Les plaies chez le sujet âgé, en ville comme à l'hôpital, posent un problème de prise en charge et
représentent un coût non négligeable par les soins qu'elles représentent. De plus, elles altèrent la
qualité de vie des personnes concernées. Les ulcères de jambe d’origine veineuse ou artérielle, les
escarres, les brûlures et les complications cutanées du diabète sont les principales plaies rencontrées
au cours du vieillissement.
PHYSIOPATHOLOGIE
- Les ulcères de jambe correspondent à une perte de substance dermo-épidermique. On distingue
l’ulcère veineux, dont la cause est l’insuffisance veineuse chronique, de l’ulcère d’origine artérielle
ou mixte.
1. L’ulcère veineux se localise principalement au niveau des malléoles, plus souvent interne
qu’externe. Son extension s’effectue de façon circonférentielle et vers le haut. Les contours sont
plutôt réguliers (circulaires ou ovales) avec des bords en saillie assez nets. Il est peu creusant,
de grande taille et habituellement indolore. Son fond est volontiers fibrineux et suintant. Il
existe chez ces sujets des signes d’insuffisance veineuse associés comme des varices ou des
œdèmes vespéraux. La peau péri-lésionnelle est fragile avec notamment une dermite ocre et des
zones d’atrophie blanche.
2. L’ulcère artériel est concomitant d’une artériopathie oblitérante des membres inférieurs. Il se
situe au pied, aux endroits où la peau est soumise aux contraintes les plus fortes. Ce sont les
zones frottant sur le soulier à la marche comme les reliefs saillants des orteils et la face
postérieure de la cheville. Chez les patients alités, les zones concernées sont le talon et le bord
externe du pied. Il est arrondi avec un bord régulier, creusant, pouvant atteindre les structures
tendineuses, osseuses ou articulaires sous-jacentes. Il est de petite taille, à l’emporte-pièce et
plutôt douloureux lors du décubitus.
3. L’ulcère mixte associe les composantes sémiologiques des deux précédents.
- L’escarre se définit comme une nécrose ischémique des tissus mous compris entre le plan du
support (lit ou fauteuil) sur lequel repose le sujet et le plan osseux. Elle siège préférentiellement aux
points d’appui comme la région sacro-fessière, le talon, le trochanter, la malléole ou le coude. Les
principaux facteurs de risque sont l’immobilité, les troubles de la sensibilité, la dénutrition, la
survenue d’une pathologie aiguë et la déshydratation. Les classifications reposent sur des éléments
anatomo-cliniques ou bien visuels, la dernière étant d’un maniement plus aisé (Annexe 1). Les
différents stades peuvent se retrouver dans une même plaie.
- Les brûlures se décrivent selon le degré de brûlure, l’étendue et le siège.
1. Les brûlures du 1er degré se caractérisent par une atteinte de la couche cornée superficielle, et
de l’épiderme. Elles sont associées à un érythème douloureux.
2. Les brûlures du 2ème degré superficiel comprennent une atteinte de l’épiderme jusqu’à la
membrane basale avec apparition d’une phlyctène.
©2002 Successful Aging SA
Principales atteintes
cutanées en institution
Mise au point
N. Faucher,T. Cudennec
Hôpital Sainte Périne, Paris
3. Les brûlures du 2ème degré profond présentent une destruction de la membrane basale et
atteinte partielle du derme.
4. Enfin, les brûlures du 3ème degré associent à une destruction totale de l’épiderme et du derme
sous-jacent, une anesthésie totale de la région.
L’étendue s’apprécie en pourcentage de surface corporelle totale, la tête représentant 9 %, la face
antérieure du tronc 18 %, sa face postérieure 18 %, les membres supérieurs 9 % chacun, 18 % par
membre inférieur et 1 % pour les organes génitaux externes. La somme de ces valeurs permet
d’établir la surface du corps brûlée en pourcentage.
- Parmi les plaies diabétiques, on retrouve les ulcères d’origine artérielle quand il existe une
artériopathie sous-jacente, les maux perforants plantaires qui siègent sous les têtes des métatarsiens
en hyper-appui, ou encore des ulcérations torpides couronnant des orteils déformés en griffe. Le mal
perforant est dû à une participation artérielle constamment surinfectée et doit être pris en charge le
plus précocement possible.
EPIDEMIOLOGIE
- Les ulcères de jambe sont des lésions fréquentes. Ils sont présents chez environ 1 à 2 % de la
population générale. Près de 75 % des ulcères atteignent les sujets âgés de plus de 60 ans. Ils touchent
préférentiellement la femme, les individus vivants seuls ou dans des conditions sociales précaires. La
moitié des ulcères demande plus de 9 mois pour cicatriser. On estime à 20 % le taux de plaies non
guéries à 2 ans. Ce chiffre passe à 8 % au bout de 5 ans. Ils récidivent dans 65 à 70 % des cas.
L'insuffisance veineuse est en cause dans 70 % des cas.
- Les escarres s’observent dans plus de 70 % des cas chez les sujets de plus de 70 ans en situation de
stress aigu. Leur fréquence en ville est estimée à 5 %. En milieu hospitalier, elle varie de 5 à 30 %. Il
faut en moyenne 90 à 180 jours pour cicatriser une escarre volumineuse allongeant ainsi la durée
d'hospitalisation des personnes.
- Les brûlures sont essentiellement imputables aux accidents domestiques (70 %) et aux accidents de
travail (20 %). Le degré de gravité, la localisation et la mise en jeu du pronostic vital, conditionnent
leurs prise en charge en milieu hospitalier spécialisé.
- Enfin, les plaies du sujet diabétique voient leur incidence en constante augmentation. On estime à
20 % le nombre de patients diabétiques qui présentent une lésion du pied dont l'évolution la plus
redoutée est l'amputation. En France, le nombre annuel d’amputations est de 150 000 dont 9 000
d’origine diabétique.
LES EXAMENS COMPLEMENTAIRES
Dans tous les cas, l’interrogatoire et l’examen clinique du patient restent primordiaux. Il faut
rechercher les causes générales susceptibles d’entretenir la plaie que ce soit un ulcère, une escarre ou
une ulcération diabétique.
On doit dépister :
- Un diabète ou vérifier l’équilibration de celui-ci par des glycémies sanguines et capillaires. Le
désordre glycémique favorise l’apparition de plaies souvent associées à un risque majeur d’infection
locale. L’évolution vers la gangrène et l’amputation est à éviter absolument.
- Une dénutrition, qui est source de carences, entravant la cicatrisation. Cette dénutrition est plus
fréquente en milieu hospitalier et en institution, mais touche aussi certains sujets en ambulatoire. Les
personnes âgées atteintes d’escarres sont souvent profondément dénutries. Cette carence est non
seulement due à une insuffisance de prise alimentaire mais aussi à la présence d’un
hypermétabolisme provoqué ou aggravé par l’escarre elle-même, qui augmente les besoins
nutritionnels (augmentation du catabolisme protéique avec fonte des réserves et fuites protidiques par
la plaie). Le dosage de l’albumine, de la pré-albumine et de la protéine C-réactive (CRP) afin de
mesurer l’intensité du syndrome inflammatoire éventuellement associé, ainsi qu’une pesée régulière
sont nécessaires.
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- Une déshydratation entraîne un risque d’hypoperfusion locale et une diminution du transport en
oxygène vers la plaie. Un ionogramme sanguin informe le praticien sur cet état.
- Une anomalie hématologique, comme une anémie, peut ralentir le processus de guérison,
augmenter également le risque d’hypoperfusion locale et diminuer les échanges gazeux. La
thrombocytémie peut être responsable localement de microthromboses empêchant là encore les
échanges gazeux et métaboliques. Une numération sanguine et un dosage du taux de plaquettes sont
le plus souvent suffisants.
- Une artérite peut-être visualisée par la réalisation d’une échographie et d’un doppler artériel des
membres inférieurs. En effet, elle aggrave les lésions ischémiques et diminue les apports en oxygène
au niveau des plaies, retardant ainsi la cicatrisation. Le recours à l’angiographie ne trouve sa place
que dans l’hypothèse d’un geste chirurgical de revascularisation.
- Les prélèvements bactériologiques ne trouvent leur utilité que lors d’une lymphangite, d’une
ostéite, d’une arthrite ou d’une septicémie impliquant le recours aux traitements antibiotiques par
voie générale. La colonisation de la plaie par une flore faiblement pathogène est habituelle et
souhaitable pour favoriser la détersion et le bourgeonnement.
TRAITEMENTS
La prise en charge des plaies repose sur les traitements locaux et sur la correction, quand elle est
possible, des facteurs étiologiques.
- La correction des facteurs étiologiques comprend la lutte contre la stase veineuse, condition
indispensable à la guérison de l’ulcère veineux et à la prévention des récidives. Cette plaie est
directement liée à l’hyperpression veineuse quelle qu’en soit l’origine. La correction des désordres
métaboliques et de l’anoxie ne peut être effective et durable sans l’obtention de la normalisation des
pressions veineuses à la marche et à la station debout. On utilise alors une contention élastique soit
par bandes, soit par bas, associée à une déambulation active. La contention locale se met le matin au
lever. En revanche, elle est contre-indiquée en cas d’artérite sévère et de dermatoses suintantes et
infectieuses. L’éducation du patient est indispensable pour une meilleure observance.
La correction des facteurs de risque comme le tabagisme, l’hypertension artérielle, le diabète et la
dénutrition appartient également au traitement.
De plus, il faut veiller à supprimer les appuis sur une zone porteuse d’escarre lors de l’installation au
fauteuil, de la mobilisation au lit et surtout par la rééducation active à la marche. On utilise ainsi des
supports de prévention adaptés.
- Le traitement local comprend le nettoyage de la plaie à l’eau ou au sérum physiologique. Il est
recommandé de ne pas utiliser d’antiseptique ou d’antibiotique local. La détersion de la plaie élimine
la nécrose et la fibrine et est favorisée par le maintien d’un milieu chaud et humide qui contribue
également au bourgeonnement et à l’épithélialisation. Le choix du pansement doit être adapté au type
de plaie, à sa localisation, à son stade, à sa taille, à sa profondeur et à l’aspect de la peau péri-
lésionnelle (Annexe 2).
- Le traitement de la douleur est indispensable pour le confort du malade et pour la réalisation des
soins locaux dans de bonnes conditions.
CONCLUSION
La prise en charge des plaies chez le sujet âgé doit être globale. Bien soigner des escarres implique
compétence, formation et motivation de tous les intervenants. Les pansements de nouvelle génération
permettent des soins plus confortables, notamment par des changements moins fréquents. Ils
permettent l’obtention d’une cicatrisation dirigée et sont accessibles en ville comme en institution.
REFERENCES
1. Meaume S., Senet P. Escarres de décubitus en médecine gériatrique. Prévention des escarres
chez la personne âgée. Presse Med, 1999 ; 28 : 1846-1853
Mf 10-2002
©2002 Successful Aging SA
Annexe 1: Classifications clinique et colorielle des plaies
CLASSIFICATION CLINIQUE
- Stade 1
- Stade 2
- Stade 3
- Stade 4
- Erythème
- Phlyctène, désépidermisation
- Nécrose
- Ulcération profonde, ostéite, décollement, fistule
CLASSIFICATION COLORIELLE
- Plaie noire
- Plaie jaune
- Plaie rouge
- Plaie rose
- Nécrose
- Fibrine
- Tissu de granulation
- Epithélialisation
Annexe 2 : Indications des différents pansements selon le stade et l’aspect de la plaie
ASPECT DE LA PLAIE PANSEMENTS UTILISES
Nécrose sèche - Débridement mécanique
- Hydrogels
Fibrine ou nécrose humide
- Débridement mécanique
- Hydrocolloïdes
- Alginates si exsudative
- Hydrogels si peu exsudative
Plaies creuses, exsudats modérés à
importants
- Alginates
- Hydrocolloïdes
- Hydrocellulaires
Plaie avec exsudats majeurs
- Alginates
- Hydrocellulaires
- Hydrofibres
Plaie infectée
- Alginates
- Hydrocellulaires
- Hydrofibres
- Pansement au charbon
Plaie bourgeonnante - Hydrocolloïdes
- Hydrocellulaires si exsudat
Plaie hyperbourgeonnante - Corticoides locaux classe II
Plaie superficielle ou épithélialisation
- Hydrocolloides
- Hydrocellulaires
- Interfaces
2. Meaume S. Les escarres de la personne âgée. Revue du Généraliste et de la Gérontologie, 1997 ;
33 : 88-94
3. Lok C. Ulcères de jambe d’origine veineuse. Ann Dermatol Venereol, 1997 ; 124 : 112-121
4. Conférence d’experts. Traitement de l’ulcère veineux de jambe. Ann Dermatol Venereol, 1997 ;
124: 360-364
5. Smith D.M. Pressure ulcers in the nursing home. Ann Intern Med, 1995; 123: 433-442
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