2
l’invention de nouvelles normes vient redéfinir l’univers des possibles. Par normes, on entend
toutes prescriptions d’agir dans un sens déterminé et sanctionnées dans le cadre d’un « ordre de
contrainte efficace »
1
. En ce sens, elles constituent une modalité essentielle d’application du
pouvoir comme du contre-pouvoir. D’un point de vue socioculturel, le concept de norme désigne
tout un ensemble diffus de valeurs qui contraignent implicitement le comportement des individus
en société, définissant un fonctionnement « normal » de celui-ci
2
. Mais ces dernières peuvent
également être un instrument de subversion de l’ordre établi dès lors qu’un groupe d’individus
agit sur ce système ou bien lui résiste. L’étude des entreprises de normalisation qui se jouent au
sein des mouvements révolutionnaires permet de saisir les règles socioculturelles qui participent
de la définition et de la gestion des individus tant par le pouvoir que par eux mêmes. C’est dans le
cadre de cette interrogation sur les pratiques normatives qu’interviennent les deux biais
conceptuels de genre et de sexualité afin d’appréhender la place du sexe en révolution.
Le genre et la sexualité, des outils d’analyse historique
La polysémie du terme « genre » en français explique l’incompréhension dont il fait
souvent l’objet
3
. Pour se référer à l’article fondateur de Joan Scott, « le genre : une catégorie utile
d’analyse historique », traduit en français en 1988, le genre est défini comme « un élément
constitutif des relations sociales fondées sur les différences perçues entre les sexes » et comme «
un mode fondamental de signifier les rapports de pouvoir
4
. » Autrement dit, faire l’histoire du genre
équivaut à analyser la construction sociale et culturelle de la différence et de la hiérarchie entre les sexes. Il est
nécessaire de ne pas glisser du genre aux genres. Le risque est en effet de passer « de l’examen du
genre – comme rapport de pouvoir et principe de division – aux « genres », un déjà-là dont il
s’agirait d’observer et décrire la dualité
5
. » L’écriture de l’histoire du genre se distingue donc de
l’histoire des femmes, dans le sens où elle s’intéresse non pas seulement aux femmes comme
actrices ou sujets d’histoire, mais aussi à la construction de la catégorie « femme » et des identités sexuées.
Elle n’est pas non plus l’histoire de la relation entre les sexes, mais celles des rapports de pouvoir qui
s’exercent dans cette relation.
1
Kelsen, Hans , Théorie pure du droit, Paris, LGDJ, 1999, p.25.
2
Foucault, Michel, Les Mots et les Choses, Paris, Gallimard, 1966, p. 368.
3
Planté, Christine, « la confusion des genres », dans Sexe et genre, De la hiérarchie entre les sexes, Seuil, Paris, 1991, p. 51.
4
Scott, Joan, « Genre : Une catégorie utile d’analyse historique », dans Riot-Sarcey Michèle, Varikas Eleni, et Planté,
Christine, (dir.) Le Genre de l’histoire, Cahiers du GRIF/Ed. Tierce, N°37-38, 1988, p. 141.
5
Varikas, Eleni, Penser le sexe et le genre, Paris, Presse Universitaire de France, 2006.