CABINET PRATIQUE
Le masseur-kinésithérapeute utilise quotidiennement différents
produits, crèmes, substances avec des principes actifs sans toujours
en mesurer la portée légale.
Le masseur kinésithérapeute
et les médicaments
L’organisation de la santé en France
est assez rigoureusement cadastrée :
le médecin prescrit, le pharmacien
délivre, l’infirmier administre. Même si,
par exemple, les dispositions récentes sur
les plantes médicinales prévoient un retrait
du monopole des pharmaciens (cf. article
D.4211-12 du Code de la Santé publique,
modifpar le cret 2008-839 du 22 août
2008), le cadre reste le même. Et le masseur
kinésithérapeute, personnel de santé, n’est
pas prévu dans cette organisation.
Pourtant, souvent il intervient seul, notam-
ment en milieu sportif, et fait office de « tout
médical ». Gare alors aux excès de confiance
qui lui font prendre la place qui n’est pas la
sienne et pour laquelle le législateur a prévu
de le sanctionner lourdement (voir notam-
ment l’article 3 de la Charte des masseurs
kinésithérapeutes relative à la prévention et
la lutte contre le dopage dans le sport, vali-
dée par le CNSOF et le Conseil de l’Ordre
le 28 avril 2010).
1 LES LIMITES DE LA PRESCRIPTION
La liste de dispositifs médicaux que les
masseurs kinésithérapeutes sont auto-
risés à prescrire détaille tous les appa-
reillages entrant dans leur champ de com-
pétences hors prescription médicale. Cette
liste limite donc (sur la base de la formule
consacrée : « ce qui n’est pas autorisé
est interdit ») l’intervention prescriptive
du masseur kinésithérapeute aux appa-
reillages. L’administration de produits
médicamenteux est strictement interdite,
et le non respect de cette interdiction peut
entraîner une condamnation au double
chef de non respect des obligations ordi-
nales et d’exercice illégal de la médecine.
Si ce principe d’interdiction est simple
à comprendre, sa mise en place est plus
compliquée, dès lors qu’on s’interroge sur
la nature même du produit « médicament ».
Si le médicament en tant que tel répond
à une définition juridique très précise, se
pose la question de la définition du médi-
cament par fonction, par destination, voire
même par présentation, car si le médica-
ment semble être un produit sur-défini et
sur-investi juridiquement, cette abondance
crée le doute.
2 LE MÉDICAMENT PAR FONCTION
ET LE MÉDICAMENT PAR DESTINATION
Un produit non médicament peut être
redéfini comme médicament par fonction
et entraîner le masseur kinésithérapeute
vers l’exercice illégal de la médecine.
Posons les définitions :
L’article L.5111-1 du code de la santé
publique, modifié par la loi 2007-248
du 26 février 2007 portant diverses dispo-
sitions d’adaptation au droit communau-
taire dans le domaine du médicament,
définit le médicament comme suit :
« On entend par médicament toute sub-
stance ou composition présentée comme
possédant des propriétés curatives ou pré-
ventives à l’égard des maladies humaines
ou animales, ainsi que toute substance
ou composition pouvant être utilisée chez
l’homme ou chez l’animal ou pouvant leur
être administrée, en vue d’établir un diag-
nostic médical ou de restaurer, corriger ou
modifier leurs fonctions physiologiques
en exerçant une action pharmacologique,
immunologique ou métabolique.
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COURTIER EN ASSURANCES
M.K.S.
ASSURANCES
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22 Professionkiné - N°27
Sont notamment considérés comme des
médicaments les produits diététiques qui
renferment dans leur composition des subs-
tances chimiques ou biologiques ne consti-
tuant pas elles-mêmes des aliments, mais
dont la présence confère à ces produits, soit
des propriétés spéciales recherchées en thé-
rapeutique diététique, soit des propriétés de
repas d’épreuve.
Les produits utilisés pour la désinfection des
locaux et pour la prothèse dentaire ne sont
pas considérés comme des médicaments.
Lorsque, eu égard à l’ensemble de ses
caractéristiques, un produit est suscep-
tible de répondre à la fois à la définition du
médicament prévue au premier alinéa et à
celle d’autres catégories de produits régies
par le droit communautaire ou national, il
est, en cas de doute, considéré comme un
médicament. ».
Cette définition du médicament a été revue
et, selon la Cours de Justice européenne
(15 janvier 2009, directive 2004/27/CE) :
« […] hormis le cas des substances ou des
compositions destinées à établir un diag-
nostic médical, un produit ne peut pas être
considéré comme un médicament par fonc-
tion lorsque, compte tenu de son dosage en
substances actives et dans des conditions
normales d’emploi, il n’est pas apte à res-
taurer, corriger ou à modifier de manière
significative des fonctions physiologiques
chez l’homme. ».
Dès lors, si le « produit » est apte à res-
taurer, corriger ou à modifier de manière
significative des fonctions physiologiques
chez l’homme, il devient médicament par
destination. Et donc médicament.
Une huile essentielle qui va restaurer une
fonction physiologique, par exemple respi-
ratoire, est-elle dès lors soumise à la défi-
nition du médicament par destination ?
De même pour les produits de massages
et, par extension, tout ce que le masseur
kinésithérapeute peut être amené à utiliser
en complément de sa pratique.
Rappelons que la loi européenne impose
une règle commune sur le dosage du pro-
duit en deçà duquel ledit produit n’est pas
considéré comme un médicament, et le
dosage en lui-même est décidé par chaque
état. Cette variante impose donc un sur-
croît de précaution aux masseurs kinési-
thérapeutes frontaliers ou itinérants, car la
législation applicable est toujours celle du
pays sur lequel l’infraction est constatée.
Prenons l’exemple simple d’un masseur
kinésithérapeute du sport amené à complé-
ter la trousse médicale dans un pays dont
il ne connaît pas la langue. Il va acheter un
produit qui ressemble à celui dont il a l’ha-
bitude mais dont il ne peut lire la composi-
tion et risque d’administrer un composant
inscrit sur la liste des produits interdits,
et donc de doper son athlète par inadver-
tance, voire de lui causer un dommage
plus important s’il lui donne un composé
auquel l’athlète est allergique...
Au regard des produits invasifs ame-
nés à être utilisés par le masseur kiné-
sithérapeute, regardons rapidement les
huiles essentielles et les crèmes de mas-
sage. Verra-t-on un jour un patient porter
plainte contre son masseur kinésithéra-
peute pour réparer les conséquences d’un
usage d’huiles essentielles ou de crème de
massage ? Nous ne sommes pas encore aux
Etats-Unis, mais il y a bien une jurispru-
dence sur les ventouses... :
>
Les huiles essentielles
Les huiles essentielles sont classées dans
les produits cosmétiques qui peuvent pro-
duire un bénéfice thérapeutique, notam-
ment en bien-être et en confort. Non repro-
ductibles à l’identique, car le produit de
chaque distillation est différent, elles n’ap-
paraissent pas de prime abord comme
un médicament, selon les normes euro-
péennes qui signalent cette reproductibi-
lité comme une des règles.
Les huiles essentielles apparaissent sous
deux formes, en produit transformé et en
matières premières. En produit transformé,
elles n’impliquent qu’une responsabilidu
fabriquant, qui prend sur lui la charge de la
responsabilité. En matières premières (via
un diffuseur, un inhalateur, etc.), il revient
au praticien de connaître les effets réels et
son administration relève de sa seule res-
ponsabilité.
>
Les produits de massage
De la même manière que les huiles essen-
tielles, les produits de massage mis sur le
marché français pour les masseurs kinési-
thérapeutes relèvent comme produits finis
de la responsabilité du fabriquant. A priori,
ne se pose alors que la question de la typo-
logie de ses patients (une substance ins-
crite sur la liste des produits dopant peut
très bien être administrée à un patient non-
sportif et qui y verrait les bénéfices) et du
lieu d’exercice (en cas de réassort).
En savoir plus…
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N°27 - Professionkiné 23
24 Professionkiné - N°27
Remerciements
Monsieur Laurent Berlie du laboratoire Eona,
Dr Jean-Pierre Fouillot, Dr Magaloff du CNOSF
3 LES MÉDICAMENTS PAR PRÉSENTATION
Voici de quoi dérouter la bonne foi de
tout professionnel de santé. Un produit
vendu là se vendent des médicaments
(disons, une pharmacie), avec une présen-
tation très pharmaceutique (forme du pro-
duit et de son emballage, couleurs, logos,
etc.), un nom portant à confusion, etc., tout
cela réuni crée un ensemble d’éléments
qui peuvent être retenus par les juges pour
définir tel produit comme médicament par
présentation.
Et dès lors qu’il est défini comme médi-
cament, quel que soit le biais par lequel
il l’est, il est de plein droit médicament,
et son usage peut conduire aux mêmes
déboires juridiques d’un médicament par
définition ou fonction.
« Le vrai courage,
c’est la prudence »
(Euripide)
La frontière entre les médicaments
et les autres produits réglementés
est assez mal finie pour être lais-
e à l’appréciation du juge, ce qui
est le plus souvent à l’avantage du
plaignant. Qu’en est-il, par exemple,
des produits cosmétiques conte-
nant des substances thérapeutiques
actives ou des produits diététiques
S’il ne veut pas risquer l’accusation
d’exercice illégal de la médecine,
voire de la pharmacie, en sus d’une
mise en cause pour un acte non
prévu au décret de compétence, la
règle de prudence va s’imposer : ne
jamais rien donner, ne rien adminis-
trer, en quelque circonstance. Reste
l’objection des produits de premiers
secours en cas d’assistance à per-
sonne en danger, mais les circons-
tances sont différentes.
Rien de nouveau donc dans ce rappel
à la loi, juste une incitation nouvelle,
par la juridiction européenne à se
conformer aux dispositions légales,
car l’accumulation des risques est
trop lourde : il faut savoir limiter
son action, quelle que soit sa bonne
volonté, au risque de ne plus pouvoir
exercer.
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