Question 113. Allergie, hypersensibilité choc anaphylactique
Module 8. Immunopathologie clinique
Service des maladies respiratoires et allergiques (Pr Lebargy)
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DEFINITION
Choc hémodynamique grave, potentiellement
mortel, à la libération massive de substances
vasodilatatrices par les mastocytes et les basophiles
faisant intervenir un mécanisme IgE dépendant (choc
anaphylactique vrai) ou IgE indépendant (choc
anaphylactoïde)
L’incidence est mal connue comprise entre 1 et
20/100 000 hab/an. La mortalité serait de 0, 65 % des
réactions anaphylactiques soit 600 à 800 décès par an
aux Etats Unis
Certains facteurs de risque ont été signalés :
L’atopie augmente le risque des réactions au latex,
aux produits iodés, et des anaphylaxies alimentaires
L’administration par voie parentérale
(anesthésiques, antibiotiques), la fréquence des
expositions et le court délai entre deux administrations
Le traitement concomitant par un bloquant ou
un IEC est un facteur d’aggravation du choc
PHYSIOPATHOLOGIE
Le chien, sensibilisé à l’actinocongestine par une
première injection administrée par voie IV à une dose
non toxique développe un état de choc mortel lors d’une
seconde injection 3 semaines plus tard à la même dose
infra toxique. La description de ce phénomène valut le
prix Nobel à Richet et Portier (1913) et fut décrit sous le
nom d’ anaphylaxie signifiant « contraire à la
protection ».
Le rôle de l’histamine est essentiel : elle est libérée
de façon massive par dégranulation des mastocytes et
des basophiles
Le plus souvent la libération de l’histamine est un
mécanisme IgE dépendant. Lors de la sensibilisation à
un allergène, les plasmocytes vont synthétiser des IgE
spécifiques qui se fixent par leur fragment Fc à la
surface des mastocytes et des basophiles sur un
récepteur de haute affinité (FcR1). Lors d’une
réintroduction, l’antigène se fixe sur le fragment Fab
des IgE dont il assure le pontage. Il en résulte une
dégranulation mastocytaire et basophile avec libération
massive et brutale d’histamine, de tryptase, de facteurs
chimiotactiques (pour les PNN ou les éosinophiles), de
leucotriènes, de PAF etc….. Certaines d’entre elles
peuvent être dosées : tryptase, histamine.
D’autres voies de dégranulation ne sont pas
médiées par les IgE mais entraînent directement la
libération des mêmes substances autacoïdes et les
mêmes symptômes définissant le choc
« anaphylactoïde ». Ainsi, l’activation du complément
entraîne la formation d’anaphylatoxines C3a et C5a
histamino-libératrices. De nombreux médicaments ont
un effet histamino-libérateur direct : l’acide
acétylsalicylique ou les AINS sont les plus
fréquemment incriminés.
Figure 1. Mécanisme du choc anaphylactique (IgE
dépendant) : CD : cellules dendritiques ; L :
lymphocytes T, B : lymphocytes B
Figure 2 : Mécanisme du choc anaphylactoïde
IgE
Y
Y
Sensibilisation
-exposition
IL-4
B
Histamine
Œdème
vasodilatation
Y
Y
Y
L
Y
Y
Y
mastocyte
Histamine
e
C3a-C5a
mastocyte
ALLERGENE
CD
Médicaments
Inhibition de
la cyclo-oxygénase
(Aspirine, AINS)
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L’histamine se fixe sur des récepteurs spécifiques
H1 et H2 avec pour conséquences une vasodilatation
intense et une augmentation de la perméabilité
vasculaire. Il en résulte un état de choc hypovolémique
(diminution du volume sanguin circulant). Dans un
premier temps, les mécanismes d’adaptation
(tachycardie, augmentation de l’inotropisme) permettent
de restaurer le débit cardiaque et donnent à cet état de
choc un caractère de choc hyperkinétique. Mais
secondairement, les mécanismes d’adaptation sont
débordés et le débit cardiaque s’effondre.
DIAGNOSTIC DU CHOC
ANAPHYLACTIQUE
Le diagnostic est por généralement sur les signes
cliniques qui surviennent quelques minutes après
l’introduction parentérale de l’allergène ou en deux à
trois heures après son ingestion.
Les prodromes sont inconstants : chaleur avec
bouffées vaso-motrices du visage du cou et de la partie
supérieure du thorax ; prurit dysesthésies palmo-
plantaires très évocatrices, plus rarement rhinorrhée,
obstruction nasale, larmoiement céphalées et sueurs.
Tous ces signes témoignent d’une vasodilatation
intense.
Les manifestations cliniques du choc anaphylactique
associent
Des signes cutanéo-muqueux pouvant précéder le
choc ou lui succéder : urticaire, exanthème localisé ou
généralisé, œdème localisé (sous-cutané ou muqueux)
réalisant dans sa forme achevée le tableau d’œdème de
Quincke : œdème blanchâtre, non prurigineux,
accompagné d’une sensation pénible de tension
cutanée, prédominant au niveau de la face , dans les
régions péri-orbitaires ou péri labiales. Il peut s’y
associer un œdème pharyngé gênant la déglutition et un
œdème laryngé responsable de manifestations
respiratoires
Des signes respiratoires fréquents en rapport avec
l’œdème des muqueuses. L’œdème laryngé se traduit
par une dysphonie, un cornage inspiratoire, une
cyanose, puis une syncope par asphyxie aiguë
Les signe cardio-circulatoires : tachycardie, pouls
petit filant, devenant imprenable, puis hypotension
franche et syncope. Certaines complications liées au
terrain (âge) peuvent compliquer le choc
anaphylactique et égarer le diagnostic : troubles du
rythme, insuffisance coronaire aiguë .
Les signes digestifs : nausées, vomissement,
douleurs abdominales, diarrhée
Les signes neurologiques : anxiété, troubles
visuels, vertiges, paresthésies annonciatrices de
manifestations plus graves, confusion et coma.
Enfin une CIVD peut compliquer le choc
anaphylactique
Examens biologiques : les circonstances de survenue
et les manifestations cliniques suffisent à établir le
diagnostic. Dans certains cas douteux, les dosages
biologiques peuvent être utiles
Le dosage d’histamine plasmatique et urinaire doit
être réalisé entre 10 minutes et une heure après les
premiers symptômes en raison de la demi-vie brève de
l’histamine
Le dosage de tryptase sérique peut être réalisé dans
les 6 heures suivant le choc. La dose seuil pathologique
est de 10 ng/ml. La sensibilité de la tryptase est moins
bonne que celle de l’histamine.
DIAGNOSTIC DE GRAVITE
Selon la sévérité des manifestations cliniques, il est
possible de classer les réactions anaphylactiques en
plusieurs stades
Stade 1
Prurit-rash-œdème localisé
Anxiété-malaise
Stade 2
Stade 1 + un ou plusieurs signes suivants
Angio-oedèmes
tachycardie
dypnée-oppression thoracique
nausées-vomissements-diarrhée-douleurs
abdominale
vertiges
Stade 3
Stade 2 + un lou plusieurs signes suivants
hypotension
stridor, wheezing
confusion
Stade 4
Stade 3 + un ou plusieurs signes suivants
Collapsus cardio-vasculaire
Détresse respiratoire
Incontinence, perte de connaissance
Formes
mortelles
Arrêt respiratoire
Arrêt cardiaque
coma
Une autre classification simplifiée ne tenant compte que
de l’intensité des réactions systémiques peut être utilisée
Léger
Manifestations cutanéo-muqueuses
Modérée
Manifestations respiratoires (oppression,
dyspnée, wheezing)
Sévères
Collapsus cardio-vasculaire
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DIAGNOSTIC DIFFERENTIEL
On éliminera sur les caractères cliniques :
les chocs d’autre nature
choc vagal : pâleur, hypotension artérielle,
syncope. La bradycardie et l’absence de signes
cutanés ou respiratoires associés redressent le
diagnostic
le choc cardiogénique sur le contexte de
cardiopathie (insuffisance coronaire,
valvulopathie…), les signes périphériques
d’insuffisance cardiaque, la dysfonction
ventriculaire gauche à l’échographie cardiaque.
hémorragique facilement évoqué lorsque le sang
est extériorisé (hématémèse, melaena,
métrorragies….). En l’absence de sang extériorisé, le
contexte clinique et le dosage de l’hémoglobine
orientent le diagnostic.
septique avec fièvre, frissons, localisations
infectieuses (pulmonaires, urinaires, abdominales) et
hémocultures positives
Les flush syndromes
Ménopause
Flush d’origine médicamenteuse (métronidazole,
vancomycine en IV directe et rapide))
Néoplasie (carcinoïdes, carcinome médullaire de la
thyroïde)
Syndrome du restaurant associant un flush, des
céphalées, des vomissements, une hypotension voire
un bronchospasme. Le rôle d’une intolérance au
glutamate (syndrome du restaurant chinois), aux
sulfites ou à la saurine des poissons contaminés est
généralement incriminé.
Les affections histamino-libératrices :
mastocytoses systémiques caractérisées par une
urticaire pigmentaire aggravée par la prise
d’opiacés ; leucémie à promyélocytes traitées par
trétinoïne ;
Le phéochromocytome qui peut s’accompagner
d’épisodes d’hypotension
L’œdème angioneurotique familial qui associe au
moment des poussées des douleurs abdominales, un
oedème cutané et muqueus, une dyspnée laryngée,
L'histoire familiale, la diminution de la fraction C2a et
l’effondrement de l’inhibiteur de la C1 estérase
permettent d’établir le diagnostic.
Les syndromes pseudo-anaphylactique de Hoigné
(dus à l’injection de procaïne) associant syncope,
hallucinations agressivité
Les attaques de panique.
LES ETIOLOGIES
Essentiel pour adapter le traitement préventif
Les chocs anaphylactiques IgE dépendant. Leur
diagnostic repose sur l‘anamnèse, les test cutanés
(pricks, IDR) et selon les cas les IgE spécifiques
Les trophallergènes (surtout chez l’enfant). En
France les allergènes alimentaires les plus fréquemment
en cause sont
Chez l’enfant : les œufs, l’arachide, le lait de vache,
la moutarde et la morue
Chez l’adulte les allergènes sont plus « dispersés » :
pomme, noisette, céleri, œufs, avocat, sésame, arachide.
Les réaction les plus sévères sont obtenues avec
l’arachide dont la sensibilisation a lieu dans la majorité
des cas avant 3 ans. Le problème principal est le
masquage des allergènes dans la préparation culinaire
nécessitant une grande vigilance et une véritable
éducation des patients
Les médicaments : antibiotiques ( lactames +++),
sulfamides, cytostatiques, immunosuppresseurs,
myorelaxants, anesthésiques (barbituriques tels le
thiopental®, non barbituriques tels le profolol®, les
curares) polypeptides, albumine, enzymes, globulines,
hormones, latex (gants), sérums.
Les venins d’hyménoptères (abeille, guêpe).
Les chocs anaphylactoïdes IgE indépendants
Inhibition de la cyclo-oxygénase (Aspirine®,
AINS)
Activation du complément :
complexes immuns : IgG-IgA chez les patients
polytransfusés, albumine, globuline agrégée,
membrane de dialyse
produits de contraste io
protamine
Histamino-libération directe : acétylcystéine,
dextran, gélatines, opiacés, polymyxine, produits de
contraste iodés, streptokinas, tubocurarine
TRAITEMENT
Traitement curatif
Les premiers soins de réanimation s’imposent
d’emblée en cas de forme mortelle ou particulièrement
sévère
Ventilation au masque ou au ballon en 02 pur
Voie veineuse périphérique si possible ou centrale
Massage cardiaque externe
Remplissage vasculaire
Durant la phase pré-hospitalière
Patient allongé, jambes surélevées
Adrénaline seringue auto-injectable (1 mg/1ml) :
Anahelp® ou Anakit : une injection sous-cutanée
Polaramine : 1 Ampoule IV
Solumédrol : 120 mg IVD
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En milieu hospitalier le traitement comporte
Une oxygénothérapie nasale à haut débit : 6 à 8
litres/min
Un remplissage vasculaire (Plasmion ou Elhoes)
500 ml en 10 minutes. Le débit sera ensuite adap
aux chiffres tensionnels
Adrénaline (ampoules 1 mg/ml) : 1 mg en IM à
renouveler 15 minutes après en cas persistance du
choc. En cas d’inefficacité, adrénaline IV à la
seringue électrique : 0,5 gamma/kg/min.
En cas de bronchospasme associé : Bricanyl® en
nébulisation (une dose de 5 mg/2 ml) pulsé avec 6
litre d’02
Mesures associées Solumédrol + Polaramine
Traitement préventif
Eviction définitive et absolue de l’agent
déclenchant : éviction du médicament, de l’allergène
alimentaire, suppression de l’exposition aux
hyménoptères si possible.
Eviter l’utilisation de bloquants en cas
d’antécédent de choc anaphylactique. Les interdire
lorsqu’une désensibilisation est envisagée.
Education du patient
Mise à disposition des médicaments ou aliments à
éviter
Délivrance d’une trousse d’urgence contenant une
seringue auto-injectable d’adrénaline.
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