LA TRADITION REPUBLICAINE 399
direct des élites sociales et à leur méfiance vis-à-vis de l’intervention
populaire, avait assuré la solution du problème national en excluant la vio-
lence révolutionnaire.
Ce qui ne va pas sans contradictions, car l’acceptation de la soi-disant
originalité du Risorgimento – à savoir la formation d’un parti politique modéré
aux racines profondément ancrées dans la tradition nationale pré-existante
à 17896– empêche la perception de l’ampleur de ses rapports avec la culture
politique de la Révolution française7. Il s’agit, par contre, d’une liaison assez
forte, qui se déroule bien sûr, à partir de l’arrivée du jeune Bonaparte en Italie
c’est-à-dire du Triennio jacobin (1796-1799), mais qui se maintient, à
mon avis, sous un angle aux nombreuses options politiques, tout au long
de la première moitié du XIXesiècle, et qui ne s’épanouira qu’à la fin de la
révolution nationale, quand l’initiative politique du Piémont (et le fiasco
des insurrections républicaines de Milan, 1853, et de Pisacane à Sapri,
1856) écarta les démocrates du jeu politique, assurant en même temps
aux modérés la victoire et, avec le triomphe politique, leur donna aussi la
possibilité de repenser la culture de la révolution nationale et de lui attri-
buer des racines francophobes, lesquelles, à vrai dire, n’avaient (et n’ont)
jamais existé8.
Cette perspective s’impose tel un constat lorsqu’on passe à l’examen de
l’ouvrage politique le plus important paru après la défaite de la révolution
italienne, à savoir le Rinnovamento civile d’Italia, par l’abbé Vincent
Gioberti, l’homme qui à l’occasion de 1848 avait combattu avec le plus
d’acharnement Mazzini et le républicanisme, car, à son avis, les démocrates
ne faisaient que reproposer, d’une façon abstraite et velléitaire, l’exemple
transalpin. Dans son ouvrage, publié en 1851 à Paris, l’abbé italien rappe-
lait l’influence négative de la France et de ses révolutions, car « la première
secoua les réformes commencées par les princes et la dernière avait empê-
ché la rédemption opérée entre-temps par les rois et par les peuples »; c’est
pourquoi il invitait les Italiens à se défaire de la culture politique de la révo-
lution et il préconisait la nécessité d’un nouveau rapport d’amitié avec la France,
fondé sur le refus de la part des italiens de rester aussi bien misogalli (à savoir
antifrançais) que pappagalli (c’est-à-dire des perroquets politiques, qui imi-
taient d’une façon maladroite la voix révolutionnaire)9.
6. Cf. S. LASALVIA,«Il moderatismo in Italia », dans Istituzioni ed ideologie in Italia
e in Germania tra le rivoluzioni, édité par N. Corsini et R. Lill, Bologne, 1987, p. 169-310.
7. Cf. G. SORGE,Interpretazioni italiane della rivoluzione francese nel secolo decimo-
nono, Rome, 1973.
8. Je renvoie à ce propos à mon « Ideologie e movimenti politici », dans Storia d’Italia.
Le premesse dell’Unità. Dalla fine del Settecento al 1861, édité par G. Sabbatucci et V.
Vidotto, Rome-Bari, 1994, p. 229-337.
9. Cf. V. GIOBERTI,Del rinnovamento civile d’Italie, édité par F. Nicolini, Bari, 1911.
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