PdlA13. Refusant, la séparation rigide du sujet et de l'objet ayant prévalu jusqu'alors, il incarne le
« penseur objectif impartial »14 (Simmel, 2005). Simmel voit dans la théorie kantienne de la
connaissance15 et sa séparation du bonheur de la morale, un « moment culminant de la pensée
moderne » (Disselkamp, 2004), bien que sa vision, particulièrement du bonheur, lui semble enfermé
dans une vision solipsiste aporétique. De fait, chez Simmel, intéressé aux motifs d'actions, le
bonheur est majeur, force agissante nous tirant par devant. Il ne peut être considéré comme
purement individuel, au sens d'une « autarcie pratique », puisqu'il se fonde sur des a priori eux-
même axiologiquement situés. Par la psychologie16, il est nécessaire de déconstruire les catégories
de la subjectivité et de l'objectivité par une compréhension du processus psycho-physique, source de
toute expérience. Simmel souhaite rompre avec cette dualité stérile, ce qu'il s’efforce de faire dans
les premiers chapitres de PdlA, par la création d'une tierce catégorie, tendue pratiquement entre
l'autonomie et la nécessité, qui n'est autre que la valeur17. C'est sur cette rigide fluidité qu'est
l’objectivité qu'il assoit son néo-kantisme, comme l'essence monétaire et la valeur économique18.
Démontrant le relativisme ontologique de la réalité comme de notre rapport à elle et insérant en son
sein la valeur économique et l'argent, il nous les dépeint comme des objectivations pleines et
idéelles de la relativité des objets économiques : l'argent, mesure et expression de la valeur
économique est, comme la vérité, relatif19. Il établit ainsi les bases d'une analyse holiste reposant
dans la psychologie du sujet20. Aussi, l'intention philosophique de PdlA doit être gardée à l'esprit et
l'absence, maintes fois soulignée, de références bibliographiques claires n'est en soi que partielle :
certaines auteurs sont spécifiquement recensés, majoritairement des philosophes, en particulier Kant
et plus modestement Marx. Cela nous informe sur la volonté de Simmel d'inscription dans le
13 Sans conteste la référence la plus mobilisée de PdlA avec 16 citations selon l'index de Frisby (2004). Simmel
donnera, à l'université de Berlin en hiver 1903-1904 un cours sur Kant, qu'il souhaite accessible : « Kant, seize
leçons professées à l'université de Berlin ». Il y reprend des passages de publications antérieures et même des
articles dans leur totalité. Pour une présentation exhaustive, voir Disselkamp (2004) ou encore Simmel (2005).
14 Pour Simmel, Goethe refuserait cette séparation tout autant mais pour des motifs différents, en opposition à Kant, il
en fait le « penseur subjectif passionné ». En se sens, il semble versée vers la position goethéenne ou tout du moins
synthétiser les deux positions, ce qui l’entraînera vers un vitalisme qu'il fera sien.
15 Mobilisée tout au long de PdlA, elle est pour lui l'exploit kantien qui a porté à son point culminant "le subjectivisme
des temps modernes, la souveraineté du moi et son irréductibilité à la réalité matérielle sans renoncer en rien à la
solidité et à la signification du monde objectif". Il la résume comme suit : "les objets de la connaissance ne peuvent
consister que dans les représentations même par lesquelles nous les connaissons, et que les choses existent pour
nous que comme des combinaisons de perceptions sensibles, donc comme des processus subjectifs, conditionnés
par nos organes." (Simmel 2005), p 23)
16 Celle-ci, encore balbutiante, définit une économie élargie en terme d'épargne d'énergie psychique. C'est Avenarius,
philosophe de la biologie, par la mobilisation d'étude bio-psychique, qui a tenté le premier de démonter le caractère
psychique et culturel du principe d'économie du vivant. Sur ses traces, Freud a développé le pendant psychique, là
où Simmel a suivi la voie culturelle. Pour un exposé précis des liens entre ces auteurs autour de ces questions voir
Deneault (2005).
17 Chapitre 1, section I.
18 Chapitre 1, section II.
19 Chapitre 1, section III.
20 Souligné par l'analyse de Frédérique Vandenberghe qui parle des « fondements micro de la sociologie macro », idée
reprise par Aïm et Katz, 2009.
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