N° 24
Juillet 2009
Revue trimestrielle
Sport, Santé
et Préparation Physique
Connaissances et recherches en matière d’entraînement et de protection du sportif
Les paradoxes
des ischio-jambiers
Muscles super ciels
et muscles profonds :
prise en compte en
préparation physique
L’incontournable
creativite
de l’entraîneur
Être un jeune en surpoids
et faire du sport
Edito
L
e sport, lentraînement, la performance sinscrivent dans
une dynamique complexe où se côtoient le visible et
linvisible ; le produit, spectaculaire, et le labeur, plus
discret, qui conduit au résultat. Communiquer autour des
connaissances adjacentes à lactivité physique, cest donc aussi
sintéresser à des thématiques originales et plus souterraines
dont les enjeux sont cependant capitaux.
Cest à une série doubliés que nous souhaitons ici vous
sensibiliser.
Les ischio-jambiers tout dabord, si nécessaires aux
déplacements, si fragiles et si souvent oubliés dans les
séances de renforcement musculaire et dans les protocoles
déchauffement. Les muscles profonds ensuite, impliqués dans
les postures et la régulation des placements mais trop souvent
négligés dans le cadre de lentraînement et de la prophylaxie.
La créativité par ailleurs, véritable compétence artistique
de lentraîneur amené en permanence à jongler entre la
nécessaire répétition et la recherche de variété stimulante.
Quels sont les leviers de cette compétence qui échappe aux
formations initiales ?
En n dans cette course à lexpertise, ne sommes-nous pas
enclins à nous occuper essentiellement des meilleurs ? Quelles
sont nos réactions, notre attitude, nos solutions pour celui qui
vient pour sentraîner avec nous mais qui nest pas "bon" ?
Au-delà de ces interrogations, avoir une idée de la façon dont
sont vécues les choses de lintérieur nourrira utilement,
je le pense, notre ré exion.
Bonne lecture à tous
Thierry MAQUET
Professeur agrégé d’EPS
Université Paris 12Val-de-Marne
Pilote du projet
J
'évoquais, dans mon précédent éditorial, la volonté
du Conseil général daccorder une priorité de ses
actions à laccès au sport pour tous.
Dans le cadre de cette démarche, depuis le 12 mai
dernier, se tiennent les rencontres du sport en
Val-de-Marne organisées par le département.
A cette occasion une table-ronde a ainsi été organisée,
à Alfortville, sur laccès de tous au sport.
Ce moment déchange nous a permis dévoquer avec
de très nombreux partenaires les conditions daccès de
tous à la pratique sportive. Lobjectif partagé est que
nul ne se voit interdire la pratique sportive au motif de
sa condition physique ou de sa situation sociale.
Evidemment, la problématique du handicap a été au
cœur des débats. Mais ce fut aussi le cas de laccès
des familles défavorisées pour lesquelles le coût dune
licence peut être un obstacle. Et puis des
val-de-marnais qui en raison de leur âge ou de leur
condition de santé renoncent à faire du sport.
Ces rencontres vont nous permettre daméliorer les
actions départementales pour favoriser la pratique
sportive.
Et de renforcer encore la dimension partenariale
de laction du Conseil général dont le travail avec
lUniversité Paris XII et notamment cette revue,
témoignent.
Ces rencontres ne sont quune première étape et
jinvite chacun des acteurs à sy associer.
Daniel Guérin
Conseiller général du Val-de-Marne
délégué aux Sports
Conseiller régional d’Île-de-France
2 Pour nous contacter :
Conseil général
Service des Sports
01 43 99 73 92
Édition :
Direction de la Communication
Conseil général du Val-de-Marne
Maquette :
Médiris et Spirale
Réalisation :
Pellicam productions
Impression :
Grenier
Crédit photos : CG94
Retrouvez l’ensemble des revues et des articles de Sport Santé
et Préparation Physique sur les sites :
Université : http://www.univ-paris12.fr/staps.sspp
Conseil général : http://www.cg94.fr
Sommaire
Sommaire
3
Les paradoxes
des ischio-jambiers
Des caractéristiques fonctionnelles...
Un équilibre agoniste antagoniste illusoire
Gare à l’échauement refroidissant
Des tensions musculaires diérentielles lors de la
course
Des muscles à contraction lente fatigables
Dépasser ces paradoxes par la préparation physique
p. 4-5
Muscles superciels et muscles profonds :
prise en compte en
préparation physique
Les muscles superciels
Les muscles profonds
Régulation de l’activité musculaire
ph asique et tonique
Stimulation et renforcement musculaire
des muscles profonds
Durées d’eort et de récupération
p. 6-7
L’incontournable créativité
de l’entraîneur
Lever les obstacles
La pertinence d’une idée
Imagination et intuition
Sources d’ information et environnement
p. 8-9
Être un jeune en surpoids
et faire du sport
La parole à Lucas
p. 10-11
Les paradoxes
des ischio-jambiers
Frédéric AUBERT
professeur agrégé d’EPS /
INSEP
Des caractéristiques fonctionnelles
inadaptées à la course de vitesse
- Muscles de la statique, les ischios-jambiers ont une
vitesse de contraction lente car ils contribuent à
léquilibre et au maintien de la station debout chez
lhomme (activité tonique à contractions lentes).
- Muscles longs "pennés" (bres orientées obli-
quement), leur structure en chevron se compose
de très nombreuses bres courtes dont la variation
de longueur est potentiellement faible ; de plus,
leur forte composante en tissus conjonctifs (demi-
membraneux, demi-tendineux) expliquerait leur
propension à se raccourcir ou se raidir.
- Muscles bi-articulaires (extenseur de la hanche/
échisseur du genou, ils sont soumis à des tensions
brutales voire surprenantes. Ils dépendent donc du
gainage abdominal pour réaliser correctement le
cycle de la foulée.
Notons enn que dans une course lancée, la
contribution des ischio-jambiers est nettement
prédominante sur celle des quadriceps. Dans cette
contribution, plusieurs rythmes et régimes de
contractions musculaires coexistent (excentrique,
concentrique).
Un équilibre agoniste
antagoniste illusoire
Hors pratique sportive, I. A. Kapandji avance que "la
puissance globale des échisseurs du genou est
de 15 kg/m, soit un peu plus du tiers de celle du
quadriceps(1). On comprend que pour la course, la
relation ischio-jambiers /quadriceps soit plus de la
synchronisation que de lantagonisme, car la partie
serait perdue davance.
Léquilibre fonctionnel entre ces deux groupes
musculaires nest pas du domaine de la force
maximale mais un problème de rapport de couple
échisseurs/extenseurs, en fonction de la vitesse
angulaire : exion du genou dans le retour du pied
vers lavant et extension du genou lors de la projec-
tion freinée du pied vers lavant puis le sol.
Chez les sprinters, les valeurs enregistrées dans les
rapports de couple pour des efforts isocinétiques
(à vitesse constante) sont les suivantes :
- à une vitesse angulaire lente de 60°/sec., les
ischio-jambiers natteignent que 60 % de la force du
quadriceps.
- A 180°/sec., bien que les deux groupes musculaires
perdent de leur force, les ischio-jambiers se hissent à
70 % des valeurs du quadriceps. Ainsi, chez le sprin-
teur, plus la vitesse de travail augmente moins les
ischio-jambiers perdent de force, et plus ils soutien-
nent la comparaison avec les quadriceps.
- A des vitesses angulaires de 240° à 300°/sec., cest
ladaptation des ischio-jambiers à la fréquence
gestuelle qui équilibrera le rapport de force.
Gare à l’échauement refroidissant
Quon se le dise : à lissue dun footing déchauffe-
ment, les ischio-jambiers se refroidissent. Le footing
est donc antinomique de léchauffement pour la
vitesse, puisque les ischio-jambiers ny sont pas ou
peu sollicités.
Dès lors, la pratique détirements immédiatement
après, puis celle dexercices daccélérations courtes
ne font quaccuser, à ce moment de léchauffement,
"lhypertension des ischio-jambiers qui, telle une
excitation inadéquate, provoque un rétrécissement
des vaisseaux sanguins, spasme vasculaire à lorigine
dune légère baisse de température locale". Après le
footing du début déchauffement, nous proposons
donc lusage des gammes de course à vitesse et
fréquence gestuelle lentes, tout dabord. Les gammes
de courses doivent avoir comme objectif premier
léchauffement des groupes et loges musculaires
impliquées dans le sprint. Dans un second temps,
ces mêmes exercices sont repris au titre de routines
techniques.
Des tensions musculaires
diérentielles lors de la course
Plus encore que dans le sprint, dans lactivité du joueur
de sport collectif, les trois chefs bi-articulaires des
ischio-jambiers ne sont pas soumis en même temps
Bibliographie
pour en savoir plus
1. Physiologie articulaire,
fascicule 2, membre
inférieur. I.A. Kapandji ;
éditions Maloine S.A. 1975.
2. "Relative activity of hip
and knee extensors in
sprinting" by K. Wiemann
& G. Tidow.In NSA by IAAF
10:1; 29-49, 1995.
3. "Analyse fonctionnelle du
mouvement".
A. Piron, Dossier Formation
- Athlétisme FFA -
Revue EPS 1988.
4. "Les courses de vitesse
et de haies". Equipe
technique Sprint/Haies FFA ;
Entraîneur
Fédéral, FFA /AEFA 1994.
5. "La mise en train :
son action contre les
accidents musculaires",
Liev Masterovoy ;
Liëgkaya Atletika (URSS)
n°9 - Septembre 1964.
Document INS n° 560,
traducteur M. Spivak.
6. "Hamstring injuries in
sprinting - The role of
eccentric exercise." by
P. Stanton & C. Purdam, in
The Journal of Orthopaedic
and Sports Physical
Therapy - Vol. 10 n°9 March
1989.Revue AEFA Mars
1997: L’entraînement des
ischio-jambiers du sprinter
4
Telle une erreur de casting, les ischio-jambiers (muscles de la loge postérieure de la
cuisse) ont un rôle prépondérant dans la course de vitesse, alors que leur physiologie
musculaire y semble contraire. En effet, la préparation de ce groupe musculaire pour la
course de vitesse se heurte à des caractéristiques fonctionnelles inadaptées, lesquelles
peuvent expliquer la fréquence des lésions rencontrées par nombre de sportifs dans la
pratique du sprint.
ni aux mêmes tensions lors des différentes
séquences de courses. Les insertions sous
le genou et les plans respectifs des ischio-
jambiers dans la loge postérieure de la cuisse
nous rappellent que limplication fonctionnelle
de notre musculature nest pas uniforme
au plan segmentaire. Ainsi, par exemple, au
cours dun démarrage, suivi dune course en
virage, puis dun freinage ou dune inversion
(course en arrière), on peut imaginer lactivité
"différentielle" assurée par lensemble de la
musculature, pour que le coureur réalise ces
différentes phases avec équilibre dans ses
placements (sa géométrie de course), uidité
dans ses enchaînements dappuis (maîtrise
rythmique). Ces phénomènes exigent une
adaptation fonctionnelle (voir tableau).
Des muscles à contraction
lente fatigables
Les ischio-jambiers supportent mal le travail
en état de fatigue et ils accusent rapidement
des problèmes de récupération locale,
lorsque les séances intenses se succèdent au
sein dun même microcycle (stage). Il est donc
acquis que la pratique du sprint suppose un
relatif état de fraîcheur. Dans ce domaine, les
procédures de récupérations actives (aérobie
en n de séance, étirements de retour au
calme et massage si possible) permettent
lenchaînement de séance souvent mieux
que le seul repos passif.
Par ailleurs, en plus de proscrire toute séance
ou effort anaérobie lactique précédant un
travail de vitesse (la veille ou dans la séance),
il faut porter la ré exion sur les déviations
et agressions de la région sacro-lombaire
susceptibles de provoquer des spasmes et
contractures des ischio-jambiers, en "réso-
nance" depuis des racines nerveuses (nerf
sciatique notamment) pincées ou irritées.
Cest pourquoi, concernant la réalisation des
exercices pliométriques (bondissements,
sauts de haies, etc.), il faut non seulement
sassurer de la tonicité abdominale des
sportifs, mais véri er la qualité et la justesse
des réalisations (alignements, gainage et
forme de contact avec le sol). Faute de quoi, il
est préférable dévacuer tout travail pliomé-
trique important la veille dune séance de
vitesse ou précédant ce type deffort dans la
même séance. Dans le même ordre didée,
soulignons quil est risqué de faire réaliser
aux joueurs des séries de sprint plat après
un travail de pliométrie au sein dune même
séance
passer ces paradoxes
par la préparation physique
Dans la pratique, nous constatons souvent
que les ischio-jambiers sont les muscles
oubliés des programmes de renforcement
musculaire. En réponse à leurs paradoxes
physiologiques évoqués précédemment, il
faut accéder au concept dentraînement des
ischio-jambiers pour les préparer à supporter
les contraintes de la course à pleine vitesse :
- les entraîner à la vitesse gestuelle (activité
physique à haute fréquence), leur apprendre
la fréquence cyclique.
- effectuer des étirements systématiques
après leffort, pour restituer leur longueur
initiale et les "dé-spasmer" post-exercice.
- veiller à la rétroversion du bassin (comme
point xe) pour assurer la coordination
intermusculaire qui "pilote" le circuit de pied,
comme le sprinter peut le faire au travers de
ses gammes de course.
- les faire travailler en utilisant tous les régimes
de contraction.
En conclusion, considérons que les para-
doxes physiologiques de nos ischio-jambiers
sont un héritage de notre érection à la
station debout et du statut de bipède de
lespèce humaine. Diminuer les risques de
blessures chez le sportif dans la pratique du
sprint relève dun refus de la fatalité et dune
réponse adaptative : lentraînement des
ischio-jambiers est une préparation physique
locale, et spéci ée à ce groupe musculaire, et
répond à des contraintes que ne connaissent
pas les quadrupèdes.
Vous pourrez trouver l’intégralité de cet article
dans la lettre SSPP du mois de juillet 2009 sur
notre site.
Une procédure pragmatique de préparation des ischio-jambiers peut s’articuler de la façon
suivante :
1 - Démarrer tout renforcement par du talon-fesse quadriforme comme échauff ement local préalable
au travail : pieds en canard, II- pieds rentrés, III- cheville en fl exion puis, IV- en extension, pour
concerner les diff érents chefs du groupe musculaire et à diff érents niveaux. Ce protocole est une
mise en température du groupe musculaire de façon plus complète
2 - Restituer les longueurs musculaires après chaque exercice de renforcement : étirements post-eff ort
systématiques.
3 - Si l’on utilise le "banc à ischio", le travail d’une jambe isolée après l’autre est le gage d’un équilibre
dynamométrique droite/gauche. De plus, le travail alterné jambe tendue/jambe fl échie sous la charge
replace l’eff ort dans une coordination intermusculaire propre à la course. A cet appareil au début, les
ischio-jambiers montrent toute leur faiblesse : les charges y seront très légères (10 à 15 kg).
4 - Le travail concentrique précède celui de l’excentrique (freinateur en allongement) pour assurer au
muscle une température nécessaire aux exigences du régime excentrique.
5 - Compléter le travail de force des ischio-jambiers par des séries de talon-fesse rapides (en accéléra-
tion), afi n de replacer ce groupe musculaire sous haute fréquence de contractions.
6 - Enfi n, le travail pliométrique des ischio-jambiers est obtenu dans les gammes de course réalisées
en qualité et à haut niveau d’intensité : course en jambes tendues (ciseaux ou pas d’oie), course en
rebond d’appuis (pas de sioux) pour lesquelles la puissance des rebonds passe par le gainage du
bassin et une juste coordination intra comme intermusculaire.
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