficulté (passifs supérieurs aux
actifs sains), le quart des crédits alloués était considéré comme douteux. » (p. 92).
L’effondrement des banques de développement a été enclenché par la réforme de la législation
bancaire adoptée au cours des années 1970 ; elles étaient peu préparées à cette évolution. La
conséquence aura été un ralentissement du financement du développement au profit de l’octroi de
crédit à court terme.
Simultanément, la montée de la crise économique s’est traduite par une contraction des ressources
extérieures avec la mise en œuvre des programmes d’ajustements structurels, une aide budgétaire
plus globale s’est peu à peu substituée à l’aide par projet. La disparition de beaucoup de banques
de développement était liée au fait qu’elles avaient peu de fonds propres. Elles étaient
sous-capitalisées et leurs ressources se sont raréfiées par la suite. Les États africains surtout
pouvaient de moins en moins aider les banques en difficulté, la liquidation apparaissait inéluctable.
Pourtant de l’avis de Servet (1990) : « … les banques de développement sont en situation de
cessation de paiement, car les États se sont servis de celles-ci comme d’annexes du trésor et
souvent ethnique ou politique, et ont contraint ces organismes à consentir des prêts à des
emprunteurs dont on pouvait douter de leur capacité à rembourser. » (p. 213).
En dépit de ce contexte, le principal reproche qu’on pourrait faire aux banques africaines est
qu’elles sont inadaptées aux besoins de la population locale qui est à majorité analphabète.
Cette inadaptation résulte, entre autres, des critères de sélection presque excluant ainsi que des
coûts de transaction élevés (constitution et étude de dossiers de demande, frais et commissions).
En effet, les institutions financières nationales préfèrent traiter des sommes importantes pour les
dépôts et les crédits. Ce qui est hors de portée de la majorité des clients potentiels, tout comme le
système de garantie rigoureux exigé pour l’octroi des prêts hypothèques, gage, cautionnement.
(Gaye et Hann, 1998).
Aussi, il s’avère que le comportement des banques en matière de mobilisation et d’affectation des
ressources présente des distorsions3 qui limite leur capacité à jouer un rôle d’intermédiation
financière efficace car beaucoup d’agents sont discriminés par le système qui ne s’intéresse pas à
la collecte des ressources locales mais au profit. L’analyse de leur distribution géographique ne
démontre pas non plus une volonté de diversification de leur clientèle. En effet, Boher (1996)
montre dans son article que les banques sont majoritairement concentrées dans les zones urbaines
ou les activités commerciales sont très développées et leur « surbancarisation » tient au fait que
toutes les banques se concentrent sur la même clientèle.
3
Elles privilégient le secteur urbain par rapport au secteur rural, les grosses transactions par rapport aux petites, les crédits au secteur non
agricole au détriment du secteur agricole.
8
Par conséquent aucun effort n’est fait en vue de drainer l’épargne locale de la majorité de la
population.
L’étude du système bancaire officiel met en évidence des dysfonctionnements, ainsi que beaucoup
de manquements dus aux faiblesses du marché financier. Cela a eu pour effet d’exclure une grande
majorité de la population au niveau des dépôts et des prêts. Ces personnes exclues se tournent
naturellement vers le secteur informel ou autonome. Seulement celui-ci présente aussi un certain
nombre de limites.
1.2.
Les limites du secteur informel financier
Plusieurs traits communs permettent de caractériser ce secteur : la prédominance des transactions
en espèces, l’absence d’enregistrement et de réglementation, l’échelle restreinte des opérations, la
facilité d’entrée, l’échange d’actifs hors cadre juridique, un fonctionnement qui s’appuie sur des
relations personnelles ou sur des solidarités communautaires. L’informel financier est assez
dynamique et apparaît comme un vecteur incontournable des systèmes officiels. Il renferme
beaucoup d’avantages liés à la personnalité des réalisations, aux relations sociales, physiques de
proximité qui favorisent la solidarité, la confiance, la grande souplesse et la simplicité des
procédures. Ici « ...ce ne sont pas les intéressés qui s’adaptent à des formules toutes faites, c’est le
cadre qui s’adapte aux besoins des uns et des autres… et il y a peu de litiges. » Lélart (1998).
Seulement différents points de faiblesse lui ont été reconnus. Le secteur offrirait un faible niveau
de satisfaction aux besoins financiers de développement. À cela plusieurs raisons s’attachent :
il finance des activités à faible productivité de travail (l’artisanat, petits commerces informels…),
aussi la personnalisation des relations réduit son champ. Ce qui fait que si le renforcement à la
consommation et les dépenses sociales sont assurées, les investissements peuvent être
difficilement faits. Le système informel s’avère ainsi inefficace pour le financement des projets
importants. L’épargne collectée est de courte durée et est redistribuée tout en étant limitée aux
revenus des cotisations ce qui restreint la capacité de prêts.
Ces critiques relèvent cependant des différences d’approche mais aussi d’acception. Car, s’il est
vrai que l’informel financier présente des limites, il n’en demeure pas moins qu’il continue de
jouer un rôle important dans la collecte de l’épargne et le renforcement des capacités productives
des populations pauvres.
9
2.
PROCESSUS ÉVOLUTIF DE L’ÉPARGNE AU SÉNÉGAL
Pendant longtemps en Afrique, l’épargne a supposé un bien matériel précieux, une vache, de l’or,
etc. Elle avait les formes d’une thésaurisation qui répondait à des soucis de prévoyance. Cette idée
d’épargner, en vue de besoins futurs, était dotée d’un caractère moral positif.
Seulement avec l’économie politique, des dimensions de l’épargne se sont imposées et des
institutions capables de recueillir les économies des classes modestes ont pris formes.
Dans la démarche keynésienne, il faut une grande consommation (demande), pour qu’il ait une
grande production, l’offre s’ajustant à la demande. Pour lui, l’épargne n’est pas vraiment
nécessaire pour une accumulation de richesses. Cette dernière passe entre les transactions
marchandes de l’offre et de la demande.
Le problème que cela pose c’est que le Sénégal importe plus qu’il ne produit. Cette logique de
consommation profite donc moins à l’État qu’à des particuliers qui très souvent empruntent des
circuits frauduleux.
L’échec de l’industrialisation a fait qu’au Sénégal, il n’y a pas de grande production. Du coup,
l’épargne y revêt une importance capitale. Mieux, dans la nouvelle logique de participation des
populations dans les programmes d’aide et/ou d’auto prise en charge, l’épargne devient un des
moyens par lequel on peut accéder à un crédit. Cette clause d’une épargne préalable fait que la
micro finance revêt plusieurs formes qui ne sont généralement pas distinctives dans le langage des
spécialistes.
L’un des défis majeurs restait de parvenir à encourager la population à épargner dans les circuits
formels. Car, pendant longtemps, l’argent thésaurisé avait des fonctions très précises. Il permettait
de faire face principalement à des situations imprévisibles comme la survenue d’une maladie, d’un
incendie, d’une période de disette ou de famine ou alors de la mort.
2.1.
L’épargne informelle
On a longtemps pensé qu’il n’y avait pas d’épargne dans les pays sous développés compte tenu du
fait que celle-ci n’était pas déposée auprès des banques.Cette hypothèse n’est plus valable
aujourd’hui. En effet, les travaux sur le secteur informel, sa dimension sur le marché du travail et
des biens de consommation, ont amené à se pencher sur sa dimension financière. Ces études ont
permis de mettre à nu les caractéristiques d’une finance informelle qui permet à l’ensemble de la
population, non bancarisée, de trouver des circuits pour épargner et avoir accès au crédit.
10
Les populations ont inventé des organisations et des pratiques nécessaires à la résolution de leurs
problèmes financiers spécifiques. Ces pratiques entrent dans cette vaste catégorie d’activités que
certains qualifient d’activités informelles. Certaines de ces méthodes existent depuis toujours,
assimilées en Afrique à des systèmes d’entraide ou d’assistance. En effet, avant l’introduction de
la monnaie en Afrique, le système de solidarité consistait au sein d’un groupe constitué à travailler
simultanément dans le champ de chaque membre. Cette solidarité de travail pouvait prendre les
formes d’une autre en nature, appelée système de don et contre don. Sa forme la plus développée
aujourd’hui et la plus connue est la « tontine ».
L’« informel financier » pour parler comme Hugon, telle que la tontine, continue de jouer un rôle
majeur dans l’accès des populations pauvres au crédit productif et ou à la consommation. Les
associations d’entraide dont l’initiative, la gestion et le contrôle démocratique relèvent de la base
attestent de la vitalité des institutions économiques et sociales, informelles certes, mais capables
d’une constante adaptation.
La finance informelle est définie par Lélart (1990) comme « un des mécanismes non officiels mais
originaux qui permettent de faire circuler la monnaie à travers des créances et des dettes. Elle est
constituée de l’ensemble des transactions effectuées, en marge des règles établies par des
intermédiaires non agréés et non enregistrés. »
Pendant longtemps, les populations se sont organisées entre elles pour faire face collectivement à
leurs besoins, pour se prêter les uns les autres au sein des associations qu’elles ont-elles mêmes
constituées. L’originalité de ces attitudes et de ces comportements mutualistes se perçoit mieux
quand on sait que les institutions financières classiques n’ont pas cherché à s’adapter à leurs
besoins.
Les systèmes de finance informelle évoluent continuellement au fur et à mesure que la société et
l’économie se modifient. « Ce domaine de la finance informelle témoigne d’une flexibilité et
d’une grande créativité, ce qui rend quasi impossible une classification exhaustive de ses
différentes méthodes. » (Adams D. W, 1994).
Les dépôts, les prêts de petits montants et les prêts de petite durée constituent la majorité des
transactions financières informelles. Nous pouvons cependant les reconnaître à travers quelques
systèmes qui sont plus perceptibles :

L’épargne associative se collecte grâce à la médiation d’un groupe (association, groupement,
etc.) et participe généralement au financement d’un projet collectif. Cette forme d’épargne
renforce le lien communautaire et devient, dans une certaine mesure, une contrainte pour
l’individu au nom du groupe.
Seulement, elle présente ses limites quand le financement des investissements devient lourd.
Dans le cas des associations villageoises, des sections villageoises, sont installées avec des
représentants au niveau des centres urbains. Elles fonctionnent à travers de véritables réseaux
structurés de collecte d’épargne, drainant des centres urbains vers la communauté d’origine
les sommes versées par les migrants. Ces types d’associations, ancrées sur la tradition,
parviennent à réaliser de multiples projets apportant ainsi la preuve de leurs grandes
11
potentialités, là où l’État bute sur les moyens. C’est l’exemple très concret des migrants de la
région sud-est du Sénégal qui, de plus en plus, prennent en charge les secteurs de la santé et
de l’éducation.

L’épargne tontinière se collecte, elle aussi, grâce à la médiation du groupe mais elle finance
généralement un besoin individuel. Le montant collecté est mis à la disposition d’un membre
du groupe suivant des procédures et des règles préétablies. Ainsi, la tontine promeut d’une
certaine façon un comportement individuel. Elle existe sous une multitude de formes. Ces
groupes financiers rassemblent des sommes importantes épargnées et associent des prêts aux
dépôts. Ces opérations sont exclusivement basées sur la confiance entre membres du groupe
ou simplement sur la personne médiatrice qui coordonne les levées.
Il existe toutefois d’autres formes de finances informelles qui mettent en place une relation de
débiteur –créditeur mais qui ne participent que très peu à la collecte de l’épargne. C’est le cas
des crédits informels : les prêts accordés par des parents ou des amis représentent la forme la
plus courante de finance informelle. Beaucoup de ces prêts n’ont pas de rémunération et ne
requièrent pas de caution ou de garantie. Aussi des crédits peuvent provenir de prêteurs
professionnels avec des montants relativement élevés. La durée de ces prêts est plus longue et
les taux d’intérêts peuvent être usuriers.
Nous nous focaliserons sur les Associations Rotatives d’Épargne et de Crédit (AREC) dans les
aspects où elles permettent une mobilisation de l’épargne.
La finance informelle se manifeste ainsi à travers différents endroits. Elle est omniprésente dans
les pays où les rapports de proximité sont très élevés. Elle se concentre aux endroits où ont lieu des
transactions commerciales. Les emprunts et les prêts se font aussi bien à l’intérieur d’une classe
sociale qu’entre différentes classes économiques. Les marchés de finance informelle fonctionnent
de façon dynamique avec des mesures toujours novatrices, flexibles, adaptées à l’environnement
local économique et social. Ces systèmes rotatifs d’épargne et de crédit sont dotés d’une parfaite
organisation.
Dès lors, on se rend compte de l’importance du rôle des institutions financières informelles dans
la mobilisation de l’épargne intérieure. Leur efficacité demeure d’abord dans la rapidité de leurs
transactions et dans le fait qu’elles ne sont pas assujetties aux réglementations sur le taux d’intérêt,
aux directives d’encadrement du crédit, et à l’obligation de maintenir des ratios de liquidités
spécifiques. Ensuite, leurs coûts en ce qui concerne les opérations de prêts et d’acceptation de
dépôts, s’ils ne sont pas nuls, demeurent plus bas que ceux des systèmes financiers modernes.
Enfin, ces institutions adoptent des règles et des règlements tacites, tirés directement de la culture
locale.
Elles se caractérisent par une absence de frais de gestion lorsque les levées ne font pas l’objet
d’une rencontre entre les membres. Aussi, elles ne sont pas dotées de cadres fixes. Les
associations qui la constituent peuvent invariablement compter deux ou plusieurs membres et
durer le temps que tous les membres puissent entrer en possession de leur avoir. Le manque de
garantie à fournir à l’entrée faisait penser qu’il n’y avait pas de conditions préétablies. Pourtant
à l’entame les membres prennent toujours la peine de discuter des conditions de fonctionnement,
des délais à respecter ainsi que des pénalités en cas de défaillance d’un membre. Quant au
12
contrôle, il est assuré par l’ensemble du groupe. Les AREC constituent des systèmes durables et ne
dépendent pas du marché financier formel.
Une analyse des AREC permet ainsi de relever des aspects qui fondent sa pertinence dans la
résolution des problèmes des populations des pays sous développés.
La FI entraîne un certain nombre d’innovations financières qui permettent de réduire les coûts de
transaction, et notamment pour les déposants et les emprunteurs. Elle fait preuve d’une grande
flexibilité et de souplesse en opposition à la rigidité des banques. Le fait que l’épargne ne soit pas
rémunérée ne diminue en rien le recours que les populations en font. (Goldstein et Barro, 1999).
Ce qui fait la force des AREC c’est la discipline qu’elle requiert pour ses membres. En effet, tel
qu’elle est constituée, la défaillance d’un membre peut créer une rupture dans le système.
L’expérience des protagonistes fait que diverses solutions sont trouvées à ces éventuelles
défaillances afin que la roue puisse continuer de tourner.
Cette organisation fait que chaque unité monétaire qui circule se trouve être le résultat de
l’épargne d’une autre personne (Adams, 1994). Elle permettait une meilleure allocation des
ressources entre personnes défavorisées.
Seulement, lorsque certaines de ses formes se rétractent ou sont en voie de disparition, d’autres
apparaissent progressivement ou évoluent pour prendre des formes d’une organisation semi
formelle. Au Sénégal, ces systèmes font de plus en plus recours à une sorte de déclaration
(assermentation) au niveau de l’administration policière pour pouvoir bénéficier de leur
intermédiation en cas de litige.
L’une des principales limites reconnues à la finance informelle est son incapacité à mettre en place
une intermédiation financière fiable. Il semble que les organisations informelles ne soient pas en
mesure de remplir en même temps les deux fonctions qui caractérisent un intermédiaire financier,
c'est-à-dire collecter des ressources courtes et transformer celles-ci en emplois longs pour financer
les besoins de financement. Ceci est certainement à relativiser. En effet, la variété des types de
services qu’elle propose répond aux différents niveaux de besoins et de capacités des populations.
Cette limite est peut-être valable pour les prêteurs professionnels. Les AREC, pour leur part,
déterminent dès l’entame le montant que recevra chaque membre. Le besoin qui justifie la mise en
place d’une AREC peut être financier ou matériel. Dans tous les cas, sa valeur monétaire est
subdivisée en nombre de mois (périodicités) permettant une cotisation régulière qui soit
raisonnable par rapport à la capacité financière des membres.
Les AREC sont des associations à but non lucratif mais ne sont pas comptables de l’économie
sociale et solidaire. En effet, les activités que cette épargne permet de financer ne sont pas inscrites
dans le groupe.
L’épargne se trouve ainsi au centre des relations : l’échec de la plupart des systèmes financiers
formels à produire des services de dépôts séduisants n’en est que plus grand lorsqu’on s’aperçoit
13
des gros montants d’épargnes qui font surface dans les marchés financiers informels et qui
indiquent donc une forte tendance à l’épargne volontaire. Celle-ci constitue un élément très
important dans l’analyse des comportements financiers des populations pauvres. Il devenait
intéressant de voir ce qui pouvait la susciter.
Dans la satisfaction des besoins en dépôts et en crédits, les AREC ne suffisaient plus. Les MEC
constituent un autre niveau de satisfaction des besoins des populations, qui ne gênent en rien
l’appartenance à une AREC. La mobilité sociale des individus et leur pluriactivité face aux
nouvelles exigences économiques constituent autant d’éléments explicatifs d’une double
implication dans les secteurs financiers formel et informel. Dans ses formes les plus avancées, les
AREC ne demandent ni déplacement ni regroupement des membres, par conséquent ne mobilisent
pas le participant.
La capacité d’une épargne volontaire, les rapports de proximité et de confiance ont été repris dans
les modèles des mutuelles ou coopératives d’épargne et de crédit. La principale différence est que
celle-ci, plus réglementaire, est suscitée de l’extérieur.
Ainsi donc, face au défi de la relance économique, la mobilisation de l’épargne locale et l’accès
aux SFD capables de répondre aux attentes des couches les plus démunies constituent un enjeu.
2.2.
Le développement des systèmes financiers décentralisés (SFD)
Les SFD vont connaître, sous l’effet des crises économiques successives, une croissance
extrêmement rapide, qui leur permet de jouer un rôle d’intermédiaire financière. L’impulsion
nouvelle insufflée par les limites des systèmes centralisés et leur complexification récente fait que
ces institutions représentent un enjeu important car elles cherchent à accorder la notion de
solidarité avec la réalité économique et celle de la finance. Les SFD se basent sur l’entraide et la
solidarité. Elles ont pour but d’assurer à leurs membres un service d’épargne et de crédit efficace
et bon marché. Plus encore, elles permettent d’éliminer les usuriers et contribuent à créer entre les
membres un sentiment de solidarité puissant et une grande confiance : ce sont là les gages de leur
efficacité. Ainsi le développement des SFD s’est fait à travers la construction d’un réseau
mutualiste dont les principes de base sont la mutualité, la solidarité, l’autonomie.
2.2.1.
La construction de réseaux mutualistes
Dans le cadre de la lutte contre la pauvreté et l’exclusion, donateurs et praticiens ont fait appel à la
micro finance pour insérer les populations dans le développement économique de leurs pays,
à travers la création d’emplois, de revenus et donc de pouvoir d’achat.
14
Cette nouvelle approche, qui consacre les coopératives d’épargne et de crédit (Coopec),4 a le
mérite de partir de l’épargne locale, pour faire du crédit et non des fonds extérieurs et celui d’être
géré par ses membres (aspect coopératif). Ce modèle inspiré de celui de Raiffeisen est repris
quelques années plus tard par Desjardins (Taillefer, 1996). L’un et l’autre ont cherché les moyens
à la fois de lutter contre l’usure et d’améliorer les conditions de vie des pauvres.
L’originalité de Desjardins réside dans le fait qu’il décide de rejeter l’idée de responsabilité
illimitée des membres, tant chère à Raiffeisen, mais qui était à l’origine de certains des problèmes
de gestion de ces caisses. Desjardins, quant à lui, imposera pour chaque adhérent l’achat d’au
moins une part sociale. Mieux pour couvrir les risques : « … il substituera à la responsabilité
illimitée, l’obligation de payer des droits d’adhésion à fonds perdus et sera plus intransigeant sur la
nécessité de constituer un capital social composé de parts sociales obligatoires, libérables
cependant en plusieurs tranches. » (St-Pierre, 2001, p. 37).
Desjardins faisait de la motivation des populations le principal moteur de la viabilité des caisses
qu’il installait, ceci en l’absence de loi sur les coopératives d’épargne et de crédit. Loi qui sera
votée que six ans après l’installation de la première caisse Desjardins, c'est-à-dire en 1906.
Derrière Raiffeisen, Desjardins, ou même Yanus, existent de nombreux montages financiers très
différents mais concourant tous à une même finalité : faire fructifier l’argent des plus démunis au
profit des démunis eux-mêmes, avec une volonté, perceptible à travers leurs objectifs, de lutter
contre la pauvreté. Seulement, il faudrait comprendre tous ces mécanismes et pouvoir choisir celui
qui est le plus adapté aux besoins à satisfaire.
Ces systèmes sont ainsi destinés à financer des activités d’autoemploi des populations à faibles
revenus. Ils doivent leur succès aux méthodes non traditionnelles de couverture de risque comme
la caution solidaire, les pressions sociales ou les garanties personnelles. Ces succès du début ont
précipité l’institutionnalisation au Sénégal et dans la zone monétaire de l’UMEOA.
La mise en place des SFD au Sénégal se situe ainsi dans la filiation des modèles occidentaux à la
fin du XIXe siècle que ce soit en Europe (Raiffeisen), au Canada (Desjardins) ou aux États-Unis.
Ces modèles vont inspirer durablement les promoteurs d’institutions au Sud. À la fin des années
1980, une nouvelle vague de création touche le Mali, la Guinée-Conakry, Madagascar et le
Sénégal. Cette vague s’inspire de la mutualité traditionnelle, telle qu’elle existe dans les pays du
Nord, et qui suppose une mobilisation de l’épargne comme préalable à l’octroi de prêts entre les
membres d’un groupement. Il faut noter que les réseaux mutualistes sont confrontés, de par leur
nature hybride, au défi de l’équilibre entre le projet social et le projet économique de la mutuelle
d’épargne et de crédit.
Alors que le projet social interpelle des valeurs telles que la démocratie (Lévesque, 1997),
l’autonomie et la solidarité, le projet économique interpelle, quant à lui, l’efficacité de la gestion
en terme de rentabilité. Les SFD apparaissent alors comme la catégorie d’institutions de
financement soutenue par la philosophie de l’économie sociale. Leur finalité n’est pas le profit.
L’article 2 de la loi sénégalaise du 5 février 1995 sur les SFD les définit comme « groupements
4
Ce modèle est né à la moitié du XIXe siècle en Europe et s’est étendu en Afrique dans les colonies anglaises d’abord (Ghana, Kenya,
Ouganda), puis au Cameroun et au Burkina (1963, 1969). Le Sénégal a connu le modèle seulement dans les années 1985.
15
sans but lucratif ». Ainsi, la foi dans la coopération et l’entraide entre SFD traduisent la force de la
protection réciproque qu’engendre l’unité. La solidarité entre bénéficiaires de prêts peut être
appréciée en fonction des garanties qu’elle est capable d’assurer aux SFD en cas de défaillance
individuelle (exemple : la caution solidaire). À un second niveau, la loi les incite à s’unir afin de
s’assurer une protection commune à travers des réseaux, qu’elle définit comme un ensemble
d’institutions affiliées à une même fédération ou confédération.
2.2.2.
La loi sur la micro finance
Nés dans le contexte de la réforme bancaire, les Systèmes Financiers de Décentralisés (SFD) ont
connu un essor fulgurant, tout d’abord par l’alternative qu’ils représentent pour les opérateurs
économiquement faibles, mais aussi par un appui constant des autorités monétaires et financières.
En engageant un programme de restauration bancaire, les autorités monétaires cherchaient, au-delà
d’un assainissement en profondeur des institutions en difficulté, à améliorer le système
d’intermédiation financière dans son ensemble, en offrant la possibilité d’avoir, à côté d’un
système bancaire plus solide et plus viable, un mécanisme complémentaire par la promotion du
secteur de la micro finance.
Au Sénégal, le Projet d’Assistance Technique aux Opérations Bancaires Mutualistes du Sénégal
(ATOBMS) appuyé par l’ACDI et la Banque Mondiale s’inscrivait dans cette perspective. Le
point central des travaux de l’ ATOBMS créé en avril 1990 a été durant deux années le tracé des
contours d’un cadre juridique spécifique à ce secteur.
A la fin du projet ATOMBS, la Cellule d’Assistance Technique aux Caisses Populaires d’Épargne
et de crédit AT-CPEC fut créée par arrêté N°13773/MEF, du 05/11/92, pour assurer la tutelle du
ministère de l’Économie et des Finances sur les Mutuelles d’Épargne et de Crédit (MEC).
Aussi, fut pris l’arrêté N°001702 du 23 février 1993, portant fixation des dispositions transitoires
relatives à l’organisation, aux conditions d’agrément et de fonctionnement des Structures
Mutualistes d’Épargne et de Crédit (SMEC). Il fut abrogé avec l’avènement de la loi cadre UMOA
qui fut adoptée au Sénégal sous le no°95-03 du 05 janvier 1995 et complétée par son décret
d’application no°97-1106 du 11 novembre 1997, par les institutions du Gouverneur de la BCEAO
du 10 mars 1998, et par la Convention cadre du 4 juillet 1996. Cette nouvelle loi vise les objectifs
suivants : la protection des épargnants, la sécurité des opérations et l’autonomie des réseaux.
Des réflexions ont été engagées dans le cadre du Programme d’Appui à la Réglementation des
Mutuelles d’Épargne et de Crédit (PARMEC), initiées par la BCEAO et la coopérative
canadienne. La loi PARMEC permettra d’agrandir le champ des institutions mutualistes en
intégrant les coopératives. Cette loi allait mettre en place des mécanismes d’intermédiation entre
les institutions bancaires et les multiples formes d’associations d’épargne et de crédit.
16
Ces SDF constituent une alternative au système bancaire classique parce qu’adaptées au contexte
socio - culturel et aux aspirations des populations dans la recherche de moyens efficaces de lutte
contre la pauvreté et de financement d’activités productives.
À un niveau sous régional, l’objectif de la loi PARMEC est, entre autres, d’organiser
ces structures, de les réglementer, afin d’éviter les abus et surtout de protéger les déposants
(art. 7). La loi a aussi pour objectif de faciliter l’intégration économique avec la mise en place d’un
espace financier régional. C’est ce qui explique son adoption par les parlements des pays membres
de l’UEMOA : Mali, Burkina en 1984, Sénégal, Bénin, Togo en 1985. La loi a enfin pour objectif
implicite de drainer l’épargne informelle vers les circuits officiels. Cette épargne une fois recyclée
pourrait assurer le financement du développement que ne peuvent garantir les circuits informels
d’épargne et de crédit.
Pour être reconnue par la loi, une institution, exerçant des activités de collecte d’épargne et
d’octroi de crédit, doit être régie par les principes de la mutualité ou de la coopération. Cette
dernière doit être préalablement reconnue ou agréée (art. 13, 46). Les institutions régies par le
principe de la mutualité ou de la coopération sont tenues de respecter les règles d’actions
mutualistes ou coopératives suivantes :

L’adhésion des membres doit être libre et volontaire (art.11) ;

Le nombre de membre n’est pas limité ;

La démocratie doit régir le fonctionnement des institutions de base selon le principe un
homme/une voix, et quelque soit le nombre de parts sociales détenues par chacun ;

Le vote par procuration doit être exceptionnel ;

Limitation de rémunération des parts sociales ;

Constitution obligatoire d’une réserve, les sommes ainsi réservées peuvent être partagées par
les membres.

Sont privilégiées des actions visant l’éducation des membres (art. 5).
17
Les institutions non visées par les dispositions ci–dessus sont régies par une disposition
particulière convenue par le Ministère des Finances. S’agissant des institutions mutualistes ou
coopératives d’épargne et de crédit, outre les fondateurs, peut être membre toute personne qui
partage un lien commun (art. 20).
L’innovation majeure qu’apporte la loi est le primat qu’elle accorde d’une part à l’intermédiation
de proximité et d’autre part au lien de confiance qui doit exister entre les membres. Cette
confiance se situe aussi au niveau des rapports entre clients et institutions financières. Celle du
créditeur est calculée et elle s’établit sur des sûretés que le débiteur doit offrir, qu’elles soient
personnelles, réelles ou fondées sur la propreté réservée.
Du point de vue de la nouvelle loi, la proximité doit être activée au moment même de la
constitution d’une structure de base. Cette proximité est le ciment de l’institution. Selon les
articles 19 et 20 : « outre les fondateurs, peuvent être membres d’une institution toutes autres
personnes qui partagent le lien commun au sens de la loi. ». Ce lien commun est défini comme une
identité de profession, d’employeurs, de lieu de résidence, d’association ou d’objectifs. Les liens
de proximité spatiale, relationnelle ou culturelle, sont déterminants dans le choix des membres
actifs de la structure de base. Les personnes ne remplissant pas ces conditions ne peuvent être que
des membres auxiliaires. La proximité ne se limite pas seulement aux conditions de la constitution.
Elle doit régir aussi le fonctionnement. Selon Laville : « les services de proximité constituent un
enjeu important en terme d’emploi, comme de cohésion sociale et de démocratie. » (Laville, 2000,
p. 253). La proximité suppose en dehors des aménagements techniques, des actions de la part des
opérateurs qui garantissent la qualité, la professionnalisation du personnel et l’égalité d’accès au
service.
Une fois constituée, la nouvelle institution doit solliciter l’agrément auprès du ministère des
Finances. Par contre, si l’institution est déjà constituée et fonctionne depuis quelques mois, elle
doit simplement faire une déclaration au ministère des finances pour acquérir la personnalité
morale. En prévoyant cette disposition, la loi PARMEC devient habilitante.
Par ailleurs, en favorisant une structuration de base, la loi prévoit aussi les modalités
évolutionnistes des mutuelles d’épargne et de crédit vers une union, une fédération ou une
confédération. Les institutions locales peuvent s’affilier directement à une confédération. À travers
ce schéma, la loi veut s’adapter aux structures existantes sans déstructurer celles qui fonctionnent
déjà. Cette structuration s’appuie sur la proximité des liens communs que doivent partager les
institutions de base, ces dernières doivent solliciter aussi leur agrément auprès des mêmes
autorités. Constituées sous forme de sociétés à capital variable, elles ont soit le statut de banque,
soit celui d’établissement financier. Elles seront donc régies par la réglementation bancaire.
Contrairement aux établissements financiers, elles pourront mobiliser des dépôts et,
comparativement aux banques, elles peuvent détenir une part sociale inférieure à celle des
banques. Leur objectif à terme est de centraliser et de gérer les excédents de trésorerie des
institutions de base. En somme, la loi vise, à moyen ou long terme, à favoriser la structuration du
système financier non bancaire en contribuant à une ré-intermédiation financière de l’épargne
informelle.
18
La limite fondamentale de la loi selon Mayoukou (1998), c’est qu’elle est excluante. En effet, elle
écarte les institutions financières informelles de type tontine ou tontiniers. Or, les flux financiers
que mobilisent ces institutions sont non négligeables. « Les tontines ou banquiers ambulants
connaissent un développement spectaculaire, mais ce développement n’a pas été pris en compte
par la loi. (…).Ces systèmes tontiniers sont présents dans toutes les couches de la société
sénégalaise et constituent un moyen d’accéder à un bien matériel ou de réaliser un projet. »
(p. 214). En plus de permettre d’améliorer le pouvoir d’achat, ils mettent en branle toute une
volonté de solidarité et d’entraide. Par l’engagement tacite ou par la parole donnée, ce système
oblige à faire des économies et, par conséquent, constitue un moyen d’épargner.
Cependant, l’évolution dans le temps des structures de base repose sur leur viabilité et leur
croissance stable. Ces conditions prévues par la loi ne sont pas réunies aujourd’hui au regard de la
prolifération des structures de base. Certaines structures de base développent déjà des relations de
coopération avec le système bancaire afin de s’assurer un refinancement en dernier ressort ou de
pouvoir recycler leurs excédents de trésorerie. Aussi l’injonction qui est faite aux mutuelles par la
loi de ne détenir dans leurs coffres qu’une somme d’argent excédant 500 000 fcfa précipite leur
rapport avec les banques classiques.
Dans ce contexte de fort développement de ces systèmes financiers, la BCEAO à travers la
MRDM poursuit la réflexion visant à promouvoir le cadre réglementaire, le système d’information
sur les opérations de micro finance, le contrôle des pratiques et la professionnalisation des outils.
L’un des enjeux consistant à la création d’un environnement institutionnel et réglementaire
favorisant le développement des outils de financement adaptés aux besoins des populations se
trouve ainsi réalisé.
De leur côté, les bailleurs de fonds, sous l’égide de la banque mondiale et à travers le Consultative
Group to Assist the Poor (CGAP), ont fortement contribué à structurer la réflexion vers la
recherche de la pérennité financière et institutionnelle des opérations de micro finance.
2.2.3.
Typologie des SFD
Les systèmes financiers décentralisés ou institutions de micro finance regroupent une variété
d’expériences d’épargne et/ou de crédit, diverses par la taille, le degré de structuration et la
philosophie.
Les systèmes financiers se présentent sous des formes diversifiées au Sénégal. Il y’a eu deux
typologies.
La première répartit les SFD en trois types de structures selon leurs objectifs :

Les institutions mutualistes ou coopératives d’épargne et de crédit, qui ont rôle central de
l’épargne pour alimenter le crédit ;

Les expériences de crédit direct : organisations ayant comme activité unique ou dominante la
distribution du crédit, le crédit n’étant pas obligatoirement lié à l’épargne ;
19

Les projets à volet crédit : organisations pour lesquelles l’octroi du crédit est une activité
accessoire.
La seconde est relative à la réglementation prévue pour chaque type de SFD :

Les institutions mutualistes d’épargne et de crédit bénéficiant d’un agrément ;

Les groupements d’épargne et de crédit bénéficiant de la reconnaissance ;

Les autres structures ou organisations bénéficiant d’une option entre la loi bancaire ou une
convention avec le ministère des Finances.
Les institutions d’épargne et de crédit sont des expériences qui cumulent des opérations de collecte
de l’épargne et d’octroi de crédit. Leur mode d’organisation et d’intervention se caractérise par le
fait que l’épargne y est généralement préalable au crédit. Sont regroupés dans cette catégorie, par
l’UMEOA pour des fins d’analyse, les coopératives ou mutuelles d’épargne et de crédit ainsi que
les caisses villageoises d’épargne et de crédit autogérées (CVECA), bien que répondant à des
philosophies différentes :
Les organisations ayant comme activité unique ou principale la distribution de crédit (expérience
de crédit direct) :

Les ECD concernent les systèmes qui ont privilégiés le crédit comme activité centrale de leurs
opérations sans le lier, obligatoirement, à la constitution préalable d’une épargne, avec des
nuances qui s’expliquent par les spécificités locales. Certaines de ces expériences font, dans
leur mode opératoire, référence au modèle de Grameen Bank, notamment en ce qui concerne
la constitution de groupes solidaires dont les membres se cautionnent mutuellement.
Les organisations pour lesquelles l’octroi de crédit est une activité accessoire (projet à volet
crédit) :

Les PVC ne font pas du crédit leur activité centrale. Ce volet est une composante parmi
d’autres qu’ils renforcent le cas échéant. Dans ce domaine également, la nature des
expériences fait apparaître une certaine diversité. En ce qui concerne les modes opératoires,
les volets crédit de plusieurs projets ne se distinguent pas toujours des activités « crédit » des
deux types d’expérience précédents ; ceci traduit la capitalisation que certains projets se sont
parfois efforcés de prendre en considération. Ce souci de capitalisation, lié à une volonté de
pérennisation a, en effet, conduit quelques concernés à restructurer leur volet crédit soit en
confiant la gestion à un réseau d’épargne et de crédit existant, soit en expérimentant
directement la mise en place de caisses d’épargne et de crédit avec la mise en place d’une
ligne de crédit. Le seul projet à volet crédit qui existait au Sénégal ne fonctionne plus comme
tel. Ce qui fait dire à Soulama et Zett (2002) : qu’« on peut retenir pour une première
typologie, les deux premières qui se différent de façon nette de par leur mode d’intervention
20
et leur philosophie. Un élément de différenciation fondamentale entre ces deux types
d’institutions réside dans la stratégie de collecte de l’épargne et de mobilisation du crédit. »
(p. 41).
Pendant que les COOPEC partent de l’épargne pour octroyer des crédits ; les expériences fondées
uniquement sur le crédit, comme le projet PAME/AGETIP, commencent par une ligne de crédit
sur la base d’une subvention extérieure pour chercher à s’autonomiser petit à petit. Ce processus
d’autonomisation passe par une mobilisation de ressources avec les intérêts liés aux prêts, une
incitation à l’épargne ou alors une épargne obligatoire de la part des emprunteurs.
3.
DYNAMISME DE LA MICRO FINANCE AU SÉNÉGAL
La mutualité plus documentée se présente aujourd’hui à travers un cadre précis qui est supposé
fonctionner sur un certain nombre de principes :

Les clients sont considérés comme des sociétaires ;

Les actions des membres ne sont pas à rémunérer. Seulement les excédents éventuels peuvent
leur être bénéfiques par plusieurs mécanismes (baisse des cotisations, remboursements
annuels, amélioration des garanties, etc.) ;

Le fonctionnement se fait sans intermédiaire ;

L’application d’une personne = une voix ;

Le lien commun comme élément de solidarité (professionnel, territoriale, etc.) ;

Le principe de solidarité entre assurés doit se traduire par la non-sélection des risques.
Cette mutualité constitue un circuit d’intermédiation financière et prend deux formes : les
Mutuelles d’épargne et de crédit et les Mutuelles de santé.
Elles fonctionnent comme des coopératives, c'est-à-dire qu’elles sont en principe gérées par leurs
membres même s’il arrive que des techniciens salariés ou les conditionnalités liées aux
financements extérieurs limitent ceux-ci. Dans leurs démarches, elles privilégient l’épargne et ne
font de crédit qu’à partir de l’épargne collectée. La logique de ces systèmes est d’adosser le crédit
à l’estimation à épargner.
21
Cette approche de la micro finance se distingue de celle anglo-saxonne, dont la Grahmeen Bank se
revendique,5 Elle s’inscrit dans une logique de développement visant à moyen terme l’autonomie
des acteurs et l’autosuffisance du système.
Mais, quelque soit la différence des approches, ces systèmes de micro finance replacent la
solidarité au cœur d’une démarche économique. Ils s’appuient tous dans leur relation avec les
populations cibles sur un certain nombre de principes.
Le principe de confiance fonctionne comme une hypothèse de travail entre les contractants. Elle
engendre une volonté commune d’inscrire une action associative dans la durabilité ou simplement
dans la réussite des objectifs qu’elle s’est fixée. La confiance fonctionne à ce niveau
d’intermédiation du social et de l’économique, à la fois comme un substrat social et un principe
économique. Si dans le premier cas, la personne la subie. Par contre, dans le second cas, elle la
définie, l’élabore ou simplement se l’approprie et y adhère. On parle dès lors de consensus. La
confiance est ainsi ce mécanisme qui permet de coordonner l’activité humaine.
Cette confiance est renforcée par le financement dans la proximité. Celui-ci couvrirait dans
l’entendement de Servet « des opérations entre agents à capacité de financement et agents à besoin
de financement dont les relations sont prédéterminées par l’appartenance à un même espace qui
peut être non seulement géographique (financement local) mais aussi ethnique, religieux ou
professionnel. Autrement dit, la relation financière, en tant que rapport économique, se trouve
engluée dans ou accompagne un ensemble de liens sociaux ». (Soulama et Zett, p. 39).
3.1.
Les pionniers de la micro finance au Sénégal
L’un des pionniers de la micro finance au Sénégal est l’antenne d’Enda-Tiers-monde dénommé
Environnement – Développement - Action – Groupe Recherche Action Formation (Enda-Graf),
qui appuya une petite opération d’épargne et de crédit, à Dakar en 1987. Cette première caisse
allait générer 16 autres dans les années 190. Le réseau d’épargne et de crédit des femmes de
Dakar, qui en a découlé, gérait en 2002 un encours de prêts à hauteur de 354 millions de FCFA. et
des encours d’épargne de 413 millions avec 28 000 membres.
Le Crédit Mutuel du Sénégal (CMS) : Le CMS a débuté ses opérations d’épargne et de crédit,
en 1988, grâce à un financement de la coopération française et l’appui du Centre International de
Crédit Mutuel (CICM), une association française des mutuelles. À la fin de 2002, le CMS avait un
important réseau national avec 7,5 milliards d’encours de crédit, 16 milliards d’encours d’épargne
et plus de 150 000 membres.
Le Partenariat pour la Mobilisation de l’Épargne et du Crédit du Sénégal (PAMECAS) fut lancé en
1995 sous la houlette d’un projet bilatéral de la coopération canadienne exécuté par le
Développement International Desjardins (DID). Fort d’une expérience ayant déjà fait ses preuves,
PAMECAS va très vite se placer parmi les réseaux les plus importants au Sénégal. En 2002,
5
Cette approche où se rattache la Grameen Bank crée une différence entre la micro finance et le micro crédit.
22
il comptait plus de 5,5 milliards d’encours de crédit, environ 6,5 d’encours d’épargne et
100 000 membres
L’UNACOIS fut d’abord un regroupement servant d’interface entre les commerçants, les
industriels et le gouvernement du Sénégal. Elle va ouvrir, à partir de 1996, des structures
mutualistes d’épargne et de crédit à ses membres. En 2002, l’UNACOIS détenait un portefeuille
d’encours de crédit de 2 milliards de FCFA et de 3 milliards d’encours d’épargne avec
30 000 membres.
L’ACEP est, quant à elle, issue d’un projet de coopération bilatérale entre l’Union States Agency
for International Development (USAID) et le gouvernement du Sénégal. Ce fut un projet de
développement des collectivités locales et de l’entreprise privée en milieu rural, démarré en 1986,
dans le bassin arachidier. Des difficultés liées à la gestion lui ont valu une autre orientation qui
épouse les formes et conditions d’une mutuelle d’épargne et de crédit. Sous le nom d’Alliance de
Crédit d’Épargne pour la Production (ACEP), le projet s’installe en 1996 à Dakar. Avec
40 000 membres en 2002, l’ACEP totalisait un encours de crédit de 10,5 milliards de FCFA et un
encours d’épargne d’un million de FCFA. La réorientation de l’ACEP lui a valu une perte de
vitesse.
En 2002, l’UNACOIS, le PAMECAS et le CMS constituaient les trois premières organisations de
micro finance du Sénégal, aussi bien en terme de nombre de membres que de volume de crédit.
Les institutions combinées représentent 80 % du marché total de la micro finance.
3.2.
Aperçu sur l’évolution de l’activité financière
La micro finance est une expérience récente au Sénégal, ce qui du reste n’altère en rien les
avancées considérables enregistrées tout à la fois dans l’inscription des populations aux structures
du système financier et le dynamisme de celui. Dynamisme qui s’apprécie de façon générale au
niveau de la qualité du portefeuille, de la progression de l’épargne, des taux de remboursement, du
fonctionnement de plus en plus en réseaux, de la progression des placements au niveau des
banques par ces structures, etc.
La banque de données du Sénégal, pour l’exercice 2000, a permis de recenser
cent vingt-et-une (121) institutions de micro finance (dont 117 mutuelles d’épargne et de crédit,
4 crédits directs. Le seul projet à volet crédit s’est retiré en 1998) ayant communiqué des
informations financières conformes aux prescriptions réglementaires de la BCEAO6 . L’analyse
faite des opérations de ces institutions a été limitée à celles dont le montant des dépôts et/ou
l’encours de crédit est supérieur à un (1) million. Sur la base de ce critère, vingt (20) institutions
parmi celles répertoriées n’ont pas été prises en compte dans l’analyse de l’activité financière des
SFD.
6
Il y a, en effet, un nombre insoupçonné de mutuelles d’épargne et de crédit qui opère NT sans agrément ou reconnaissance. D’autres, si
elles ont l’aval de l’AT/CPEC, ne parviennent pas à respecter les prescriptions de la loi PARMEC. Ces mutuelles sont très souvent source
de contentieux avec la clientèle. On en est à se demander si la cellule d’assistance est réellement en mesure d’assurer son travail à travers
le pays ou si elle est quelque part limitée dans l’exercice de ses prérogatives.
23
Une analyse comparative de l’activité financière montre une progression de l’épargne de 87,7%
entre 1998 à 2000, allant de 9,8 milliards à 18,4 alors que les dépôts en banques sont de 31,3 %
(respectivement de 467,6 à 614,0 milliards). Le taux de croissance des crédits est ressorti plus
élevé au niveau des structures financières décentralisées, soit 78 % (allant de 11,4 à 20,3 milliards)
contre 42 % pour le système financier classique.
Aussi en termes d’accès à des services financiers décentralisés, pour les populations non
bancarisées, les SFD font preuve d,une bonne progression avec un nombre de guichets qui s,élève
à 324 ( 233 en 1998 et 285 en 1999) contre 73 pour les banques.
De manière générale, les ressources des SFD évoluent de façon continue. En effet, en relation avec
cette augmentation du nombre de bénéficiaires, il a été relevé en un an, une hausse significative
des ressources mobilisées (4,8 milliards FCFA) et des financements accordés (8,5 milliards de
FCFA). Les placements auprès des banques sont eux aussi passés de 4,5 à 8,7 milliards. Le
partenariat entre banques et SFD se développe, de plus en plus, car certaines structures bancaires
tentent d’assurer le refinancement de certaines SFD, avec l’existence d’un fonds garantie.
La Caisse Nationale de Crédit Agricole du Sénégal (CNCAS), quant à elle, entretient des relations
de partenariat avec certaines SFD depuis quelques années. Elle les appuie aussi bien au plan
technique que financier. Ce qui explique que plusieurs fonds d’appui y sont domiciliés par les
partenaires au développement.
Les mutuelles d’épargne et de crédit sont les institutions financières les plus dynamiques. Le taux
de pénétration est en hausse pour les MEC qui présentent une évolution du sociétariat qui est passé
de 6,1 % en 1995 à 18,2 %en 1999, soit le triple en cinq ans. Cette hausse s’expliquerait par
l’augmentation du nombre des SFD et surtout par un fort taux de croissance des trois principaux
réseaux que sont le Crédit Mutuel Sénégalais (CMS, qui concentre 46,5 % du sociétariat), le
Partenariat pour la Mobilisation de l’Épargne et du Crédit au Sénégal (PAMECAS, 25,6 %) et
l’Alliance de Crédit et d’Épargne pour la Production (ACEP, 5,4 %)7 . Ce sociétariat est constitué à
35 % de femmes ; 52 % d’hommes et 13 % de groupements (BCEAO- BIT, 2000).
Subséquemment, le nombre d’emplois créés directement par les 116 structures ayant données des
informations relatives à l’effectif, était de 774 personnes en 1999. En comparant cet effectif à celui
du système bancaire (1 566 à la même année), nous pouvons en déduire que l’impact des SFD en
terme d’emploi est significatif.
Ils s’efforcent de concilier une logique de décentralisation, reposant sur la proximité, l’adaptation
des produits financiers à la demande des bénéficiaires et une logique de réseau permettant la
centralisation de certains services. Ils recherchent la pérennité de leurs activités à travers
l’équilibre financier et une organisation efficace.
L’outil micro finance, au-delà de fonctionner comme un moyen de lutte contre la pauvreté, se
révèle aussi comme un véritable moyen de rendre l’économie du marché accessible à tous et
d’optimiser l’affectation des ressources rares. Concevoir la micro finance sous l’angle technique,
7
Ces analyses de 2000 n’ont pas pris en compte les données de l’UNACOIS pour cause de non respect des procédures réglementaires.
Seulement, ces manquements ont été corrigés depuis.
24
c'est-à-dire comme un moyen d’augmenter les revenus des populations pauvres, peut participer
ainsi au projet plus global de stimulation du marché. Cependant, nous n’adhérons pas à cette
approche unidimensionnelle qui assimile accès au crédit et solution à la pauvreté. Mais nous
insistons sur l’avantage que cet outil a de pouvoir réconcilier les néolibéraux qui se soucient de
l’efficience du marché du crédit par une meilleure gestion financière et les tenants du
développement participatif, de la démocratie participative, c’est à dire ceux qui insistent sur la
nécessité de la mobilisation et de l’auto assistance de la population.
Cette innovation qui est l’outil financier décentralisé induirait des comportements stratégiques tout
aussi novateurs de la part de la population. En effet, un autre niveau d’appréciation du dynamisme
de ce système financier au Sénégal se retrouve au niveau d’un processus enclenché, qui est de plus
en plus imité et qui consiste à ne plus avoir recours aux structures classiques mais à en installer au
niveau des quartiers, du village, du lieu de travail ou alors par des groupes de personnes partageant
des objectifs communs. Ces différentes attitudes témoignent non seulement d’une volonté de se
prendre en charge mais aussi d’une capacité à épargner. Le besoin d’épargner plus que celui
d’accéder à un crédit constitue ici une réalité.
3.3.
Les produits et les services d’épargne
La diversité des réseaux de micro finance selon leur méthodologie et la place qu’ils attribuent à
l’épargne (épargne préalable et exclusive ou concomitante et secondaire) entraîne une diversité
dans les produits et services d’épargne. Ceux-ci peuvent être appréhendés sous trois catégories :
l’épargne volontaire, l’épargne obligatoire et l’épargne liée à un service.
L’épargne volontaire est constituée de deux types de produits :

Les dépôts à vue constituent la catégorie la plus utilisée des produits d’épargne. Ils sont
caractérisés par la souplesse des conditions d’accès : faible montant exigé pour l’ouverture
d’un compte, proximité et accessibilité des caisses, possibilité d’effectuer de petits versements
et liberté de retraits à tout moment, facilité d’exécution des opérations. Les dépôts à vue
permettent aux populations de garder leurs économies en lieux sûrs, à l’abri des pressions
familiales. Le livret de compte remis au déposant lui permet de vérifier les opérations
effectuées et le solde disponible dans le compte ;

Les dépôts à terme sont des dépôts bloqués pendant une période minimum de trois mois et
qui sont rémunérés par un taux prédéterminé. Les dépôts à vue sont très peu développés pour
au moins deux raisons. D’abord, les populations ont des revenus très faibles. Ensuite il s’avère
que la motivation essentielle de l’épargne demeure l’accès au crédit, même si d’autres
motivations comme la sécurité et la précaution existent.
25
L’épargne obligatoire est en relation directe avec le crédit. On trouve deux types d’épargne
obligatoire :

L’épargne préalable suit le postulat selon lequel un demandeur de crédit doit fournir un effort
financier minimum consistant à épargner régulièrement une certaine somme pendant une
période d’au moins trois mois. Ce qui devra prouver qu’il est capable d’apporter au moment
de sa demande de crédit une part des besoins de financement (au minimum 10 %). Cette
épargne est bloquée et parfois non rémunérée ;

L’épargne de garantie sert à garantir le crédit consenti généralement à un individu ou à un
groupe. L’épargne de garantie est parfois utilisée en combinaison avec d’autres formes de
garanties (cautions solidaires de groupe). La mobilisation de l’épargne de garantie (ou selon
les appellations : fonds de garantie, fonds de groupe, épargne nantie) se fait selon trois
procédés différents :
•
•
•
Une constitution préalable de l’épargne par les moyens propres des demandeurs ;
Un prélèvement sur le montant du crédit au moment de la mise en place du prêt. Ce montant
prélevé est bloqué comme garantie ;
Une constitution de l’épargne au fur et à mesure que l’on rembourse le prêt. Ceci ne constitue
plus une garantie mais suppose une incitation à l’épargne.
L’épargne liée à un service donné :

Ce service n’est pas très répandu mais tend de plus en plus à être intégré par les SFD. On peut
en citer l’épargne investissement ou l’épargne vieillesse. Par contre, au Sénégal le service le
plus répandu est aujourd’hui l’assurance-maladie. Des produits micro assurance santé sont de
plus en plus offerts par des mutuelles d’épargne et de crédit. PAMECAS en a fait l’expérience
avec la mutuelle d’épargne et de crédit Icotaf boubess (MECIB) en installant un dispositif
contractuel entre ses clients et des structures sanitaires (Sine 2003, p. 68).
En somme, il faut remarquer que l’incitation à épargner dépend du type de service offert. Dans
certains réseaux, par exemple les fonctionnaires ne sont pas éligibles pour avoir des prêts. La
structure ne leur offre que des services d’épargne, faisant une priorité aux populations à faible
revenu. Cependant, dans un souci de rechercher des moyens, les SFD font preuve d’innovation en
matière de services et de produits offerts aux clients. L’ACEP propose des types de comptes
d’épargne en dehors de ceux classiques : les comptes d’épargne entrepreneur, d’épargne projet ou
spécial mettent un procédé beaucoup plus complexe et ciblent une clientèle donnée.
L’organisation de l’épargne et sa capitalisation plus que l’octroi de crédit aux pauvres et aux
exclus était un défi que le Sénégal devait relever. Aussi, la mobilisation de ressources internes, par
l’épargne nationale, est apparue comme la base indispensable de financement de la croissance et
du développement face aux contraintes et aux limites de l’endettement extérieur. Du coup, le
financement décentralisé, contrairement au système financier institutionnel (banque centrale,
26
banque de développement, banque commerciale) touche la majeure partie de la population non
bancarisée. Il est caractérisé par la souplesse de son organisation et porte l’empreinte de la
population pauvre par sa contribution à son propre financement ou à celui des autres. Il devient dès
lors un réflexe.
Seulement, un niveau d’élaboration de politiques nationales, reconnaissant leur place dans
l’économie, susceptibles de stimuler leurs actions par des mesures appropriées, des
réglementations bancaires prenant en compte leur spécificité reste à achever. La petitesse de la
taille et l’impact encore faible de ces systèmes financiers, même s’ils sont aujourd’hui reconnus,
ne leur permet pas encore d’influer sur la définition des politiques nationales. Cette faiblesse de
l’impact est surtout caractérisée par sa non organisation en union ou en fédération, mais aussi par
une mauvaise capitalisation des informations au niveau de certaines SFD. Les mutuelles qui sont
parvenues à se créer en union sont devenues les plus performantes, c’est le cas de l’UNACOIS, du
PAMECAS et du CMS.
Les structures financières décentralisées constituent dès lors une alternative au système bancaire
classique parce que adaptées au contexte socio culturel et aux aspirations des populations dans la
recherche de moyens efficaces de lutte contre la pauvreté et du financement d’activités
productives. La micro finance constitue ainsi un outil transversal qui peut avoir des impacts sur
différents aspects du développement et pas seulement sur les activités économiques. En effet, les
créations d’emplois et de revenus, la capacité d’épargner peuvent induire des changements dans
les comportements de ceux qui en bénéficient. Ces changements peuvent s’opérer dans le sens
d’une amélioration des conditions sanitaires, d’une augmentation du niveau d’éducation, d’une
meilleure gestion de l’environnement, etc.
Ce constat de la micro finance comme pouvant avoir des effets directs et indirects, s’exerçant à
différents niveaux (individuel, ménager, etc.) et à champs (impacts sociaux, économiques, etc.)
soutend les réflexions sur sa pertinence comme outil de développement.
3.4.
Les faiblesses liées à la mobilisation de l’épargne
Plutôt que des banques de développement, ont été ainsi promus des structures visant la promotion
de la fonction de l’épargne Ce changement de la structure institutionnelle du marché financier,
marquée par l’irruption des SFD s’est d’abord opéré en milieu rural. L’approche « épargne
préalable au crédit », contrairement aux expériences précédentes, doit susciter une volonté de
remboursement et une appropriation du système financier par les populations ciblées.
Aujourd’hui, l’accès au crédit devient non pas secondaire mais tributaire de l’épargne. En effet, la
mobilisation et la sécurisation de l’épargne ainsi que la promotion d’une culture de l’épargne,
sont considérées comme des objectifs prioritaires. Cette nouvelle approche confirmait l’orientation
fondamentale de DID qui s’est constituée sur un développement d’institutions financières dont les
principales ressources proviendraient des communautés desservies, par opposition à de simples
guichets de crédit disposant exclusivement de fonds externes. (Gaboury, 2003). Elle a le mérite de
privilégier les demandes des clients potentiels et notamment des épargnants. A contrario, les SDF
qui dépendent des ressources des bailleurs se focalisent plus sur les exigences de ceux ci.
27
L’analyse des résultats financiers des SFD par le MRDM montre des taux de remboursement
satisfaisants et ouvre des perspectives de pérennité. Aussi, les informations et données récentes
recueillies sur la situation de la micro finance dans l’UEMOA mettent en exergue un dynamisme
financier. La collecte des dépôts est passée de 137 milliards en 2001 à 170 en 2002.
Seulement, tout comme les données de la BCEAO sur le Sénégal, ceux de l’UEMOA sont à
relativiser. Ces différentes progressions s’accompagnent d’un certain nombre de
dysfonctionnement, notamment au niveau des systèmes d’informations de gestion et de contrôle
interne des SDF. D’abord, parmi les SFD, qui sont reconnues par la loi, beaucoup ne parviennent
pas à fournir l’information sur leurs états financiers. Ensuite, il existe au Sénégal des structures qui
fonctionnent sans reconnaissances juridiques et qui ne sont, par conséquent, pas pris en compte.
L’une des recommandations en micro finance consiste à vérifier la gestion financière d’une
institution par des contrôles internes efficaces avant de lui permettre de mobiliser l’épargne des
populations Elle ne nous semble pas pertinente. Au Sénégal, on se rend compte qu’une institution
peut, dès sa constitution, commencer à collecter des dépôts. Il revient à la cellule d’assistance
technique de se donner les moyens de les contrôler.
Les dysfonctionnements que pose la collecte de l’épargne sont de deux ordres :

Le problème de la sécurisation des dépôts qui demeure un des handicaps du fait d’un manque
de contrôle à la fois interne et externe ;

Le coût de l’épargne. Modeste pour les bénéficiaires, les coûts de l’épargne peuvent être
parfois très élevés, ce qui peut constituer un frein à la collecte.

Le caractère très peu diversifié des produits d’épargne.
28
CONCLUSION
L’épargne comme levier de développement
L’apport de l’épargne intérieure sur le financement du développement demeure une nécessité.
Cette approche d’une mobilisation de l’épargne intérieure pour le financement du développement
constitue pour Gélinas (1994) une voie de sortie pour les pays du tiers-monde. Il décrit dans son
analyse comment celle-ci devrait permettre le passage d’un développement à crédit8 à un
auto-financement du développement du tiers-monde.
Dans la représentation commune, le développement est synonyme de niveau de vie élevée et
d’accès au bien-être pour tous (Latouche, 1986). Ce développement ne doit pas être abordé
seulement à partir d’une optique quantitative, mais aussi « comme un processus de transformation
de la gestion des ressources humaines en potentiel de développement » (Bartoli, p. 50). Il convient
alors de faire la différence entre développement et croissance comme l’affirme Bairoch repris par
Greffe (1992) : « La croissance se limite à l’augmentation du volume de production par habitant et
ce n’est que lorsque cette croissance est accompagnée des changements structurels en question que
l’on parle de développement… » (p. 46).
La promotion de la culture de l’épargne constitue une des portes d’entrée à ce type de
développement. Il convient ainsi une fois qu’elle est mobilisée de l’articuler au financement
d’activités productives.
Seulement dans l’approche des mutuelles d’épargne et de crédit au Sénégal, il n’est prévu aucun
schéma d’une dynamique de renouvellement et de renforcement de l’économie locale comme ce
fut le cas au Québec. Peut-être parce ce que, comme le remarque Reifner, on l’appelle
micro finance ou micro crédit, ils partagent au moins deux aspects : l’un explicite et l’autre
implicite. D’abord « la promotion de l’emploi, en favorisant la création d’auto emploi, (ensuite),
de façon implicite, le développement communautaire. » (Reifner, 2002, p. 413).
Ce processus de l’insertion par l’économie suit dans une de ses formes une articulation entre les
pratiques de la micro finance en relation avec l’emploi et le redéploiement des économies locales.
(Comeau et al, 2001). En effet, au-delà des rapports avec sa clientèle, l’institution financière doit
entretenir une relation avec son environnement social, économique, culturel, politique et même
écologique. Elle doit ainsi imprimer son action dans le développement de la localité ou elle est
implantée. Cette « intervention sociale » de l’institution financière devrait engendrer « une action
collective planifiée dans le but de s’attaquer à des problèmes sociaux » de la localité, sur la base
d’un système de valeurs démocratiques. (Favreau et Lévesque, 1999, p. 2). Seulement il faudrait
que l’institution, dès l’entame, se définisse un contexte social en plus de son rôle économique. Si
cela est vrai pour les coopératives, il demeure un des handicaps des mutuelles d’épargne et de
crédit.
8
Fait allusion à la fois aux moyens et aux modèles extérieurs de développement.
29
Par ailleurs, une approche de l’économie sociale s’avère pertinente dans la mesure où elle permet
de ne pas se limiter sur des considérations économiques du crédit et de l’épargne – ou dans une
perspective minimalisante9 de la micro finance - mais de prendre en charge des logiques de
comportements des promoteurs individuels ou sociaux. L’approche ainsi « plurielle » de la
micro finance comme outil de développement, sied mieux dans un cadre particulier d’une
économie sociale et solidaire plutôt que dans celui général du développement.
Cette approche de l’économie sociale ne constitue pas un paradigme de développement, mais
« ne prend son sens qu’à partir de son inscription dans un modèle de développement. »
(Lévesque, Mendell, p. 9, 1999). Elle est soutenue par les paradigmes d’un développement par la
démocratie (Laville, 1999, Lévesque, Gélinas, 1994).
En somme, avec des systèmes d’interventions divers, les institutions financières intermédiaires,
mais aussi les systèmes informels, parviennent à collecter l’épargne des populations urbaines
comme rurales. La transformation de cet argent en crédit permet d’entreprendre des activités
créatrices de richesse.
Et lorsque « l’épargne collectée est insuffisantes, (…) les mécanismes de refinancement ou de
ligne de crédits, viennent multiplier les efforts consentis par les populations » (Goldsteins Barro,
1999, p. 62).
L’analyse rapide, à laquelle nous avons procédé, montre la place que l’épargne peut prendre dans
un processus de développement participatif. Ainsi, le débat se pose de plus en plus en termes de
diversification de ces produits et d’augmentation des taux d’intérêts.
9
Cette approche qui est contraire à celle des finances solidaires, est selon Amoureux, (2003), « une forme de micro finance qui prône
l’institutionnalisation en banques commerciales, pour accéder au marché monétaire, une rentabilité élevée pour attirer des investisseurs
privés. » p. 68.
30
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