Rev. sci. tech. Off. int. Epiz., 1993,12 (2), 355-368
Biotechnologie et santé animale
Ph.
DESMETTRE *
Résumé : Si le développement par Louis Pasteur, à la fin du
XIXe
siècle, des
premiers vaccins destinés à l'animal, représente le premier apport de la
biotechnologie à la santé animale, ce n'est que beaucoup plus récemment que
des progrès décisifs ont été accomplis tant pour le dépistage des maladies
infectieuses ou parasitaires que pour leur prévention.
En effet, les récents progrès des connaissances permettent d'envisager le
développement d'un ensemble de moyens dont la mise en œuvre conditionnera
la santé de l'animal domestique ou sauvage, assurera le bien-être de l'animal de
compagnie, développera la performance de l'animal de sport et améliorera la
production de l'animal de rente tout en participant à la protection de la santé de
l'Homme.
De tels progrès résultent de l'application, toujours plus rapide, des
connaissances acquises dans les sciences de la matière en même temps que dans
les sciences de la vie, qui, toutes, participent au caractère multidisciplinaire de
la biotechnologie.
Il en est ainsi du renouvellement rapide des réactifs et des techniques
de diagnostic qui allient spécificité, sensibilité, reproductibilité, rapidité de mise
en œuvre et robustesse, et qui bénéficient des plus récentes découvertes
de l'immunologie, de la biochimie ou de la biologie moléculaire : anticorps
monoclonaux, sondes nucléiques ou amplification de l'acide
désoxyribonucléique, pour ne citer que les principales.
De même, la mise au point de nouveaux vaccins alliant efficacité, durée de
protection, innocuité, stabilité, polyvalence et simplicité d'administration
(vaccins de sous-unités, vaccins de recombinaison génétique, vaccins
synthétiques, vaccins anti-idiotypes) résultent des plus récents progrès de
l'immunologie, de l'immunochimie, de la biologie moléculaire et de la
biochimie.
Enfin,
la mise à disposition de nouvelles molécules à activités thérapeutiques
anti-infectieuses, anti-parasitaires ou immunomodulatrices capables de
stimuler les défenses spécifiques et non spécifiques de l'organisme, sont une
autre illustration des applications actuelles et futures de la biotechnologie à la
santé animale.
Les nouvelles techniques de diagnostic, les nouveaux vaccins ou les
nouvelles molécules thérapeutiques ne représentent cependant que les
applications les plus immédiates de connaissances dont la portée laisse
entrevoir, à terme, l'obtention d'animaux transgéniques dont le potentiel
génétique se trouvera dûment recensé en même temps que ces animaux seront
rendus spontanément résistants aux maladies et que leurs performances
zootechniques seront développées.
Directeur recherche et développement, Rhône-Mérieux, 254, rue Marcel-Mérieux, 69007 Lyon,
356
Protéger la santé de l'Homme et préserver son environnement en assurant la
santé et le bien-être de l'animal représentent l'ultime enjeu de la biotechnologie
appliquée à la santé et aux productions animales.
MOTS-CLÉS : Animaux transgéniques - Biotechnologie - Réactifs de
diagnostic - Santé animale - Thérapeutiques - Vaccins.
INTRODUCTION
Ensemble des techniques qui visent à l'exploitation des micro-organismes, des
cellules animales et végétales, et de leurs constituants, la biotechnologie, dont les
origines se confondent avec l'origine de l'humanité, a trouvé ses premières applications
en santé animale avec les travaux de Louis Pasteur à la fin du siècle dernier.
C'est, en effet, avec le développement des premiers vaccins préparés à partir de
micro-organismes dont le pouvoir pathogène était artificiellement atténué par culture
(fièvre charbonneuse, choléra aviaire, rouget du porc, rage) que la biotechnologie
trouvait ses premières applications en santé animale en même temps que naissait le
concept de vaccinologie.
Accompagnant les progrès de la microbiologie et de l'immunologie, d'autres vaccins
de maladies virales ou bactériennes ont été développés au cours de la première moitié
du siècle : vaccins préparés à partir de micro-organismes ou de leurs toxines inactivés et
formulés en présence de substances adjuvantes de l'immunité, et vaccins préparés à
partir de micro-organismes de pouvoir pathogène atténué ; ce développement des
vaccins n'a été possible que grâce au développement concomitant des techniques de
culture des tissus ou des cellules d'origine animale.
Au milieu du siècle, la découverte des antibiotiques, produits du métabolisme de
différents micro-organismes, devait modifier très sensiblement les conditions de lutte
contre les maladies animales d'origine bactérienne ou fongique.
Ce n'est toutefois que beaucoup plus récemment qu'un certain nombre de
découvertes de caractère multidisciplinaire mais résultant principalement des progrès
de la biochimie, de la biologie moléculaire et de l'immunologie, allaient jouer un rôle
décisif dans le diagnostic, la prévention et la lutte contre les principales maladies
animales infectieuses ou parasitaires. Parmi ces découvertes, il convient de mentionner
la structure de l'acide désoxyribonucléique (ADN) support de l'hérédité, la structure et
la synthèse des protéines, la recombinaison génétique de l'ADN et la fusion cellulaire à
l'origine de l'obtention des anticorps monoclonaux.
Les différents apports de ces importantes découvertes et, plus généralement, des plus
récents développements de la biotechnologie au diagnostic, à la prévention et au
traitement des maladies animales seront successivement envisagés en même temps que
seront passées en revue quelques-unes de leurs principales applications futures.
BIOTECHNOLOGIE ET DIAGNOSTIC
Au plan général, le diagnostic des maladies infectieuses, virales ou bactériennes et
des maladies parasitaires repose sur la mise en évidence de l'agent ou de certains de ses
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constituants (diagnostic direct) ou sur la mise en évidence des éléments de la réponse
immunitaire induite par les antigènes portés par cet agent (diagnostic indirect).
Diagnostic direct
Pour le diagnostic direct, les techniques les plus classiquement utilisées (mise en
évidence macroscopique ou microscopique directe de l'agent ou après coloration
incluant l'utilisation de marqueurs fluorescents, culture, isolement, caractérisation, etc.)
cèdent progressivement le pas à de nouvelles techniques plus spécifiques et plus
sensibles. Parmi celles-ci figurent les techniques immuno-enzymatiques, qui reposent
sur la mise en évidence des déterminants antigéniques portés par l'agent recherché au
moyen d'anticorps spécifiques marqués par des enzymes destinées à révéler la
formation des complexes antigènes-anticorps. Ces complexes sont révélés par l'activité
enzymatique qu'ils portent, l'action de l'enzyme sur un substrat approprié transformant
ce dernier en un produit coloré, facilement visualisable.
La spécificité et la sensibilité de ces techniques peuvent se trouver considérablement
accrues par l'utilisation d'anticorps monoclonaux obtenus par la fusion d'une cellule
productrice d'un anticorps monospécifique (plasmocyte B) avec une cellule
lui apportant l'immortalisation et la sécrétion (myélome). De même, la sensibilité
de ces techniques peut se trouver augmentée par l'utilisation d'un marqueur
chimioluminescent en lieu et place d'un marqueur enzymatique.
Plus récemment, les progrès réalisés dans la connaissance des acides nucléiques ont
permis d'envisager la mise au point de techniques de diagnostic direct basées non plus
sur la recherche de l'agent infectieux ou parasitaire et de ses constituants antigéniques,
mais sur la mise en évidence du matériel génétique, ADN ou acide ribonucléique
(ARN), porté par ces agents.
Grâce à la propriété d'appariement des bases qui constituent le code génétique, les
techniques d'hybridation de l'ADN ou de l'ARN utilisent des fragments d'acide
nucléique obtenus par recombinaison génétique ou par synthèse (oligonucléotides) et
qui sont choisis pour leur spécificité, c'est-à-dire pour leur propriété de n'être présents
que sur le génome de l'agent recherché. Après avoir marqué l'oligonucléotide ou sonde
nucléique au moyen d'un marqueur approprié (radioélément, enzyme, fluorochrome,
etc.),
il est possible de mettre en évidence son hybridation spécifique avec le génome de
l'agent recherché (préalablement extrait et préparé en vue de cette hybridation).
De telles techniques, dont la sensibilité dépend, pour une large part, du nombre de
copies de génome présentes dans le milieu réactionnel, trouvent également leurs limites
dans les variations de spécificité induites par les conditions de l'hybridation qui peuvent
conduire au mésappariement des bases.
Un progrès décisif pour la mise en évidence des matériels génétiques portés par les
agents est représenté par la technique dite d'«amplification en chaîne par polymérase»,
plus connue sous la dénomination anglaise de «polymerase chain reaction» (PCR).
Cette technique repose sur l'amplification de séquences nucléotidiques spécifiques
portées par le génome de l'agent recherché et met en œuvre l'activité d'une enzyme,
l'ADN polymérase, capable de synthétiser des brins complémentaires d'ADN compris
entre deux oligonucléotides ou amorces, choisis pour leur spécificité et introduits dans
le milieu réactionnel de telle sorte qu'ils puissent s'hybrider spécifiquement au génome
de l'agent préalablement extrait. L'avantage principal de cette technique réside dans le
fait qu'elle met en œuvre de multiples cycles d'amplification du même fragment d'acide
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nucléique délimité par les amorces, permettant ainsi d'obtenir des quantités suffisantes
de ce fragment pour le mettre directement en évidence, par électrophorèse
(visualisation du fragment amplifié sous forme d'une bande spécifique) ou par
hybridation avec une sonde spécifique marquée.
D'une extrême sensibilité, cette technique peut être également d'une grande
spécificité qui dépend notamment de la nature des amorces utilisées.
Toutes ces techniques, dont certaines (hybridation, amplification de gène) relèvent
encore du laboratoire spécialisé et du diagnostic individuel, sont désormais disponibles
sous forme de trousses (kits) fournissant tous les éléments nécessaires à la réaction. Nul
doute que, dans un proche avenir, leur utilisation au moyen d'automates les destinera
au diagnostic de masse en même temps que leur simplification les rendra accessibles au
laboratoire non spécialisé ou au praticien.
Diagnostic indirect
Pour le diagnostic indirect, les techniques classiquement utilisées pour la mise en
évidence des anticorps (agglutination rapide, agglutination lente, fixation du
complément, inhibition de l'hémagglutination, neutralisation, etc.); bien qu'encore très
largement utilisées y compris comme techniques de référence, cèdent progressivement
le pas aux techniques immuno-enzymatiques souvent plus spécifiques et surtout plus
sensibles.
Les techniques de diagnostic indirect sont basées, comme les techniques de
diagnostic direct, sur la mise en évidence de complexes antigènes-anticorps. Dans le cas
du diagnostic indirect, les complexes sont formés entre le ou les antigènes de spécificité
connue, apportés dans la réaction (virus, bactéries, parasites, etc., ou leurs extraits) et
les anticorps éventuellement présents dans l'échantillon (sérum, lait, etc.) soumis à
l'analyse.
Dans ce cas, les complexes antigènes-anticorps formés peuvent être révélés par
différentes techniques, qui utilisent toutes des marqueurs enzymatiques engagés
secondairement dans des réactions enzymes-substrats se traduisant par l'apparition de
produits colorés.
Les complexes antigènes-anticorps peuvent également être révélés au moyen
d'anticorps anti-anticorps de l'espèce animale ayant fourni l'échantillon à analyser, ces
anti-anticorps étant eux-mêmes marqués par une enzyme. Dans d'autres cas, la
révélation est assurée par la mise en évidence d'une compétition survenue entre les
anticorps dont on recherche la présence dans l'échantillon à traiter et des anticorps de
même spécificité, de préférence monoclonaux, choisis pour leur affinité pour l'antigène
et marqués par une enzyme.
Dans le test indirect, la présence des anticorps spécifiques dans l'échantillon analysé
se traduit par l'apparition d'un produit coloré résultant de la dégradation du substrat
par l'enzyme, alors que, dans le test par compétition, c'est l'absence d'apparition du
produit coloré qui traduit la positivité de la réaction.
Comme dans le cas du diagnostic indirect, le marquage des anticorps révélateurs
(anti-anticorps ou anticorps entrant en compétition) peut se faire au moyen de
radioéléments ou de composés chimioluminescents, ce qui rend la réaction plus sensible
sinon plus spécifique.
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En matière de diagnostic indirect, un progrès décisif a été accompli par le
développement de vaccins préparés à partir de micro-organismes n'exprimant pas
certains des déterminants antigéniques normalement présents sur les souches
pathogènes sauvages, et de réactifs de diagnostic permettant de mettre en évidence
l'absence de réponse immunitaire post-vaccinale vis-à-vis de ces antigènes. De telles
approches, qui permettent de distinguer les animaux vaccinés des animaux infectés
(diagnostic différentiel), laissent envisager l'éradication des maladies sous couverture
vaccinale, éradication rendue jusqu'alors impossible en raison de l'équivalence du
marquage sérologique des animaux vaccinés et infectés.
L'apport de la biotechnologie au diagnostic indirect, reposant sur la mise en évidence
des composantes cellulaires de la réponse immunitaire, doit être souligné, avec
l'utilisation des tests in vivo qui recherchent un état d'hypersensibilité retardée
(intradermoréactions) pour le diagnostic de nombreuses infections virales ou
bactériennes et d'infestations parasitaires. A ces tests, il convient maintenant d'ajouter
les tests in vitro qui s'adressent aux différents éléments cellulaires de la réponse
immunitaire en révélant leur niveau de sensibilisation à des antigènes spécifiques (test
de cytotoxicité lymphocytaire par exemple).
BIOTECHNOLOGIE ET VACCINS
Ainsi qu'il a été précédemment indiqué, depuis les travaux de Louis Pasteur et le
développement des premiers vaccins destinés à l'animal et préparés à partir de micro-
organismes dont le pouvoir pathogène se trouvait atténué par cultures successives en
conditions dysgéniques (vaccins vivants), de nombreux autres vaccins ont été
développés, soit à partir de micro-organismes atténués, soit à partir de micro-
organismes inactivés par l'action d'agents physiques ou chimiques (vaccins inactivés).
Dans ce dernier cas, les vaccins sont formulés en présence de substances adjuvantes de
l'immunité destinées à potentialiser la réponse immunitaire induite.
Les vaccins vivants, les vaccins de sous-unités et les vaccins préparés à partir de
produits du métabolisme des micro-organismes tels que les toxines, ont très largement
bénéficié des progrès de la biotechnologie, notamment pour ce qui concerne les moyens
de culture en masse des micro-organismes, les conditions de leur récolte et de leur
purification et les conditions de leur stabilisation par congélation ou lyophilisation
(vaccins vivants) ou encore de leur inactivation et de leur formulation en présence
d'adjuvants de l'immunité (vaccins inactivés ou vaccins préparés à partir d'anatoxines).
Dans ce domaine, les progrès les plus décisifs ont été réalisés avec le développement
de la culture en masse des cellules animales et plus particulièrement des lignées
cellulaires qui ont permis la multiplication des virus ou des parasites à l'échelle
industrielle.
De la même manière, les vaccins bactériens ont très largement bénéficié de
l'amélioration des cultures en masse rendues notamment possibles par l'utilisation de
fermenteurs.
Plus récemment, les progrès de la biochimie microbienne et de l'immunochimie ont
permis l'obtention des vaccins de sous-unités préparés à partir de fractions de micro-
organismes, purifiées de manière à ne retenir que les fractions immunogènes
protectrices, à l'exclusion des fractions susceptibles d'induire des effets adverses tels
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