L`assise économique, base essentielle de la croissance

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6.10. L’assise économique, base essentielle de la croissance de la
prospérité, reste extrêmement fragile
Chaque année, le Conseil central de l'économie (CCE) publie son rapport technique sur les
marges maximales disponibles pour l'évolution du coût salarial. Tous les 2 ans, ce document
marque le début des négociations en vue de l'AIP. Les autres années, il constitue un baromètre
de notre position concurrentielle. Le présent Focus commente les principaux éléments du rapport
intermédiaire de novembre 2009.
I. Compétitivité
La part de notre industrie dans l'UE-15 est sous pression
La valeur ajoutée mesure la prospérité créée dans une économie. En effet, elle permet
notamment de payer les salaires, les impôts et les cotisations à la sécurité sociale. De 1996 à
2007 (dernière année pour laquelle des chiffres sont disponibles), la valeur ajoutée dans
l'industrie a en moyenne crû de 2% par an en Belgique. C'est un peu moins qu'aux Pays-Bas ou
en France (2,3%) et nettement moins qu'en Allemagne (3,1%).
Dès lors, la part de la Belgique dans la valeur ajoutée de l'industrie au sein de l'UE-15 diminue
structurellement depuis 1999. En revanche, l'Allemagne est parvenue, essentiellement depuis
2003, à augmenter considérablement sa part. Étant donné le poids direct et indirect de
l'industrie dans notre économie, cette évolution est clairement préoccupante.
CHIFFRES CLES
Perte de parts de marché: en moyenne 1,9% par an
Handicap en matière de coûts salariaux fin 2008 : 3,6%
Handicap en matière de coûts salariaux prévu fin 2010 : 3,3%
1 nvestissements dans les formations formelles et informelles: 1,59% des coûts salariaux
1 nvestissements dans les formations formelles et informelles (> 10 travailleurs): 1,77% des
coûts salariaux
• Investissements dans la recherche et le développement: 1,87% du PIB
•
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•
Nous perdons des parts de marché
De 1995 à 2008, les exportations belges ont crû de 3,1 % en moyenne par an. Ces
performances sont elles aussi moins bonnes que celles de la France (3,3%), de l'Allemagne
(5,9%) et des Pays-Bas (7,3%).
Cette croissance structurellement plus faible de nos exportations explique pourquoi notre pays a
enregistré une perte de parts de marché d'exportation plus importante que certains autres pays.
Ainsi, la part des exportations belges sur les marchés internationaux a baissé en moyenne de
1,9% par an entre 1995 et 2008, alors que l'Allemagne a connu une stabilisation de sa situation
(0%) et les Pays-Bas même une augmentation de 2,5%. Sachant en outre que notre excédent
sur la balance commerciale diminue structurellement surtout depuis 2003, on peut en conclure
que la compétitivité de notre économie a surtout décliné ces dernières années.
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II. Evolution des coûts salariaux
Un handicap en matière de coûts salariaux de 3,6% entre 1996 et 2008
Conformément à la loi de 1996 relative à la promotion de l'emploi et à la sauvegarde préventive
de la compétitivité, les coûts salariaux belges doivent évoluer parallèlement à la moyenne de
nos trois voisins (que sont l'Allemagne, la France et les Pays-Bas). Jusqu'en 2005 inclus, cette
loi a dans l'ensemble été respectée, mais depuis 2006, notre handicap en matière de coûts
salariaux augmente à nouveau considérablement. Ai nsi, au cours de la période 2005-2006, les
coûts salariaux belges ont crû 1,2% plus vite que la moyenne de nos 3 voisins. Et ce
pourcentage était même de 2,5% pour la période 2007-2008. Dès lors, nous enregistrions, fin
2008, un handicap de pas moins de 3,6% depuis 1996 !
En 2009-2010, notre handicap se résorbera légèrement, mais restera toutefois à
un niveau historiquement élevé
Fin 2008, les partenaires sociaux ont conclu un accord exceptionnel qui prévoyait uniquement,
en plus de l'indexation et des augmentations barémiques, une enveloppe de négociations de
maximum 250 EUR par travailleur à vitesse de croisière. Sur la base des informations
aujourd'hui disponibles, l'accord semble être parvenu, pour la période 2009-2010, à faire
évoluer les coûts salariaux belges (3,5%) plus lentement que la moyenne de nos trois voisins
(3,8%). Dès lors, notre handicap devrait légèrement se résorber, de 3,6% fin 2008 à 3,3% fin
2010. C'est une bonne nouvelle, mais si l'on veut continuer à réduire notre handicap (historique)
toujours considérable, les partenaires sociaux devront faire preuve d'une discipline similaire à
l'avenir aussi.
La 'dérive salariale' ne couvre absolument pas la portée du concept
Traditionnellement, trois aspects contribuent à l'évolution des coûts salariaux dans le rapport du
CCE : (1) l'évolution salariale conventionnelle horaire; (2) la dérive salariale et (3) l'effet des
cotisations patronales. Au niveau des deux premiers surtout, le terme ne couvre absolument pas
la portée du concept. En effet, la notion de 'dérive salariale' englobe toutes sortes d'éléments
conventionnels tels que les primes, chèques-repas, les accords conclus au niveau de l'entreprise,
... Même les éco-chèques, ayant pourtant fait l'objet d'une CCT au sein du Conseil national du
travail, ne sont pas, dans le rapport du CCE, repris dans les salaires horaires conventionnels
mais bien dans la dérive salariale. Cette manière artificielle de présenter les choses engendre
pas mal de confusion. En effet, elle pourrait, à tort, donner l'impression que les partenaires
sociaux ne sont pas responsables du handicap salarial. De plus, ce qui nous intéresse in fine,
c'est l'évolution des coûts salariaux horaires totaux en Belgique par rapport à celle des trois
pays voisins. C'est d'ailleurs la seule donnée qui puisse être comparée à l'échelle internationale!
(1) On ne peut en déduire les subventions salariales (via la fiscalité fédérale), octroyées notamment pour le travail en
équipes et de nuit, les heures supplémentaires, ... , et ce pour les raisons suivantes : (1) on ne le fait pas non plus
pour les pays voisins et cela reviendrait donc à comparer des pommes avec des poires; (2) c'est contraire à l'accord
du gouvernement fédéral qui précise que ces réductions de charges ne peuvent servir à financer des augmentations
salariales; (3) ce n'est pas conforme à la loi de '96 qui stipule que ces réductions de charges doivent servir à réduire
le handicap salarial d'avant 1996 et non celui accumulé après cette date.
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III. Pouvoir d'achat
Le pouvoir d'achat a crû de plus de 9% depuis 1996
Selon nos propres estimations fondées sur les chiffres du Bureau fédéral du plan, le pouvoir
d'achat des ménages a crû de plus de 9% entre 1996 et 2008. Cette année aussi (+1,5%), ainsi
qu'en 2010 (+0,4%) et en 2011 (+2,1%), il prévoit une nouvelle augmentation, et ce, en dépit
de la crise. Cette hausse du pouvoir d'achat constatée depuis 1996 découle essentiellement de
deux phénomènes: (1) des augmentations salariales réelles pour les personnes actives et (2) les
chômeurs qui trouvent un emploi. Ce dernier point surtout est important, car nous savons que le
risque de pauvreté parmi les chômeurs (34%) est nettement plus élevé que parmi les actifs
(4%). On peut donc en conclure que, d'une part, le problème des 'travailleurs pauvres' se pose
nettement moins en Belgique que dans d'autres pays et, d'autre part, l'exercice d'un métier
constitue encore toujours la meilleure protection contre la pauvreté.
L'activation rapide des chômeurs maintient leurs compétences à niveau
La création d'un maximum d'emplois et l'activation rapide des chômeurs, quel que soit leur âge,
sont donc importantes non seulement dans le cadre de la lutte contre la pauvreté, mais aussi
pour maintenir les compétences qu'ils ont acquises. Des études démontrent en effet que le
capital humain constitué s'érode rapidement à mesure que s'allonge la période de chômage. De
plus, l'impact sur le salaire mensuel brut du chômeur concerné n'est pas négligeable. Ainsi, le
Conseil central de l'économie cite entre autres une étude qui a calculé que cette 'sanction
salariale' est en moyenne de 0,4% par mois de chômage. Concrètement, cela signifie donc
qu'une personne au chômage pendant 6 mois sera confrontée, lors de sa reprise du travail, à
une baisse de son salaire mensuel brut de 2,6% en moyenne. Pour un chômeur inscrit depuis 1
ou 2 ans, ce pourcentage peut même atteindre respectivement 4,8% et près de 10%.
Le montant net des bas salaires a sensiblement augmenté
Une autre raison expliquant pourquoi le pouvoir d'achat a pu augmenter autant ces dernières
années est l'adoption, par le gouvernement, de diverses initiatives visant à accroître
considérablement le salaire net des travailleurs depuis 2000. Les deux principales sont
l'introduction du bonus à l'emploi et la réforme de l'impôt des personnes physiques. Grâce à la
première mesure, les bas salaires doivent s'acquitter de cotisations personnelles moins élevées
à la sécurité sociale, alors que la seconde a notamment supprimé les tarifs marginaux dépassant
50%, réindexé les barèmes fiscaux, supprimé l'impôt de crise et relevé à nouveau le revenu
minimum exonéré. Ces mesures ont eu un impact positif très marqué sur les salaires nets,
principalement sur les bas salaires (par ex. 50% d'un salaire brut moyen). Elles expliquent en
effet plus de 75% de leur accroissement réel de 13,4% du salaire net entre 1996 et 2006
(dernière année pour laquelle des chiffres sont disponibles). Pour les salaires plus élevés,
l'impact des mesures fiscales et parafiscales était plus modeste (2).
IV. Formation
Vers un meilleur mesurage des efforts de formation
À la fin de 1998, les partenaires sociaux avaient convenu d'investir dans la formation 1,9% des
coûts salariaux, tous secteurs confondus. Le bilan social devait servir pour évaluer si cet objectif
était ou non atteint. Cependant, il est rapidement apparu que les données chiffrées émanant du
bilan social présentaient de sérieuses lacunes. Ainsi, on a notamment constaté que seul un
nombre relativement limité d'entreprises complétait effectivement le volet formation du bilan
social. Quant aux autres entreprises, on supposait tout simplement qu'elles n'investissaient pas
dans la formation, une hypothèse très lourde qui ne correspond absolument pas au feed-back
que la FEB reçoit en provenance du terrain. Une seconde lacune réside dans le fait que jusqu'en
décembre 2008, seules les formations formelles devaient être mentionnées dans le bilan social.
(2) Pour plus d’information, voyez la note documentaire sur www.ccerb.fgov.be
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Les formations informelles (formations sur le terrain, participation à des séminaires, ... ), très
importantes dans certains secteurs, n'étaient pas prises en considération auparavant. Enfin, les
partenaires sociaux ont reconnu dans l'AIP 2007-2008 que les cotisations versées par les
employeurs au congé-éducation payé, aux fonds sectoriels de formation, ... devaient également
être considérées comme des efforts de formation. Or, celles-ci n'apparaissaient pas entièrement
dans le bilan social. Bref, de sérieuses corrections devaient être apportées aux chiffres du bilan
social si on voulait effectivement obtenir un aperçu plus fiable des efforts de formation consentis
par les entreprises.
La formation informelle a aussi son importance pour le marché du travail
Dans le rapport de cette année, le CCE a pour la première fois fait une tentative louable pour
tenir compte de ces lacunes. Il a notamment pu le faire parce que, depuis le 1er décembre
2008, les entreprises doivent compléter un nouveau bilan social reprenant également les efforts
de formation informels.
Ce dernier permet également d'évaluer le pourcentage des cotisations effectivement payées par
les entreprises aux fonds de formation et autres systèmes similaires qui ne sont pas
enregistrées dans le bilan social. Dès lors, le CCE publie cette année dans son rapport, en plus
du chiffre classique déjà mentionné par le passé, un second chiffre qui tâche de tenir compte le
plus possible des critiques susmentionnées. Pour 2008, ce chiffre était de 1,59%, soit plus de
50% de plus que l'ancien chiffre 0,04%), et porte sur un investissement de plus de 1,5 milliard
d'euros!
Il faut comparer ce qui est comparable
Par ailleurs, ce ne sont pas là les seules lacunes. En effet, peu de personnes savent que
l'objectif de 1,9% était initialement basé sur des chiffres émanant d'une enquête européenne
portant uniquement sur les entreprises occupant plus de 10 travailleurs. Or, le bilan social
mesure les efforts de formation de toutes les entreprises, à l'inclusion de celles qui comptent
moins de 10 collaborateurs. Pour pouvoir établir une comparaison judicieuse, le CCE a encore
calculé un troisième chiffre cette année qui, tout comme dans l'enquête européenne, ne prend
en compte que les efforts de formation des entreprises de plus de 10 travailleurs. Pour 2008, ce
chiffre était de 1,77% (2). Ces 2 chiffres supplémentaires confirment ce que la FEB affirme
depuis des années déjà, à savoir que les efforts de formation des entreprises belges ne sont pas
négligeables. Cela apparaît clairement sur le terrain et est en outre régulièrement confirmé dans
des publications européennes.
Encourager plus d'entreprises à enregistrer leurs efforts de formation
Même si le CCE est parvenu à trouver dans son rapport de cette année une solution à la plupart
des lacunes susmentionnées, le fait qu'un nombre relativement limité d'entreprises remplissent
effectivement le volet formation du bilan social reste problématique. Mais ici aussi, les nouvelles
sont plutôt bonnes. Lors de l'introduction du nouveau bilan social l'an dernier, la FEB et la
Banque nationale, entre autres, ont organisé diverses séances d'information s'adressant aux
entreprises pour les inciter à consigner au mieux tous leurs efforts de formation dans le bilan
social. À première vue, il semblerait que ces sessions ont porté leurs fruits et qu'un nombre
sensiblement plus important d'entreprises a rempli la partie du bilan social consacrée à la
formation. Cela incite d'autant plus la FEB à organiser à nouveau ces séances d'information
l'année prochaine (3).
(3) Dans ce cadre, la FEB a élaboré un outil Excel pratique pour l'enregistrement des efforts de formation tout au long
de l'année. Vous pouvez le consulter sur www.feb.be sous Dossiers, Travail et Sécurité sociale.
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V. Innovation
Les âctivités à forte intensité de connaissance doivent pouvoir se développer en
Belgique
Le renforcement de la recherche et du développement et de l'innovation constitue, avec la
maîtrise de l'évolution des coûts salariaux, une deuxième stratégie importante pour préserver à
terme la compétitivité de l'économie belge. Des études nous apprennent que la performance
assez moyenne de la Belgique à cet égard n'est pas directement imputable au fait que les
entreprises belges investiraient moins dans l'innovation que leurs concurrents étrangers, mais
plutôt au fait que les secteurs à forte intensité de connaissance sont souvent plus petits chez
nous que dans de nombreux autres pays. Si l'on tient compte de cette différence de la composition sectorielle, on constate que la Belgique est aussi performante en matière de recherche
et de développement que l'Allemagne et la Finlande, et même plus que le Danemark. En
revanche, les prestations des USA, de la Suède et de la France restent meilleures. Le défi pour
la Belgique ne consiste donc pas nécessairement à accroître le caractère novateur des activités
existantes, mais plutôt à permettre le développement chez nous de nouvelles activités à forte
intensité de connaissance.
D'une croissance impulsée par l'efficacité vers une croissance impulsée par
l'innovation
Notre pays est renommé au niveau international pour sa productivité du travail élevée. Ainsi, en
2008, celie-ci dépassait de près d'un quart la moyenne de l'UE-27. A cet égard, nous nous
classons mieux que nos trois pays voisins et seuls des pays comme l'Irlande, les USA et le
Luxembourg nous précèdent. Toutefois, au cours des dix dernières années, notre avance par
rapport à la moyenne de l'UE-27 a reculé de plus d'un tiers. Cela .montre qu'aujourd'hui, nous
atteignons de plus en plus les limites d'une croissance économique principalement impulsée par
l'efficacité, où l'intensification de l'utilisation des machines assure les gains de productivité. Il est
donc capital qu'au cours des prochaines années, nous nous engagions de plus en plus dans la
voie de l'économie de la connaissance. Un marché du travail plus dynamique, une concurrence
saine sur le marché, une fiscalité encourageant l'esprit d'entreprise et les investissements et un
cadre réglementaire suffisamment stable et précis sont autant de mesures propres à y
contribuer largement, comme l'ont prouvé plusieurs études internationales.
VI. Conclusion
Le déclin de notre industrie dans l'UE-15 et le recul de nos performances sur les marchés
d'exportation internationaux sont des indications claires du fléchissement de notre compétitivité
au cours des dernières années. Le handicap salarial substantiel de 3,6% fin 2008 et de 3,3% fin
2010, si tout évolue comme prévu, fragilise considérablement la base économique de notre
prospérité. La maîtrise de l'évolution des coûts salariaux reste donc vitale pour maximiser la
création d'emplois (les plus vulnérables sur le marché de l'emploi en seront les principaux
bénéficiaires) et garantir ainsi l'avenir de notre sécurité sociale, La poursuite de la réduction de
notre handicap salarial est également nécessaire pour pouvoir investir dans la formation et la
recherche et le développement, afin qu'à l'avenir notre croissance économique soit de plus en
plus impulsée par l'innovation.
FEB - FOCUS Compétitivité – Novembre 2009
IHK-Infos 11/12-2009
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