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Les curares les plus impliqués dans les réactions anaphylactiques en France en 1997-1998 ont été par ordre décroissant de nombre de cas : le
rocuronium, le suxaméthonium, l’atracurium et le vécuronium.
Ces accidents sont effectivement relativement rares, mais la gravité des réactions – 10 % sont de grade 4 avec arrêt cardiaque, plus de 5 %
sont mortelles – exige qu’on leur apporte tant d’importance (Mr CHEVENEMENT est là pour en témoigner).
Manifestations cliniques
Elles sont décrites selon 4 stades de gravité croissante :
I- Signes cutanéo-muqueux généralisés : érythème, urticaire, avec ou sans œdème angioneurotique.
II- Atteinte multiviscérale modérée, avec signes cutanéo-muqueux, hypotension et tachycardie inhabituelles, hyper réactivité
bronchique (toux, difficulté ventilatoire)
III- Atteinte multiviscérale sévère menaçant la vie et imposant une thérapeutique spécifique : collapsus, tachycardie ou bradycardie,
troubles du rythme cardiaque, bronchospasme ; les signes cutanés peuvent être absents ou n’apparaître qu’après la remontée
tensionnelle.
IV- Arrêt circulatoire et/ou respiratoire
Les manifestations cliniques sont plus graves et plus durables en cas de réaction immunologique qu’en cas de réaction pharmacologique. Les
signes cliniques ne sont pas toujours au complet, et peuvent prendre des masques trompeurs. L’absence de signes cutanéo-muqueux n’exclut
pas le diagnostic d’anaphylaxie.
Mécanismes
Les réactions associées à une libération d’histamine au cours de l’anesthésie sont regroupées sous le terme générique de « réactions
anaphylactoïdes ». Elles sont d’ordre immunologique (anaphylaxie) ou non immunologique (histamino-libération non spécifique).
• Anaphylaxie : le choc résulte d'une interaction immunologique entre un allergène et des anticorps spécifiques de type IgE,
synthétisés par les lymphocytes B du patient, à l'occasion d'une exposition antérieure à cet allergène, ou à un allergène chimiquement
apparenté. Un très faible taux d'allergène est capable par réaction d'hypersensibilité immédiate d'induire une succession de réactions
en cascades, aboutissant à la libération massive de médiateurs préformés ou néoformés (histamine, tryptase, leucotriènes,
prostaglandines). L'histamine entraîne une bronchoconstriction, une augmentation de la perméabilité vasculaire et une vasodilatation,
mais aussi une tachycardie. La tryptase, en altérant la membrane des capillaires, est responsable de leur hyperperméabilité.
Leucotriènes et prostaglandines provoquent également une bronchoconstriction, une vasodilatation et l'apparition d'un œdème. Ceci
explique les manifestations cliniques (érythème, angioœdème, collapsus, bronchospasme). Tous les produits utilisés en anesthésie, en
particulier les médicaments injectables, peuvent induire la synthèse d'IgE. Des réactions allergiques croisées entre divers médicaments
s'expliquent par la mise en évidence d'une partie allergénique commune (épitope) entre ces molécules. La réactivité croisée n'est
cependant pas systématique car la reconnaissance de cet épitope est inégale d'un sujet à l'autre (ex : 72% de sensibilisation croisée
entre curares). Dans 17 à 30% des cas de réactions anaphylactiques aux curares, il n’y a pas eu de contact préalable avec ces
molécules pouvant expliquer la sensibilisation. L’existence d’autres mécanismes de production d’IgE susceptibles de réagir avec les
curares, actuellement non identifiés, doit être envisagée.
• Histaminolibération non spécifique : la réaction n'est pas médiée par des anticorps et il n'y a pas eu nécessairement d'exposition
antérieure au produit. Le médicament injecté, par effet pharmacologique, induit une libération d'histamine en agissant directement au
niveau de la membrane des mastocytes et des basophiles. Le tableau clinique est comparable à l'anaphylaxie, mais généralement
moins sévère. On parle de réaction anaphylactoïde. Les médicaments responsables de cette réaction sont certains curares (famille des
benzylisoquinolones comme atracurium et mivacurium), la morphine, la mépéridine, le propofol, le thiopental à forte concentration, les
gélatines. Il existe des facteurs de risque à l'histaminolibération : l'atopie, la rapidité d'injection, l'hyperosmolarité du produit.
Le bilan per anesthésique et post anesthésique
Tout patient présentant une réaction anaphylactoïde au cours d’une anesthésie doit bénéficier d’une investigation immédiate et à distance à la
recherche d’une anaphylaxie IgE-dépendante, de l’agent causal et d’une sensibilisation croisée s’il s’agit d’un curare.
Chez les personnes manifestant des signes cliniques évocateurs d’une allergie lors de l’anesthésie, certains examens biologiques immédiats
peuvent être utiles au diagnostic.
-La probabilité que la symptomatologie soit liée à une réaction anaphylactique ou anaphylactoïde est augmentée en présence d’une
élévation des marqueurs que sont la tryptase sérique et l’histamine plasmatique, même si une concentration normale n’exclut pas
totalement le diagnostic.
-L’augmentation franche de la tryptase ( > 25 µg/L) est en faveur d’un mécanisme anaphylactique
-L’augmentation de la concentration d’histamine plasmatique prouve l’histamino-libération in vivo. Dans les formes peu sévères seul
un prélèvement très précoce peut la mettre en évidence. Le dosage de l’histamine plasmatique est inutile chez les femmes enceintes
car l’histamine n’est pas détectable dans cet état physiologique.