48 le Bulletin scientique de l’arapi - numéro 28 - automne 2011
11e Université d'automne…
portement est le résultat d’une boucle sensori-gnosi-mo-
trice. Cette boucle sensori-gnosi-motrice est le reet de
notre fonctionnement cérébral ordinaire : une perception
multimodale est transformée en information par la cogni-
tion, grâce aux fonctions d’attention, d’intention et d’as-
sociation, puis en action grâce à l’imitation, le tonus et la
posture. Ainsi l’enfant reçoit un stimulus, le récepteur cé-
rébral l’intègre (transduction, perception, cognition), une
réponse est donnée (action) et génère un comportement
visible qui lui-même appelle un nouveau stimulus et ainsi
de suite. La uidité de notre boucle sensori-gnosi-motri-
ce et de celle de notre interlocuteur entrent en résonance
dans un plaisir partagé grâce à l’émotion, la régulation et
la motivation (voir gure 1).
Ainsi l’ajustement du thérapeute est fondamental, notam-
ment pour reprendre avec l’enfant atteint d’autisme ce
qui ne fonctionne pas tout seul.
L’objectif premier n’est donc pas l’apprentissage mais
le développement des systèmes neuro-fonctionnels de
base ou « fonctions » : attention, perception, association,
intention, contact, régulation, cognition, émotion, imita-
tion, tonus, motricité, instinct.
« Les acquisitions ne sont pas seulement le résultat de
conditionnements ou d’apprentissages. Elles reposent
sur une curiosité physiologique naturelle, "originel-
le", indépendante du bâton, de la carotte. » (Lelord, in
Barthélémy et coll., 1995).
C’est sur ces données que la Thérapie d’Echange et de
Développement a été élaborée.
Mise en œuvre
1. L’élaboration du projet d’intervention repose sur une
analyse fonctionnelle du comportement décrite à la
fois par des évaluations médicales et psychoéducati-
ves, des entretiens avec la famille et des observations
dans diverses situations.
2. L’intervention vise le développement des fonctions de
base dans une approche pluridisciplinaire.
3. Les séances d’intervention sont proposées à un rythme
régulier, en individuel, avec un adulte, dans un espace
tranquille. L’espace de jeu est identié, les sollicita-
tions sont simpliées pour faciliter leur intégration par
l’enfant. Chaque séquence proposée vise la rééduca-
tion fonctionnelle de la communication au sens large.
4. La Thérapie d’Echange et de Développement s’inscrit
dans une prise en charge globale thérapeutique et psy-
choéducative développée par une équipe pluridiscipli-
naire et permettant de développer la communication
dans des contextes variés (ateliers en petit groupe, jeux
et routines du quotidien…) en lien avec la famille.
5. An de pouvoir toujours mieux s’adapter à chaque
progrès de l’enfant, mais aussi pour développer la
recherche sur son efcacité, les séances de thérapie
sont régulièrement lmées, numérisées et archivées.
L’analyse et l’exploitation rétrospective des docu-
ments est facilitée par un système d’annotation par
mot-clé (exemples : attention labile, désintérêt des
objets, hypertonie, opposition active, utilisation ina-
daptée des objets, attention conjointe, pointage…).
6. La vidéo est un outil de travail très utile. Elle permet
de visionner et d’évaluer en différé les séances, de me-
surer l’évolution, de partager en équipe l’observation
de l’enfant, d’informer les parents sur les difcultés et
les capacités de leur enfant et de les initier aux princi-
pes de la Thérapie d’Echange et de Développement.
Evolutions cliniques
et corrélats neurophysiologiques
An de valider l’efcacité de la TED sur la rééduca-
tion fonctionnelle de la communication, trois modes
de vérication très différents sont utilisés dans le cadre
des recherches menées par le Centre Universitaire de
Pédopsychiatrie, CHRU Tours, INSERM U930, équipe
1, auprès d’enfants avec autisme :
1. Les mesures du développement et du comportement.
L’utilisation de la Batterie d’Evaluation Cognitivo-
Sociale (BECS), de l’Echelle d’Evaluation de l’autis-
me infantile (CARS) et du Brunet Lézine. Ainsi après
2 ans d’intervention TED, le score CARS, le dévelop-
pement socio-cognitif et émotionnel, la qualité des in-
teractions sociales, la communication, le développe-
ment psychologique et la résistance aux changements
connaissent des améliorations.
2. Via l’enregistrement du suivi du regard (« Eye trac-
king », système de captation infra-rouge de la lumière
rééchie par la cornée qui permet d’enregistrer le suivi
du regard et la variation du diamètre pupillaire). Chez
les personnes avec autisme, on observe une moindre
préférence pour la région des yeux lors de l’explora-
tion d’un visage, une vitesse et une distance d’explo-
ration plus importante (Hernandez et al., 2009) et une
diminution du diamètre pupillaire (Martineau et al.,
2011). Après deux ans de prise en charge thérapeuti-
que, on observe une centration de l’exploration vers
le visage, se rapprochant du balayage usuellement
observé chez les personnes sans autisme (6 enfants
autistes, 10 enfants contrôle).
3. Après deux ans de rééducation fonctionnelle de la
communication, les indices neurophysiologiques des
potentiels évoqués visuels de 3 enfants avec autisme
se rapprochent du fonctionnement cérébral visuel des
3 enfants contrôles.
En conclusion, la Thérapie d’Echange et de Dévelop-
pement est une rééducation fonctionnelle de la communi-
cation, conrmée par les résultats cliniques et les indices
neurophysiologiques. Sans atteindre un fonctionnement
dit typique, une amélioration des systèmes de base cé-
rébraux et un rapprochement d’un fonctionnement phy-
siologique sont observés. Grâce à cette amélioration des
fonctions de base, nécessaires aux apprentissages et à la
réciprocité des échanges régulièrement mises à l’épreuve
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